Archives de catégorie : Romans et livres

Romans récents ou livres anciens, le moyen-âge s’édite et se réédite : fiches de lecture, extraits, impressions, une balade dans l’univers du livre autour du monde médiéval,

Bleu roi, bleu divin, bleu honnête: l’histoire des couleurs par Michel Pastoureau

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, catégorie cognitive et  sociale, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Média : émission radio, livre
Auteur : Michel Pastoureau
Titre : « Des goûts et des couleurs : le bleu »
Radio : France Culture, Hors Champs, Laure Adler

« Regardons les couleurs en connaisseur, mais sachons aussi les vivre avec spontanéité et une certaine innocence. »
Michel Pastoureau – Le petit livre des couleurs

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avions déjà parlé,  il y a quelques temps ici, de Michel Pastoureau. C’était alors à propos des légendes arthuriennes et d’une analyse qu’il faisait de leur popularité médiévale, à travers, notamment, des recherches sur la propagation des prénoms. Dans ses sujets de prédilection et les nombreux écrits et histoire_couleur_moyen-age_conference_monde_medieval_michel_pastoureauouvrages qu’il a, à ce jour, publiés, on doit également à cet historien contemporain, désormais célèbre, un cycle sur l’histoire de couleurs. C’est d’ailleurs, sans doute, avec son bestiaire du monde médiéval, le sujet sur lequel il est le plus connu.

Aujourd’hui, nous publions donc la première émission d’un programme de France Culture, présenté par Laure Adler, qui nous présente, en compagnie de Michel Pastoureau, un aperçu de son ouvrage sur  la couleur bleu, à travers les âges.

L’histoire du bleu

 lien direct vers le même podcast sur le site de France-Culture

Une analyse socio-historique
de la symbolique des couleurs

« Des goûts et des couleurs, il ne faut pas discuter. »

Pour autant qu’il plaide pour une certaine liberté, jamais un dicton populaire n’a été aussi peu suivi d’effets que celui-ci. S’ils peuvent, en effet, se présenter comme des penchants individuels, les couleurs et les goûts sont, avant tout, comme le dit Michel Pastoureau dans cette conférence et comme il le montre dans son ouvrage, des catégories de classement, et, pour être plus spécifique et resserrer un peu cette définition, des catégories sociales symboliques et signifiantes.

histoire_couleur_moyen-age_michel_pastoureau_conference_monde_medieval_anthropologiePas d’équivoque donc, pour être historique, l’approche reste sociologique et anthropologique, à la manière habituelle de Michel Pastoureau, qui, en opposition au dicton populaire que nous citions plus haut, écrira d’ailleurs dans son ouvrage :

« C’est la société qui fait la couleur pas l’artiste ou le savant ; encore moins l’appareil biologique de l’être humain ou le spectacle de la nature »
Michel Pastoureau – Bleu, histoire d’une couleur.

Comme son titre l’indique, le sujet du livre de Michel Pastoureau s’intéresse à l’histoire du bleu au sens large et déborde quelque peu l’Histoire médiévale mais il l’inclut et lui fait, bien entendu, une large part. On y découvrira donc ce bleu encore peu fixé symboliquement dans l’antiquité romaine et qui naîtra à la divinité au XIe siècle en entrant dans les représentations chrétiennes et celles de la Sainte Vierge.  Bientôt frappé de lys d’or, il accédera à la cour des rois pour devenir une des couleurs qui représentera le sang bleu et plus tard, après quelques blason_royal_ecu_azur_fleur_lys_couleur_moyen-age_histoire_medievalepéripéties historiques, la nation française.

« Un écu d’azur semé de fleur de lys d’Or »
Le bleu, couleur des rois

Pour le reste et pour qui douterait encore de l’emprise du social et de sa symbolique sur nos goûts colorimétriques et sur le regard que nous portons sur les couleurs, on y découvrira encore un bleu qui passe du chaud au froid, et qui deviendra même une couleur « morale » ou une couleur « honnête » dans une valse historique des valeurs qui le verra triompher au XXe siècle, pour devenir même la couleur préférée des français et des européens.

Il y aurait encore bien à dire sur l’ouvrage de Michel Pastoureau, et pour le découvrir, si ces sujets vous intéressent, nous ne pouvons que vous enjoindre à y mettre directement le nez.

En vous souhaitant une excellente journée sous le bleu du ciel.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

La médecine médiévale de l’Ecole de Salerne, héritière des civilisations méditerranéennes

medecine_medievale_ecole_salerne_science_savant_Regimen_SanitatisSujet : médecine, citations médiévales, école de Salerne, Europe médiévale, moyen-âge, ouvrage ancien.
Période: moyen-âge central (XI, XIIe siècles)
Titre:  l’Ecole de Salerne (traduction de 1880)
Auteur :  collectif d’auteurs anonymes
Traducteur : Charles Meaux Saint-Marc

« – Veux-tu jouir en paix d’une santé prospère,
Chasse les noirs soucis, fuis tout emportement ;
Ne bois que peu de vin, soupe légèrement;
Souviens-toi de marcher quand tu quittes la table;
Du sommeil en plein jour crains l’attrait redoutable ; 
Crains en toi le séjour de l’urine et des vents.
Fidèle à ces conseils, tu vivras de longs ans.
Es-tu sans médecins? les meilleurs, je l’atteste,
Ce sont, crois-moi, repos, gaîté, repas modeste.  »
Dédicace de l’Ecole de Salerne au grand roi d’Angleterre
“Flos medicinae vel regimen sanitatis salernitanum” ou “L’Ecole de Salerne” Traduction de Charles Meaux Saint-Marc (1880)

Bonjour à tous!

I_lettrine_moyen_age_passion copial fut un temps où pour mémoriser les recettes, les prescriptions et les principes de la médecine, on y mêlait la poésie, ou en tout cas les vers. De fait d’Avicenne à la prestigieuse Ecole de Salerne, nous sont parvenus de ces longs poèmes qui ont influencés, longtemps, la médecine arabe, et après elle la médecine occidentale, du moyen-âge central jusqu’à la fin de la renaissance. Les vers sont alors d’un usage plus mnémotechnique que littéraire pour pouvoir être compris et assimilés de tous, mais il est amusant de penser que dans cette forme de musicalité, elle rejoignait alors une forme de poésie pratique.

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Les retombées culturelles, scientifiques,
médicales et inattendues des Croisades

Nous avons dit un mot ici des apports de la civilisation arabe sur la culture, autant que sur les pratiques philosophiques et scientifiques de l’Europe médiévale (voir portrait d’Avicenne). Quoiqu’on en dise, les croisades fournirent une occasion de circulation des savoirs et dans l’Histoire des civilisations qui entourent le berceau méditerranéen, il semble  bien qu’elles aient, à leur manière, participé d’une dynamique d’échanges mais aussi de conquêtes qui n’a guère cessé au fil des âges, autour de notre méditerranée, et ce bien avant même l’émergence des trois grands religions monothéistes.

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Bien avant la conversion de l’Empire de César au christianisme, l’épisode romain  illustre, de manière exemplaire, ce phénomène mais il est loin d’avoir été le seul, ni le premier dans la région. Quelles qu’en soient les raisons, religieuses, politiques ou économiques, depuis des millénaires les peuples méditerranéens ont guerroyé, commercé, échangé et c’est aussi de cela que nous sommes faits. A y regarder de plus près et toute proportion gardée, il n’est d’ailleurs pas certain que nous en ayons totalement fini avec ces luttes de pouvoir, même si elles ont changé de visage. Bien sûr, concernant les spécificités du sol français à travers l’histoire, il a encore hérité du souffle des vents du nord, celui des premiers vikings qui devinrent nos normands, celui des celtes et des francs qui vinrent aussi guerroyer al-razi_medecine_arabe_juive_persane_moyen-age_ecole_salerne_influence_moyen-age_centralou s’installer sur ces terres pour y fondre leur culture.

Ci contre enluminure: le savant médecin Al Razi représenté dans le Recueil des traités de Médecine de Gerard de  Cremone  (1250–1260), célèbre traducteur médiéval italien d’Hippocrate, d’Avicenne, d’Al- Razi entre autres. 

Quoiqu’il en soit, pour revenir aux croisades, on leur accorde généralement d’avoir ramené vers l’Europe médiévale, par l’Italie et notamment par les traductions des érudits de Salerne, la médecine et la science des arabes autant que leur amour de la philosophie grec et d’Aristote. Au même période, ces expéditions catholiques ne furent pourtant pas les seules sources des échanges. Dans l’autre sens, les conquêtes de l’Espagne par les arabes avaient déjà impulsé des premiers transferts de savoir, et la médecine juive s’y exerçait aussi, autant qu’elle trouvait des foyers d’élection dans le sud de la France et la Provence. Il faut relire les pages de Jules Michelet et son histoire du moyen-âge sur le Languedoc médiéval du XIIIe siècle pour comprendre à quel point ces terres étaient déjà riches d’apports ethniques et culturels méditerranéen au sens large. Dans le même ordre d’idée, on peut encore évoquer le rayonnement et l’ouverture de l’Université de Montpellier sur le monde à partir des XIe et XIIe siècles, et jetant un œil de l’autre côté du massif pyrénéen et vers la péninsule ibérique, il faut encore remarquer les œuvres d’un Alphonse de Castille qui, au XIIIe siècle, avait réuni autour de lui des savants et traducteurs de toutes les confessions: juive, musulmane et chrétienne dans une belle dynamique culturelle d’ouverture toute méditerranéenne.

L’école de Salerne ou la médecine médiévale européenne au carrefour des influences

Pour revenir à notre sujet, quand on parle de médecine médiévale après l’an mille, on ne peut donc abstraire l’influence juive, persane ou arabe, même si l’on s’entend à dire que ce sont plus ces deux dernières qui marqueront de leur empreinte les universités naissantes dans l’Europe médiévale des XIe siècles et suivants. Il serait intéressant de connaître les apports mutuelles à la genèse des médecines juives et arabes dans le temps et à travers l’Histoire, mais le sujet déborde le cadre de cet article.

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Les apports de la médecine perse et arabe en Europe médiévale

Symbole de cette méditerranée culturelle, l’Ecole de  Salerne fut dit-on fondée par le Grec Ponto, l’Arabe Adela (ou Abdullah), le Juif Helinus, et le Latin Salernus. Voilà un beau mythe fondateur pour qui rêve de fraternité entre les peuples et pour qui douterait encore que les cultures quand elles se joignent dans un bel esprit collaboratif produisent un peu plus que la simple somme de leurs vérités respectives. On ne date pas précisément la création de cette Ecole, mais on sait que, dès le IXe siècle, elle commença à dispenser des cours de médecine pratique et même de chirurgie, en s’ouvrant à des étudiants de toutes confessions, venus des quatre coins du berceau méditerranéen. Elle accueillera aussi des malades attirés par sa réputation et qui souhaitent bénéficier de soins.

L’école de Salerne, miniature tiré du Canon de Médecine d’Avicenne, Ibn Sina

A partir du XIe siècle, l’Ecole de Salerne entrera dans un âge d’or qui durera plus de sept cent ans. Comme nous l’avons mentionné plus haut, cette impulsion sera due en grande partie à l’apport de la médecine arabe. En l’occurrence, on doit à Constantin l’Africain, un homme né, sur le sol d’Afrique du Nord et à Carthage d’avoir traduit les premiers ouvrages en latin. Ayant beaucoup voyagé, il arriva près de Salerne vers la fin du XIe siècle et, refusant la chaire que l’Ecole lui offrit alors pour enseigner la médecine, se fit moine auprès du monastère bénédictin du Mont-Cassin situé non loin (lieu
qui n’est autre que celui fondé par Saint-Benoit pour y établir son constantin_africain_medecine_europe_medievale_ecole_salerne_influences_perse_juive_arabe_moyen-age_centralordre en 529).

(ci-contre reproduction non datée d’une miniature médiévale de Constantin l’Africain, artiste anonyme,  domaine public)

Dans les années qui suivirent, Constantin l’Africain gratifia l’Ecole de Salerne  de traités et ouvrages de médecine qu’il rédigea alors. Ceux-ci firent autorité, et dit-on, la gloire du moine, qui dura plus de quarante ans. Moins d’un demi-siècle plus tard, on se rendit compte en traduisant des ouvrages de références de la médecine arabe que ce dernier en avait été le traducteur, plus que l’auteur. L’influence était donc déjà signée, on en avait simplement retrouvé les auteurs originaux. Les ouvrages  du bénédictin resteront de grande importance mais seront bientôt supplantés, entre autres références, par l’incontournable Canon Medicinae, d’Avicenne.

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Flos medicinae
vel regimen sanitatis salernitanum

« Lecteur, tu désirais cette Fleur Médicale:
Que d’elle, pour toujours, un doux parfum s’exhale. »
Epigraphe du Flos Medicinae ou Fleur médicinale
de l’Ecole de Salerne

Par la suite, des nombreux écrits et traductions que Salerne légua à l’occident médiéval et qui furent diffusés en direction des Ecoles et universités de l’Europe d’alors, l’un des plus populaires, sur le terrain de la médecine, fut sans doute le Flos medicinae vel regimen sanitatis salernitanum. C’est un ouvrage collectif écrit en vers et en latin, que l’on prêtait quelquefois originellement à un auteur du nom de Jean de Milan et qui se présente comme un véritable bible de médecine pratique, en vers. Il fut une des grandes références de l’Ecole de Salerne, et son succès a littéralement traversé les siècles pour être encore, jusqu’à la fin de la Renaissance, un texte considéré comme fondamental dans l’art d’exercer la médecine. Pour en donner la mesure, et même s’il date des XIe, XIe siècles, entre le XVe et le milieu du XIXe siècle, on en compte plus de 240 éditions, Il sera notamment abondamment commenté au XIIIe siècle par le célèbre médecin catalan Arnaud de Villeneuve (Arnau de Vilanova)(1240-1311) sous le simple titre de Regimen Sanitatis. Élève lui-même de l’école de Salerne et de l’université de Montpellier, l’édition qu’il en fit connut une grande popularité et contribua encore à la propagation de ce savoir.

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Un long apprentissage pour une profession risquée

medecine_science_medievale_ecole_salerne_moyen-age_medicale_europeen_mediterraneenPour l’anecdote, ajoutons que, dès le XIIe siècle, il fallait plus de huit ans pour faire un médecin à Salerne: à trois années initiales de philosophie et de logique, viennent en effet s’ajouter cinq ans de médecine pratique et théorique, incluant la chirurgie. Même si l’évolution de la science médicale a alors de beaux jours devant elle, cela permet tout de même de mesurer le sérieux que l’on conférait déjà à l’exercice de la médecine.

La profession n’en est pas pour autant, dénuée de risque puisque le moyen-âge connaîtra quelques médecins ainsi formés, exécutés ou brûlés pour n’avoir pas réussi à soigner de haut dignitaires religieux ou politiques un peu chatouilleux. D’autres encore furent même jetés en prison, après coup, bien que les ayant soigné. C’est le cas entre autre d’Arnaud de Villeneuve qui échappa de peu au Bûcher pour certaines de ses prises de position autant que pour sa pratique, bien qu’il avait soigné le pape Boniface VIII. Il fut d’ailleurs sauvé de justesse par ce dernier. L’utilisation que les médecins font alors de l’Astrologie ou de certaines pratiques rituelles pas toujours intelligibles du point de vue chrétien, ont souvent été la source de controverses dont ils ont fait les frais, en se retrouvant frappés d’hérésie.
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Concernant cet ouvrage et pour en conclure, nous vous proposons de le découvrir, par petites touches, en en tirant des citations, issues d’une version traduite en vers français de la version originale de l’Ecole de Salerne et datant de la fin du XIXe siècle. Nous espérons que vous saurez apprécier cette médecine non dénuée de sagesse et qui nous vient tout droit du monde médiéval. Et même si par instants, elle prendra indéniablement dans ses tournures quelques tours désuets, vous y constaterez sûrement, avec de nombreux autres auteurs, que les traités d’hygiène moderne et même certaines formes de médecine hygiénistes ou naturelles actuelles en reprennent les principes, en en ayant souvent oublié les lointaines origines.

En vous souhaitant une très belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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A la découverte des moines bâtisseurs du moyen-âge central avec « les pierres sauvages » de Fernand Pouillon

magie_de_la_lecture_roman_medievalSujet : livre, roman, fiction historique réaliste, abbaye cicestercienne
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Titre : les pierres sauvages
Auteur : Fernand Pouillon (1912-1986)
Editeur : Seuil  (1964)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passion‘est avec grand plaisir que nous ajoutons, aujourd’hui, un article de plus à cette rubrique « livres et romans ». Elle n’est pas encore aussi étoffée que nous le souhaiterions et elle souffre un peu de notre emploi du temps chargé, mais, avec le temps, tout y trouvera assurément fernand_pouillon_roman_moyen_age_abbaye_cistercien_architecturesa place. Quoiqu’il en soit, le parti pris étant plutôt la qualité, le roman que nous présentons ici lui fait largement honneur. Pour n’être pas spécialement récent, cet ouvrage est devenu, en effet, un classique dans le domaine des romans sur la période médiévale et en particulier, sur le sujet de la construction des abbayes cisterciennes et sur le quotidien de ces moines bâtisseurs.

La double passion d’un moine bâtisseur

« la difficulté est l’un des plus sûrs éléments de la beauté »
Extrait de Fernand Pouillon, les pierres sauvages (Guillaume Balz, moine bâtisseur)

D_lettrine_moyen_age_passion‘une grande qualité documentaire, écrit de la main même d’un architecte, l’ouvrage est une fiction historique basée sur le champ des possibles. L’auteur nous  conte, en effet, l’histoire de Guillaume Balz, moine cistercien, architecte et chef de chantier, mandaté par Bernard de Clairvaux pour superviser la construction d’une abbaye dans le courant du XIIe siècle, celle du Thoronet, abbaye cistercienne située dans le Var, construite durant  ce même siècle.

Le roman est donc le roman_monde_medieval_abbaye_cisterciennes_moine_batisseur_fernand_pouillon_les_pierres_sauvagesjournal de bord fictionnel de Guillaume Balz, au jour le jour et sur une période de près d’un an. A l’arrivée du moine, le lieu est à peine défriché et  des solutions doivent être trouvées à tous les problèmes qui se posent déjà pour ériger là, un lieu digne du créateur auquel les moines vouent leur pratique et leur vie. Dans un récit laconique et profond, Fernand Pouillon, nous invite à nous glisser dans la peau de ce moine bâtisseur tenu à se frayer un chemin entre les problèmes matériels rencontrés, la gestion de la communauté qui participe à la vie du chantier (les frères comme les laïques), et la nature hautement spirituelle de l’ouvrage d’architecture auquel il se dédie. Il y sera question de la relation entre l’art de bâtir, la communauté et la foi, de la rencontre du spirituel et du matériel dans une recherche sans fin  de perfection pour tenter humblement d’élever l’oeuvre humaine à la hauteur du divin. Ordre humain, ordre naturel, et ordre divin tout devra trouver sa place pour être sublimé dans l’oeuvre architecturale achevée et le roman vibrera tout entier de cette double passion du moine pour ces pierres sauvages et fragiles qui prendront vie sous sa plume, autant que pour le but ultime et transcendant de son ouvrage.

« La plupart des pierres seront traitées rudement, grossièrement : nous gagnerons du temps. Le soleil accrochera les facettes, les éclats, et fera précieuse la matière scintillante. Les anges, les joints dressés, ciselés, deviendront les pures arêtes, définiront le filet de la maille élémentaire, par la discrète diversité des fins appareillages que nul mortier apparent n’insensibilisera. Voilà pourquoi je ne veux pas la bâtir, l’engluer de chaux; je veux lui laisser un peu de liberté, sinon elle ne vivrait pas. »
Extrait de Fernand Pouillon, les pierres sauvages
(Guillaume Balz, moine bâtisseur)

Des pierres sauvages encore vivantes

L'Abbaye cistercienne Thoronet, dans son écrin de verdure
L’abbaye cistercienne du Thoronet, dans son écrin de verdure

B_lettrine_moyen_age_passionien qu’écrit il y a plus d’un demi-siècle, le roman de Fernand Pouillon est encore bien vivant et, en 2011, l’abbaye du Thoronet a même crée un spectacle en hommage à ses Pierres sauvages,  autour de la lecture d’extraits choisis par la comédienne Mady Mantelin.  L’ouvrage a aussi été traduit depuis sa parution dans de nombreuses langues et a dépassé de loin les frontières de France. Peut-être a-t’il ainsi rejoint la volonté de son auteur qui plus que d’en faire le témoignage d’une architecture passée voulait, au contraire, par son biais, remettre en question et en perspective les enjeux modernes de sa discipline.

« …Les plus nombreux considèrent ce livre comme une histoire se rattachant davantage à l’archéologie, à une architecture périmée, à une époque à jamais révolue qui n’a aucun rapport même lointain avec notre temps. Est-il utile de dire que mon intention fut de décrire à travers une aventure exemplaire ce qu’était le métier d’un architecte hier aujourd’hui et demain. »  Fernand Pouillon

Pour dire encore quelques mots de Fernand Pouillon, on lui doit une longue carrière d’architecte, ainsi que de nombreuses réalisations dans ce domaine. Plus que de lui avoir inspiré un simple roman, les longues heures passées à l’abbaye du Thoronet semblent aussi avoir influencé son travail architectural. A n’en pas douter, en effet, au moins l’une des passions roman_monde_medieval_fernand_pouillon_pierres_sauvagesqu’il met dans ce moine bâtisseur est sienne et le romancier architecte était un véritable amoureux de la pierre; il y a, sans nul doute, dans ce Guillaume Balz plus d’un trait de l’auteur lui-même.

Ecrivain, architecte, entrepreneur, la vie de Fernand Pouillon pourrait encore faire l’objet, à elle seule, d’un roman d’aventure puisqu’il connaîtra également quelques déboires judiciaires et la prison pour une affaire d’abus de biens sociaux. Il s’en évadera même pour se présenter plus tard à son procès. et finira, sa courte peine expurgée et voulant exercer à nouveau, par subir des menaces qui le contraindront à s’exiler en Algérie où il finira sa carrière d’architecte et sa vie. Pour la petite histoire, il a d’ailleurs écrit son roman les pierres sauvages pendant ces années d’incarcération et reçut un prix à cette occasion.

Pour en conclure et pour revenir à ce livre, quand il s’agit de parler du moyen-âge central, on peut difficilement faire l’impasse sur le rôle joué par les ordres monastiques et notamment les abbayes cisterciennes qu’il s’agisse d’influence économique, éthique ou politique, comme de grands travaux d’architecture (voir l’article sur l’abbaye de Clairvaux).  Cet excellent roman vous fera voyager à la découverte de ces grands travaux, depuis l’intérieur, avec tous les questionnements profonds que cela ne devait pas manquer de soulever.

Une excellent journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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un roman historique sur le moyen-âge: les piliers de la terre, de Ken Follett

roman_monde_medieval_moyen-ageSujet : roman historique, fresque médiévale, aventure médiévale
Période : XIIe, moyen-âge central
Titre : les piliers de la terre
Auteur : Ken Follett.
Parution : 1990 pour la VF.
Editeur : Le livre de poche

« Les piliers de la Terre »,  roman historique magistral

« On ne récompense pas les perdants, moine. Dans le monde où nous vivons, il n’y a pas de pitié. Les canards avalent les vers, les renards tuent les canards, les hommes abattent les renards et le diable poursuit les hommes. »
Ken Follett. Les Piliers de la terre.

L_lettrine_moyen_age_passionicencié de philosophie, puis journaliste, Ken Follett est surtout devenu un auteur prodigue et touche à tout qui s’intéresse à l’Histoire au sens large. Ses romans couvrent différentes périodes et s’inscrivent toujours dans la trame des faits historiques avec beaucoup de sérieux et de manière toujours très documentée. Pour le sujet qui nous touche particulièrement, le moyen-âge et le monde médiéval, l’auteur gallois nous a légué deux ouvrages  qui se passent dans le même monde mais sont séparés dans le temps par deux siècles  « les piliers de la terre » et « Un monde sans fin« . Il en prépare même un troisième qui viendra compléter la trilogie et nous nous intéressons, dans cet article, au roman_historique_monde_medieval_ken_follett_les_piliers_de_la_terrepremier: « les piliers de la terre ». Une série en a été tirée, il y a quelques années, mais pour l’instant c’est au roman de l’auteur que nous dédions cet article et non sur son adaptation télévisuelle, qui, à n’en pas douter et comme c’est toujours le cas, a permis encore de booster les ventes de l’ouvrage. Même s’il date déjà de plus d’un quart de siècle, ce roman magistral trouve naturellement sa place ici pour ses grandes qualités, historiques, autant que littéraire. (ci-contre portrait de l’auteur Keen Follett)

Une épopée médiévale
dans l’Angleterre des cathédrales

« Priez pour demander des miracles, mais plantez aussi des choux. »
Les piliers de la terre. Ken Follett

L’action des Piliers de la Terre nous emmène autour de la construction d’une cathédrale, à Kingsbridge – ville fictionnelle portant le nom d’une autre ville bien réelle mais qui n’a jamais eu de cathédrale – , dans une Angleterre déchirée entre guerre civile et conflit de succession. Pour être fictif, le chantier autour de l’édifice religieux n’en est pas moins abordé de manière très sérieuse et sourcée, mais ne vous y fiez pas pour autant, les travaux autour de la cathédrale sont loin d’épuiser le sujet du livre. C’est, en effet, à la découverte profonde de ce XIIe siècle, sous toutes ses dimensions politiques, religieuses, sociales, que Ken Follett nous entraîne, à travers cette épopée médiévale haletante, à laquelle il ne manque rien. Avec un souci toujours croissant du réalisme, l’auteur a su s’entourer d’une équipe de spécialistes, historiens et documentalistes pour élever son roman  à la hauteur d’une véritable fresque qui ne cède pourtant, à aucun moment, un pouce à l’action. On retrouve bien là le Ken Follett des thrillers et des romans de roman_aventure_historique_moyen-age_ken_follettd’espionnage qui sait, avec talent, tenir son lecteur en haleine. Le moyen-âge y est vibrant et bien réel, l’action et l’aventure sont là; Au final, l’immersion est totale.

« Tom était de ces gens qui gardent leur religion au fond du cœur. Ce sont parfois les meilleurs. »
Les piliers de la terre, Ken Follett

Porté par des personnages qui diffèrent par le milieu social et dont on suit, au fil du roman, les déboires, les vicissitudes, les trahisons et finalement la destinée, l’oeuvre réussit à nous faire revivre ce douzième siècle à travers les yeux de chacun d’eux: la dure réalité de leur vie, leur condition humaine et sociale, leurs trajectoires hasardeuses entre jeux de pouvoir et survie. Au delà, dans une aventure menée de main de maître, se mêleront encore au roman, ambitions et luttes de pouvoir intestines, à l’intérieur de l’Eglise comme entre les nobles, rivalités entre église et pouvoir politique aussi, et encore lutte contre les éléments, contre la misère et pour la vie, dans la violence, la haine, la passion et l’amour sur fond d’un monde médiéval, trempé de religion où la présence de Dieu et la mystique restent omniprésentes.

Une trilogie bientôt achevée

« Vous êtes jeune, frère Godwyn. Avec le temps, vous apprendrez que les puissants ne montrent jamais de gratitude et acceptent comme un dû celle que nous leur manifestons. » 
Un monde sans fin, Ken Follett

Best seller absolu, traduit dans de nombreuses langues, les piliers de la terre a, à ce jour, dépassé les 20 millions d’exemplaires vendus dans le monde, suivant son éditeur.

Faisant suite à ce roman, l’excellent ouvrage Un monde sans fin est de la même veine. Il  nous invite à nouveau dans le même monde, mais cette fois-ci sur fond de XIVe siècle. Le temps a passé et ce sont les roman_aventure_historique_moyen-age_un_monde_sans_fin_ken_follettdescendants des héros du premier opus que nous retrouverons dans ce deuxième roman d’aventure.  L’action et l’excellence sont encore au rendez-vous et pour ceux qui ont lu déjà ces deux excellents livres, un troisième est actuellement en cours de rédaction qui viendra compléter la trilogie et devrait paraître, des mots même de l’auteur, autour de l’automne 2017.

Un jeu vidéo sur les piliers de la terre

Les piliers de la terre le jeu vidéo
Les piliers de la terre, le jeu vidéo et la ville fictive de Kingsbridge réconstituée par Daedalic entertainement

Plus de 25 ans après sa sortie et du côté « actualité », l’histoire du roman de Ken Follett a aussi inspiré un jeu vidéo, actuellement en préparation chez Daedalic Entertainment, un studio de production allemand qui entend bien tenir le titre prêt, autour des mêmes dates que la sortie prévue du troisième livre de l’auteur sur le petit monde de Kingsbridge et ses héros.

Transposer une aventure aussi fouillée et détaillée relèvera surement de la gageure sans parler d’y introduire la nécessaire interactivité qu’on peut attendre de tout bon jeu qui se respecte. De fait, c’est certainement plus dans le « monde » des piliers de la terre et de ses personnages que le titre nous transportera mais sans coller totalement à l’ensemble du roman. L’expérience ne saurait, en effet, être comparable à la lecture, même si la société de production allemande dit vouloir mettre la barre assez haute en terme d’ambition « littéraire » du jeu. Je vous traduis ici les mots de Carsten Fichtelmann, fondateur et CEO de Daedalic Entertainment dans un communiqué de presse sur le sujet au moment d’initier le projet (2014):

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D’un point de vue graphique le studio Daedalic penche pour l’instant, pour un côté plus « bandes dessinées » que réaliste.

« Nous sommes parfaitement conscients et nous ressentons la responsabilité qui nous échoit avec un tel projet. Les Piliers de la terre est un des best-sellers de littérature les plus lus dans le monde et il est suivi, depuis longtemps, par une large base constituée de millions de fans. Etre à la hauteur de leurs attentes sur notre jeu sera un défi formidable. mais que nous sommes fortement motivés à relever. Ensemble avec Bastei Lübbe (le distributeur du jeu) et Ken Follett, nous avons déterminé que le genre qui conviendra le mieux  et sera le plus adapté pour exprimer la profondeur d’un tel roman historique sera le jeu d’aventure. Les jeux d’aventure sont une forme de littérature interactive et chez Daedalic nous nous sommes dédiés à perfectionner ce genre de jeux. Nous sommes heureux et nous sentons extrêmement honorés de voir que notre travail est reconnu par un des plus grands auteurs de best-sellers au monde. et d’avoir la possibilité de mettre son travail en interactivité. »
Carsten Fichtelmann, Daedalic Entertainment (Article original ici)

L_lettrine_moyen_age_passione projet datant de 2014, voilà déjà presque deux ans que le studio de production y est affairé et nous en partageons ici un petit avant-goût pour les amateurs de jeu vidéos, autant que pour les curieux.

Comme il faudra encore patienter jusqu’en 2017 pour que le jeu vidéo inspiré de l’oeuvre de Ken Follett voit le jour, en attendant et pour revenir à cet excellent roman, n’hésitez pas si vous ne l’avez pas encore lu, les Piliers de la terre reste un ouvrage indémodable et de très grande qualité.

En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »