Sujet : musique, danse ancienne, tourdion, chanson à boire, chanson ancienne, vin clairet, fêtes.
Période : moyen-âge tardif, renaissance, XVIe siècle.
Titre : Quand je bois du vin Clairet
Auteur : Anonyme
Editeur : Pierre Attaingnant (1485(?)-1558(?)),
Interprète : Short Tailed Snails
Bonjour,
la faveur des fêtes, nous demeurons encore un peu dans les débuts du XVIe, siècle de transition qu’en fonction des chronologies on pourrait tantôt placer dans la renaissance, tantôt dans un moyen-âge finissant, quand ce n’est pas encore dans un long moyen-âge qui le déborderait largement.
Quoiqu’il en soit, nous vous parlons aujourd’hui d’un éditeur musical célèbre d’alors, du nom de Pierre Attaingnant (ou Attaignant), L’homme fut également, durant un temps, imprimeur du roi et, à partir des années 1530, on lui doit plus de cent cinquante publications (chansons et musiques) dont on dit qu’elles connurent, en leur temps, un succès considérable dans toute l’Europe. Elles se présentaient, la plupart du temps, sous forme de livrets et l’imprimeur/éditeur tira notamment avantage du fait qu’il avait mis au point un procédé qui lui facilita grandement la tâche pour l’impression des partitions.
Chanson festive et basse danse à la fois
La chanson festive que nous vous proposons aujourd’hui compte donc au nombre des publications de Pierre Attaignant. Du point de vue musical, c’est un tourdion, autrement dit une basse danse qui ne connaîtra d’ailleurs de succès véritable qu’au cours du XVIe. On la trouve détaillée ainsi dans l »ouvrage Orchésographie de Thoinot Arbeau de ce même siècle :
« L’air du tourdion & l’air d’une gaillarde sont de mesmes, & ny a difference sinon que le tourdion se dance bas & par terre d’une mesure legiere & concitee: Et la gaillarde se dance hault d’une mesure plus lente & pesante: Tandiz vous faictes bien de demander l’air d’un tourdion: Car quand les airs sont cogneuz par le danceur, & qu’il les chante en son cœur avec le joueur d’instrument, il ne peult faillir à les bien dancer »
Orchésographie, Thoinot Arbeau (1520-1595).
Si la chanson du jour a largement traversé le temps et survécu à la danse, son auteur est demeuré anonyme. D’un point de vue musical, elle fut rendu célèbre par Pierre Attaingnant qui la publia autour des années 1528/1530, mais il ne l’a pas lui-même composée. On la trouve quelquefois associée au compositeur Pierre Certon et les noms de Guillaume Heurteur et Jean (Jhan ) Gero reviennent encore pour des variantes à trois et à deux voix. Tous sont contemporains du XVIe mais on ne peut avec certitude en attribuer la paternité à aucun d’eux, ni la dater précisément.
« Quand je bois du vin clairet » par les Short Tailed Snails
On trouve de nombreuses versions de cette pièce en ligne et nous avons choisi aujourd’hui pour vous la présenter de vous proposer celle d’un groupe d’origine allemande du nom de Short Tailed Snails, fondé en 2010. Depuis leur création, les quatre joyeux artistes des « Escargots à queue courte » explorent le folk europeen d’hier à aujourd’hui, en allant jusqu’aux musiques médiévales. On trouve, dans leur répertoire, de nombreuses pièces en allemand ou en anglais, mais aussi des chansons anciennes espagnoles ou galaïco-portugaises, et encore quelques autres pièces en français, comme c’est le cas de celle du jour, plutôt convaincante et réussie. Pour en savoir plus, voici le lien vers leur chaîne Youtube officielle. Ils y partagent largement leur travail artistique.
Le vin Clairet
our le cas où vous vous posiez la question, le vin Clairet est un vin un peu plus tanique que le rosé, mais pas tout à fait autant qu’un rouge ; la peau des fruits étant laissée à fermenter pour une durée plus courte que pour le vin rouge traditionnel, il est de fait plus léger. Produit principalement en Aquitaine (dans le bordelais d’aujourd’hui), il fut longtemps apprécié des anglais qui l’exportaient largement vers leurs îles quand ils avaient encore la main sur la région. Historiquement, il semble que ce vin clairet soit également l’ancêtre commun des vins de bordeaux qui en suivaient traditionnellement le procédé de fabrication, avant que l’on n’y produise aussi des rouges plus charpentées. L’appellation d’origine contrôlée Clairet est d’ailleurs aujourd’hui exclusivement réservée à des vins produits en bordelais.
Ce vin clairet reviendra dans d’autres chansons festives ou poésies récréatives, au fil du temps. En plus d’être prisé pour son goût et son ivresse, on se souviendra encore que, durant ce même XVIe siècle, autour de l’année 1531, Clément Marot nous contait dans une épigramme, qu’à condition qu’il soit de qualité, il était aussi censé être bon contre la peste !
« Récipé, assis sus un banc,
De Méance (Mayence) le bon jambon,
Avec la pinte de vin blanc,
Ou de clairet, mais qu’il soit bon :
Boire souvent de grand randon,
Le dos au feu, le ventre à table,
Avant partir de la maison,
C’est opiate prouffitable. »
Epigrammes CCLXXI. Remede contre la peste. Extrait Oeuvres complètes de Clément Marot, P Jannet T3
Deux ans après qu’une autre épidémie de cette terrible pandémie ait frappé la France et dans l’ignorance qu’on était de ses causes et ses remèdes, ce texte n’avait sans doute pas alors, la résonance cocasse qu’on pourrait peut-être lui trouver de nos jours, avec le recul de la médecine moderne sur ces questions. Durant la période médiévale, Marot ne fut d’ailleurs pas le seul à associer les recommandations de diète ou de régime pour tenter de repousser le spectre de cette peste dévastatrice et les craintes justifiées qu’elle inspirait mais c’est sujet aussi triste que vaste que nous n’aborderons pas aujourd’hui, d’autant qu’il est temps de festoyer, en accord avec le calendrier !
« Quand je bois du vin clairet »
ou « Quand j’ay beu du vin claret »
Quand je bois du vin clairet,
Ami tout tourne, tourne, tourne, tourne,
Aussi désormais je bois Anjou ou Arbois, :
Chantons et buvons, à ce flacon faisons la guerre,
Chantons et buvons, les amis, buvons donc !
Quand je bois du vin clairet,
Ami tout tourne, tourne, tourne, tourne,
Aussi désormais je bois Anjou ou Arbois.
Buvons bien, là buvons donc
A ce flacon faisons la guerre.
Buvons bien, là buvons donc
Ami, trinquons, gaiement chantons.
En mangeant d’un gras jambon,
À ce flacon faisons la guerre !
Buvons bien, buvons mes amis,
Trinquons, buvons, vidons nos verres.
Buvons bien, buvons mes amis,
Trinquons, buvons, gaiement chantons.
En mangeant d’un gras jambon,
À ce flacon faisons la guerre !
Chantons et buvons, à ce flacon faisons la guerre,
Chantons et buvons, les amis, buvons donc !
Le bon vin nous a rendus gais, chantons,
Oublions nos peines, chantons.
En vous souhaitant une belle journée et, encore une fois, un joyeux Noël.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Bravo pour l’article, c’est instructif.
Sinon, je suis toujours étonné de la prononciation du texte : en français du XVIème, le « oi » se prononçait « oué », ce qui a son importance ici : ça ne dérange personne que le texte ne rime pas ;o)
« Bois » et « Arboi » riment avec « clairet » :
« Quand je bois du vin claiRET
Ami tout tourne, tourne, tourne, tourne,
Aussi désormais je bOUÉ
Anjou ou ArbOUÉ »
On l’entend bien ici :
https://www.youtube.com/watch?v=rxlwCTOuTSs
Bonjour,
Merci pour ce commentaire pertinent. 🙂
A croire que ce n’est pas une science exacte. En fait, on a tellement généralisé le Oué pour « faire archaïque » ou en prenant comme base le français des XVIIe/XVIIIe pour l’appliquer rétroactivement parce qu’on commence à avoir un peu des données quantitatives et fiables sur ses formes, qu’il est difficile de savoir quand il prend le pas sur le Oi. Bon à partir du XVIe on peut supposer que c’était déjà un peu le cas. La preuve. Avant le « oué » et le « oi », ce serait d’ailleurs plus un « Oui » ou un « Ui ». Je l’ai entendu pratiquer par certains chanteurs lyriques. C’est assez pointu et certainement juste, mais quand on s’attaque aux lectures, ça rend les textes souvent bien moins compréhensibles. En même temps, il faut ajouter par dessus tout ça, les accents en fonction des provinces et les légers glissements ou nuances que peuvent donner les poètes dans l’approche orale de leurs textes ou chansons.
Pour être honnête, je continue de chercher une bible fiable de la prononciation en vieux français. Existe-t-elle seulement ? Si oui, pour l’instant je ne l’ai pas trouvée. Dans l’attente toutes références m’intéressent.
Cordialement
Fred