Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvères d’Arras, motet, chant polyphonique, ars nova, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Adam de la Halle (1235-1285)
Titre : De ma Dame vient
Interprète : Early Music Consort Of London
Album : Music of the Gothic Era (1975)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous embarquons pour le Moyen Âge central et la fin du XIIIe siècle pour y découvrir une composition du trouvère Adam de la Halle. Il s’agit d’un motet courtois qui met en scène deux amants différents, un homme et une femme.
A la découverte d’un motet courtois à 3 voix
Le premier protagoniste est un amoureux éconduit. Victime des médisants, il a, semble-t-il, perdu les faveurs de sa belle, mais il ne renonce pas pour autant à son amour pour elle. Quant à la jeune femme éprise, elle est dans l’attente de son amant, un peu à la façon d’une chanson de toile ou d’une cantiga de amigo. Pour tromper son attente, elle décide de renvoyer à ce dernier un objet qu’elle tenait de lui, espérant que le la sorte, il reviendra plus vite vers elle. Comme on le verra, elle aura du mal à se séparer de l’objet auquel elle s’est attachée en ce qu’il lui rappelle son doux ami et lui permet de combler son absence.
Sources manuscrites médiévales
Du point de vue des sources, on citera ici le manuscrit médiéval Français 25566. Ce chansonnier contient un nombre varié de pièces et chansons de poètes et trouvères d’Arras. Adam de la Halle y côtoie Jean Bodel, Jehan Petit d’Arras, Richard de Fournival, Huon de Méri et d’autres auteurs de la même période. Cet ouvrage de la fin du XIIIe siècle est conservé au département des manuscrits de la BnF et il peut être, également, consulté en ligne sur Gallica.
On trouve une version de cette chanson d’Adam de la halle dans le manuscrit ancien H196, dit codex ou chansonnier de Montpellier, actuellement conservé à la Bibliothèque Inter-Universitaire de Montpellier.
Le trouvère Adam de la Halle par
le Early Music Consort Of London
Nous avons déjà eu l’occasion de partager sur le site, plusieurs pièces de musiques médiévales et anciennes interprétées par le Early Music Consort Of London. Fondé en 1967 par le talentueux et précoce David Munrow, la formation musicale produisit de nombreux albums jusqu’à son arrêt brutal, en 1976, suite au décès prématuré de son jeune directeur (vous pourrez retrouver un portrait de l’ensemble médiéval ici).
L’album Music of the Gothic Era
En 1975, le Early Music Consort of London revisitait de manière très large, la musique polyphonique des Moyen Âge central à tardif avec un double album généreux de près de 140 minutes de durée pour 59 pièces. Ces dernières vont de l’ars antiqua à l’ars nova, et l’ensemble londonien y gratifiait encore l’auditeur de six pièces de l’Ecole Notre dame, composées par les maîtres de musique Léonin et Perrotin.
Ce bel album a connu un deuxième souffle en 1997 avec une réédition complète au format CD. Aux dernières nouvelles, on peut toujours le trouver chez tout bon disquaire ou à la vente en ligne. Voici un lien utile pour plus d’informations.
Artistes ayant participé à cet album
- Contre-ténors : James Bowman, Charles Brett, David James
- Ténor : Rogers Covey-Crump, Paul Elliott, Martyn Hill, John Nixon, John Potter
- Instrumentistes : Geoffrey Shaw (basse), Oliver Brookes (violon), Eleanor Sloan (rebec, violon), Nigel North (rebec), James Tyler (luth, mandole), Gillian Reid (cloches, psaltérion), Christopher Hogwood (harpe, orgue), David Corkhill (cloches, orgue, timbal ), Michael Laird (cornet), Iaan Wilson (cornet), Alan Lumsden (cornet à piston, trompette à coulisse), David Munrow (flûtes à bec, chalemie, cornemuse)
De ma Dame vient en langue d’oïl
avec traduction en français actuel
Le vieux français d’Adam de la Halle n’est pas toujours simple à décrypter. Pour cette fois, nous l’avons donc abondement noté. Cela complique un peu la lecture de l’original mais le code couleur (oïl en vert et en gras) devrait venir à la rescousse pour vous la faciliter. Veuillez noter qu’il s’agit d’une version de travail qui nécessitera quelques ajustements ultérieurs. Une adaptation suivra.
De ma Dame vient
Li dous maus que je trai (de traire, ici endurer souffrir)
Dont je morrai
S’esperanche (espérance) ne me retient.
Et la grans joie que j’ai.
Car j’aperchoi bien et sai
Con m’a grevé (faire du tord) et mellé (de mesler, troubler, rendu confus)
Si (si bien) qu’elle m’a tout ensi qu’entrouvllié (oublié)
Qui en soloie (avait l’habitude) estre au deseure (au dessus).
Diex, quant venra l’eure
Qu’aie a li parlé,
Et de chou (ce) qu’on m’a mis seure (dont on m’a accusé)
Mi escusé !
Très douche amie,
Ayés de moi pité ,
Pour Dieu merchi I
Onques n’ama qui
Pour si pau haïne déservi. (jamais nul n’aima qui pour si peu mérita la haine)
Ne l’ai mie (je ne l’ai nullement mérité),
Ains est par envie
Con en a mesdist,
Et en leur despit (mépris)
Maintenant irai,
Et pour euls crever (les faire périr, enrager), ferai
Meilleur sanlant (figure) que je ne deveroie.
Fui te, gaite, fais me voie ! (arrière, garde, laisse-moi passer)
Par chi passe gent de joie ;
Tart m’est que g’i soie ; (il est bien tant que j’y sois, il me tarde d’y être)
Encore m’i avez vous musi (quoique vous m’ayez faire perdre du temps(1)).
Si serai-je miex de li (car je serais mieux avec elle)
C’onques ne fui, se seulete (car jamais je ne fus si seul)
Ancui (encore aujourd’hui) en un destour (détour)
Truis m’amiete, (je trouvais ma petite amie)
La douchete, (la douce)
La sadete, (la gracieuse)
Blondete, (belle pleine de grâce, de bonne mine)
Saverousete (délicate) ,
Que Diez doint bonjour.(que Dieu vous salue)
2.
Diex coment porroie
Trover voie
D’aler a celi (celui)
Cui amiete je sui, (dont je suis l’amie)
Chainturele (petite ceinture), va i
En lieu de mi (à ma place),
Car tu fus sieve (sienne) aussi.
Si m’en conquerra miex. (Ainsi il me conquerra mieux)
Mais comment serai sans ti ? (comment me passerais-je de toi petite ceinture)
Dieus, chainturele mar vous vi (le malheur est en vous)
Au deschaindre m’ochiés (en te débouclant, je m’occis moi-même)
De mes griétes (peines, difficultés) à vous me confortoie,
Quant je vous sentoie
Aimi ! (hélas, aie-mi, interjection de douleur)
A le saveur de mon ami.
Ne pour quant d’autres en ai (mais j’ai d’autres ceintures)
A cleus (fermoirs) d’argent et de soie
Pour m’en user;
Moi, lasse! comment porroie
Sans cheli durer (endurer sans celui)
Qui me tient en joie ?
Canchonete (chanson) chelui proie (de proier, prie)
Qui le m’envoia (la ceinture)
Puisque jou (je) ne puis aler là
Qu’il enviengne à moi
Chi droit, à jour failli (au jour tombé),
Pour faire tous ses bons (pour accomplir tous ses désirs)
Et il m’orra (de oïr, m’entendra) quant il ert poins (il sera proche)
Canter à » haute vois :
Par chi (ici) va la mignotise (douceur, coquetterie, gentillesse aimable),
Par chi ou je vois (par ici où je vais).
3. Omnes
(1) Dans une autre version, on trouve, « encore que vous ne m’ayez pas nui«
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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