Archives de catégorie : Evènements et fêtes médiévales
Cette rubrique d’actualité contient une sélection d’événements culturels, festivals, fêtes ou marchés autour du Moyen-âge. Pour chaque événement concernée, vous trouverez un aperçu des programmes, les liens vers les sites des organisateurs, ainsi que la liste des compagnies médiévales et passionnés de reconstitution historique attendus.
Sujet : fête médiévale, rassemblement médiéval, animations, compagnies médiévales, campements, tournois, marché de l’histoire, reconstituteurs, histoire vivante. Evénement : Rassemblement médiéval du Prince d’Orange 2023 Lieu : Parc des Expos, Orange, Vaucluse, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dates : les samedi 25& dimanche 26 mars
Bonjour à tous,
our les férus de Moyen Âge et d’Histoire qui seront dans le sud ce week-end, la cité d’Orange verra le retour de son désormais traditionnel Rassemblement du Prince d’Orange. Après plusieurs années de création, cette grande réunion impulsée par l’association locale Le Royaume en partenariat avec la Ville d’Orange s’est imposé comme un événement historique et médiéval avec lequel il faut compter en Provence et en région PACA.
Animations, campements et tournois
A l’habitude, l’édition 2023 de ce rassemblement devrait briller par ses campements et le nombre de compagnies médiévales invitées. Leurs installations seront l’occasion pour les visiteurs de découvrir la vie médiévale mais aussi d’assister à des démonstrations de métiers d’antan et de combats en armure.
Pendant les deux jours du rassemblement, des lices seront également organisées dans le cadre des Tournois du Ceinturon d’Argent. Elles permettront de voir s’affronter à pied des combattants médiévaux du XIIIe siècle, mais aussi des XIVe et XVe siècles.
Compagnies médiévales & historiques invitées
En plus de nombreuses troupes historiques du Moyen Âge central à tardif, mais aussi d’équipes de Béhourd attendues , le rassemblement d’Orange présentera, cette année encore, des périodes variées. On pourra donc y croiser des associations représentant l’antiquité gallo-romaine ou grec, des clans viking ou même encore des compagnies de pirates. Voici la liste des mesnies attendues :
Cie Addoli Tiedig – L’Arché Bourguignon – Athenea Promakhos – Les Bâtards d’Occitanie – Cie Black Ravens – Le Calice des Temps Jadis – Cavalben – Les Chevaliers des Terres d’Occitanie – Le Clan d’Helvie – Le Clan Mannaheim – La Communauté des Petits Pédestres – La Compagnie de Trencavel – Compagnie Equid’cimes – La Compagnie Franche du Forez – Cie Merces – La Coterie du Renard – Les Frères de la Côte – Gallina Solaris – La Guilde du Pays de Brou – La Hanse du Loup – Leg II Augusta – Leg II Gallique – Les Loups du Pays d’Aix – La Mesnie de la Croix Blanche – La Plume et l’Epée – Les Saigneurs de Guerre – Au Siècle d’Entemps – Somnium Historiae – Aux Trois Clefs – Les Vassaux de Provence – Les Veilleurs des Ombres – Cie Vigamard –
Marché de l’histoire, plus de 100 exposants
Cette édition sera agrémentée, une fois de plus, d’un marché de l’Histoire, organisé par l’Association pour l’Histoire Vivante. Depuis sa création, cette structure qu’on ne présente plus s’est particulièrement illustrée avec l’organisation du Marché historique de Compiègne. Depuis, elle a essaimé sur d’autres marchés de l’histoire sur le territoire. En terme de positionnement, ces marchés débordent de loin le Moyen Âge, même si ce dernier s’y trouve toujours largement représenté. Ainsi, en plus de produits d’inspiration médiévale, vous pourrez croiser à Orange, des exposants représentants de périodes allant de la préhistoire aux dernières guerres mondiales.
Au fil des années, en plus de ses marchés historiques, l’Association pour l’Histoire vivante a également complété son offre par des festivals de spectacles. Baptisés « Fous d’histoire« , ces salons permettent aux particuliers comme aux professionnels de l’événementiel, de découvrir l’actualité de la scène historique, avec ses compagnies, ses offres et ses animations.
Certaines fois, le Rassemblement du Prince d’Orange se double justement d’un Festival du Spectacle Historique, sous l’égide de l’APHV. Ce ne sera pas le cas pour cette édition 2023, mais gageons qu’avec plus de 30 compagnies médiévales invitées, de beaux camps et de vibrants tournois, auxquels viendront s’ajouter plus de 100 artisans sur le Marché de l’histoire, les passionnés de reconstitution et de temps médiévaux auront largement de quoi se divertir, tout au long de ce week-end, à Orange ! Tout cela étant dit, vous pouvez retrouvez le programme détaillé de ce Rassemblement historique sur le site officiel de l’organisateur.
Voir également nos articles sur les éditions précédentes de cet événement :
Sujet : salon médiéval-fantastique, inspiration médiévale, animations, marché médiéval, compagnies médiévales, reconstituteurs, Moyen Âge fantastique Evénement : Normannia 2023 Lieu : Parc expo Rouen, Seine-maritime, Normandie, Dates : les 11 et 12 février 2023
Bonjour à tous,
ous lui réservions un article par an, depuis sa création, avant que les mesures anti-Covid ne viennent compliquer un petit peu tout, y compris l’organisation des fêtes médiévales. Fort heureusement, après une longue absence de deux ans, le voilà enfin de retour et les habitants du pays de Rouen et de Normandie jubilent déjà à son annonce. Cette fin de semaine et durant tout le week-end, le Salon Normannia de Roue reviendra, en effet, animé de son grand marché et ses facéties médiéval-fantastiques, le parc d’Exposition de Rouen.
Au programme de Normannia 2023
Il s’agira là de la 5eme édition de ce Salon Médiéval Fantastique, somme tout assez jeune, mais qui a su réunir plus de 10000 visiteurs dès ses premières apparitions, pour une édition précédente (en 2020) culminant à 14000.
Organisé par la Fédération Française médiévale, le concept de Normannia est mixte et l’événement mêle, à la fois, des troupes et maisnies de reconstituteurs à des spectacles et animations plus orientés sur le médiéval fantastique et les mondes imaginaires, jusqu’à même l’esthétique steampunk.
On ne change pas une formule qui séduit ; ce cru Normannia 2023 ne dérogera, donc, pas à la règle et s’il n’affiche pas de thème particulier, cette année, c’est peut-être même pour laisser plus de champ libre à l’imagination de ses participants.
Cette année, du point de vue des animations, on pourra compter sur des déambulations joyeuses et en musique mais encore de l’humour, du théâtre et des scénettes variées. Incontournables de tout bon salon médiéval réussi, béhourd, combat médiéval et mêlées en armure seront aussi de la fête. Cette année, un tournoi spécial permettra même de voir s’affronter les plus grands guerriers de l’Histoire.
Pour les amateurs d’espaces ludiques, défis, énigmes, jeux anciens et jeux de plateau seront légion sur place. Ils seront complétés par la présence d’un terrain permanent de Trollball, sport aussi truculent que plaisant dans lequel le ballon a été troqué contre une tête de Troll (en même temps sûrement qu’il l’avait bien cherché). Pour clore sur ce bref aperçu des animations, et dans un registre tout aussi ludique, les visiteurs pourront encore participer à un grand concours de costumes (règlement à retrouver sur le site officiel).
Compagnies médiévales et artistes présents
La Maisnie Hellequin – Compagnie Combin’Arts. – Acus Vacuum – Atome Théâtre – Compagn Faunée – Compagnie Grall – Diex Aïe – Merwenn – Gweltaz le File – Ad tempus – les Compagnons des Terres Parallèles – Le Ragnarök des loups – Les fous de Jeu – Scalpel et Matula – Team Clash – (liste non exhaustive)
Un marché médiéval fantastique de 250 exposants
A l’habitude, Normannia complétera son offre de divertissement par son grand marché. Il sera riche, cette année, de près de 250 exposants. Autant dire qu’il y aura de quoi y faire quelques emplettes entre histoire vivante et mondes imaginaires. Comme pour toutes les dernières éditions, un stand dépôt-vente y sera également dédié aux accessoires et costumes touchant à la reconstitution historique ou aux jeu de rôle Grandeur Nature.
Sujet : musique, rock médiéval, inspiration médiévale, occitan, musique rock, Occitanie, occitan, modernité, jacquerie, ingénierie sociale, sociologie critique, artiste engagé Période : Moyen Âge, XIVe siècle, époque actuelle. Entretien : Jean-Michel Wizenne, Originem Date : 28 janvier 2023
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons une entretien décapant et politiquement incorrect en compagnie de Jean-Michel Wizenne, fondateur et compositeur de Originem. A l’occasion de la sortie du premier album du collectif Rock Médiéval, on prendra le temps d’aborder son parcours, mais aussi la musique, la philosophie et les références médiévales nichées derrière le rock brut de cette formation. Manipulations, ingénieries sociales et fabrique du consentement, on y croisera, au passage, des préoccupations politiques bien actuelles et une bonne dose de sociologie critique.
En vous souhaitant une bonne lecture.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
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Mpassion : Salut Jean-Michel, on est très honoré de te recevoir aujourd’hui, pour parler un peu plus en détail de ton parcours et du Collectif Rock Médiéval Originem que tu as fondé, il y a quelque temps déjà. On avait eu l’occasion de faire un premier article pour présenter un peu ce nouveau groupe très rock et c’est son actualité qui nous rattrape, cette fois, avec un premier album déjà sorti sous forme digitale.
Donc déjà pour commencer, parlons un peu de ton parcours. Tu as un trajectoire double, à la fois en musique et en sciences humaines. Tout ça semble t’avoir donné un goût prononcé pour la sociologie critique autant que pour un rock bien ancré, plus proche de celui des Ramones que celui d’Elvis Presley, il faut bien le dire. Alors, entre conférences en sociologie et histoire, sur des thèmes qui vont jusqu’aux peuples Amérindiens et notamment les Lakotas, dont tu es devenu un spécialiste, jusqu’à des publications et articles bien sentis sur des médias politiques ou sociaux variés, peut-être que tu peux nous dire quelques mots de plus, de ta formation musicale et intellectuelle. Et aussi, comment on arrive à concilier tout ça et trouver le temps de composer encore des textes & des musiques qui décapent ?
Itinéraire & Parcours personnel
J-M Wizenne : En effet, c’est vrai que dit comme ça et sans établir la chronologie des évènements et leurs corrélations, ça peut paraître confus. Disons que ce que j’ai vraiment choisi dès le départ, c’est à dire dès l’adolescence, c’est la musique. J’ai commencé par la guitare et le Hard Rock, pour rapidement y ajouter l’étude de l’écriture au conservatoire de Marseille. C’est aussi à cette époque que je me suis passionné pour la musique classique, classique contemporaine, et bien sûr la musique Médiévale.
En 1989, peu après mon 21ème anniversaire, ayant décidé de suivre pour un moment le chemin du Rock, je suis parti à Los Angeles pour un séjour de trois mois, et j’y suis resté 5 ans… Je ne vais pas t’énumérer ce que j’ai fait pendant ces 5 ans car c’est de l’ordre d’une saga, mais par contre, il y a un évènement que je dois relater pour faire la transition avec le reste. En 1992, donc toujours à Los Angeles, c’est par le biais d’une demoiselle que j’avais fréquenté quelques jours, où plutôt quelques soirs, que je me suis retrouvé à assister à la projection d’un film qui a alors changé ma vision du monde en ce qui concerne notre société. Cette projection n’était autre que la première de « La Fabrication du Consentement» (Manufacturing Consent) du célèbre Noam Chomsky. Il faut dire qu’à l ‘époque, n’ayant absolument pas de conscience politique, et ne m’intéressant à rien d’autre qu’à la musique, j’ai vécu ça comme un véritable bouleversement. Et c’est d’ailleurs comme ça que je me suis lancé dans l’étude de tout ce qui concerne l’histoire de la propagande moderne, les médias, et l’ingérence des corporations dans la gestion de l’opinion publique, jusqu’à entretenir une correspondance épistolaire avec Noam Chomsky pour être guidé dans mes recherches etc.
En ce qui concerne l’histoire avec les Amérindiens que tu as mentionné, pour ne pas m’embarquer dans un récit livresque puisque j’en ai déjà écrit un sur le sujet, je vais te résumer ça en quelques dates. C’est en 1997 que je commence à m’intéresser à leur monde et à leur histoire. En 2000 à Paris, lors de la composition de la musique d’un documentaire sur les rodéos Indiens, je rencontre une personne qui deviendra un ami, qui lui, a des amis chez les Lakota Sioux , parle leur langue et a écrit un dictionnaire Franco/Sioux, ou plutôt pour être correct, Franco/Lakota. Ça me met sur la piste des Indiens Sioux, et en 2002, j’entre en contact avec des prisonniers Sioux désireux d’entretenir une correspondance avec des gens de l’extérieur. Et c’est en 2004, que l’un des prisonniers avec qui une amitié s’est développée, m’invite à passer une journée de cérémonie en prison, dans le Dakota du Sud. Pour bien ressentir le périple, je décide de faire le trajet en moto, au départ de Montréal. Je ne m’étale pas sur les diverses aventures vécues lors des 10 000 km aller/retour parcourus lors de ce road trip, mais si ça t’intéresse ou tes lecteurs je te passerai la référence de mon livre (VoirChroniques de voyages en terre Lakota, Jean-Michel Wizenne, 2019).
Quoiqu’il en soit, j’arrive à la date prévue au pénitencier maximum sécurité de Sioux Falls dans le Dakota. La journée de cérémonies traditionnelles que je passe au milieu de 300 détenus Lakota, changera ma vie, et c’est peu dire. Durant mon séjour sur place, je suis aussi accueilli par la famille du détenu qui m’a invité, famille qui habite à 300 km de la prison, sur la réserve de Rosebud. Là aussi, être invité à des cérémonies dont je ne connaissais que la description littéraire dans des ouvrages spécialisés, ne m’a pas laissé indemne, loin de là… Et c’est donc depuis cette époque, ayant ensuite multiplié les voyages et séjours sur place, que j’ai maintenant une seconde famille chez les Lakota Sioux, la famille Thin Elk, et que je donne des conférences sur divers sujets ayant trait à l’histoire Amérindiennes aux USA etc. Voilà, j’en arrive donc à aujourd’hui, avec diverses expériences musicales, et aussi le début des conférences sur l’histoire de la propagande moderne et de sujets associés, et bien sûr à Originem, groupe de Rock Médiéval…
Formation & origine du collectif rock Originem
Mpassion : Merci pour cette réponse qui permettra à nos lecteurs de mieux comprendre ton parcours et certains de tes engagements. A présent, pour centrer un peu sur Originen qui compte dans ses rangs 5 musiciens, comment s’est fait la formation du groupe ? De ton côté, tu te colles à la composition de la musique et des textes, comme à la guitare solo. Mais il y a aussi le bassiste du groupe Trust ce qui me semble une façon de renouer avec une grande tradition de rock social contestataire. Est-ce qu’il y a une parenté spirituelle ? C’est un hasard ou pas du tout ?
« Pour parler de l’aspect contestataire, je dirais que tout ce que j’ai fait jusque là, l’a toujours été. Je conçois qu’il existe l’Art pour l’Art, mais en ce qui me concerne, je préfère l’Art qui est associé à une revendication. »
J-M Wizenne :Pour Originem, j’ai eu le déclic pendant le premier confinement. Il faut savoir que je ne conçois pas la composition sans qu’il y ait un monde, un univers, une histoire qui y soit associé. Or, cela faisait déjà 2 ans que je n’étais pas entièrement satisfait de ce que j’enregistrais car pour moi il ne pouvait pas y avoir de profondeur sans histoire. C’est alors que j’ai eu le déclic, en associant à mon projet musical, le contexte du Moyen Age, et particulièrement de la période 12ème 13ème 14ème qui me passionne. En ce qui concerne les membres actuels du groupe, il est évident que nous partageons le même constat en ce qui concerne la société, même si nous ne l’exprimons pas tous avec la même radicalité. Quant à la présence de David Jacob, bassiste de Trust, c’est tout d’abord parce que j’ai déjà joué dans d’autres projets avec lui, et que nous nous apprécions beaucoup. Pour parler de l’aspect contestataire, je dirais que tout ce que j’ai fait jusque là, l’a toujours été. Je conçois qu’il existe l’Art pour l’Art, mais en ce qui me concerne, je préfère l’Art qui est associé à une revendication.
De l’Antisocial de Bernie à Originem ?
Mpassion : Ceux qui ont déjà écouté Originem ont sûrement senti que cet engagement qui te mène vient de loin. Pour prolonger, cette question, j’en avais émis l’hypothèse dans un premier article sur Originem, mais je profite de ta présence pour te le demander. Est-ce qu’on est loin de l’antisocial de Trust et de Bernie ? Qu’est-ce qui a changé entre ce début de 21e siècle et le conformisme/individualisme des années 80 que le sieur Bonvoisin voulait voir s’effriter, voire même exploser ?
« …à partir du moment où on en a parlé chez Hanouna, on peut ensuite passer au sujet suivant. »
J-M Wizenne : Ce qui a changé depuis les années 80, c’est que le néolibéralisme à gagné. L’aspect contestataire d’un artiste fait maintenant partie de la vitrine libérale du système. En quelque sorte, une contestation subventionnée, voire, un folklore contestataire qui serait bien illustré par le Rap par exemple. Aujourd’hui, le morceau « Antisocial » a perdu toute sa substance revendicative, mais a gagné en « festif ». Le morceau passe lors de toutes les fêtes, en revêtant l’aspect d’une sorte d’hymne pour les adolescents révolutionnaires, donc attardés, que nous étions, selon les critères actuels bien sûr… L’antidote du néolibéralisme quant à la contestation, est de tout transformer en divertissements, en spectacles, pour donner naissance à une pseudo contestation qui fait elle même partie de la vitrine, pour cautionner l’aspect démocratique de cette dernière. Pour schématiser mon propos, je dirai que, à partir du moment où : « On en a parlé chez Hanouna », on peut ensuite passer au sujet suivant.
« Alors, tu vas commencer à faire taire dans ta propre tête certains mots, certaines formules, certaines pensées, jusqu’à ce que ces dernières ne te viennent même plus à l’esprit.Et c’est là que tu entres de ton plein gré dans un mode de fonctionnement que l’on nomme « Normopathie » ».
Un nouvel élément à prendre en compte, et pas des moindres, c’est l’arrivée de l’internet dans les années 2000. Comme le disait le poète et activiste Amérindien John Trudell à ce sujet : « l’internet a démocratisé la parole sans inculquer la responsabilité de penser ». Bref, d’un côté tu as tout le monde et n’importe qui, qui affirme avoir raison sur tout et n’importe quoi. Et quand tu additionnes ça au virus intellectuel du Wokisme et de la Cancel Culture — qui, eux, peuvent te tuer socialement en quelques clics si tu oses prononcer des mots interdits dont le lexique ne cesse de grandir — et bien tu arrives rapidement à un système d’auto-régulation au sein même du troupeau, système qui lui-même, t’entraîne inexorablement vers ce que la sociologue Elisabeth Noelle Neumann appelle « La spirale du silence ». Alors, tu vas commencer à faire taire dans ta propre tête certains mots, certaines formules, certaines pensées, jusqu’à ce que ces dernières ne te viennent même plus à l’esprit. Et c’est là que tu entres de ton plein gré dans un mode de fonctionnement que l’on nomme « Normopathie ». Ainsi, la masse des individus cesse d’avoir un quelconque relief, mis à part quand il s‘agit de « spectacle », pour devenir complètement lisse en attendant les prochaines injonctions.
« …Une bataille presque décisive a été gagnée par le néolibéralisme dans ce que Noam Chomsky appelle l’éternel combat pour le contrôle de l’esprit humain.«
Bref, pour conclure sur cette question, je dirai qu’une bataille presque décisive a été gagnée par le néolibéralisme dans ce que Noam Chomsky appelle « L’éternel combat pour le contrôle de l’esprit humain ». Force est de constater que loin de l’aspect un peu « fun » de l’aliénation collective des années 80, une grande partie de la population est aujourd’hui en proie à de véritables biais cognitifs et à un désastre intellectuel. Et la contestation dans tout ça ? Eh bien, mis à part durant les simagrées organisées lors des émissions de divertissements, demande-toi combien d’artistes ou de musiciens soi-disant contestataires ont fait entendre une voix divergente de la pensée dominante lors du conflit des gilets jaunes ? De la période Covid ? De la guerre en Ukraine ?… Le triste constat est de se dire qu’entre matraques et autorégulation, il était beaucoup moins dangereux de se révolter dans les années 80, qu’au sein de la « bienveillante » vitrine néolibérale de ces dernières années.
Rock engagé & références médiévales en miroir
Mpassion : Le sociologue critique qui sommeille en moi te suit largement sur ce dernier constat comme sur tes analyses au sujet de la récupération des contestations par la société du spectacle d’ailleurs. Cette dimension politique et idéologique va continuer de nous accompagner tout au long de cette entretien mais pour faire un peu de place à Originem : ceux qui ne connaissent pas encore le groupe y trouveront un vrai parti-pris dans les références et une bonne dose de médiéval. Originem se pose, en effet, en résonance avec le Moyen Âge central et mêle le 14e siècle, son climat explosif, ses campagnes ruinées par la guerre de cent ans et les épidémies, ses jacqueries. C’est l’évocation d’un époque mais aussi d’un climat particulier.
D’ailleurs, au passage, je conseille à nos lecteurs d’aller découvrir la chaîne youtube du groupe et de ne pas oublier de visionner les capsules vidéos dont tu te fends pour expliquer certains morceaux et la démarche générale d’Originem. Il y a là une vraie volonté d’embarquer l’audience dans la profondeur et c’est assez rare pour être souligné. Mais pour revenir à ces références au Moyen Âge du XIVe siècle, tu peux nous en dire un mot ? Qu’est-ce qui pourrait en faire selon toi des temps si actuels ?
« Au 14ème siècle, les autorités Chrétiennes avaient pressenti un futur problème pour la société en ce qui concerne la pratique de l’usure et donc, le pouvoir de l’argent, force est de constater qu’aujourd’hui, les maîtres et dirigeants du monde, sont les entreprises de spéculations financières. »
J-M Wizenne :En ce qui concerne les ressemblances entre le 14ème siècle et notre monde actuel, je me base sur les aspects suivants : Le 12ème et le 13ème ont été des siècles où, de par certaines innovations et certains changements de mentalités, a débuté une période que les médiévistes comme Jacques Legoff ont décrit comme l’arrivée des valeurs du ciel sur terre. Avant cela, durant le haut Moyen Âge, on était surtout dans une sorte de rejet du monde terrestre, et donc dans une préparation constante du salut. Au 12ème et 13ème, avec l’arrivée d’une certaine prospérité du point de vue économique, et l’arrivée de certaines innovations même dans la géographie céleste, comme l’avènement du purgatoire qui implique une possibilité de rachat pour les péchés véniels, les gens ont commencé à accepter le principe de jouissance du monde terrestre, et de recherche d’un certain bonheur ici-bas. L’un dans l’autre, l’ambiance était plutôt à l’espérance de lendemains chantants. Or, dès le début du 14ème siècle, avec le début de la guerre de 100 ans en 1337, l’arrivée de la peste noire en 1348, les famines et les révoltes paysannes, les populations ont reçu une sorte de douche froide qui a engendré par le choc, bien des traumatismes et changements de mentalités.
En ce qui concerne notre monde actuel, on peut considérer que depuis la fin des 30 glorieuses, et donc depuis la fin de la promesse du bonheur pour tous, inhérente au capitalisme sauvage et à son fils le néolibéralisme, le désastre actuel qui concerne tous les domaines du vivant, est en train de provoquer le même genre de choc que celui du début du 14ème siècle. C ‘est en tout cas mon opinion. Je pense à une chose qui pour moi est grandement symbolique et que je voudrais ajouter. Tu sais qu’au 12ème et 13ème siècle, une des principales préoccupations de l’église, concerne le traitement de l’usure. En effet, si ce souci est présent dans les trois monothéismes, il pose un véritable problème pour les autorités Chrétiennes de cette période. Comme je le disais plus tôt, l’essor économique, l’essor des villes, et donc la multiplication des échanges de monnaie et de la pratique du prêt, augmentent la présence et le rôle des usuriers. Or, traditionnellement, ces derniers sont voués à l’enfer pour la raison suivante. La somme des intérêts perçue ne correspondant à aucun travail manuel effectué par l’usurier, mais simplement au « temps » entre le prêt et le remboursement, l’usurier se trouve alors dans la position d’un voleur de temps, et Dieu étant aussi le temps, l’usurier vole Dieu. C’est alors à cette période, et avec l’apparition du purgatoire, qu’un début de solution est trouvée quand à l’avenir et devenir de l’usurier dans le droit canonique. Il a enfin une marge de manœuvre.
Bref, là où je veux en venir du point de vue symbolique, c’est que si déjà à l’époque les autorités Chrétiennes avaient pressenti un futur problème pour la société en ce qui concerne la pratique de l’usure et donc, le pouvoir de l’argent, force est de constater qu’aujourd’hui, les maîtres et dirigeants du monde, sont les entreprises de spéculations financières. Un indice de taille illustrant la victoire de cet « adversaire » ou Satan, déjà pressenti à l’époque.
Errance, jacqueries, insurrection ?
Mpassion : Je comprends mieux comment s’opère chez toi ce jeu de miroirs entre cette partie du Moyen Âge et notre modernité. Du reste, pour qui étudie d’un peu de près le monde médiéval, il est vrai qu’il est frappant de voir à quel point ce verrou de l’usure a, aujourd’hui, totalement sauté pour être pris en exemple contre le travail lui-même. Au passage, sur cette première libéralisation déculpabilisation du monde de la finance et son entrée en force dans les sphères du pouvoir, on pourra renvoyer nos lecteurs à la dernière ballade d’Eustache Deschamps que nous avons postée : Nul n’a estat que sur fait de finance. Elle est pile dans le sujet et date justement du 14e.
Mais reprenons sur les références d’Originem : on n’est donc plus tout à fait au 12e/13e siècles des goliards, ces clercs qui sortaient du système et partaient sur les routes, pour aller de taverne en taverne et qu’on pouvait imaginer quelquefois, un peu plus joviaux et festifs, bien que les paroles du morceau « Seditionem » inspiré de l’archipoète de Cologne et du corpus de Carmina Burana tendent à le démentir.
En tout cas, si le thème de l’errance revient souvent chez Originem, c’est plutôt celle du type au bord du gouffre, excédé, asséché économiquement et humainement par le contexte, révolté contre le système. Et en même temps, son cri de révolte est aussi un appel, un cri de ralliement. Il semble annonciateur de quelque chose de plus collectif et, peut-être, de plus chaotique en approche ?On a un peu l’impression que ce révolté ne restera pas longtemps seul et qu’il s’apprête déjà à rejoindre la foule des miséreux qui grondent. Est-ce que le système actuel a atteint une sorte de point limite, selon toi ? Il me semble encore lire entre les lignes, le constat d’un système néolibéral totalement décomplexé et débridé, déterminé à faire table rase, dans sa marche en avant, de tout ce qu’il considère comme des obstacles, sinon des scories : histoire, valeurs sociales et humaines, acquis sociaux, cultures et identités, langues, etc,…J’ai bon sur le fond du message et chacun pourra y trouver ce qu’il veut ?
« …Ce que je crains le plus pour l’avenir, c’est beaucoup moins l’explosion que l’implosion qui la précédera. Je suis convaincu que la santé d’esprit d’un individu a des limites, que le « contre-nature », le « contre le temps », et le « contre l’histoire » peuvent faire éclater.«
J-M Wizenne : Cet individu dont tu parles, qui erre et qui essaie d’atteindre « la grande route de la sédition », est pour l’instant dans la même situation que l’est Originem. Il avance dans le brouillard, aperçoit des formes, les hèle, et s’associe à certaines d’entre elles pour grossir le groupe, devenir tribu, et ensuite communauté. Pour parler du système actuel, je dirais que la société qu’il engendre, est nettement plus inquiétante que celle du 14ème siècle. A cette époque, ce qui représentait les dangers principaux étaient des choses tangibles – la guerre, la famine, la maladie, etc… Aujourd’hui, non seulement ces dangers sont toujours actuels, mais il faut y ajouter un danger, un virus, qui lui, agit de l’intérieur. Les identités traditionnelles ont été en grande partie détruites. L’histoire est complètement biaisée et remaniée pour les intérêts politiques du moment. Le langage est saccagé. Les principales valeurs sont ringardisées ou inversées.
Bref, tout ce qui peut engendrer une pensée cohérente et qui fait de nous des « Êtres humains » et non pas seulement des mammifères humains est sans cesse parasité. Quand tu penses qu’une identité est une somme de critères aussi bien historiques qu’éducationnels, et que c’est au sein de cette dernière que l’on trouve les réflexes comportementaux, qui sont autant de boucliers contre les injonctions irrationnelles, qu’elles soient politiques ou commerciales, tu comprends que sa destruction, est indissociable d’un néolibéralisme où tout les domaines sont « marchandisables ». Si l’on considère cette identité, c’est à dire cette somme de faits historiques, d’éducation et d’expériences vécues, comme la colonne vertébrale d’un individu, alors, on est obligé d’admettre qu’aujourd’hui, privé de l’harmonisation gérée par cette colonne vertébrale, l’individu n’est plus qu’une somme de parties physiques, soumises et harcelées sans cesse par les injonctions basées sur le désir, et produites par les entreprises spécialisées dans chacune de ces parties. Une sorte de schizophrénie constante chez l’individu dans l’attente de la prochaine injonction qui lui montrera « le chemin ».
Ce que je veux dire, c’est que ce que je crains le plus pour l’avenir, c’est beaucoup moins l’explosion que l’implosion qui la précédera. Je suis convaincu que la santé d’esprit d’un individu a des limites, que le « contre-nature », le « contre le temps », et le « contre l’histoire » peuvent faire éclater. On connait depuis longtemps les réactions de l’humain dans ce genre de cas, et ce n’est certainement pas l’avènement de la surveillance numérique et la prison qu’elle engendre qui l’atténuera.
Originem, Collectif Rock médiéval
Mpassion : Plus qu’une action collective, une sorte de somme de pétages de plomb individuels généralisés ? C’est un tableau plutôt inquiétant même si ce néolibéralisme hors de contrôle et qui a même soumis le politique dans un grand nombre de cas, a atteint un point tel dans sa volonté de déconstruction des peuples, des nations et des cultures qu’on peut s’interroger sur la nature que prendrait un éventuel point de rupture. Sauf à entrer dans une violente détresse économique et de vraies disettes (en même temps, l’avenir proche prédit, par certains économistes, n’en est pas si loin), quelquefois, je me demande si tout cela n’ira pas plutôt vers une poursuite du démantèlement face à des masses simplement anémiées et anesthésiées.
Je pense assez souvent à cette fable de Marie de France « comment un breton fit la peau à une grande compagnie de brebis ». Le boucher en question s’y était pris justement en les sortant du troupeau une par une. Ça rappelle encore cette poésie bien connue d’un pasteur allemand à l’après-guerre et après sa libération d’un camp nazi : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates,etc…« . Et finalement quand ils sont venus le chercher, il ne restait plus personne pour protester.C’est un peu pessimiste, sans doute, mais cela reste un doute légitime, au vue de l’apathie des populations, ces dernières décennies, et à l’exception peut-être du rebond des gilets jaunes qui avait suscité un nouvel espoir avant d’être étouffé sous diverses manipulations et dans la répression. En même temps, on m’objectera peut-être que les révolutions ou les renversements de paradigme n’ont pas besoin de l’ensemble d’un peuple pour se faire. Vaste sujet…
Ma question suivante met un peu en perspective la précédente, mais pour revenir à des choses plus légères. Originem se présente comme un Collectif Rock médiéval et on y devine justement cette dimension fédératrice, de vraie « tribu rock », comme on pouvait en retrouver chez certains groupes du passé. Je pense aux Béruriers noirs du point de vue de la manifestation au moins, même s’ils étaient largement plus sobres du point de vue de l’engagement (autres temps, autres mœurs) ou même d’autres avant eux ? Tu as des références comme ça en tête ? Et puis surtout, là où il y a « Collectif » est-ce qu’il va y avoir du ralliement ? Plus de musiciens ? Est-ce que ça va faire des petits musicaux, artistiques, de plume peut-être ? Comment tu projettes ça (ou pas) ?
« Pour parler de l’artistique et de ce que je recherche, je suis plus proche d’un concept comme Magma. Un groupe flexible, une ambiance, un monde, un univers, une communauté. ».
J-M Wizenne : Si je choisis la forme non figée du collectif, c’est pour diverses raisons. Tout d’abord, la raison terre à terre. Cela fait bien longtemps qu’il n’est plus possible de former un groupe de rock comme il y a 20 ans ou 30 ans, avec des amis fidèles qui partent sur les routes avec toi, etc. Aujourd’hui, vu le contexte néolibéral et ce qu’il implique au niveau de l’essentialité de la rentabilité économique, tous les musiciens sont sans cesse en recherche d’une opportunité salariée, plutôt que d’une aventure. Donc, pour conclure sur ce sujet peu exotique, je dirais que la forme « collectif » permet d’employer celui qui est disponible à la date choisie. Sinon, pour parler de l’artistique et de ce que je recherche, je suis plus proche d’un concept comme Magma. Un groupe flexible, une ambiance, un monde, un univers, une communauté. Et au sein de cette dernière et au fil des projets spécifiques, l’ajout d’instrument traditionnels avec d’autres musiciens, mais aussi quand cela sera possible, l’ajout de visuel avec tout ce qui a trait au spectacle médiéval.
Temps court, temps long
Mpassion : Là encore, je m’accroche à la dimension rock médiéval et tribale tout en restant trivial. La question est : du point de vue scénique, tu as choisi le personnage d’un frère médiéval en robe de bure. Dans les vidéos, on le devine, d’ailleurs, un peu en ermitage et hors du monde, dans une forêt profonde. On pourrait penser que c’est juste un peu de fun et de provoc’ rock. Ce serait de bon aloi mais qu’est-ce qu’il pourrait y avoir d’autre en-dessous du symbole ? Une érémitisme à la Saint Benoît à la recherche d’une nouvelle règle pour le monde des hommes ? Une volonté de méditation/réflexion et de prise de recul pour mieux revenir au monde ? Ou peut-être encore la volonté d’œuvrer, fut-ce avec l’humilité d’un frère, à un certain réveil des consciences sur les problématiques qui nous viennent ?
« Tenter de transformer l’être humain en sac de viande « neurotéléguidé » pour les intérêts de groupes privés, est pour moi une des pires immondices de notre ère contemporaine.«
J-M Wizenne :En ce qui concerne mon accoutrement et donc la robe de bure, il faut savoir que je suis assez passionné par les ordres mendiants, et plus particulièrement par celui des Franciscains de Saint François d’Assise. J’aime beaucoup cette idée de retraite et d’isolement régulier, pour entrecouper les séjours dans le monde, c’est à dire à l’époque, « les séjours en ville ». Je suis friand de ce « temps long » de la retraite, en opposition à la dictature actuelle du « temps court », qui nous oblige toujours à réagir sans passer par la pensée. Je pense sincèrement qui si un grand nombre de gens avaient la possibilité matérielle de s’adonner de temps en temps à ce temps long, les dirigeant auraient nettement plus de difficultés à nous faire avaler des inepties irrationnelles, « pour notre bien »…
On voit d’ailleurs, depuis plus d’un siècle, avec l’avènement de la propagande moderne et de ce que ses concepteurs nomment « la fabrication du consentement », que c’est ce « temps de cerveau disponible » qui a été leur principal champ de bataille, avec des conséquences bien illustrées par le couple Docilité/Désastre intellectuel, dont nous sommes témoins aujourd’hui. Personnellement, je considère vraiment cela comme un véritable crime contre l’humanité. Tenter de transformer l’être humain en sac de viande « neurotéléguidé » pour les intérêts de groupes privés, est pour moi une des pires immondices de notre ère contemporaine.
Pour compléter ma réponse à ta question je dirais que oui, le fait d’œuvrer ne serait-ce que pour pratiquer la pensée active me plaît bien. Et même si cela ne débouche pas tout de suite sur des convictions, que cela débouche au moins sur des discussions. Bref, tout sauf l’acception de l’enfer néolibéral comme société inévitable. Passons au moins par le purgatoire…
Un Moyen Âge politiquement correct ?
Mpassion : Voilà qui a le mérite d’être clair. Ici, Je voudrais revenir un peu à nos moutons médiévaux pour une question un peu de fond sur le sujet. Aujourd’hui, du Médiéval fantasy au Moyen Âge hollywoodien en passant par le dernier Ridley Scott et son « dernier duel » revisité à la sauce idéologique post XXIe siècle, le monde médiéval est devenu un peu une période fourre-tout. On attend avec impatience la prochaine série Netflix sur le sujet (j’ironise). Comme tu t’es toi-même penché sérieusement sur cette période du point de vue historique comme musical, à ton avis, jusqu’à quel point le Moyen-Âge et ses relectures les plus fantaisistes sont-elles devenues un enjeu sur le champ de bataille politique, culturelle, spirituelle ou idéologique ?
« Ce qui est intéressant, c’est de voir que ces gens n’ont pas opté pour le 18 ème siècle, siècle des lumières, ou pour la révolution Française, mais sont passés directement à la source et à la graine qui a donné l’occident, à savoir notre période médiévale. »
J-M Wizenne : A mon sens, il y a tout d’abord deux phénomènes distincts, mais l’un a engendré l’autre. Le premier phénomène s’illustre par un regain d’intérêt de la part d’un public surtout occidental, pour cette période de notre histoire. Le second, c’est le traitement de cette nouvelle donnée par le système de propagande profonde, c’est à dire l’industrie du divertissement. Le premier phénomène est en rapport avec ce que je disais plus haut, à savoir la sensation de perdition vécue par une partie de la population occidentale. Une sorte de réaction à un début de panique psychologique avec, d’un côté, le constat du non sens actuel dans beaucoup de domaines, et de l’autre, la perdition quant aux références et au cadre auxquels se raccrocher.
Ce qui est intéressant, c’est de voir que ces gens n’ont pas opté pour le 18ème siècle, siècle des lumières, ou pour la révolution Française, mais sont passés directement à la source et à la graine qui a donné l’occident, à savoir notre période médiévale. Ceci en dit long sur le sujet de l’identité, et sur ce qui l’a construit. Surtout que le sujet étant tabou, car confisqué par tous les bords « autorisés », c’est à dire les partis politiques, l’individu lambda n’a même pas l’occasion de pouvoir en débattre de manière constructive. Malgré ça, l’individu qui se plonge dans son passé médiéval, éprouve, bien sûr, la sensation et l’intuition de se trouver en « terrain connu ». De ce fait, la sensation pouvant entraîner, la réflexion, la pensée, et donc la compréhension, le système de propagande profonde doit intervenir avant la prise de conscience. Ce qui m’emmène au second phénomène, le traitement de cette nouvelle donnée.
« Nous nous retrouvons donc avec cette industrie du divertissement, qui injecte toutes sortes de critères idéologiques contemporains, bien souvent basés sur rien de viable, à toutes les strates de notre histoire, de manière à valider le marasme actuel comme étant un développement logique de notre histoire. »
Pour ce faire, l’industrie du divertissement doit aborder la période médiévale en commettant de son plein gré et à dessein, l’erreur de traiter tous les sujets ayant rapport avec le passé, au travers du prisme de nos soi-disant valeurs et mœurs contemporaines, de manière à ne surtout pas remettre en question ce qui est considéré comme la « pensée correcte ». C’est la raison pour laquelle, ces productions cinématographiques ou télévisuelles, mettent l’accent sur un esthétisme bien souvent fantasmé par les amoureux de cette époque, tout en mettant en scène des mœurs et des situations ressemblant plus à ce que nous vivons dans notre quotidien aujourd’hui, qu’à une quelconque réalité historique.
Mais plus que ça, ces productions se servent de la demande presque implorée par le public de voir un monde « qui était meilleur », pour inclure à leurs films des mœurs, coutumes ou même concepts de pensée actuels, et donc complètement anachroniques, mais qu’ils voudraient normaliser, aujourd’hui, en les rendant « historiques » du point de vue de leurs pratiques.Bref, nous nous retrouvons donc avec cette industrie du divertissement, qui injecte toutes sortes de critères idéologiques contemporains, bien souvent basés sur rien de viable, à toutes les strates de notre histoire, de manière à valider le marasme actuel comme étant un développement logique de notre histoire. En ce qui me concerne, je fais partie de ceux qui pensent que le bordel actuel, ou asile à ciel ouvert, aurait pu être évité à bien des moments au cours de notre histoire.
Actualité & projections
Mpassion : Oui, en somme, la société du divertissement est au service de l’idéologie ambiante et injecte la dose nécessaire de séduction pour entraîner le public dans la danse avec, comme toujours, au milieu de tout ça des logiques d’acteurs qui abondent dans le même sens et en sont gratifiés au passage (financement, médiatisation, reconnaissance publique, etc…) Quant à ce retour et ce goût du Moyen Âge, on se rejoint aussi sur l’idée (que des médiévistes comme Le Goff n’ont pas manqué de souligner) que la période médiévale est la source, la graine ou la racine, comme on voudra, qui a donné naissance à la civilisation occidentale.
Merci en tout cas de toutes tes réponses jusque là. Je profite un peu d’avoir un interlocuteur féru de sciences humaines et de Moyen Âge pour creuser et aller sur des terrains plus sociologiques et politiques. J’espère que ça te va même si on pourrait évidemment aller bien plus loin sur tous ces sujets.Revenons enfin sur l’actualité d’Originem et ce premier album. Sur chacun des morceaux, en plus du fait que ça déménage, il y a une volonté forte d’ancrage dans la langue Occitane mais aussi le latin médiéval ce qui n’est pas pour me déplaire. (Sur moyenagepassion, on a exploré plus d’un texte de troubadour médiéval occitan mais aussi quelques textes latins). Dans des morceaux futurs, est-ce qu’Originem ira vers du vieux français d’oïl ou d’autres langues anciennes ? Ou est-ce que tu penses conserver cet ancrage comme une marque de fabrique maison ?
« En ce qui concerne le son et la griffe de Originem, je tiens à garder cet aspect de Rock brutal. »
J-M Wizenne : Disons que pour l’Occitan, c’est une langue que je continue d’étudier et qui, de par mes origines et du fait de l’avoir toujours entendu, ne pose aucun problème au point de vue de la prononciation pour moi. Le latin médiéval a un certain aspect solennel et grave selon comment tu l’utilises et selon ce que tu dis, ce qui va très bien avec certains sujets abordés. Comme tu l’as remarqué, mes textes court sont plutôt formés de déclamations et de formules accusatoires. Pour la langue d’Oïl, pour l’instant je ne l’utilise pas, mais ce n’est pas exclu.
Mpassion : Toujours dans un esprit de se projeter un peu. Pour les partitions actuelles de l’album, c’est toi qui compose, on l’a dit et le rock d’Originem se mêle clairement avec l’inspiration médiévale. En même temps tu es aussi formé au conservatoire classique, et à ce titre, tu as un vrai background sur les musiques anciennes, d’où ma question : est-ce que tu penses qu’Originem ajoutera un peu « d’ethnomusicologie » dans son répertoire ? Des reprises de mélodies de Peire Vidal, ou encore des orchestrations à grand renfort d’instruments anciens ? Est-ce que tu te vois partir plus vers du folk ou des choses plus traditionnelles ? C’est peut être un peu tôt pour le dire ?
J-M Wizenne : Comme je te l’ai dit au préalable, associer ponctuellement des instruments traditionnels, visiter des répertoires de l’époque, se mélanger avec un groupe traditionnel, rien de tout ça n’est exclu, bien au contraire. Par contre, en ce qui concerne le son et la griffe de Originem, je tiens à garder cet aspect de Rock brutal. En fait au début, je me suis dit : « imagine que tu sois au 14ème siècle, mais avec ton instrument et l’électricité ». D’ailleurs, j’en ai parlé avec des organisateurs de festivals médiévaux qui avaient écouté ma musique, et ils ont dit eux-mêmes que c’est un aspect qui manquait pour faire « le pont » entre un public plus jeune et moins averti, et le traditionnel. Donc on va voir de développer cette formule et ce véhicule, et on va voir où il nous mène.
Un album au format dématérialisé
Mpassion : Parfait. Pour nos lecteurs, ce premier album a pour titre « Seditionem ». On y trouve 5 morceaux pour 25 minutes de Rock. Deux d’entre eux sont empruntés au répertoire du Moyen Âge : « Ai Vist el Lop » une chanson occitane du 13e et l’emblématique « Seditionem » qui a donné son titre à cette première production et dont les paroles sont extraites du très corrosif Estuans intrinsecus de l’Archipoète. Pour le reste, il souffle sur tout cet album un même vent de révolte avec la même patine abrasive pour des textes effectivement courts et vitriolés (au taquet, j’allais dire). Tu peux nous en parler un peu ? Est-ce qu’un version CD est en préparation, peut-être plus tard dans le temps ?
J-M Wizenne : Un CD physique est prévu dès que nous ferons des concerts pour le vendre sur les lieux. Il y aura peut-être une petite production d’une centaine d’exemplaires avant ça, histoire de matérialiser le collector et la naissance. Quand au style des textes, pour l’instant il ne changera pas, et je le vois mal changer avant longtemps. Je dois avouer quand même que la musique étant souvent d’abord une thérapie pour celui qui la compose, Originem me permet de transformer l’amertume et la rage accumulée depuis quelques années en musique. Parfois, je me dis que si je n’avais pas étudié pendant toutes ces années l’histoire de la propagande moderne et tout ce que cela implique, je serai peut être plus tranquille, en étant au courant de rien. Alors, étant donné que je ne suis pas encore un Sage pour balayer tout ça du revers de la main, je me suis donc condamné à gueuler jusqu’à la fin.
Mpassion : Haha. Une autre réponse de ta part m’aurait surpris pour tout te dire. Ajoutons pour nos lecteurs que cet album est disponible dors et déjà au format numérique sur le site officiel d’Originem au lien suivant. Il est téléchargeable en un clic. C’est tout l’avantage du format numérique. Enfin, avant de nous séparer, une dernière petite question pour la route. A quand les premières scènes ? J’imagine que c’est la période d’effervescence médiatique un peu et que 2023 va démarrer avec des interviews et des prises de contact ?
J-M Wizenne : Nous sommes en effet dans l’attente de réponses de divers festivals, et les prises de contacts se multiplient pour les articles et interviews L’univers de la musique ayant été aussi très bouleversé par les dernières années, ils faut sans cesse trouver de nouvelles façons de se manifester et de sortir du lot, dans un tumulte ininterrompu d’informations. Mais comme le dit Noam Chomsky, dans toute période de chaos il y a des failles qui s’ouvrent, à nous et à ceux qui nous aident de les exploiter.
Mpassion : C’est tout le mal qu’on peut vous souhaiter. Merci en tout cas de ton temps Jean-Michel et longue vie à Originem !
Sujet : musique médiévale, cantigas de Santa Maria, livre Vermeil de Montserrat, Espagne médiévale. Période : moyen-âge central à tardif Evénement : Concert médiéval espagnol Interprètes : Le Choeur Les Oréades & Les Ménestrels de Paris Lieu : Eglise Sainte-Rosalie (Paris 13) & Eglise Saint-Joseph-Artisan (Paris 10). Date : 8 & 21 janvier 2023.
Bonjour à tous,
our débuter cette année 2023 en musique, la formation vocale Le Choeur Les Oréades vous propose deux dates de concert, en janvier.
Ces deux événements se tiendront sur Paris et auront pour thème les musiques de l’Espagne médiévale. Vous pourrez donc y entendre des pièces empruntées au répertoire des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, ainsi qu’au célèbre Livre Vermeil de Montserrat. Coté programmation, le premier concert sera donné le Dimanche 8 janvier, à 17h00, à l’église Sainte Rosalie, dans le 13e arrondissement de Paris et le second, le Samedi 21 janvier, à 20h00, à l’église Saint-Joseph-Artisan du 10e arrondissement. La participation est libre.
La formation Le Choeur Les Oréades
Pour dire un mot de l’ensemble, le chœur Les Oréades a été fondé en 2013 par la directrice Clara Brenier. Cette formation musicale parisienne a ceci d’original qu’elle se compose, tout à la fois, de musiciens professionnels et amateurs, pour un répertoire assez varié. Ce dernier ne se limite, en effet, pas au Moyen Âge et on peut les retrouver sur des musiques anciennes, médiévales ou renaissantes comme sur des partitions plus folkloriques ou même encore des variations plus Jazz ou contemporaines.
A l’occasion de ces deux concerts qui mettront à l’honneur les musiques espagnoles du Moyen Âge central, le Choeur Les Oérades sera accompagné des Ménestrels de Paris.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes