Archives de catégorie : Romans et livres

Romans récents ou livres anciens, le moyen-âge s’édite et se réédite : fiches de lecture, extraits, impressions, une balade dans l’univers du livre autour du monde médiéval,

Contre le Moyen Âge, l’éternel retour du moyenâgeux

Sujet  :   citations, Moyen Âge,  historien, médiéviste , livres, préjugés, idées reçues, pouvoir politique
Auteur : Régine Pernoud (1909-1998)
Ouvrage : Pour en finir avec le Moyen Age, Seuil (1977)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous sommes heureux de partager un extrait de « Pour en Finir avec le Moyen Âge« , un des plus célèbres ouvrages de Régine Pernoud. Elle le rédigea plus de 30 ans après son premier ouvrage « Lumière du Moyen Âge » daté de 1946. De l’un à l’autre, le combat restait pourtant le même : lever le voile sur le Moyen Âge historique et le remettre à sa place, au milieu d’un océan de préjugés et de vents contraires.


« C’est assez dire que le Français moyen, aujourd’hui, n’accepte plus qu’on qualifie de « gauches et maladroites » les sculptures d’un portail roman, ou de « criardes » les couleurs des vitraux de Chartres. Son sens artistique est suffisamment éveillé pour que des jugements qu’on n’aurait même pas discutés il y a trente ans, lui paraissent, à lui, définitivement périmés. Cependant il reste un certain décalage, qui, peut-être, vient surtout d’habitudes d’esprit ou de vocabulaire, entre le Moyen Age qu’il admire toutes les fois qu’il en a l’occasion, et ce que recouvre pour lui ce terme de Moyen Age. (…) Moyen Age signifie toujours : époque d’ignorance, d’abrutissement, de sous-développement généralisé, même si ce fut la seule époque de sous-développement pendant laquelle on ait bâti des cathédrales ! Cela parce que les recherches d’érudition faites depuis cent cinquante ans et davantage n’ont pas encore, dans l’ensemble, atteint le grand public. »

Régine PERNOUD – Pour en Finir avec le Moyen Âge (1977)

Une citation de Régine Pernoud sur le Moyen Âge en Image

L’actualité du combat de Régine Pernoud
pour le Moyen Âge

Dans la citation du jour, la médiéviste faisait remonter à 150 ans avant elle, et au début du XIXe siècle, les premières déconstructions sérieuses du Moyen Âge à l’égard des visions caricaturales qui les avaient précédées. Et pourtant… Aujourd’hui, de nombreux spécialistes de cette période historique continueraient sans doute de s’accorder avec elle quand elle écrivait, dans ce même livre de 1977 : « …Or le médiéviste, s’il s’est mis en tête de composer un sottisier sur le sujet, se trouve comblé par la vie quotidienne. Pas de jour où il n’entende quelque réflexion dans le genre : « Nous ne sommes plus au Moyen Age », ou « C’est un retour au Moyen Age », ou « C’est une mentalité médiévale ».

Pour en finir avec le Moyen Âge, essai de Régine Pernoud

Force est de constater, en effet, que l’actualité des petites phrases ou d’articles vus ici ou là, comme certaines énormités issues de productions cinématographiques récentes, ne cessent de lui donner raison. A presque 200 ans de son point de référence, certains préjugés perdurent à l’encontre des temps médiévaux et c’est au point qu’on a du mal à croire qu’il puisse s’agir d’un simple phénomène passif ou d’ignorance communément partagée. Même si le chemin peut, quelquefois, être long du savoir académique et des laboratoires au grand public, le fait que les relais se soient aussi peu effectués en deux siècles semble aller un peu au-delà d’un simple défaut circonstanciel du système éducatif ou d’une « négligence » des programmes. Il faut bien qu’il y ait, tout de même, quelques volontés à l’œuvre pour expliquer tout cela (voir Moyen Âge, idées reçues et Révolution des machines). Et si, on peut, tout de même, espérer que les choses se soient un peu améliorées grâce à l’œuvre de la médiéviste du XXème siècle et de quelques autres vulgarisateurs après elle, un phénomène complexe de cristallisation semble être à l’œuvre ici qui condamne le public à ne jamais pouvoir entrer, tout à fait, en contact avec le Moyen Âge historique, comme certaines de ses valeurs et richesses. Pour en dire un mot, ce phénomène nous semble à la fois historique, langagier et idéologique. Si vous voulez vous frottez à quelques réflexions le concernant, nous vous invitons à télécharger cet article « Contre le Moyen Âge, l’éternel retour du Moyenâgeux« .

Hors de l’historiquement correct

Si Régine Pernoud a été souvent décriée par certains de ses confrères — en partie pour ses convictions et sa marginalité académique, mais peut-être aussi pour ses efforts de vulgarisation couronnés de succès auprès du public — on peut constater que ses détracteurs n’ont pas toujours réussi à remettre à l’heure les pendules du Moyen Âge, pas d’avantage qu’à soulever les mêmes montagnes qu’elle (1). De fait, en 1977, l’historienne constatait déjà les prémices d’un regain d’intérêt pour la période médiévale et ses monuments, soutenus entre autre par la télévision et ses programmes éducatifs (où sont-ils ? ). Pourtant, elle n’a pas fait qu’observer ce mouvement. Par son œuvre impressionnante — pas moins de 60 ouvrages d’une grande accessibilité — elle y aura aussi contribué. En touchant un très large public, les ouvrages de Régine Pernoud ont participé de cet engouement pour le Moyen Âge que n’ont pu que constater (comme elle ou après elle) des Jacques le Goff (qui parlait de « mode du Moyen Âge ») et d’autres médiévistes. Cet intérêt pour le monde médiéval perdure encore, même s’il a pris entre-temps d’autres formes et que sont venues s’y greffer d’autres influences exogènes et d’autres représentations.

Quoi qu’il en soit, même si elle ne s’est guère préoccupée de verser dans « l’historiquement correct » et n’en déplaise à ces opposants, on lit encore Régine Pernoud aujourd’hui, et on l’apprécie toujours plus de 20 ans après sa disparition. Jugez-en simplement par les commentaires élogieux sur ses ouvrages qui constellent le web. Et si on peut admettre que les années ont un peu passé sur certains d’entre eux, leurs vérités ont loin d’avoir été emportées par le flot du temps. Les sujets traités sont riches, son œuvre exhaustive. Durant sa longue carrière, Régine Pernoud n’a pas fait que réconcilier le Moyen Âge avec les femmes et le pouvoir féminin même si elle y a grandement contribué. Elle a éclairé toute cette période de sa sagacité, avec une volonté sincère de la faire partager au plus grand nombre et de transmettre. Avec un sens véritable de la pédagogie, nul ne pourrait dire, aujourd’hui, qu’elle n’y est pas parvenu.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous  toutes ses formes

(1) Au sujet des détracteurs de Régine Pernoud, tout autant que de son legs, lire le riche article « Défendre le Moyen Âge, les combats de Régine Pernoud » de Jean-Louis Benoît, issu de l’ouvrage collectif Le Savant dans les lettres, paru en 2014, aux Presses universitaires de Rennes.

NB : sur l’image d’en-tête, en arrière plan de la photo de Régine Pernoud, l’enluminure et ses bâtisseurs de cathédrales sont tirés du manuscrit de la BnF Latin 4915 : le Mare historiarum ou la Chronique universelle de la Création à 1250 du Frère dominicain et chroniqueur italien Giovanni Colonna.

prodige de l’asservissement et de la manipulation des âmes, Roger Bacon

Statut du savant médiéval Roger Bacon

Sujet : science médiévale, savant, psychologie, citations médiévales, miroir des princes, exercice politique, manipulation, asservissement.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Roger Bacon (1214-1292)
Ouvrage Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art et la nullité de la magie, A. Poisson, (1893)

Bonjour à tous,

ans le courant du Moyen Âge central, le savant, médecin et alchimiste Roger Bacon liste, dans un petit ouvrage de moins de 100 pages, les prodiges de la nature et de l’art contre ceux de la magie. Au XIXe siècle, l’écrivain et alchimiste Albert Poisson traduira en français actuel cette Epistola de secretis operibus naturae et artis et de nullitate magiae du Doctor Mirabilis dont on n’avait déjà connu certaines traductions en français vernaculaire dans le courant du Moyen Âge.

Dans cette Lettre sur les prodiges de la Nature et de l’Art, le savant médiéval listera un certain nombre de choses dont certaines pourraient paraître assez surprenantes au profane, au regard du XIIIe siècle dont Roger Bacon est contemporain. Nous en avons déjà cité quelques extraits et citations dans de précédents articles et nous nous récidivons aujourd’hui.

L’asservissement des individus par le prince

Citation illustrée de Roger Bacon tirée de la lettre des Prodiges

Dans son chapitre consacré aux « expériences merveilleuses », Roger Bacon conclut en s’éloignant des arts mécaniques pour basculer sur un propos plus proche de la manipulation politique des individus.

« Il y a un prodige qui l’emporte sur tous les précédents. L’âme raisonnable, qui ne peut être asservie, puisqu’elle possède la liberté, peut cependant être efficacement circonvenue, dominée et disposée de telle sorte qu’elle changera volontiers ses habitudes, ses affections, ses volitions, selon la volonté d’un autre (1), et non seulement on peut ainsi dominer une personne, mais encore une armée, une cité, tout un peuple. Aristote dans le livre des Secrets enseigne la manière de faire cette expérience aussi bien sur un peuple ou une armée que sur les individus. L’on peut dire que c’est là l’extrême limite de la nature et de la science. »

Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art,
Roger Bacon (1220-1292), Traduction de Albert Poisson

(1) note d’ Albert Poisson : Roger Bacon exposant clairement le dogme de la suggestion mentale ou du magnétisme animal, comme on voudra, quel enseignement pour les adorateurs fanatiques de la science actuelle ! Et encore l’alchimiste anglais reporte cette expérience à Aristote, ce qui nous ramène à quelques siècles avant l’ère chrétienne, ou tout au moins si le livre des Secrets est supposé, à un écrivain arabe. Le fait est trop clairement exposé pour être discuté, Bacon parle bien de la substitution d’une volonté à une autre volonté !

Le Secret des Secrets, un succès médiéval

La référence de Bacon est donc empruntée au Secretum Secretorum, ouvrage très populaire du Moyen Âge que l’on a longtemps attribué à Aristote, devenu avec le temps « Pseudo-Aristote » et dont l’auteur est resté anonyme.

Ce « Secret des secrets » a émergé dans la littérature proche-orientale du Xe siècle sous la forme d’un ouvrage ayant pour nom « Kitāb-al-siyāsaẗ fī tadbīr al-riyāsaẗ ». Ce dernier se présente comme un échange épistolaire supposé du philosophe Aristote vers son prestigieux disciple Alexandre le Grand. Ses origines sont, peu ou prou, inconnues. La version arabe s’annonce comme une traduction du grec vers le syriaque, puis de cette langue vers l’arabe par Abu Yahya ibn al-Batriq, un érudit du IXe siècle. Depuis, cette assertion a été remise en cause par certains érudits et certaines hypothèses font remonter Le Secret des Secrets à un autre miroir des princes islamique dont il aurait été inspiré : le as-Siyâsat al-‘âmmiyyahn du VIIIe siècle.

Popularité de cet ouvrage au Moyen Âge

Livre de conseils de gouvernance (ou miroir des princes, comme on les nomme alors), le Secretum Secretorum apparaîtra, en Europe, dans des centaines de manuscrits du Moyen Âge central : d’abord en latin, puis en français vernaculaire à partir du Moyen Âge tardif et des XIVe/XVe siècles. Il existe en deux versions une courte et synthétique, une autre plus longue de plusieurs volumes. Les thématiques abordés par ce « digest » de la bonne tenue et de la bonne gouvernance à l’attention des puissants demeurent assez larges : stratégies à tenir en matière d’administration et de gestion du pouvoir, usage des conseillers, vertus nécessaires et vices à écarter mais encore santé, régime, vêtements et apparence, … Et pour finir, cette énigmatique « physiognomonie », une discipline qui permettrait de connaître l’âme des hommes d’après leur physique/physionomie, leurs traits particuliers et leurs attitudes, à des fin, bien sûr, de manipulations ou, pour le dire plus positivement, de meilleur gouvernement.

Le Livre "Le Secret des Secrets par Denis Lorée

En plus des manuscrits qui attestent de la grande popularité médiévale de l’ouvrage, des références à son contenu apparaissent aussi clairement entre les lignes de nombreuses autres auteurs médiévaux dont Albert le Grand ou Gilles de Rome. Roger Bacon en proposera même une version remaniée et annotée. Plus près de nous, on doit au Docteur ès Lettres et professeur Denis Lorée, une édition commentée du Secrets des Secrets qui vous pourrez trouvez facilement en ligne (voir également ce lien).

Vieux comme le monde et toujours d’actualité

« Plusieurs types de secrets se côtoient dans le traité du Pseudo-Aristote. Les secrets humains sont ceux que chacun utilise pour tromper l’autre. Ils ne sont acceptables que lorsqu’ils permettent de maintenir le prince dans ses fonctions et le royaume en équilibre. »

Edition commentée du Secret des Secrets, Denis Lorée, CELAM, 2012.

A ces secrets, viendront s’ajouter, notamment, les secrets divins, confiés à Dieu à un nombre choisi d’élus et de princes avec grande responsabilité de ne pas les révéler. Marketing médiéval et teasing avant l’heure ? En suivant la plume de Denis Lorée, une partie des secrets éventés par l’ouvrage pourrait avoir fait l’effet d’être un peu remâchés ou survendus même pour certains érudits et savants du XVe siècle.

Quant à la manipulation des individus et des masses par les pouvoirs politiques, si les moyens sont différents au XXIe siècle, le fond n’a guère changé. A l’ère du tout médiatique et numérique, la rapidité de traitement de l’information et son inflation est loin d’être un gage de qualité, et encore moins de vérité. Comme toujours, pour demeurer libre et échapper à la désinformation autant qu’à la manipulation, le devoir nous échoit de croiser très sérieusement les sources pour exercer à plein notre intelligence. C’est, à ce jour, la seule chose qui permette de se faire une idée plus claire de la réalité de l’action politique derrière le visage affable de sa communication. Ce devoir de sens critique est particulièrement essentiel à l’heure où l’on traverse, en France assurément, sinon dans d’autres pays d’Occident, une crise de confiance de plus en plus grande vis à vis de la réalité de l’exercice démocratique, le tout en relation avec des connivences de « caste » aux idéologies autant qu’aux intérêts politico-économico-médiatiques convergents.

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : l’image d’en tête est tirée, pour le premier plan, d’une gravure de l’édition de 1893 de la Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art de Roger Bacon, traduite par A poisson. Son arrière plan provient du manuscrit Ms- 2872 de la Bibliothèque de l’Arsenal. Daté de la première moitié du XVe siècle, cette ouvrage contient diverses œuvres du Moyen Âge en provenance d’auteurs divers, dont le Secrets des Secrets (à consulter en ligne ici).

Idées reçues : des sorcières au Moyen Âge avec Martin Blais

Martin Blais, médiéviste et philosophe

Sujet : citations, Moyen Âge, idées reçues, barbarie, modernité, révolution, technologie, Moyen Âge, préjugés, sorcellerie, sorcières, livres.
Période : renaissance, XVIIe siècle, XVIIIe
Auteur : Martin Blais
Ouvrage : Sacré Moyen Âge (1997)

Bonjour à tous,

omme nous l’avons mentionné à l’occasion de l’actuelle exposition sur les sorcières du KBR Museum, s’il existe un préjugé qui a la vie dure au sujet du Moyen Âge, c’est bien cette vision de centaines, quand ce n’est de milliers, de femmes exécutées par l’Eglise, sous l’accusation abusive de sorcellerie. Bûchers à perte de vue et leurs feux meurtriers, justice ecclésiastique arbitraire, en réalité, tous ceux qui s’intéressent de plus près au monde médiéval savent que tout est faux dans ce type d’affirmation. La période n’est pas la bonne, l’exécuteur non plus, comme nous allons le voir dans l’extrait du jour.

Sorcières, bûchers et bras séculier

Une fois de plus, c’est à Martin Blais (1924-2018) et son ouvrage Sacré Moyen Âge que nous emprunterons ce passage. Cet écrivain, philosophe et enseignant canadien très prolifique, est loin d’être le seul à avoir écrit sur les idées reçues à l’encontre du Moyen Âge. De nombreux médiévistes s’y sont attelés, mais son ouvrage a l’avantage d’être digeste et accessible. Si ces questions vous interpellent mais que vous n’avez pas envie de lire une encyclopédie, ce petit bouquin pourrait donc être un bon point de départ.

Avant de partager cet extrait et pour ceux qui penseraient que si le Moyen Âge n’a pas brûlé de sorcières, il a, tout de même, connu une inquisition massivement meurtrière, à l’encontre des hérétiques ou contradicteurs de toutes sortes. Ajoutons qu’il s’agit, là encore, d’une affirmation à nuancer. Contre toute attente, le film Le Nom de la Rose n’est pas vraiment représentatif des temps médiévaux et, jusqu’à très récemment, des historiens très sérieux se sont même évertués à déconstruire l’inquisition médiévale et sa légende noire.

Citation illustrée de Martin Blais sur les préjugés sur le Moyen Âge

« Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est de 1580 à 1640 que la chasse aux sorcières connut sa plus forte intensité : 1580, c’est le XVI e siècle, c’est la Renaissance ; 1640, c’est le XVII e siècle. On reste songeur. Eût-il été plus juste que mon encyclopédie note : « À la Renaissance et au XVII e siècle, on brûlait les sorcières » ? Quel choc ! Toutes les horreurs du passé ne doivent-elles pas s’entasser dans la grande poubelle de l’histoire, le Moyen Âge ? Stupéfiant, mais le prestigieux XVII e siècle appartient à l’époque qui s’est le plus tristement signalée par sa lutte barbare contre les sorciers et les sorcières. Même le XVIII e en a été entaché.

Enluminure sorcière manuscrit médiéval
 » Des Vaudoises » enluminure du XVe (1)

Une autre surprise nous attend. Les pays qui se livrèrent avec le plus de sévérité à la chasse aux sorcières furent tout d’abord l’Allemagne, puis la Suisse et l’Écosse. Pour une population de quatre millions d’habitants, l’Angleterre a allumé mille bûchers ; la France n’en a pas allumé davantage pour une population cinq fois supérieure. Pour une population comparable à celle de l’Angleterre, la Scandinavie a allumé deux mille bûchers. La persécution a été à peu près inexistante en Italie, en Espagne et au Portugal.

À partir de la Renaissance, c’est le « bras séculier » qui poursuit les sorciers et les sorcières. Le « bras séculier », c’est-à-dire l’autorité civile et non pas l’Église et son Inquisition, tristement célèbre. Quelques exemples. En Lorraine sévit un redoutable chasseur de sorcières, Nicolas Rémy, grand juge et procureur général de 1576 à 1591. Cet homme abominable a envoyé au bûcher environ trois mille sorciers et sorcières. En 15 ans, trois fois plus de victimes, à lui seul, que pendant tout le millénaire du Moyen Âge. »

Martin BlaisSacré Moyen Âge (1997)

(1) Cette enluminure est tirée de l’ouvrage, « Le Champion des dames », de Martin Le Franc, Prévost de l’église de Lausanne. Ce manuscrit médiéval, daté du milieu du XVe siècle, est conservé à la BnF sous la référence MS Français 12476 . En marge du Feuillet 105v, cette femme volant sur son balais a pour légende « Des Vaudoises », autrement dit « des sorcières », « des adoratrice de Satan ». On utilisait cette appellation en référence à l’hérésie vaudoise. Sur le feuillet, cette illustration est accompagnée d’un autre du même type.


Voilà donc une idée reçue de plus sur le Moyen Âge à évacuer ! Pour compléter voici quelques articles utiles :

couverture livre Fréderic Effe - Roman d'aventure médiévale

Si la sorcellerie et le monde médiéval vous intéressent, vous pouvez aussi découvrir notre roman d’aventure. Il a pour cadre le XIIIe siècle et raconte l’histoire d’un médecin alchimiste en prise à d’étranges phénomènes. Pour les fêtes de fin d’année, le format ebook reste encore en promotion à moins de 2.99€ . Si vous appréciez notre site et nos contenus, c’est un excellent moyen de nous montrer votre soutien, tout en plongeant dans une histoire inédite.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB : l’impressionnante enluminure utilisée pour l’image d’en-tête est tirée du manuscrit médiéval Les Grandes Chroniques de France. Cet ouvrage, daté du milieu du XIVe siècle, est actuellement conservé à la bibliothèque du British Museum sous la référence Royal MS 16 G V (voir en ligne). L’illustration raconte l’histoire de la reine mérovingienne Frédégonde (545-597) et quelques-unes de ses « frasques ». Cette souveraine ambitieuse et impitoyable du haut Moyen Âge n’eut guère de chance avec ses héritiers mais elle réussit tout de même à mettre Clotaire II sur le trône après bien des stratagèmes et des assassinats.

D’après les grandes Chroniques de France, Frédégonde fit condamner le préfet Mummol (Mammolus) en utilisant un stratagème assez semblable à celui qu’elle aurait utilisé pour faire condamner Clovis : l’accusation de magie ou de sorcellerie. Pour Mummol, elle aurait même choisi un groupe de femmes vraisemblablement innocentes, qu’elle força à avouer leur méfait. Les malheureuses furent brûlées, torturées et décapitées. Mammolus fut exécuté lui aussi. L’enluminure représente ces infortunées victimes et sorcières de circonstance » ainsi que la pendaison de Mammolus sous le regard de la reine. Dans sa troisième partie, on voit Frédégonde faire fondre tout l’or et tout l’argent de son défunt fils Théodoric afin qu’il ne resta nulle trace de ses possessions qui put attiser l’immense douleur de sa perte. L’histoire conte qu’elle avait fait de même pour la garde-robe de ce dernier et pour les mêmes raisons.

Entretien : un nouveau roman et la grande aventure de l’édition pour Xavier Leloup

enluminure médiéval scripte

Sujet : auteur, roman historique, guerre de cent ans, aventure, saga historique, Jeanne d’Arc, Jean Sans Peur, histoire médiévale.
Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif
Titre : Les Trois pouvoirs T1, T2 et T3 « La Reine de Fer » , 2019-2021, .
Auteur : Xavier Leloup, Editions La Ravinière

Bonjour à tous,

la faveur de la sortie de son dernier roman historique, l’auteur Xavier Leloup nous a fait le plaisir de nous accorder un nouvel entretien. Nous l’avons interrogé sur le troisième opus de sa saga Les Trois pouvoirs qui a pour cadre le Moyen Âge tardif et le temps de la guerre de cent ans et de Jeanne d’Arc. À cette occasion, nous avons également interviewé Xavier sur la nouvelle aventure dans laquelle il vient de se lancer. Depuis quelques mois, il a, en effet, décidé d’ouvert sa propre maison d’édition et il nous en a dit un mot.


— Bonjour Xavier, on est très heureux de vous recevoir à nouveau pour parler du 3e tome de votre saga « Les Trois pouvoirs », intitulé « La Reine de Fer ». On sait que les deux premiers ouvrages ont reçu un bel écho auprès du public et que vous avez reçu de précieux soutiens du côté des libraires et de la presse à qui ces romans ont beaucoup plu. Aujourd’hui, nous n’allons pas revenir sur les détails de l’histoire, mais pour nos lecteurs, pourriez-vous resituer au moins l’intrigue et le contexte des deux premiers tomes ?

— Nous reprenons le fil du récit là où nous l’avons laissé, c’est-à-dire au lendemain de la tragique défaite d’Azincourt. De la fine fleur de la chevalerie française il ne reste, pour ainsi dire, plus rien. Et nos deux héros, Guillaume de Gaucourt et Dimenche Le Loup, en sont réduits à chercher le jeune duc Charles d’Orléans parmi les milliers de cadavres jonchant le sol boueux dans lequel se sont enfoncés nos chevaliers. Le lecteur retrouve donc le royaume de France déchiré entre deux factions avec d’un côté les Armagnacs, c’est-à-dire le clan des Orléans, et de l’autre les Bourguignons avec à sa tête Jean Sans Peur, le terrible duc de Bourgogne. La différence est qu’avec la disparition de Charles d’Orléans, le parti des Armagnacs se retrouve décapité. Et qu’avec un pouvoir royal toujours aussi affaibli par la folie du roi Charles VI, c’est la duchesse d’Anjou Yolande d’Aragon qui va devoir jouer les premiers rôles.

Couverture Roman historique sur le Moyen Âge tardif

— Le temps sera donc bientôt venu de Jeanne d’Arc et sa grande trajectoire héroïque ?

— Je dirais que ce 3ème tome nous rapproche encore un peu plus de l’épopée johannique dans la mesure où le futur roi Charles VII en devient l’un des principaux protagonistes. Ses deux frères aînés viennent de mourir coup sur coup dans des circonstances mystérieuses, ce qui fait soudain de lui l’héritier de la Couronne ; un titre de Dauphin bien lourd à porter lorsqu’on a que 14 ans et que sa mère, la reine Isabelle de Bavière, fait l’objet des plus graves rumeurs d’adultère. Mais c’est aussi dans ce 3ème opus que Yolande d’Aragon s’affirme comme ce qu’elle ne cessera d’être jusqu’à la fin de la saga : une grande femme politique, la pièce maîtresse du jeu politique français, sa « reine de fer ». Et c’est de nouveau à Paris que tout va se jouer, puisque Guillaume de Gaucourt devra protéger le Dauphin contre une bande de massacreurs menée par Capeluche, le bourreau des Halles.

— L’autre originalité de ce roman tient aussi à la place accordée au personnage du méchant, en l’occurrence Jean Ier de Bourgogne, plus connu encore sous le nom de Jean Sans Peur.

— En effet, Imperceptiblement, Jean Sans Peur finit par s’imposer comme l’une de ses figures dominantes. Le lecteur se trouve plongé dans son intimité alors qu’il se trouve confronté à un dilemme : doit-il accepter de rencontrer le Dauphin Charles et lui rendre hommage alors même que la rencontre qu’il lui propose a tout l’air d’un piège, d’un guet-apens ?

Dans ce contexte, le personnage en devient presque attachant. Pour rependre l’exemple de célèbres figures littéraires, on pourrait dire que dans LA REINE DE FER, Jean Sans Peur finit par prendre autant de place que Milady dans Les trois mousquetaires, Frollo dans Notre-Dame de Paris ou Brian de Bois-Guilbert, le ténébreux chevalier du Temple, dans Ivanohé. Côté cinéma, je pense évidemment à Dark Vador dans la Guerre des Etoiles ou au Chiffre dans Casino Royale.

— Sans trahir trop de secrets mais, pour clore cette partie de l’entretien sur ce troisième tome de votre saga historique, on sait que vous avez passé de longues heures à reconstituer le Paris du XVe siècle, mais cette fois, vos lecteurs auront, en plus, le plaisir d’y assister à un tournoi d’époque dans les règles de l’art.

—Tout à fait. Avec cette authentique scène de tournoi organisé en plein Paris, j’ai voulu faire un cadeau à tous les amoureux de romans de chevalerie, à tous les amateurs de joutes et de combats au corps à corps. LA REINE DE FER, de ce point de vue-là, répond à tous les codes du genre.

portrait et peinture médiévale de Jean-Sans-Peur
Jean sans peur au cœur des Trois pouvoirs (Toile d’après Rogier van der Weyden XVe s)

—On est bien certain qu’ils sauront l’apprécier. Pour de nombreux passionnés de Moyen Âge, les tournois restent des moments épiques difficiles de dissocier de cette période. Mais passons à l’autre grande nouveauté de votre actualité. Avec la sortie de ce nouveau tome de votre saga médiévale, vous avez également décidé de vous plonger dans une toute autre activité : l’édition. Comment un romancier historique décide-t-il de se lancer dans cette grande aventure ? Vous aviez au préalable opté pour l’autoédition. Pourquoi cette décision ?

L’autoédition a cette vertu, pour un primo-romancier, de lui permettre d’accéder aux lecteurs. C’est donc naturellement cette voie que j’ai d’abord empruntée, incité en cela par la frilosité des éditeurs français vis-à-vis des romans historiques. À dire la vérité, c’est un genre qu’ils ne savent pas bien vendre. Mais ce système de l’autoédition a aussi ses limites. En premier lieu celui de l’impression à la demande, qui oblige les libraires à faire des achats définitifs sans possibilité de retour. Grand obstacle. Fort du succès des deux premiers volumes, j’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes en lançant ma propre marque : les éditions La Ravinière.

Le principal intérêt, c’est l’autonomie. En devenant l’éditeur de mes livres, j’ai acquis la maîtrise de leur distribution. Il m’est désormais possible de travailler avec les libraires en leur offrant les mêmes garanties commerciales que n’importe quel autre professionnel. Or contrairement à d’autres pays, les libraires jouent encore en France un rôle essentiel dans la vente de livres. Et sans librairies, impossible d’accéder aux lecteurs autrement que par les plateformes en ligne. Pour un auteur, voilà qui est tout de même frustrant !

Vitrail de Yolande d'Aragon
Yolande d’Aragon (1380-1442)
Vitrail, cathédrale Saint-Julien, Le Mans

Tous nos amis libraires vont donc pouvoir se procurer votre livre de manière bien plus flexible et moins risquée. À l’approche des fêtes c’est, en effet, une excellent nouvelle pour eux comme pour vos lecteurs. Au passage, cela veut aussi dire que, désormais, vous prenez en charge le risque d’impression. C’est un beau défi. Félicitations ! Vous y avez trouvé d’autres avantages ?

Désormais, grâce à mon référencement chez DILICOM (NDLA : la structure interprofessionnelle des professionnels du livres), les lecteurs peuvent me trouver ou me commander dans presque toutes les librairies. Les éditions La Ravinière sont également référencées au sein des plus grands réseaux comme La FNAC, Cultura ou Les Furets du Nord. Plusieurs grandes librairies indépendantes, à l’image d’Eyrolles à Paris, Mollat à Bordeaux ou encore La Boîte à Livres à Tours, m’ont également en rayons.

En tant qu’éditeur, j’ai également pu choisir mon imprimeur et soigner la qualité de fabrication de mes ouvrages. La Ravinière publie des livres façonnés en France par VINCENT Imprimeries, l’une des rares maisons françaises à avoir conservé son appareil industriel, en l’occurrence le cœur de la Touraine. Idem pour mon distributeur, Clic Logistic, qui a ses entrepôts à quelques kilomètres de la cité royale de Loches et s’est fait une spécialité du recyclage de livres. La Ravinière constitue une maison d’édition à la fois française et engagée.

— Tout cela s’accompagne aussi du lancement d’un tout nouveau site internet sur lequel les lecteurs pourront découvrir et commander vos ouvrages mais aussi suivre votre actualité. Nous en fournirons le lien en pied d’article. Mais dites-nous, comment ce projet d’édition va-t-il se conjuguer au futur ? La maison va-t-elle s’ouvrir sur d’autres auteurs ? Gardera-t-elle une ligne éditoriale historique ?

Portrait et peinture de Charles VII, Jean Fouquet, XVe siècle
Charles VII , le « gentil dauphin » couronné
(Détail, toile de Jean Fouquet (XVe siècle)

Tout à fait. Je dirais que d’une certaine manière, La Ravinière est avant tout une ambition : celle de donner un nouveau souffle au genre du roman historique, d’offrir un espace d’expression à tous ces auteurs qui aiment l’histoire et souhaitent la faire partager auprès du plus grand nombre comme l’ont fait avant eux les glorieux Walter Scott, Alexandre Dumas, Eugène Sue et autres Maurice Druon. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les éditeurs français ne croient plus à ce genre littéraire. J’y vois pour ma part une opportunité. Car rien ne vaut au contraire la fiction pour raconter l’histoire avec un grand H, rien ne vaut la mise en scène de personnages de chair et de sang, avec leurs passions et leurs amours, leurs dilemmes, leurs choix parfois douloureux. Pour toucher le lecteur, l’histoire a besoin d’être incarnée. Les livres d’histoire et autres biographies historiques constituent d’excellents travaux de recherche, mais ne s’adressent souvent qu’à des sachants. Le roman historique, grâce au pouvoir de l’imaginaire, permet au contraire de toucher un plus large public.

— Alors, nous le disions, à partir de maintenant, sur le site des éditions La Ravinière, on peut suivre vos pérégrinations et vos séances de dédicaces à la rencontre des lecteurs ? Quelles seront les prochaines dates prévues ? On imagine que l’approche de Noël est propice pour proposer la trilogie aux lecteurs curieux de la découvrir ou de l’offrir?

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Mon programme de fin d’année est en effet des plus chargés puisque je serai en dédicace au magasin Cultura de Tours, à la librairie Eyrolles à Paris ainsi qu’à la librairie Les Petits Mots à Chatou. La Ravinière participera également à la 1ère édition du salon du Roman Historique de Beaumont-sur-Oise ainsi qu’à la 29ème Fête du Livre au domaine de Grand’ Maisons (78). J’aurai également l’honneur d’être interviewé en direct, le 7 décembre prochain à 18h, dans l’émission TILT sur TV Val de Loire. Pour plus de détails, je ne peux que vous inviter à consulter notre site. Vous y retrouverez dates et horaires de mes signatures ainsi que mes derniers articles à commencer, par ceux publiés sur l’excellent moyenagepassion.com !

— Très bien c’est noté ! Merci en tout cas de vous être prêté, à nouveau, au jeu de l’entretien. On vous souhaite une belle réussite pour ce troisième roman médiéval et historique, et, une toute aussi grande, dans le monde de l’édition !


Photo de Xavier Leloup, auteur de roman historique
Pho

Visitez le site des éditions La Ravinière.
Retrouvez notre premier entretien de Xavier Leloup.
Voir aussi ses articles dans le cadre du cycle Les grandes dames de la guerre de cent ansYolande d’Aragon, la reine de fer. –  Isabelle de Bavière, une reine dans la tourmente – Christine de Pizanchampionne des damesLes illusions perdues de Valentine Visconti, duchesse d’Orléans.


En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB sur l’image d’en-tête : en arrière plan de la photo de Xavier Leloup, on retrouve une enluminure extraite du manuscrit médiéval :  Traité de la forme et devis comme on peut faire les tournois, de René d’Anjou (Ms Français 2683). Ce manuscrit superbement illustré et daté du XVe siècle peut être consulté en ligne sur Gallica.