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l’Amour à double-tranchant du trouvère Robert de Reims

Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère, Champagne, amour courtois, satire, langue d’oïl, courtoisie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur :  Robert La Chièvre de Reims (1190-1220)
Titre : Qui bien vuet Amors descrivre
Interprète : Brigitte Nesle
Album: 
« Ave Eva », chansons de femmes du XIIe & XIIIe siècles (1995)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nos pérégrinations médiévales nous entraînent à la découverte d’un nouveau trouvère du Moyen Âge central. Connu sous le nom de Robert la Chièvre ou Robert de Reims, cet auteur compositeur des XIIe et XIIIe siècles appartient à la génération des premiers trouvères du nord de la France.

Nous le retrouverons ici dans une jolie chanson satirique sur les joies mais aussi les chausse-trappes de l’Amour. L’ambivalence est donc au programme de cette pièce qui s’éloigne des standards habituels de la lyrique courtoise. Avant cela, disons tout de même un mot de l’œuvre et de la biographie de ce trouvère.

Biographie & œuvre de Robert de Reims

Peu de détails nous sont parvenus de la vie de Robert La Chièvre. Originaire de Champagne, ce trouvère aurait été actif entre la toute fin du XIIe siècle et le premier tiers du XIIIe siècle (1190-1220). Cela le situe comme contemporain d’auteurs comme Blondel de Nesle (1155-1202), Gace Brûlé (1160-1213), Conon de Béthune (1150-1220) ou encore un peu plus tardivement Colin Muset (1210-1250).

Des confusions autour de son nom

Concernant son patronyme, les copistes des manuscrits médiévaux (et les médiévistes à leur suite) ont jonglé longtemps entre Robert de Reins, Robert de Rains, Robert li Chièvre, la Chièvre, etc…

Certains auteurs ont considéré logiquement que La Chièvre était son patronyme puisqu’il s’en sert dans certains de ses envois poétiques. Entre ceux-là, Arthur Dinaux émit même l’hypothèse que le trouvère pouvait être originaire du Hainaut et de la petite seigneurie de Chièvres 1. L’hypothèse semble avoir été réfutée depuis, en l’absence de faits pour l’étayer.

D’autres auteurs des XIXe et XXe siècles ont pensé que La Chièvre pouvait être un pseudonyme (cf Jeanroy : Robert de Reims « dit » la Chèvre 2). Au milieu du XIXe siècle, la monumentale Histoire littéraire de la France en 43 volumes semble toutefois avoir tranché le débat, en classant l’auteur sous le nom de Robert la Chièvre de Reims3.

"Qui bien vuet amors descrive", chanson de Robert La Chièvre de Reims, annotée musicalement dans le Manuscrit enluminé ms 5198 de la Bibliothèque de l'Arsenal.
Chanson annotée de Robert la Chièvre de Reims dans le ms 5198 de la Bibliothèque de l’Arsenal.

Peu d’éléments factuels

Sur les détails de la vie ou les origines de Robert de Reims, nous en savons donc peu et sa poésie ne nous est guère d’un grand secours. Il semble avoir été jongleur et trouvère, vraisemblablement plus proche du petit clerc que d’un seigneur ayant fief et cour.

Le contenu de ses vers ne fait pas non plus référence à des noms ou des faits auquel se raccrocher. Ses textes gravitent principalement autour du sentiment amoureux ou ses désillusions, avec quelques pièces satiriques. Aucun noble ou lieu ne s’y trouvent cités qui puissent nous aider à percer la vie du trouvère.

En parcourant son leg poétique, on pourrait lui prêter une maîtresse qui le quitta et lui causa quelques désillusions. Toutefois, là encore le propos reste purement spéculatif et on ne peut guère l’extrapoler hors de son cadre littéraire.

L’œuvre de Robert la Chièvre de Reims

Elle est composée de neuf pièces monodiques dont quatre se doublent de versions polyphoniques pour aboutir à treize pièces en tout. Certaines sont attachées à la lyrique courtoise dans ses formes habituelles. D’autres sont plus satiriques ou caustiques. On trouve également une pastourelle, une sotte chanson sur l’amour (la première du genre), une chanson sur Robin et Marion et une autre sur le thème médiéval de la belle Aélis.

Outre le fait que certaines de ses pièces ont pu inspirer des trouvères plus tardifs, une des originalités du répertoire de Robert la Chièvre de Reims est la présence dans les manuscrits de variantes polyphoniques pour des pièces monodiques. Pour Samuel Rosenberg, l’un des derniers biographes du trouvère (voir notes, ouvrage de 2020), cette présence de motets et cette mixité de répertoire pourrait être révélatrice de la manière dont les premiers trouvères ont pu contribuer activement au développement de la polyphonie 4 et même à influencer le corpus liturgique.

Aux Sources manuscrites de son œuvre

"Qui bien vuet amors descrive", chanson de Robert La Chièvre de Reims, annotée musicalement dans le Chansonnier Cangé, ou Français 846 de la Bibliothèque National de France
Robert de Reims dans le Chansonnier Cangé (ms français 846) de la BnF, à Consulter sur Gallica.

Les chansons de Robert de Reims sont présentes dans un nombre important de manuscrits médiévaux : treize en tout5. L’œuvre s’y trouve disséminée la plupart du temps avec quelques chansons ça et là. Des manuscrits comme le chansonnier Clairambault (Nouvelle Acquisition française 1050) ou le Manuscrit du Roy (ms Français 844) comptent au nombre des manuscrits qui en réunissent le plus grand nombre.

Pour la pièce du jour et sa partition d’époque, nous avons choisi quant à nous deux autres manuscrits. D’abord, le Chansonnier Cangé ou ms Français 846. Ce célèbre manuscrit médiéval daté de la fin du XIIIe siècle contient pas moins de 351 pièces de trouvères. On peut y retrouver de nombreuses pièces courtoises et des auteurs reconnus comme Thibaut de Champagne, Gace Brûlé, Conan de Bethune, Blondel de Nesle ou encore le châtelain de Coucy et Adam de la Halle.

Plus haut dans ce même article, vous retrouverez également la version annotée musicalement de cette même chanson dans le ms 5198 de la Bibliothèque de l’Arsenal. Ce riche manuscrit médiéval du XIIIe siècle présente, lui aussi, sur 420 pages de très nombreuses pièces de trouvères annotées musicalement.

En ce qui concerne la graphie moderne de cette chanson, nous l’avons reprise de l’ouvrage de A. Jeanroy et A. Langfors : Chansons Satiriques et Bachiques du XIIIe siècle. Quant à son interprétation en musique, nous vous invitons à la découvrir au travers de la belle interprétation de Brigitte Lesne.

Brigitte Lesne à la découverte des chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles

En terme de postérité, Robert de Reims est loin d’atteindre la notoriété d’un Gace Brûlé, d’un Colin Musset ou même d’un Thibaut de Champagne. De fait, on le trouve assez peu joué sur la scène médiévale moderne. En 1995, Brigitte Lesne décidait d’y faire une exception. Elle faisait, en effet, paraître un album solo à la découverte des chansons de femmes du Moyen Âge central où l’on retrouve notre trouvère.

A propos de Brigitte Lesne

On ne présente plus cette grande artiste et vocaliste passionnée de musiques anciennes. Après son conservatoire, elle intègre les bancs de la Schola Cantorum Basiliensis où sont passés les plus grands noms de la scène médiévale.

Plus tard, on la retrouve dans l’Ensemble Gilles Binchois. Elle cofonde également l’ensemble Alla Francesca aux côtés de Pierre Hamon, et fonde aussi l’ensemble Discantus qu’elle dirige. Impliquée dans la création du Centre de musique médiévale de Paris, elle enseigne également à la Sorbonne dans le champ des musiques anciennes et médiévales et de leur interprétation.

L’album Ave Eva : chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles

Au long de 20 pièces, pour 61 minutes d’écoute, cet album solo de Brigitte Lesne explore le répertoire des trouvères de la France médiévale ainsi que des chansons en provenance de la péninsule ibérique et du répertoire galaïco-portugais.

Du côté français, Gautier de Coincy, Adam de la Halle, Robert de Reims et la Trobairitz Beatritz de Dia (comtesse de Die) y font leur apparition. Au sud du continent, Martin Codax et ses cantigas de Amigo y trouvent une belle place au côté de la cantiga de Santa Maria 109 d’Alphonse X. La sélection comprend encore de nombreuses pièces de trouvères demeurés anonymes.

Musiciens ayant participé à cet album

Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion)

Où se procurer cet album ?

Cet album est encore disponible en version CD (à voir avec votre disquaire). A défaut, on peut également le trouver en ligne sous ce format : Ave Eva: Chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles, l’album de Brigitte Lesne. Notez que les plateformes légales de streaming le proposent également sous forme digitale et dématérialisée.


Une chanson sur la duplicité de L’Amour

Les trouvères comme les troubadours ont pu quelquefois se distancer de l’exercice courtois pour rédiger des pièces plus critiques ou satiriques sur le sentiment amoureux.

Dans la chanson médiévale du jour, Robert de Reims se prête lui-même à cet exercice. En prenant ses distances du portrait idyllique de la lyrique courtoise, il rédige là une pièce plus satirique sur l’ambivalence de l’amour et du sentiment amoureux.

On ne peut saisir le grain sans la paille. Balançant entre éloge et défiance, entre le feu et la glace, il nous dépeint avec vivacité le portrait d’un Amour tout en contradiction : grande aventure qui libère ou qui lie, qui fait vivre et fait mourir.


Qui bien vuet Amors descrivre,
en vieux français originel

NB : ayant pour l’instant résisté à la tentation de l’adaptation en français actuel, nous vous fournissons quelques clés de vocabulaire pour vous aider à décrypter un peu mieux le vieux français de Robert de Reims.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.


NOTES

  1. Les Trouvères brabançons hainuyers, liégeois et namurois, Arthur Dinaux, chez Techener Libraire (1903) ↩︎
  2. Chansons Satiriques et Bachiques du XIIIe siècle, A. Jeanroy et A. Langfors, Ed Honoré Champion (1921) ↩︎
  3. Histoire littéraire de la France, Tome 23 (1856) ↩︎
  4. « Robert’s production thus allows us to discover the role of a recognized trouvère in the interplay of composition and recomposition of works through their various monophonic and polyphonic recastings. Critically, it reveals not only that some trouvères took part in the development of polyphony, but also that their involvement occurred very early in the development of the motet, even influencing the enrichment of liturgical corpora. The case of Robert de Reims jostles and tempers the standard history of the chanson and motet. » Samuel N. Rosenberg,
    Robert de Reims : Songs and Motets. Eglal Doss-Quinby, Gaël Saint-Cricq, Samuel N. Rosenberg (ed.), Penn State University Press (2020) ↩︎
  5. Les chansons de Robert La Chièvre de Reims trouvère du XIIIe siècle mises en langage moderne avec leur musique et une notice sur ce poète, Madeleine Lachèvre ↩︎
  6. Et se li biens li demeure de tant a il avantage que li biens d’une seule eure les maus d’un an assoage : Et s’il doit en attendre les bienfaits, par une seule heure de félicité
    il a tant d’avantage que les maux d’une année entière s’en trouvent soulagés
    ↩︎






Un Chant Polyphonique de Landini pour Défendre l’Art Musical

Enluminure de Landini dans le Codex  Squarcialupi

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chant polyphonique, Ars nova, madrigal, chanson médiévale, chanson morale, poésie morale
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Musica son che mi dolgo
Interprètes : Ensemble Sollazzo
Album : Parle qui veut, chansons moralisatrices du Moyen Âge (2016).

Bonjour à tous,

n route pour le trecento italien avec un nouveau chant polyphonique du compositeur Francesco Landini. Entre Moyen Âge tardif et Renaissance italienne, ce très prolifique maître de musique et organiste florentin se pose comme un des plus grands représentants de l’Ars Nova de la péninsule.

La pièce de Landini qui nous intéresse aujourd’hui est un madrigal. Ce chant propose trois textes entrelacés pour trois voix. Comme on le verra, le passé et la nostalgie y sont à l’honneur. Nous sommes aussi dans le champ de la poésie morale. L’auteur y fera, en effet, référence à un temps révolu de l’art musical qu’il déplore, mais aussi à tout un monde de valeurs perdues.

Un madrigal nostalgique sur un art en perdition

Pour qui aime l’Ars Nova, Landini atteint le sommet de son art dans ce madrigal à trois voix. Sur le plan thématique, on s’éloigne quelque peu de sa lyrique courtoise habituelle et des émotions et déboires amoureux qu’il s’est si souvent plu à nous conter. Ici, le compositeur italien se fait plus moral et piquant, en adressant un art de la musique qui, selon lui, a perdu de sa grandeur et de ses vertus entre des mains inexpertes. L’affaire est faite pour le florentin. Les médiocres sont désormais dans la place et prétendent recevoir leur content de louanges sans même avoir acquis les prémisses de la maestria.

La composition musicale n’est pas la seule visée par ce madrigal de Francesco Landini. Selon lui, les vertus, autant que les cœurs nobles, se sont abâtardis. La musique n’en est finalement qu’une manifestation. Entre les lignes acerbes du compositeur florentin, on retrouve, bien que servie différemment, la thématique si souvent abordée au Moyen Âge d’un monde et ses vertus en perdition.

Les temps idéaux de la chevalerie et de la noblesse véritable ne cessent de s’éloigner et d’échapper à la poésie morale médiévale. Même si Landini ne va pas jusque là explicitement, ces « cœurs nobles abâtardis qui ont laissé derrière eux toutes les vertus » semblent résonner un peu de cette idée.

la chanson médiévale polyphonique du jour et l'enluminure représentant Landini dans le Codex Squarcialupi

Aux sources de ce madrigal : le Codex Squarcialupi

Du point de vue des sources, on retrouvera l’habituel Codex Squarcialupi (MS Mediceo Palatino 87 – Codex Squarcialupi). L’œuvre de Landini est particulièrement bien mise en valeur et enluminée dans ce célèbre ouvrage des XIVe/XVe siècles. Avec ses 354 pièces annotées musicalement, dont 150 ne sont présentes dans aucun autre manuscrit connu à ce jour, le Codex Squarcialupi représente un véritable trésor de la musique renaissante du Trecento et du nord de l’Italie.

Le madrigal de Landini ouvre la première page dédiée à l’auteur dans ce manuscrit médiéval. Pour sa version en musique, nous avons choisi l’interprétation de l’Ensemble Sollazzo ou du Sollazzo Ensemble (si on préfère son nom anglais).

Le Sollazzo Ensemble & les musiques anciennes

Fondé en 2014 par Anna Danilevskaia, voilà un autre ensemble de musique médiévale et renaissante ayant émergé dans le sillage de la Schola Cantorum Basiliensis. On ne compte plus les formations ou les collaborations musicales de très haute tenue auxquelles cette prestigieuse école de musiques anciennes de Bâle a donné naissance, depuis sa fondation. C’est là que les membres de ce qui allait devenir l’Ensemble Sollazzo se sont rencontrés. Venant tous de formations musicales diverses, leur passion pour les musiques du Moyen Âge tardif à la Renaissance les ont réunis pour le plus grand bonheur des amateurs du genre.

L'Ensemble Sollazzo en scène, 10 ans de passion pour les musiques anciennes et médiévales

Depuis son émergence, cette formation de musiques médiévales et anciennes n’a cessé de confirmer son grand talent, en accumulant les prix les plus prestigieux. Après une décennie de brillante carrière, l’Ensemble Sollazzo affiche une discographie riche de 7 albums. Inutile de préciser que chaque nouvelle sortie est toujours très attendue.

Côté concerts, la formation se partage entre divers pays d’Europe dont la France, la Suisse et la Belgique. Pour retrouver leur actualité et leurs programmes, tout se passe sur sollazzoensemble.net, leur site officiel (disponible, pour l’instant, en Anglais).

Parle qui veut, Moralizing songs of the Middle-Ages

Avec 13 morceaux pour 46 minutes d’écoute, l’album « Parle qui veut, chansons moralisatrices du Moyen Âge » réunit des pièces teintées de morale, en provenance de l’Italie et de la France des XIIIe et XIVe siècles. Ars nova et polyphonie y sont à l’honneur.

L'album du Sollazzo Ensemble : parle qui veut, chansons moralisatrices du Moyen  Âge

Cette production distingue aussi d’emblée l’approche de l’Ensemble Sollazzo et la direction d’Anna Danilevskaia. L’assemblage thématique est, en effet, original et on y découvre nombre de pièces rares et peu jouées jusque là. Le tout est exécuté avec grâce et talent et les connaisseurs de musique médiévale ne s’y sont pas trompés. Cet album précoce du l’Ensemble Sollazzo lui valut, en effet, un premier prix dans le cadre de la Compétition pour jeunes artistes du Festival pour les Musiques anciennes de York (le York Early Music Festival).

Vous pourrez écouter cet album sur les plateformes de musiques légales ou l’acquérir au format CD chez votre meilleur disquaire. Voici également un lien utile pour vous le procurer en ligne.

Artistes ayant participé à cet album

Anna Danilevskaia (Vièle et direction), Sophia Danilevskaia (Vièle), Perrine Devillers (soprano), Vincent Kibildis (harpe), Yukie Sato (soprano), Vivien Simon (tenor).


Le Madrigal de Landini
et sa traduction en français actuel

Musica son che mi dolgo, piangendo.
veder gli effetti mie dolci e perfetti
lasciar per frottol i vaghi intelletti.
Perché’ ignoranza e vizio ogn’uom costuma.
lasciasi ‘l buon e pigliasi la schiuma.

Gia furon le dolcezze mie pregiate
da cavalier, baroni e gran signori:
or sono imbastarditi e genti cori.
Ma di’ Musica sol non mi lamento.
ch’ancor l’altre virtù lasciate sento.

Ciascun vuoli narrar musical note.
e compor madrial, cacce, ballate.
tenendo ognor le sue autenticate.
Chi vuol d’una virtù venire in loda
conviengli prima giugner a la proda.

Traduction française

Je suis Musique qui souffre et pleure
De voir mes plus doux et parfaits effets
Abandonnés par frivolité et vagues arguties
(paresse intellectuelle)
Car l’ignorance et le vice deviennent coutumiers,
On laisse le meilleur et on ne prend que l’écume.
(la mousse, le superficiel)

Naguère mes douces créations
(bonbons, douceurs) furent appréciées
Des chevaliers, barons et grands seigneurs.
Désormais, les nobles cœurs sont corrompus.
Mais je ne me lamente pas seulement de la Musique
Car
(je ressens que) ils ont aussi laissé derrière eux toutes les autres vertus.

A présent, chacun veut écrire des notes de musique
Composer des madrigaux, des caccie
(chasses ou fugues) ou des ballate
En tenant pour authentique ses propres créations,
Mais celui qui veut, par sa vertu
(son talent), recevoir une louange,
Il convient d’abord qu’il atteigne le but visé.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Au Moyen Âge, un ABC de l’amour courtois par Adam de la Halle

Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère d’Arras,  chant monodique, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur :  Adam de la Halle (1235-1285)
Titre : Qui à droit veut amours servir
Interprète : Ensemble Sequentia
Album
Trouvères, Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) (1987)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous revenons au XIIIe siècle en musique, en compagnie du trouvère Adam de la Halle. En plus de ses célèbres jeux théâtraux, ses rondeaux, balades et motets et ses jeux-partis, on doit à celui qu’on appelait encore le Bossu d’Arras, un peu plus d’une trentaine de chansons. C’est l’une d’elle qui fait l’objet de cet article.

Un mode d’emploi de l’amour courtois
à l’usage des loyaux amants

La pièce du jour est une chanson monodique sur le thème de l’amour courtois. Plus qu’une déclaration à une dame, le trouvère s’adressera directement, ici, aux loyaux amants et son texte se présente même comme un court mode d’emploi à l’attention de ceux qui prétendent aimer courtoisement.

Chanson de Adam de la Halle et sa partition dans le Manuscrit médiéval "Chansonnier français W"
La chanson courtoise d’Adam de la Halle dans le Ms 25566 de la BnF

Qui à droit veut amours servir, autrement dit, celui qui veut servir l’Amour droétement (avec justesse, avec raison) devra ne pas céder à ses propres tourments ni se focaliser sur les maux que lui causent sa condition de fin’amant : se concentrer sur les mérites et les fruits qu’il retirera de sa pratique courtoise (raison, sagesse,…), ne point montrer trop d’empressement, ne pas dévoiler ses sentiments trop ouvertement de crainte de se faire repousser, voilà les conseils que le trouvère prodiguera au prétendant. En reprenant les codes des troubadours occitans qui l’ont précédé sur les voies de la lyrique courtoise, Adam de la Halle les transpose dans cette chanson, pour proposer, en langue d’oïl, un court ABC de la fin’ amor à l’attention de ses contemporains.

Aux sources manuscrites de cette chanson

La chanson et partition d'Adam de la Halle dans le Manuscrit médiéval MS 1109 de la BnF
La chanson dans le MS 1109 de la BnF

Pour ce qui est des sources médiévales de cette pièce, les manuscrits anciens nous laissent relativement le choix. En suivant la Bibliographie des Chansonniers français de Gaston Raynaud (1884), on pourra au moins citer trois ouvrages médiévaux dans lesquels on trouve cette chanson notée musicalement. Ils sont tous conservés à la BnF et consultables en ligne sur Gallica : le Ms Français 1109 daté des débuts du XIVe, encore connu sous le nom de Chansonnier français Q. Le Chansonnier français R, référencé Ms Français 1591. Cet ouvrage du XIVe contient des chansons notées et jeux partis variés. Enfin, on citera le très riche Ms Français 25566 dont nous avons déjà parlé ici. Connu encore sous le nom de Chansonnier français W, ce manuscrit copié à Arras date, lui aussi du XIVe siècle et comprend un nombre impressionnant de pièces musicales et littéraires de trouvères et d’auteurs du Moyen Âge central.

Concernant la transcription en graphie moderne de cette chanson médiévale, nous nous sommes appuyé sur la véritable bible que constitue l’ouvrage de l’ethnomusicologue Edmond de Coussemaker : Œuvres complètes du trouvère Adam de la Halle: poésies et musique (1872). Quant à son interprétation, nous l’avons confié à l’excellent ensemble médiéval Sequentia sous la direction de Benjamin Bagby (en photo sur l’image entête d’article, en premier plan du ms Français 1109).

Sequentia au temps des trouvères

L’ensemble Sequentia s’est formé en 1975 à l’initiative de la chanteuse et musicologue Barbara Thornton et du chanteur, compositeur et harpiste Benjamin Bagby. Les deux américains se trouvaient alors à la Schola Cantorum Basiliensis, célèbre école suisse qui a fait de l’étude des musiques et des instruments anciens son terrain d’élection et dont sont sortis nombre de musiciens et formations médiévales illustres.

Près de cinquante ans après sa formation, Sequentia est toujours actif. Vous pourrez retrouver leur actualité sur leur site web officiel. Après la disparition prématurée de Barbara Thornton en 1998, il est resté sous la direction de Benjamin Bagby. Riche d’une discographie de plus de 40 albums, cet ensemble de musiques anciennes est devenu une véritable référence sur la scène des musiques du Moyen Âge (retrouvez son portrait détaillé ici).

L’amour courtois des XIIe et XIIIe s en pays d’Oïl

Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de vous toucher un mot de l’album Trouvères, chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil (Trouvères : Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich). A dire vrai, cette production est assez incontournable pour qui s’intéresse à la musique médiévale et, notamment, aux musiques profanes et courtoises produites au XIIIe siècle, dans le nord de France. En terme de répertoire, la période couverte, ici, va de la fin du XIIe siècle à la toute fin du XIIIe siècle (1175-1300).

Le double album de Sequentia sur les Trouvères du nord de France

Enregistré en 1982 et réédité depuis, ce double-album propose pas moins de 43 pièces de trouvères du Moyen-Âge central et, ce, si l’on se fit au nombre de morceaux répertoriés. En réalité, il en propose bien plus si l’on prend en compte les variations et enchaînements proposés au sein de certains morceaux.

Pour leurs qualités autant que pour la sélection proposée par Sequentia, ces chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil n’ont pas pris une ride ; à ce jour, ce bel album salué par la presse spécialisée depuis sa sortie, continue même de faire autorité sur la scène médiévale. Si vous êtes amateur de musiques et de chansons monodiques et polyphoniques courtoises, cette production devrait trouver parfaitement sa place dans votre cédéthèque (si elle ne s’y trouve pas déjà).

Une anthologie musicale sur deux albums

Pour dire un mot des auteurs que vous retrouverez dans cette production, Adam de la Halle y tient une belle place avec 14 pièces (rondeaux, motets et chansons). Il s’y trouve très largement accompagné par Jehannot de Lescurel avec 16 pièces de ce dernier, entre balades et rondeaux. On croisera encore des noms de trouvères qui vous seront familiers si vous nous suivez depuis quelque temps : Conon de Béthune, Gace Brulé, Blondel de Nesle ou encore Petrus de Cruce. Le reste des morceaux musicaux se distribue agréablement entre pièces anonymes (motets, chansons de toile, etc…) et encore pièces instrumentales et danses médiévales.

Ce double-album de Sequentia a été réédité chez Sony en 2009. Cela commence un peu à dater mais, avec un peu de chance, vous pourrez le trouver au format CD chez votre meilleur disquaire ou même à la vente en ligne. (Attention aux occasions qui, quelquefois, font l’objet de spéculations folles sur certaines places de marché). L’autre option est de l’acquérir au format dématérialisé. Voici un lien utile pour ce faire : Trouvères de Sequentia au format MP3.

Musiciens & artistes ayant participé à cet album

Barbara Thornton (voix, chifonie), Benjamin Bagby (voix, harpe, organetto), Margriet Tindemans (violon, psaltérion), Jill Feldman (voix), Guillemette Laurens (voix), Candace Smith (voix), Josep Benet (voix), Wendy Gillespie (violon, luth).

Partition moderne de la chanson "Qui a droit veut amour servir" d'Adam de la Halle.

Qui à droit veut amours servir
en vieux français & sa traduction

NB : notre traduction en français moderne de cette chanson d’Adam de la Halle n’a pas la prétention d’être parfaite mais elle a le mérite d’aider à la compréhension de l’oïl souvent assez ardu du trouvère picard.

Qui à droit veut amours servir
Et chanter de joieus talent
Penser ne doit as maus qui sent,
Mais au bien qui en puet venir.
Che fait cueillir
Sens et bonté et hardement,
Et le mauvais bon devenir ;
Car chascun bée au déservir,
Puis qu’il y tent.

Celui qui veut servir justement en amour
Et chanter avec un esprit joyeux (envie, volonté)
Ne doit penser aux maux qu’il ressent
Mais au bien qui peut en venir.
Cela fait récolter
Sagesse et bonté et hardiesse
Et change le mal en bien :
Car chacun aspire à bien servir (au mérite)
Puisqu’il y tend.

Qui s’esmaie pour mal souffrir
Ne qui prend garde à son tourment ,
Il ne puet amer longuement.
Mais com plus pense par loisir
A son désir ,
Et plus li semble anientir
Lui et amours et dessevir
Tout son jouvent.

Celui qui s’émeut de souffrir
Ni ne se défie de son tourment
Il ne peut aimer longuement.
Mais comme il pense plus à loisir
A son désir
Et plus il lui semble anéantir
Lui et Amour et payer en retour
Toute sa gaité.

Par rire et par biaus dis oïr
Et par joli contènement, .
Vient amours au commenchement,
Et ensi se veut poursievir
Et esbaudir,
Et espérer merchi briement,
Encor n’i puist on avenir,
Ensi veut amours maintenir
Se douche gent.

Par rire et entendre de belles paroles
Et par une conduite agréable
Vient l’amour au commencement
Et ainsi se veut poursuivre
Et encourager
Et espérer (attendre) que la grâce arrive brièvement
Bien qu’on ne puisse encore y parvenir
Car ainsi veut amour maintenir
Ses douces gens.

Trop font chil amant à haïr
Qui requièrent hardiement ,
Ch’est de désir folement
Quil ne se puéent astenir ;
Et s’au partir
Sont escondit vilainement.
Or ont il deus tans à souffrir,
Car chou c’on ne vaurroit oïr
Quiert’on souvent.

Certains amants se font trop haïr
Qui exigent avec trop de hardiesse,
C’est par faute de trop désirer (désirer follement)
Qu’ils ne peuvent s’abstenir
Et au moment de la séparation,
Ils sont éconduits de manière méprisable.
Mais s’ils ont du tant souffrir
C’est que ce qu’on ne voudrait entendre
Recherche-t-on souvent
.

Pour chou fait bon mains envaïr,
Car puis c’amans a hardement
De proier Dame qui s’entent
Moustre il qu’il le doive fuir;
Car descouvrir
N’oseroit son cuer nulement
Fins amis, ains laist convenir
Pité qui nient ne laist périr
Qui tout li rent.

Pour cela il est préférable de se montrer moins envahissant
Car l’amant trop empressé (hardi)
D’obtenir les faveurs d’une dame qui s’y entend (dans les choses de l’amour)
Lui montre qu’elle doit le fuir.
Aussi n’osera-t-il
Découvrir son cœur en aucune façon.
Fins amants ainsi faut-il laisser faire les choses
Pitié qui, jamais, ne laisse rien perdre
Lui rendra tout.

Robert Nasart, d’un chant furnir
Mis envers vous un plège gent.
Par amours, Sire, quitiés l’ent ,
Car je vous veul ce chant offrir
Pour remplir
Che que vous avoie en couvent .
Pour riens n’en vausisse mentir
Qui seur tel plège acroit tenir
Doit bien couvent.


Robert Nasart, je vous ai fait la douce promesse
de vous fournir une chanson.
De grâce, sire, tenez m’en quitte
Car je vous viens offrir ce chant
Pour accomplir
Ce que je vous avais promis.
Pour cela rien ne vaut de mentir
Celui qui donne sa parole sur un tel engagement
Doit bien l’accomplir.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Che Cosa è questa, Amor…, amour courtois, amour divin chez Landini

Sujet :  musique médiévale, ballata, chants polyphoniques, Ars nova, chanson médiévale, amour courtois
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Che Cosa è questa, Amor,
Interprètes : l’ensemble Mala Punica
Album : D’Amor Ragionando sous-titré Ballades du neo-Stilnovo en Italie: 1380-1415 (1994).

Bonjour à tous,

ous revenons, aujourd’hui, sur l’œuvre du maître de musique Francesco Landini. Dans l’Italie du Moyen Âge tardif et du trecento, cet organiste et compositeur florentin nous a laissé un riche legs musical polyphonique : 154 pièces à deux et trois voix entre madrigaux et « ballate » italienne. Cette dernière forme poétique et profane est typique du trecento italien et de l’Ars nova.

Amour courtois, amour mystique

La pièce du jour se situe dans la veine du reste de son œuvre. Il s’agit d’une ballata à 3 voix. Le maître organiste aveugle y mêle à la fois les codes de la courtoisie et du sentiment amoureux pour les faire s’animer d’une dimension transcendante et mystique.

Sous l’angle courtois, Landini s’adresse à l’Amour lui-même. Nous parle-t-il des vertus et de la beauté de l’amour en lui même ou, indirectement, de celles de sa bienaimée ? Elles seraient si grandes qu’il y aurait fusion entre cet amour terrestre et la mystique divine. Les deux viennent alors se répondre en miroir de sorte que le sentiment amoureux s’en trouve tout empreint de sacré. Au passage, la femme devient aussi un « intermédiaire », un rappel de l’amour divin.

C’est assez curieux parce que même si les médiévistes semblent s’accorder sur cette interprétation courtoise certains ont même émis l’hypothèse que « cosa » en fait de « chose » pouvait même être un prénom ou son diminutif, celui d’un dame chère au compositeur suivant comme on approche ce texte, Landini pourrait presque sembler être en train de parler de la vierge et de Sainte Marie plutôt que d’un amour terrestre. De fait, il pourrait être intéressant d’étudier à quel point cette chanson médiévale pourrait avoir sa place dans un corpus traitant des points de convergence entre courtoisie et culte marial.

Pour les sources de cette composition, nous vous renvoyons encore au très beau Codex Squarcialupi, le MS Mediceo Palatino 87 conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. Ci-dessus, vous trouverez la page du manuscrit correspondant à la chanson du jour avec sa partition d’époque.

L’ensemble médiéval Mala Punica

Formé en 1987 par le flûtiste et directeur d’orchestre argentin Pedro Leonardo Memelsdorff, l’ensemble Mala Punica s’est spécialisé, à l’image de son fondateur, dans la musique ancienne et les chants polyphoniques médiévaux, le tout éclairé par de sérieuses recherches sur les sources historiques (ethnomusicologie).

Pour dire un mot de son directeur, Pedro Leonardo Memelsdorff est arrivé en Europe à la fin des années 70 et s’y est installé. Elève de la célèbre école suisse Schola Cantorum Basiliensis à l’image de nombreux grands de la scène médiévale, son parcours s’est encore enrichi d’un cursus au conservatoire d’Amsterdam et d’un Doctorat en Musicologie, également obtenu en Hollande. En plus de son propre ensemble, il a beaucoup collaboré avec Jordi Saval et Hespèrion XX. Enfin, sa grande carrière s’est aussi étendue du côté de l’enseignement et il a également publié de nombreuses contributions dans le domaine de la musicologie. Non content d’avoir été élève à la Schola Cantorum il en a été également le directeur, durant de nombreuses années.

Le Mala Punica est encore très actif sur la scène internationale et on pourra retrouver son actualité, ses concerts et ses programmes sur le site officiel de l’ensemble médiéval.

D’Amor Ragionando : L’album

C’est en 1994 que sort l’album D’Amor Ragionando sous-titré Ballades du neo-Stilnovo en Italie : 1380-1415. Sur un durée de 66 minutes, il présente neuf pièces en provenance du trecento y quattrocento italien dont quatre de Landini. Les autres compositions sont signées de Matteo de Perugia, Magister Zacharias, Ciconia et Anthonello de Caserta. Dès sa sortie, ce très bel album sera salué par la scène médiévale. On le trouve encore disponible à la vente chez certains distributeurs. Voici un lien utile pour plus d’informations : D’Amor ragionando: Ballate neostilnoviste in Italia 1380-1415

Membres ayant participé à cet album.

Pedro Memelsdorff (flûte), Kees Boeke (vielle, flûte), Svetlana Fomina (vielle), Christophe Deslignes (organetto), Karl-Ernst Schröder (luth), Jill Feldman (voix), Giuseppe Maletto (voix), Alberto Macchini (cloches, percussions)


« Che cosa è questa, Amor… »
une ballata à trois voix de Landini

Che Cosa è questa, Amor, che’l ciel produce
per far più manifesta la tuo luce?
Ell’è tanto vezzosa, onest’e vaga,

legiadr’e graziosa, adorn’e bella,

Ch’a chi la guarda subito’l cor piaga

chon gli ochi bei che lucon più che stella.
Et a cui lice star fixo a vederla tutta gioia e virtù in sé conduce
.

Che Cosa è questa, Amor, che’l ciel produce
per far più manifesta la tuo luce?
Ancor l’alme beate, che in ciel sono,

guardan questa perfecta e gentil cosa, dicendo :
(quando) fia che’n questo trono segga costei ;
dov’ogni ben si posa?

E qual nel sommo Idio ficcar gli occhi osa
vede come Esso ogni virtù in lei induce.
Che cosa è questa, Amor, che’l ciel produce

per far più manifesta la tuo luce?

Quelle est donc cette chose, Amour, que le ciel…
traduction française

Quel est donc cette chose, Amour, que le ciel produit
pour rendre ta lumière plus manifeste ?
C’est une chose si charmante, honnête et ravissante
élégante et gracieuse et bien parée,
Que celui qui la regarde en a soudainement le cœur chaviré (blessé)
par ses beaux yeux qui brillent plus qu’une étoile.
Et celui à qui il est donné de la contempler intensément
Se voit rempli de toute joie et de vertus.


Quel est donc cette chose, Amour que le ciel produit
pour rendre ta lumière plus manifeste ?
Mêmes les âmes béates qui sont aux cieux
regardent cette parfaite et noble chose en disant :
– Quand celle en qui toute bonté repose
pourra-t-elle s’asseoir sur ce trône ?


Et qui ose fixer les yeux sur le Dieu suprême
Voit comment celui-ci place toute vertu en elle.
Quel est donc cette chose, Amour, que le ciel produit
pour rendre ta lumière plus manifeste ?

En vous souhaitant très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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