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Une sélection de lieux et sites d’intérêt autour du Moyen-âge : trésor du patrimoine, châteaux, musées, monuments classés, archéosites ou encore lieux plus orientés sur le divertissement découverte,

l’Histoire « éclairée » de Claire : interview exclusive d’une vraie passionnée de patrimoine et d’histoire vivante

Sujet : patrimoine, histoire vivante, reconstitution historique, visites guidés, interview, conférences, animations médiévales,
Période : Moyen Âge central à tardif
Intervenante : Claire Barbier, conférencière, intervenante, guide professionnelle, doctorante en histoire de l’Art.
Site web : eclairerlhistoire.fr

Bonjour à tous,

oilà longtemps que nous n’avions eu l’occasion de vous proposer un portrait de passionné de Moyen Âge. Nous en sommes d’autant plus heureux que la personne qui fait l’objet de ce portrait, cumule des compétences qu’il est rare de trouver réunies en un même profil.

Jugez plutôt : chercheuse en histoire de l’Art spécialisée dans la période médiévale (actuellement en doctorat et déjà mastérante de la Sorbonne), guide touristique professionnelle pour le compte de lieux patrimoniaux prestigieux (ville de Chartres, centre historique, cathédrale, musée et centre du vitrail, château de Châteaudun, …) mais encore conférencière et intervenante en présentiel ou à distance en Histoire. Et si cela ne suffisait pas elle est encore reconstitutrice passionnée de confection de costumes médiévaux au plus près de leur réalité et elle n’hésite pas à les revêtir pour donner une touche unique à certaines de ses visites ou de ses activités ! Alors, quand le goût du patrimoine se met à rimer avec Histoire vivante et pédagogie, tout en conservant la rigueur de l’approche historique, qui pourrait y résister ? Certainement pas nous et c’est donc avec grand plaisir nous vous proposons de découvrir ci-dessous, une interview exclusive de la pétillante et dynamique Claire Barbier de Eclairer l’histoire.

L’interview de Claire Barbier
de Eclairer L’histoire

Claire Barbier, une passionnée d'Histoire et de Patrimoine

Itinéraire & parcours

Mpassion : Bonjour Claire. Nous sommes ravis de vous recevoir, aujourd’hui, pour parler de vos nombreuses activités dans le domaine du patrimoine, de l’enseignement et même des animations médiévales. Ce n’est pas si souvent que nous avons l’occasion de rencontrer une passionnée d’histoire aussi active et qui soit à l’intersection d’autant de domaines. Pour commencer, peut-être pourriez-vous présenter un peu votre parcours atypique à nos lecteurs ?

Claire B : Bonjour, je suis également ravie de partager avec vous les différents aspects de ma vie qui sont, comme vous l’avez souligné, animés par ma passion de l’Histoire et du Patrimoine. Pour moi, tout a commencé lorsque j’avais 6-7 ans : j’allais chez mes grands-parents et je leur posais des questions sur les objets qu’ils avaient rapportés de leurs différents voyages à l’étranger (notamment les sculptures et papyrus égyptiens). De là est née ma passion et mon admiration pour l’Egypte Antique qui m’ont poussée à faire l’Ecole du Louvre pour devenir archéologue. Par la suite, différents évènements dans ma vie m’ont obligé à changer de voie : j’ai donc engagé un BTS Tourisme que j’ai obtenu en 2010, en travaillant en même temps au Château d’Angers et dans les musées de la ville d’Angers. J’y ai alors appris le métier de guide et médiateur du patrimoine. J’ai ensuite obtenu une Licence Arts, Lettres et Langues à la Sorbonne, en faisant des petits boulots alimentaires pour subvenir à mes besoins.

Visite de lieux patrimoniaux, cathédrales, musées et châteaux

A l’époque, les Masters à distance n’étaient pas encore tellement développés, et j’ai dû abandonner momentanément l’idée d’aller plus loin dans mes études. J’ai travaillé plusieurs années dans un groupe de communication à Paris où j’ai appris plusieurs métiers (assistante commerciale, chargée de développement et de prospection, etc…) mais le sentiment de plaisir, d’échange, et de passion que j’avais lorsque je faisais des visites guidées au château d’Angers me manquaient énormément. J’ai alors quitté mon travail et, ayant déménagé à Chartres, j’ai commencé à travailler en tant que guide avec les visites de la crypte de la cathédrale, puis les visites de la cathédrale et de la ville. Après quelques années, j’ai développé de nouveaux thèmes et on m’a proposé également de travailler, ponctuellement, pour le musée du vitrail, le château de Villebon, le château de Châteaudun, la ville de Bonneval, les tours de la cathédrale de Chartres…

Mpassion : Voilà de belles références patrimoniales. Et pour le côté histoire vivante ?

Claire B : En parallèle, je faisais de la reconstitution historique depuis près de 10 ans. J’ai tellement d’objets et de vêtements de reconstitution que je pourrais vivre complètement avec mes seules affaires médiévales ! Avec la crise Covid, les écoles ne pouvant pas faire de sorties scolaires, j’ai eu l’idée de proposer aux établissements de mon département d’aller en classe pour parler du Moyen Age aux enfants et échanger avec eux. J’ai eu du succès dès la première année ! J’ai fait la même chose avec les centres de loisirs et je participe également à des projets avec des classes de collège. Je propose aussi des visites de lieux patrimoniaux, vêtue comme au Moyen Age, pour les enfants comme pour les adultes (et même en nocturne !). Pour finir, je donne des cours et des conférences pour les adultes sur des thèmes de l’Histoire et d’Histoire de l’Art. Et lorsque j’ai un peu de temps libre, je travaille sur ma thèse. J’ai donc réussi à lier un travail qui me passionne à ma passion pour la reconstitution, ce qui donne cette touche d’originalité à mon travail.

Pourquoi le Moyen Âge ?

Mpassion : A voir votre succès sur les réseaux et les retours de vos audiences, tout le monde y trouve son compte. Partant de cet intérêt général pour l’histoire et le patrimoine, comment en êtes-vous venus au Moyen-Âge ?

Claire B : Mon intérêt pour l’Histoire et le Patrimoine est lié à mon histoire personnelle (intérêt de mes grands-parents) et mes parents m’emmenaient souvent dans des musées et des expositions. Comme je voulais assez tôt être archéologue ou égyptologue, je me suis fortement intéressée à l’Egypte Antique. J’étais même amoureuse d’un pharaon quasi-inconnu lorsque j’étais enfant (Didoufri, fils de Khéops) ! Donc, cette période était ma favorite. Le Moyen Age est arrivé un peu plus tard, il y a 10 ans, lorsque mon compagnon qui faisait partie d’une association de reconstitution médiévale m’a transmis son intérêt pour cette période. Ensuite, travaillant à la cathédrale de Chartres, on ne peut que tomber en amour devant cet édifice, et vouloir en apprendre davantage sur la période qui l’a créée !

Mpassion : On le comprend aisément. La cathédrale de Chartres regorge de trésors. Dans un autre registre qui touche peut-être plus la perception du Moyen Âge par le grand public, quel est votre point de vue sur la vision actuelle de la période médiévale ? Certains préjugés continuent-ils d’être résolument ancrés dans l’esprit des gens ou a-t-on un peu avancé ? Je pense à des poncifs comme le manque d’hygiène ou l’ignorance de l’homme médiéval, ce genre de choses ou même encore la vision d’un Moyen Âge foncièrement obscurantiste, etc…

Claire B : J’ai l’impression que toutes les tranches d’âges ont encore beaucoup de clichés sur le Moyen Age. Mais j’ai tout de même le sentiment que ça va dans le bon sens : avec les vidéos de vulgarisateurs ou certains reportages à la télévision, on commence à avoir des pans de la population qui s’intéressent à cette période, et qui peuvent plus facilement trouver des réponses ou s’informer sur ce qu’ils ont vu dans des séries ou des films qui se veulent «fidèles historiquement ».

Visites animées et histoire vivante

Mpassion : Pour revenir à vos activités sur le terrain patrimonial et touristique, pour l’instant un nombre important d’entre elles se centre sur Chartres : conférences, enseignement au centre du vitrail, visites des grands lieux historiques de la ville, etc… Pourquoi cette ville ? C’est un coup de cœur ? Y a-t-il quelque chose qui vous touche particulièrement dans son patrimoine et son histoire ?

Passion reconstitution historique et costumes du Moyen Âge

Claire B : J’ai vécu plusieurs années près de Chartres (entre 6 ans et 16 ans) en étant au collège et au lycée dans cette ville. J’en suis partie en 2005. La vie a fait que mon conjoint a trouvé du travail à Chartres en 2015. Nous sommes donc venus nous installer ici. C’est donc un hasard mais heureux. J’ai toujours adoré la cathédrale qui est la mieux conservée de France. Elle n’a pas subi de dégâts trop importants pendant la Révolution française ou les 2 guerres mondiales et elle a aussi la plus grande collection de vitraux du Moyen Age du monde entier ! C’est une vraie splendeur qui ne finit pas de m’impressionner. Et même si je pourrais tenir plusieurs dizaines d’heures de visite (littéralement), j’en apprends encore tous les jours !

Mpassion : Du fait de vos nombreuses casquettes, vous pourriez être ce que l’on appelle une « historienne de labo », puisque vous êtes désormais une brillante universitaire, avec un master en poche et un doctorat bien engagé. Pourtant, vous continuez de cultiver ce véritable intérêt pour le tourisme, le patrimoine et l’histoire vivante. Vous semblez même tenir à opérer une fusion unique entre transmission, animation et découverte patrimoniale. Parlez nous un peu de ces formules originales que vous êtes la seule à proposer ? Comment ces idées vous sont-elles venues ? Comment le public a-t-il accueilli le concept ? On imagine que certains ont dû être surpris.

Claire B : Oui ! Alors d’abord, merci pour les compliments. J’ai la chance d’avoir des intérêts divers et variés mais qui me passionnent tous ! Comme j’ai la particularité d’être la seule guide à faire de la reconstitution médiévale et à faire un doctorat, j’ai pu créer des produits touristiques uniques avec un vrai parti pris de qualité ! Et donc me voici, à présent, à proposer des visites guidées en costume (en journée ou la nuit) à partir du résultats de mes recherches sur la vie quotidienne au Moyen Age à Chartres, ou à organiser des visites-enquêtes pour les scolaires comme pour les familles et adultes ! Je suis également la seule à ma connaissance qui sois guide professionnelle mais qui propose aux établissements scolaires de me déplacer en costume médiéval sourcé pour faire découvrir le Moyen Age aux enfants, et sous forme d’échanges et d’interactions.

Comme je le disais, j’ai pensé à proposer ces interventions médiévales en établissements scolaires avec la crise Covid, même si j’avais en tête de faire des visites guidées en costume avant cela (sans l’avoir encore mis en place). Cette idée de visites en tenues médiévales est venue notamment du fait que parfois, lors d’une visite, j’avais envie de montrer concrètement aux gens ce à quoi pouvait ressembler une robe au 15e siècle par exemple (la forme, la matière, le poids ! etc…) et la différence entre le sous-vêtement et la robe… C’est plus parlant lorsqu’on a l’objet sous les yeux ! Idem pour les lanternes, les pièces de monnaie, etc. De nombreux locaux sont habitués maintenant à me voir déambuler en ville, mais je croise encore souvent (en visite ou en dehors de visite), des personnes très interloquées de me voir ainsi vêtue ! (rires)

Fête médiévales et reconstitution

Mpassion : Cela n’est pas surprenant ! (rires) Ce n’est pas quelque chose de très habituel hors des fêtes médiévales. Justement en parlant de cela, dans vos activités vous semblez tout faire vous-même et en solitaire : confection de costumes, personnages, écriture et scénarisation de vos visités animées et même de vos activités ludiques. Avez-vous aussi le goût des fêtes médiévales ? Est-ce un endroit où on peut vous croiser ? Faites vous également partie d’une troupe de reconstituteurs ?

Visites nocturnes ou en journée de monuments patrimoniaux avec Claire Barbier

Claire B : C’est justement parce que j’ai commencé à apprécier le Moyen Age par le biais de la reconstitution historique (et donc temps passé en fêtes médiévales) que j’ai eu l’idée d’intégrer cet aspect dans mes visites. Depuis plusieurs années, je fais partie de l’association La Massenie Saint Michel 1473 et nous allons dans des châteaux et autres abbayes, sites patrimoniaux de Bretagne en Allemagne, de Dordogne en Belgique. Nous sommes reconnus dans le milieu de la reconstitution par les institutions pour refléter une image de qualité de la société médiévale de la fin du 15e siècle ! Pour le reste, effectivement, je réalise tous mes costumes moi-même depuis près de 10 ans, je me suis découvert une passion pour la couture à la main ! — et je crée toutes mes visites moi-même également. Pour les livrets des visites-enquête, je demande à ma meilleure amie qui est infographiste de se charger des visuels et de la mise en page.

Mpassion : Quand nous disions en préambule que vous étiez une passionnée très active et dynamique dans ses champs d’intervention, nos lecteurs doivent, maintenant, bien mesurer à quel point. Dans ce monde des animations dites médiévales justement, une des dernières questions que j’aurais souhaité vous poser est votre sentiment sur ce Moyen Âge un peu fourre-tout qu’on voit prendre forme, de plus en plus, y compris dans des fêtes qui, auparavant, se voulaient plus historiques. On pense à l’ajout de fantasy, de cosplay, de fantastique, etc… A votre avis c’est un phénomène comme le décrivait Georges Duby ? Le Moyen Âge est devenu ce « western » dont il parlait ? Une sorte de territoire imaginaire où toutes les projections sont permises ? Ou c’est plutôt un phénomène d’acculturation permanent sous la pression de la culture anglosaxonne et particulièrement américaine littérature, cinéma, jeux de rôles, jeux vidéo , avec un Moyen Âge fantastique/fantasmagorique encore véhiculé par des œuvres comme celle de Tolkien et d’autres auteurs ? Pour poser la question de manière un peu abrupt, pensez-vous qu’on aura, d’ici quelques années, des Fêtes de Jeanne d’Arc « Steampunk » ou des Fêtes de la Saint Louis avec des nuées virevoltantes de costumes de trolls et d’elfes ? Dit encore autrement : Moyen Âge historique, restitué, rigoureux d’un côté et totalement fantaisie et imaginaire de l’autre, est-ce que tout cela peut coexister ? Ou est-ce qu’il faut œuvrer à préserver un peu de réalisme historique et quelques lignes de démarcation ? Et surtout, est-ce que l’historien a aussi un rôle d’éducation à jouer sur ces terrains-là ?

Claire B : C’est vrai que c’est un sujet un peu compliqué… Comme la barrière entre le Moyen Age et l’univers fantasy/fantastique est très mince, cela peut créer des clichés sur le Moyen Age historique ! Typiquement, on va être persuadé que les vikings avaient des casques à corne ou portaient des manteaux en peaux de bêtes, qu’en France on avait des vêtements en cuir ou des capes à capuches… Tout cela vient de ce qu’on a pu voir en BD, films, séries, etc…, depuis plusieurs dizaines d’années ! Je dois avouer que c’est un peu mon objectif également (en plus de me faire plaisir dans ce que je fais et de faire passer des bons moments aux gens) : casser les clichés qu’on a sur le Moyen Age et expliquer comment trouver les bonnes informations si le sujet nous intéresse ! Donc oui, ce sera à nous, historiens mais surtout guides et médiateurs du patrimoine, de profiter de ces instants privilégiés avec le public pour leur faire entrevoir la réalité historique derrière l’imaginaire collectif.

Où et comment contacter Claire ?

Claire Barbier, entre la passion du patrimoine, de l'histoire et de l'histoire vivante

Mpassion : Voilà une noble mission et une belle direction pour l’avenir ! Pour finir, où est-ce que nos lecteurs peuvent vous contacter pour suivre vos aventures patrimoniales et y participer, voire encore assister à vos conférences ou étudier avec vous la possibilité d’une intervention en milieu scolaire ou autre ? Des nouveaux projets 2022-2023 en vue ?

Claire B : Oui ! J’ai une page Facebook et Instagram professionnelle « Eclairer l’Histoire » (j’ai fait un jeu de mot avec mon prénom) sur laquelle je publie des informations sur l’Histoire, le Moyen Age, la cathédrale de Chartres, la reconstitution historique, mes visites à venir, des photos des lieux que je fais visiter, etc. Depuis peu, j’ai également rajouté une billetterie en ligne sur mon site internet www.eclairerlhistoire.fr qui permet à qui veut de se rajouter à une visite guidée ou de suivre mes cours en visio-conférence, par exemple.

Pour l’année 2022-2023, j’ai mis en place une nouvelle visite de la cathédrale et des cryptes « Légendes et secrets de la cathédrale », et je compte en proposer deux nouvelles sur le thème « Codes et symboles médiévaux dans la cathédrale » et « Anges et Démons à la cathédrale ». Et je vais essayer de prendre quelques jours de vacances à l’occasion, ça ne m’est pas arrivé depuis plusieurs années !

Mpassion : C’est plutôt un indicateur de succès même si, de temps en temps, il faut savoir lever le pied ! Merci beaucoup pour toutes vos réponses, en tout cas, Claire ! De notre côté, on espère vous retrouver bientôt, peut-être à l’occasion d’une visite à Chartres, ou même pourquoi pas, à l’occasion d’un article dans nos colonnes ? Ce sera avec grand plaisir.

Claire B : Merci à vous !


Voilà pour cette interview, mes amis. En espérant qu’elle vous ait autant plu qu’il nous a été plaisant de la conduire. En dehors de ses visites guidées, de ses activités en milieu scolaire, et des aspects de reconstitution historique de son travail sur lequel nous avons particulièrement mis l’accent ici, Claire donne aussi des cours et des conférences. Les thèmes abordés sont aussi variés que le costume civil et militaire du Xe au XVe siècle, l’hygiène au Moyen Âge, l’histoire et les merveilles de la cathédrale de Chartres ou encore la représentation de l’Arche d’Alliance au Moyen Âge. Les sujets sont traités sous forme de cycles ou de conférences uniques. Pour suivre ces interventions, vous pouvez retrouver Claire au Centre international du vitrail de Chartres, mais aussi la joindre directement sur son site pour des sessions à distance sur internet.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge  sous toutes ses formes.

NB : toutes les photos de cet article proviennent de la page Facebook de Claire, à l’adresse : Eclairer l’histoire.

MUSÉE ANNE DE BEAUJEU : une Grande exposition & un colloque autour d’Anne de France

Musée Anne de Beaujeu

Sujet : Anne de France, exposition, colloque, peintures, arts, sculptures, manuscrits anciens, ducs de Bourbon, Bourbonnais.
Expositions & colloques : Anne de France, Femme de pouvoir, Princesse des Arts
Dates : jusqu’au 18 septembre 2022
Lieu : Musée Anne-de-Beaujeu, 5 Pl. du Colonel Laussedat, 03000 Moulins, Auvergne-Rhône-Alpes

Bonjour à tous,

l y a plus d’un siècle, on inaugurait à Moulins, dans l’Allier, le Musée départemental Anne de Beaujeu (mab). Situé dans un pavillon attenant au prestigieux Château des ducs de Bourbon, l’institution accueille encore, de nos jours, de nombreux visiteurs. Elle leur propose la découverte de collections variées qui lui ont, quelquefois, valu le surnom mérité de « petit Louvre ». L’institution, qui suscite un grand enthousiasme auprès du public, est référencée dans de nombreux guides et elle est même entrée, en 2016, au classement des musées étoilés du guide vert Michelin.

Un petit Louvre au cœur de l’Allier

Collections du Musée Anne de Beaujeu

En terme de périodes historiques et de pièces exposées, les visiteurs trouveront au mab un parcours aussi vaste que riche. Si le Moyen Âge y est représenté, il est loin d’être le seul. Du côté des expositions permanentes, les collections du mab vont de l’égyptologie et de l’archéologie régionale jusqu’à l’art décoratif local et encore de grandes toiles et sculptures du XIXe siècle. Entre le temps des pharaons et le XIXe siècle, le musée présente également l’histoire des Bourbons et des sculptures bourbonnaises allant du Moyen Âge à la renaissance, mais aussi des peintures et sculptures des XVe et XVIe siècles, en provenance d’Allemagne et des Pays Bas.

Les collections de l’institution ne s’arrêtent pas là. Le beau musée Anne de Beaujeu a, en effet, en charge la conservation de près de 20 000 objets et œuvres d’art qu’il dévoile, aux yeux du public, au fil d’expositions plus temporaires. On peut alors y découvrir des pièces d’exception dans des domaines aussi variés que les arts, les arts décoratifs, ou même l’histoire naturelle et la numismatique. Au delà de ses expositions permanentes et temporaires, le musée répond également présent à l’occasion d’événements spéciaux comme les journées nationales du patrimoine ou la nuit des musées. Enfin, dans la veine de ses activités de conservation et de promotion de ses collections, il édite également divers guides, de beaux livres d’art ou des catalogues d’exposition.

L’actualité du Musée Anne de Beaujeu

Côté actualité, un triple événement vous attend, en 2022, au Musée Anne de Beaujeu. Débuté depuis mars dernier, il se poursuivra jusqu’au 18 septembre de cette année et on y célèbre l’anniversaire de la disparition des 500 ans d’Anne de France (1461-1522).

Exposition événement : Anne de France,
Femme de pouvoir, Princesse des Arts

Affiche Exposition colloque sur Anne de France

Le Ministère de la Culture et la région se sont associés au mab pour faire de cette exposition sur Anne de France un événement exceptionnel. Le musée s’est également allié à d’autres établissements de renom et des pièces de haut vol sont venues enrichir momentanément le patrimoine du musée. Elles proviennent d’institutions aussi prestigieuses que Le Louvre, Versailles, Ecouen, la National Gallery et la Wallace Collection.

Comme on le verra, la grande princesse de la fin du Moyen Âge, épouse de Pierre de Bourbon et fille ainée de Louis XI et de Charlotte de Savoie, n’a pas fait que régner sur le duché du Bourbonnais et donner, plus tard, son nom au Musée Anne de Beaujeu. Cette exposition est là pour témoigner de la grandeur d’Anne de France sur les terrains étatiques, comme artistiques. En juin, l’événement se doublera même d’un colloque visant à explorer, de manière plus large encore, l’influence de cette grande dame des XVe et XVIe siècles, sur les arts, comme sur la politique et la société de son temps.

Deux ouvrages pour accompagner l’exposition

Livre bibliographie Anne de France

Pour tout ceux désireux de mieux connaître la personnalité et les faits d’Anne de France, Aubrée David Chapy, docteure et professeure agrégée d’histoire, co-commissaire de l’exposition vient également de faire paraître, aux éditions Passés-composés l’ouvrage « Anne de France, Gouverner au féminin à la Renaissance ». Il s’agit d’une biographie-essai sur la princesse et femme d’Etat de la fin du Moyen Âge. L’historienne qui a fait de la construction du pouvoir au féminin au Moyen âge tardif et à la Renaissance, un de ses sujets de prédilection est aussi une grande spécialiste d’Anne de France. Elle y avait, en effet, déjà consacrée une partie de sa thèse de doctorat, brillamment reçue, en 2014.

A noter également que les deux commissaire de l’exposition, Aubrée David Chapy donc, et Giulia Longo, conservatrice du musée ont également fait paraître le catalogue de l’exposition, sous le titre Anne de France (1522-2022): Femme de pouvoir, princesse des arts. Il est, lui aussi disponible depuis courant mai (voir en ligne).

Un grand colloque sur Anne de France

Comme indiqué plus haut, d’ici quelques semaines, un colloque viendra s’ajouter à l’exposition pour honorer Anne de France et son leg. Il aura lieu les vendredi 17 et samedi 18 juin 2022, au théâtre de Moulins et aura pour titre : « Autour d’Anne de France. Enjeux politiques et artistiques dans l’Europe des années 1500.« 

Colloque autour d'Anne de France et pouvoir féminin médiéval

Du point de vue du programme, la qualité des invités est à la mesure des ambitions de l’événement. Ils seront, en effet, près de 20 universitaires, conservateurs et spécialistes venus des plus prestigieuses universités et institutions françaises ou étrangères pour parler d’Anne de France, de livres et des arts bourbonnais contemporains de la Princesse. Un journée entière de ce colloque sera également dédié au pouvoir conjugué au féminin durant ces même siècles, du Moyen âge tardif et à la Renaissance.

Pour nous qui nous nous sommes déjà avancé en partie sur ces thématiques de l’empreinte des femmes dans l’histoire de France (voir le cycle sur les grandes dames de la guerre de cent ans), ce programme s’annonce d’excellente faction. On y trouvera du savoir de qualité librement dispensé puisque l’entrée est libre et sans réservation.

Voir le programme détaillé de ce colloque

De prestigieux manuscrits de la BnF

Exposition manuscrits anciens BnF - Collection ducs de Bourgogne

Pour ajouter à ces deux événements, une seconde exposition débutera le 18 juin et se poursuivra, elle aussi, jusqu’au 18 septembre 2022. Le public aura l’opportunité d’y découvrir de prestigieux manuscrits de la BnF sur le thème « Trésors enluminés des ducs et duchesses de Bourbon ». Nous restons donc dans le thème.

D’autres conférences et visites guidées autour de ces expositions animeront la vie du musée durant les mois à venir. Pour le détail de ses programmes et des horaires, voir le site officiel du Musée Anne de Beaujeu.


Ajoutons, pour conclure, que ceux qui ne s’y sont jamais rendus au musée Anne de Beaujeu de Moulin pourront profiter de leur présence sur place, pour effectuer une visité guidée du château des ducs de Bourbon.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : le portrait d’Anne de France sur l’image d’en-tête est extraite du superbe Triptyque du Maître de Moulins de la cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation de Moulins . Il a vraisemblablement été réalisé par le peintre Jean Hey entre la toute fin du XVe et le début du XVIe siècle. Les autres photos de l’article proviennent du Musée Anne de Beaujeu.


J-5 : le musée de CLuny en route vers un nouveau Moyen Âge

Réouverture du musée de Cluny

Sujet : événement, monde médiéval, musée, collections, réouverture officielle, restauration, rénovation,
Période : De l’antiquité au Moyen Âge tardif
Lieu : Musée National du Moyen Âge,
Musée de Cluny, Paris.
Dates : Réouverture officielle le 12 mai 2022
Adresse : 28 rue Du Sommerard, Paris 5
Tél : 01 53 73 78 00 – 01 53 73 78 16

Bonjour à tous,

‘est une excellente nouvelle pour les amateurs de découverte culturelle et d’histoire, autant que pour les passionnés de monde médiéval qui l’attendaient depuis longtemps. A Paris, le grand Musée National du Moyen Âge aka le Musée de Cluny est en passe de rouvrir ses portes au grand public, après 10 longues années de restauration et un projet des plus ambitieux. L’ouverture officielle aura lieu le jeudi 12 mai 2022 et nous sommes donc, au moment de cet article, à moins de cinq jours de cet événement incontournable.

Un renouveau sous le signe de l’accessibilité

La nouvelle entrée du musée de Cluny

C’est donc chose faite. Les grands travaux effectués au musée du Moyen Âge, auxquels était étroitement associé le ministère de la culture, se sont officiellement achevés après quelques retards dus à la crise sanitaire. Au menu de ce chantier chiffré à plus de 20 millions d’euros, il n’était pas simplement question de mettre un léger coup de plumeau sur les superbes collections du musée mais plutôt de deux défis de taille et d’égale importance : restaurer en profondeur les intérieurs et permettre à l’institution de mieux valoriser son patrimoine. Autre défi tout aussi ambitieux en terme d’enjeu, rendre accessible le musée et ses bâtiments classés aux personnes à mobilité réduite. Comme on le verra, au sortir de cette grande opération de rénovation, cette notion d’accessibilité s’est vu notablement élargie, de sa dimension pratique initiale, à bien d’autres aspects qui font, désormais, du musée un espace plus ouvert, plus visible mais aussi plus lisible pour tous les publics. Petit tour de ce musée de Cluny nouvelle génération.

De l’accueil aux aménagements

extrait des collections du musée du Moyen Âge (1)

Commençons par la visibilité extérieure de l’institution et son attractivité. Elles ont été, toutes deux, grandement améliorées par l’ouverture d’un nouveau bâtiment d’accueil moderne, esthétique et fonctionnel, le long du boulevard Saint-Michel. Conçu par l’architecte Bernard Desmoulin, cet édifice très réussi vient s’intégrer, harmonieusement, au reste des bâtis historiques de l’institution, tout en permettant de recentraliser l’ensemble des services utiles au public : guichet, orientation, boutique,…

Sur le thème de l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, dans un ensemble de bâtiments historiques classés et qui présentait de multiples niveaux, le défi était aussi noble à relever que techniquement complexe. Mission réussie sur ce point important du cahier des charges. Au sortir des travaux, tout à été mis aux normes : on a élargi certains passages et installé des rampes. On a également fait la place à des cages d’ascenseurs flambant neufs. Enfin, le niveau de certaines pièces a même été rehaussé pour se plier à ses nouvelles exigences d’accueil. L’institution peut donc, désormais, ouvrir ses portes et ses collections aux personnes à mobilité réduite. Elles bénéficieront, dès à présent, de l’accès mais aussi de toutes les grandes nouveautés qui attendent les futurs visiteurs du musée.

Le Moyen Âge autrement

extrait des collections du musée du Moyen Âge (2)

Dans un documentaire récent posté sur Viadeo par l’Oppic (Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture en charge de la maîtrise d’œuvre du chantier), Séverine Lepage, médiéviste et directrice du musée de Cluny depuis 2019, parlait également des grandes ambitions de cette rénovation en terme d’accessibilité intellectuelle. Sur ce versant des travaux, l’enjeu était ouvertement affiché d’accompagner les publics les plus larges dans une découverte plus compréhensive du Moyen Âge.

Pour atteindre cet objectif, on a refondu totalement le parcours des visites et la présentation des collections. Fini le regroupement par thématique, comme on l’avait voulu en 1956, l’itinéraire sera désormais chronologique. Les visiteurs seront ainsi guidés de l’antiquité gallo-romaine, en partant du frigidarium des thermes de Lutèce, jusqu’aux collections les plus représentatives du Moyen Âge tardif, dans un beau voyage à travers les temps médiévaux. Bien sûr, durant leur expédition, ils ne manqueront pas de découvrir la célèbre tapisserie de la Dame à la Licorne, véritable fleuron du musée, au milieu de nombreux autres trésors d’époque.

Regard, scénographie, que la lumière soit !

extrait des collections du musée du Moyen Âge (3)

Notons enfin qu’au titre de cette restauration en profondeur du musée national du Moyen Âge, on a également dégagé les ouvrants des édifices pour laisser entrer la lumière. La mode des longs tunnels muséographiques n’est plus. Ce parcours plus lumineux permet de mettre mieux en valeur les bâtiments historiques qui hébergent les collections, tout en favorisant la découverte de certaines œuvres sous un jour plus naturel.

Dans l’esprit d’une expérience enrichie pas seulement par l’intellect, mais aussi par la sensibilité et le regard, une attention particulière a été portée sur la mise en espace des collections. Cet agencement savant s’est porté autant sur la recherche de l’émotion esthétique que sur la volonté de favoriser une meilleure compréhension des mondes médiévaux traversés et de leur sensibilité. Lumière, scénographie, itinéraire, mise en espace, dans cette nouvelle version du musée médiéval parisien, tout a été soigneusement pensé pour ravir, séduire et, parfois, même surprendre le visiteur.

Un Moyen Âge nouvelle génération ?

Alors « un Moyen Âge nouvelle génération » comme le dit la communication du musée annonçant sa réouverture ? Plus certainement encore, ce qui vous y attend, à partir du 12 mai, c’est un musée résolument tourné vers le XXI siècle, après une rénovation comme l’établissement n’en avait jamais connue depuis son ouverture, en 1843. Alors, courez-y si vous êtes sur Paris ou si vous y passez. Avec son nouveau visage, le musée de Cluny pourrait bien devenir, dès 2022, l’un des plus en vue de la capitale mais ce n’est pas l’unique raison : 1600 œuvres, 2600 m2 d’exposition, et plus de 1000 ans d’histoire n’y attendent que vous. Cerise sur le gâteau, le 12 mai, les entrées devraient être exceptionnellement gratuites. Retrouvez tous les détails et infos sur le site officiel du musée national du Moyen Âge.

En vous souhaitant une excellente journée.

Frederic Effe
pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Le village médiéval de l’an Mil de Melrand : une aventure archéologique

blason armoirie Melrand

Sujet : archéologie médiévale, archéosite, reconstitution, archéologie expérimentale, parc-musée, Lann-Gouh Melrand. site d’intérêt.
Période : XIe au XIVe siècle, Haut Moyen Âge
Site : Village médiéval de l’an Mil et Centre Archéologique de Melrand,
Lieu : Melrand, Morbihan, Bretagne

Bonjour à tous,

‘est en 1902 que fut mis au jour dans le Morbihan, à proximité de l’agglomération de Melrand, les vestiges d’un village abandonné. Quelques premières fouilles furent effectuées et en l’absence de techniques suffisamment avancées, l’archéologue local, en charge de la trouvaille, pensa, à l’époque, qu’il s’agissait là d’un « oppidum celte » datant de la période préromaine.

Plus tard, on allait découvrir que ces vestiges étaient bien plus récents. Ce petit hameau, perché sur une butte à 115 mètres d’altitude et qu’on avait d’abord pensé antique, était, en réalité, médiéval. Au moment des premières prospections, certains vestiges de céramique caractéristiques avaient été trouvés sur place mais on n’avait pu, alors, les dater précisément. Connue sous le nom de « céramique onctueuse », cette technologie de fabrication a fait son apparition, sur le sol breton, autour de la fin du Xe siècle. Elle y fut en usage presque exclusif jusqu’au XIVe siècle. Dans le courant du XVe, elle se diversifia pour devenir nettement plus marginale à la fin du XVIe. Tout ceci était ignoré en 1902 et il restait encore 50 ans à attendre pour le découvrir ; d’autres techniques d’analyses allaient encore venir à la rescousse des archéologues des générations suivantes pour leur permettre d’affiner leurs conclusions et de percer les mystères de ce village abandonné..

Archéologie médiévale & nouvelles fouilles

Plan de fouilles

Faisons un bond dans le temps pour nous retrouver à la fin des années 70. Le site dit de Lann-Gouh Melrand s’apprête à faire l’objet de nouvelles fouilles et investigations. Est-ce à la faveur d’un certain entrain qu’on voyait émerger alors, autour d’une archéologie plus centrée sur la période du Moyen Âge ? C’est en tout cas la Direction des Antiquités Historiques de Bretagne qui fut à l’initiative de la réouverture d’un grand chantier de fouilles pour une durée de 4 ans. Par les miracles du web (et le travail d’archive du site Persée), on en trouve un compte-rendu détaillé, justement, dans le Tome 12 de la célèbre revue « l’archéologie médiévale ». Il est de la main même de Patrick André, archéologue alors en charge de cette toute nouvelle campagne de prospection du site qui s’étalera de 1977 à 1980. (1)

Les fouilles se sont étendues sur une surface de 2500 mètres carrés. Le chantier correspond à la taille entière du site historique à une infime parcelle près qui n’a pas survécu au temps. Grâce à l’étude de morceaux de charbons de bois, issus des foyers des habitations, on a pu alors affiner la datation des vestiges. On a ainsi fait remonter l’occupation du site à la fin du Haut Moyen Âge et, plus précisément, encore à la fin du Xe siècle et l’aube de l’an mille. On connaissait aussi la céramique onctueuse et les informations pouvaient être recoupées. Mais, au delà des datations, quel portrait pouvait-on dresser de ce Lann-Gouh Melrand du XIe siècle ?

Le village de Lann-Gouh et ses vestiges

site archéologique haut Moyen Âge

Situé en hauteur, le village était enclos et protégé par un talus, surmonté, par endroits, de dalles dressées. Sa disposition tirait aussi partie, sur un de ses flancs, du relief naturel escarpé de la colline sur laquelle il se trouvait installé et pour accéder à ce lieu, une entrée unique avait été ménagée, à l’est de l’enceinte.

Pas de folie des grandeurs sur ce site en l’an mil. Ici, on vivait chichement et on savait, sans doute, se contenter de peu. Les bâtiments étaient de taille plutôt modestes, 40 mètres carrés en moyenne. Du point de vue de la culture matérielle, le site a produit principalement des vestiges d’objets en terre cuite (pot, plat, galettières) ainsi que des fragments de poterie (près de mille), quelques meules de pierre et de granite aussi.

Pour le reste, il est demeuré assez avare en vestiges de type décoratifs, artistiques, mobiliers ou même objets destinés à la parure, pas de monnaie non plus,… Si on a pu en utiliser alors, sans doute qu’une partie d’entre eux du fait de leur composition (bois, matériaux périssables), n’ont pas traversé le temps. Quoi qu’il en soit, il reste que ces traces d’occupation font l’effet d’une communauté relativement (ou peut être simplement naturellement) repliée sur elle-même. De la même façon, on a trouvé, sur place, assez peu d’objets en métal : les simples restes d’une lame de couteau, un petit fragment d’anneau, un peu de patte de fer (mis en valeur, pour ces deux derniers éléments, par des fouilles plus tardives).

Dans l’enceinte, une grande partie des bâtiments et des masures étaient disposés autour d’une place qui semble avoir été le cœur de la vie communautaire des paysans d’alors. Espace social, espace de circulation de quelques 200 m² : on y a trouvé les traces d’un four à pain et les vestiges de ce qui semble avoir été une bergerie, ce qui tendrait à suggérer que le petit bétail se tenait sûrement à proximité de cet endroit et y circulait également. Dans son rapport de fouilles de 1982, Patrick André parle au sujet de cette place de « lieu essentiel de la vie sociale du groupe villageois« . Une autre partie du site de fouilles, celle où les fragments de meules ont été trouvés, suggère une zone sans plus réservée à l’artisanat ou à des dépendances, ateliers, à vocation artisanale : activités de filage ou de tissage peut-être, activités de transformation céréalière,…

Une vie paysanne sédentaire bien réglée

grenier médiéval reconstitué
Grenier surélevé pour des agriculteurs-éleveurs sédentaires – crédit photo © Cédric Adonel

Les fouilles des années 80 et d’autres campagnes effectuées dans leur prolongement ont permis d’évaluer à quelques dizaines, les habitants du lieu. Dans son compte-rendu, Patrick André en mentionnait une trentaine pour 9 bâtiments, mais des contributions plus récentes penchent pour un chiffre plus proche de 70 à 85 âmes. Elles semblent avoir vécu de manière plutôt sédentaire au village, avec quelques incursions en direction des marchés voisins (Pontivy) pour vendre leurs produits et, sans doute, s’approvisionner en denrées, voire en outils qui ne pouvaient être produits sur place.

Plus tard, certaines découvertes archéologique ont permis d’établir une datation précoce de la présence sur site au VIIIe siècle, pour les sources les plus reculées. Elles demeurent toutefois marginales et les vestiges les plus nombreux tendent plutôt à situer l’occupation de Lann-Gouh Melrand entre le XIe siècle et le XIVe siècle. Pour compléter cet aperçu archéologique et historique, si le village fait l’effet d’un lieu communautaire plutôt bien structuré et organisé, on ne note pas de présence d’édifices de culte ou religieux sur le site originel. La présence, attestée dans les sources, d’une paroisse dans le voisinage immédiat ne date que des débuts du XIIe siècle. A la même période (autour de 1125-1130), Patrick André relève l’installation d’un noble ayant fondé, à quelques kilomètres de là, une résidence, puis un château (le château de Rohan). Pour autant, l’archéologue médiéviste ne s’autorise pas à en conclure que des mouvements (assez répandus alors) de regroupement ou d’encastillement, aient pu, dès lors, expliquer la désertion de Lann-Gouh par ses habitants.

Pour qui veut creuser toutes ces questions d’un point de vue archéologique, on trouve encore en ligne le rapport de fouilles complet d’une nouvelle campagne effectuée entre 1988 et 1990, sous la direction, cette fois, de l’archéologue Joelle Chavaloux.

Le Centre Archéologique de Melrand : de l’Archéologie à l’archéosite

Plan de l'archéosite médiéval

C’est en 1985 que l’archéologue Joelle Chavaloux, en accord avec la Direction des Antiquités de Bretagne s’attaque au projet passionnant de faire surgir de terre, à quelques distances du site originel, une réplique du village de Lann Gouh. Un espace musée y sera également ouvert.

Pour ce qui est de l’archéosite, l’intention est simple, y conduire des expériences, des études et des reconstitutions au plus près de la réalité. L’objectif : mieux comprendre la vie de ces paysans bretons de l’an mil. Bien sûr, l’autre vocation importante du site sera pédagogique : village musée, exposition du résultat des fouilles, lieu d’information avec un véritable parti-pris éducatif et encore valorisation du patrimoine. Ouvert sur le monde, ce hameau médiéval de l’an mil, sorti de terre comme neuf, pourra accueillir tous les publics pour leur faire découvrir la vie rurale et quotidienne de nos ancêtres du haut Moyen Âge.

Le village de l’an mil, un rêve d’archéologue devenu réalité

Alors, ni une ni deux, on a troqué les petites cuillères contre les outils et les truelles, et peu à peu, le site a pris forme ; les bâtiments sont sortis de terre. Fidèle au Lann-Gouh original, on y a reconstruit, avec le temps, de belles chaumières médiévales d’époque, des abris pour le bois, une bergerie pour les animaux, un four à pain ou encore un grenier sur pilotis.

« L’archéologie, c’est un support de rêves, il faut bien penser qu’on a quelques traces et qu’on est obligé d’imaginer le reste. Donc aussi bien les archéologues que les visiteurs peuvent avoir tendance à rêver. Pour l’archéologue, ce qui est très important, c’est de ne pas faire croire que ces rêves sont des réalités. Mais sinon, tout le monde a le droit de rêver sur un site comme ça, au contraire même. »
Joelle Chavaloux, FR3 Bretagne, décembre 1986 (2)

A trente cinq ans de l’impulsion du projet et de ces mots de l’archéologue, le site est plus vivant que jamais. Il a atteint, depuis longtemps déjà, l’âge de maturité et, si l’on y rêve encore largement, la science et les découvertes y demeurent à l’honneur. Aujourd’hui, on y accueille des scolaires, des étudiants et des visiteurs venus de tous les coins de France, de Bretagne et même d’Europe. Très régulièrement, on y organise aussi des ateliers ouverts à la découverte de la vie rurale en l’an mil.

Jardin, élevage et ferme médiévale : archéologie expérimentale

reconstitution d'un jardin du Moyen Âge
Un beau jardin et des cultures à la façon médiévale

Temps fort de la visite, la ferme expérimentale de Melrand s’étend sur près de 10 ha. Ici, on élève des races d’animaux anciennes et rustiques (vache pie noir bretonne, mouton d’Ouessant,…), et on fait pousser, aussi, comme au Moyen Âge, légumineuses d’époque ou encore herbes aromatiques et médicinales. Avec son grand jardin et ses terres cultivées, situées non loin des bâtiments reconstitués, cette ferme unique en son genre se veut assez proche en variétés, comme en agencement de ce qu’ont pu connaître les hommes et femmes qui occupaient l’endroit aux temps médiévaux.

Bien sûr, pas question ici de déverser même un once de pesticide, de fongicide ou d’insecticide. L’expérience est scientifique, la règle du jeu médiévale. En se tenant au plus prés des réalités du haut Moyen Âge, on peut ainsi suivre et relever, avec soin et d’année en année, l’évolution des cultures, des sols, et encore la vie et les interactions des animaux de la ferme avec leur environnement naturel et humain : autant de façons d’expérimenter, de manière concrète, ce qu’ont pu vivre, là, ces paysans bretons de l’an mil.

Un parti-pris scientifique de chaque instant

reconstitution ferme médiévale
Elevage de races anciennes et rustiques dans un cadre idyllique

Au delà de la dimension agricole, depuis sa création, les expériences ont vraiment été légion et continuent de l’être sur l’archéosite du village de l’an mil : travail du cuir, tannage, teinture, process artisanaux, cuissons, etc… La liste serait longue. Pour comprendre à quel point la science archéologique est ici de mise, dans un article de 2008 pour la revue Archéologie médiévale (3), Maud Le Clainche mettait, par exemple, l’accent sur l’étude permanente effectuée, sur place, de l’usure naturelle des matériaux de construction, enclos, toiture, … Au passage, l’impact immédiat et très concret des animaux élevés à la ferme expérimentale, sur l’environnement, les sols, la vie rurale, a également, fait l’objet d’études et de relevés tout aussi sérieux.

Dans le même papier, l’archéologue nous explique encore comment un incendie accidentel survenu sur le site a même été mis à profit. Au delà de la gène occasionnée que l’on imagine bien, on a tout de même étudié la rapidité de propagation du feu sur les installations, mais encore les dommages collatéraux occasionnés sur les masures voisines du fait de la proximité des bâtiments et de l’inflammabilité des matériaux, etc… Tout ça pour dire à quel point, l’expérimentation à visée scientifique ne baisse jamais la garde sur cet archéosite de Lann-Gouh. Tout y est prétexte à une meilleure compréhension et à une connaissance plus approfondie des réalités rurales et médiévales et, de fait, on mesure bien à quel point ce genre de site expérimental est indispensable à l’évolution des connaissances en matière historique.

Profitons-en pour noter au passage que l’archéologue Maud Le Clainche a pris la direction du Centre archéologique et de ses installations, depuis le milieu des années 90. De nos jours, elle le dirige toujours avec la même passion. En 2011, ses travaux et ses efforts pour promouvoir, développer et faire vivre ce beau village breton de l’an mil, lui ont même valu une distinction toute particulière : la Médaille du Rayonnement Culturel de l’Association de la Renaissance française.

Intérieur d'une masure médiévale
Intérieur d’une masure médiévale avec foyer central

Programme, animations, reconstitutions

Pour revenir au programme des visites à Melrand, du côté des animations et des reconstitutions, elles suivent le rythme des saisons et de la vie médiévale d’alors : semis, moissons ou même battage au fléau, broyage du chanvre, cuisson du pain au four, etc… Autant d’activités pour lesquels le public est invité à questionner et à interagir avec les équipes d’encadrement. Aux beaux jours, de grandes fêtes événements y sont également organisées avec des troupes de reconstituteurs et d’acteurs. En costume, ils viennent redonner vie à l’ensemble du site, à l’occasion de journée spéciales.

Bref, vous l’aurez compris, on ne s’ennuie jamais dans ce petit village breton reconstitué. Et s’il est apparu, sur le papier et dans la chronologie, bien après celui (imaginaire) d’Astérix et Obelix, il a su, lui aussi, résister au temps à sa manière.

Archéologie et reconstitution au village de l'an mil
Ateliers, reconstitutions et fêtes médiévales au village de l’an mil de Melrand

Kaamelott, films & séries : Lann-Gouh Melrand, lieu de tournage privilégié.

Pour en dire un mot, le parc médiéval et l’archéosite de Lann-Gouh Melrand ne suscite pas que l’intérêt des amateurs d’histoire, d’archéologie ou du grand public avide de découvertes. Véritable star du cinéma, il a, en effet, servi de décor, à plusieurs reprises, à des tournages télévisuels et cinématographiques d’anthologie.

Entre autres films, documentaires et productions célèbres, il a été le théâtre, à l’été 2008, de nombreuses scènes du Livre VI de la série TV culte Kaamelott d’Alexandre Astier. Nul doute que depuis, il a même dû être un lieu de pèlerinage pour de nombreux fans qui, on le sait, n’en perdent jamais une miette quand il s’agit de leur série fétiche.

Kaamelot au village de l'an mil
Kaamelott – livre 6 -Arthurus Rex et photo de Famille de fin de tournage au Village de l’An Mil

Pour conclure, aujourd’hui, le village de l’an mil de Melrand continue d’attirer plus de 10 000 visiteurs par an. C’est une étape à ne pas manquer pour les curieux d’histoire, d’archéologie mais aussi, bien sûr, pour tous les passionnés de Moyen Âge de passage ou résidents en Bretagne et dans le Morbihan. Autant dire qu’il n’attend plus que vous.

Pour plus de précisions sur les horaires, la programmation, les visites guidées, les groupes scolaires ou toute question, il suffit simplement de contacter le village de l’an mil par téléphone au 02 97 39 57 89. Vous pouvez également vous tenir au courant de toute son actualité via son site web officiel.


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En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes


NB : Crédit photo de l’image d’entête © Cédric Adonel

Sources

(1) Un village médiéval breton du XIe siècle : Lann-Gouh Melrand (Morbihan). André Patrick. Archéologie médiévale, tome 12, 1982
(2) Melrand (56). Lann Gouh. Rapport de fouille programmée, Joelle Chavaloux, 1988 -1990
(3) Melrand (Morbihan). Lann Gouh, Maud Le Clainche. Archéologie médiévale, 39, 2009
Un Reportage de France 3 Bretagne archivé sur le site de l’Ina