« Seule la main qui efface peut écrire la vérité. »
Maître Eckhart (1260-1328), Théologien, philosophe et grand mystique chrétien et dominicain du Moyen Âge ( XIIIe siècle – Moyen Âge central).
Citation médiévale, mystique chrétienne
L’histoire du sage qui montre la lune
l n’y a rien qui vienne à Maître Eckhart qui ne viennent de ses profonds recueillements et de ses méditations silencieuses. Tant de lignes ont été écrites sur lui pour percer ses intentions, son positionnement, et finalement le sens de son verbe comme de ses silences ; tant de rhétorique et de concepts, tant d’échafaudages théoriques sur le vide omniprésent qui sous-tend ses mots. Comprendre, « Cumprendere », « prendre avec » : peut-être au fond n’a-t-il jamais voulu lui-même que ceux à qui il destinait ses prêches ne fassent l’effort mental et conceptuel de retraduire, d’interpréter ou de reformuler ses paroles. Peut-être a-t-il seulement voulu qu’elles soient embrassées ou, mieux, redécouvertes directement par la pratique ? C’est un peu l’histoire du sage zen qui montre la lune avec son doigt pour apprendre au disciple à mieux las regarder. C’est encore le coup d’épée de l’empereur dans l’eau sur le reflet de la lune, provoqué par Dogen. A peine agitée à sa surface par le tranchant de la lame, l’eau redevient calme à nouveau. La lune est là brillante et inchangée. Et Dogen, grand maître zen japonais du Moyen Âge central et du XIIIe siècle, de demander à l’empereur : « Avez-vous pu trancher la lune ? »
Invitation à la contemplation
Le mystique du Moyen Âge, comme tout autre mystique à travers les âges et les frontières émane le plus souvent d’être en état permanent de contemplation profonde. C’est un être en recherche. Un être qui se dédie totalement à sa pratique et qui cherche à cultiver son lien religieux à chaque instant, dans chacun de ses actes et dans le silence. Le mystique est insatiable dans sa quête de transcendance. Ses paroles, ses sermons ou ses enseignements, suivant le nom que l’on veut leur donner, naissent bien plus souvent de ces silences, que de ces réflexions intellectuelles et conceptuelles.
Cela semble un clé pour approcher au long de son œuvre, de ses actes et de ses sermons, certaines affirmations de Maître Eckhart. En réalité, il ne cherchait pas forcément à s’inscrire dans un corpus dogmatique, mais il ne faisait que tenter de transmettre une expérience du lien direct et transcendantal qu’il a cultivé et nourri de sa pratique. C’est souvent un des grands malentendus laissés par les mystiques ou ceux qui les interprètent. Le doigt et la lune.
Retourner l’attention vers l’intérieur
Maître Eckhart dit : « c’est aussi là dedans au centre de ton être, tu en es fait, mais la réponse est dans le vide et le silence, pas dans le plein de ton esprit et ses concepts ». Effacer. Rechercher le néant sans intention autre que l’embrasser. Se défaire de tout intéressement. A sept siècles de son œuvre, la mystique de maître Eckhart semble raisonner comme une forme d’éloge du vide qui n’est pas sans évoquer les racines de la pratique zen et de son non-agir.
A travers ses sermons, il y a finalement et bien souvent une invitation à retourner son regard vers l’intérieur, vers le cœur plutôt que la raison et le raisonnement discursif. Apprendre à écouter. Mais le propos boucle ici sur sa propre vacuité. S’il existe des ponts entre les maîtres zen, maître Eckhart et le doigt qui montre la lune, il ne sert pas à grand chose de gloser sur ses lignes, sauf à s’y perdre. Si ces mots viennent du silence de ses méditations, c’est peut-être bien dans ce même lieu que se trouvent toutes les réponses.
Longue vie !
Fred
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. »
Publilius Syrus Ier s. av. J.-C