Au Moyen-âge tardif, la musique médiévale prend un grand virage avec l’Ars Nova. A la même époque, à Florence et bien qu’il se vouait à la peinture, la mauvaise vue de Francesco Landini devint presque sa bénédiction. D’abord organiste, il finit par écrire et composer.
Au sortir, il devint, par son œuvre, un des compositeurs les plus reconnus de musique polyphonique, dans l’Italie du XIVe siècle.
Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, ars nova, chanson médiévale, amour courtois. Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle Auteur : Francesco Landini ( ? 1325-1397) Titre : L’alma mie piang’ e mai non può aver pace Interprètes : Chominciamento di Gioia et Camerata Nova Album : Francesco Landini, Ballate (2000)
Bonjour à tous,
u XIVe siècle, l’organiste, poète et compositeur italien Francesco Landini se pose comme un grand chef de file de l’école Florentine et de l’Ars Nova italien. Il nous a laissé une œuvre renaissante faite de belles et nombreuses pièces polyphoniques. Celles qui nous sont parvenues sont, en majorité, profanes et centrées sur la lyrique courtoise, entre ballate et madrigaux.
Un maître de musique délaissé par sa dame
La chanson du jour est une « ballata » à trois voix. Elle est adressée à une dame. Sur fond courtois, le maître de musique du trecento nous conte combien il souffre les plus grandes des peines depuis qu’elle s’est détournée de lui.
Du point de vue des sources historiques, on peut notamment retrouver l’œuvre de Francesco Landini dans le Codex Squarcialupi (Med. Pal. 87). On l’y trouve même représenté avec son organetto (voir image en-tête d’article). Ce manuscrit ancien, daté du XVe siècle, est un témoignage majeur de l’Ars Nova italien de cette période. Il contient pas moins de 216 feuillets notés et quelques belles enluminures de compositeurs d’époque. Avec près de 150 pièces, Francesco Landini y dépasse de très loin les autres compositeurs présents. Ce codex est actuellement conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence, en Italie.
Ballate un album autour du trecento
L’interprétation que nous avons choisie de vous présenter pour cette pièce du jour est tirée d’un l’album intitulé Francesco Landini Ballate. Il fut enregistré en 1999 sous la houlette du grand directeur et chef d’orchestre Luigi Taglioni, en collaboration avec deux formations italiennes : l’ensemble vocal Camerata Nova et l’ensemble instrumental Chominciamento di Gioia.
Centré sur le thème du trecento italien, l’album propose un total de 18 pièces sur un peu moins de 60 minutes de durée. Il alterne les compositions de Francesco Landini avec d’autres pièces anonymes tirés du Codex Faenza. Ce manuscrit médiéval du XVe siècle, conservé à la Bibliothèque de Faenza en Italie, contient des partitions datées du milieu du XIVe siècle.
L’album Francesco Landini, Ballate s’est fait largement remarquer sur la scène des musiques anciennes et médiévales, au moment de sa sortie. Malgrès cela et pour l’instant au moins, il ne semble avoir été réédité. Pour le trouver en format CD, il vous faudra donc tenter votre chance chez les disquaires de musiques anciennes. Si la forme dématérialisée vous convient, vous pourrez aussi essayer du côté des plateformes de musique web.
Musiciens et artistes ayant participé à cet album
Direction Luigi Taglioni. Voix : Antonella Marotta (contralto), Matelda Viola (soprano), Paola Ronchetti (soprano), Fabrizio Scipioni (tenor), Instruments : Olga Ercoli (harpe), Elisabetta di Franco (psaltérion, percussion), Giovanni Caruso (luth), Gianfranco Russo (vielle), Luigi Polsini (vielle, luth).
L’alma mie piang’ e mai non può aver pace
L’alma mie piang’e mai non può aver pace da poi che tolto m’hai, donna, ’l vago mirar di ch’i ’nfiammai. Fu di tanto piacer la dolce vista ch’innamorai nel tuo primo guardare, sperando aver la grazia che s’aquista ispesse volte per virtù d’amare. Pur veggio la sperança mia mancare, ché ’l viso non mi fai che tu solevi, ond’io sto in pene e in guai. L’alma mie piang’e mai non può aver pace…
Mon âme pleure et ne peut plus trouver de paix Depuis que tu m’as privé, Dame, du doux regard par lequel tu m’avais enflammé. Ta douce apparition m’avait procuré, alors, tant de plaisir Que je me suis épris de toi dès ton premier regard, Espérant recevoir la grâce qui s’acquiert Souventes fois par la vertu d’aimer. Mais voilà que mon espérance se dérobe, Car tu ne tournes plus ton visage vers moi Comme tu le faisais, d’où je suis en grande peine et en tourments. Mon âme pleure et ne peut plus trouver de paix…
En vous souhaitant une excellente journée. Fred pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : musique médiévale, ballata, chants polyphoniques, Ars nova, chanson médiévale, amour courtois Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle Auteur : Francesco Landini (1325-1397) Titre : Che Cosa è questa, Amor, Interprètes : l’ensemble Mala Punica Album : D’Amor Ragionando sous-titré Ballades du neo-Stilnovo en Italie: 1380-1415 (1994).
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, sur l’œuvre du maître de musique Francesco Landini. Dans l’Italie du Moyen Âge tardif et du trecento, cet organiste et compositeur florentin nous a laissé un riche legs musical polyphonique : 154 pièces à deux et trois voix entre madrigaux et « ballate » italienne. Cette dernière forme poétique et profane est typique du trecento italien et de l’Ars nova.
Amour courtois, amour mystique
La pièce du jour se situe dans la veine du reste de son œuvre. Il s’agit d’une ballata à 3 voix. Le maître organiste aveugle y mêle à la fois les codes de la courtoisie et du sentiment amoureux pour les faire s’animer d’une dimension transcendante et mystique.
Sous l’angle courtois, Landini s’adresse à l’Amour lui-même. Nous parle-t-il des vertus et de la beauté de l’amour en lui même ou, indirectement, de celles de sa bienaimée ? Elles seraient si grandes qu’il y aurait fusion entre cet amour terrestre et la mystique divine. Les deux viennent alors se répondre en miroir de sorte que le sentiment amoureux s’en trouve tout empreint de sacré. Au passage, la femme devient aussi un « intermédiaire », un rappel de l’amour divin.
C’est assez curieux parce que même si les médiévistes semblent s’accorder sur cette interprétation courtoise — certains ont même émis l’hypothèse que « cosa » en fait de « chose » pouvait même être un prénom ou son diminutif, celui d’un dame chère au compositeur — suivant comme on approche ce texte, Landini pourrait presque sembler être en train de parler de la vierge et de Sainte Marie plutôt que d’un amour terrestre. De fait, il pourrait être intéressant d’étudier à quel point cette chanson médiévale pourrait avoir sa place dans un corpus traitant des points de convergence entre courtoisie et culte marial.
Pour les sources de cette composition, nous vous renvoyons encore au très beau Codex Squarcialupi, le MS Mediceo Palatino 87 conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. Ci-dessus, vous trouverez la page du manuscrit correspondant à la chanson du jour avec sa partition d’époque.
L’ensemble médiéval Mala Punica
Formé en 1987 par le flûtiste et directeur d’orchestre argentin Pedro Leonardo Memelsdorff, l’ensemble Mala Punica s’est spécialisé, à l’image de son fondateur, dans la musique ancienne et les chants polyphoniques médiévaux, le tout éclairé par de sérieuses recherches sur les sources historiques (ethnomusicologie).
Pour dire un mot de son directeur, Pedro Leonardo Memelsdorff est arrivé en Europe à la fin des années 70 et s’y est installé. Elève de la célèbre école suisse Schola Cantorum Basiliensis à l’image de nombreux grands de la scène médiévale, son parcours s’est encore enrichi d’un cursus au conservatoire d’Amsterdam et d’un Doctorat en Musicologie, également obtenu en Hollande. En plus de son propre ensemble, il a beaucoup collaboré avec Jordi Saval et Hespèrion XX. Enfin, sa grande carrière s’est aussi étendue du côté de l’enseignement et il a également publié de nombreuses contributions dans le domaine de la musicologie. Non content d’avoir été élève à la Schola Cantorum il en a été également le directeur, durant de nombreuses années.
Le Mala Punica est encore très actif sur la scène internationale et on pourra retrouver son actualité, ses concerts et ses programmes sur le site officiel de l’ensemble médiéval.
D’Amor Ragionando : L’album
C’est en 1994 que sort l’album D’Amor Ragionando sous-titré Ballades du neo-Stilnovo en Italie : 1380-1415. Sur un durée de 66 minutes, il présente neuf pièces en provenance du trecento y quattrocento italien dont quatre de Landini. Les autres compositions sont signées de Matteo de Perugia, Magister Zacharias, Ciconia et Anthonello de Caserta. Dès sa sortie, ce très bel album sera salué par la scène médiévale. On le trouve encore disponible à la vente chez certains distributeurs. Voici un lien utile pour plus d’informations : D’Amor ragionando: Ballate neostilnoviste in Italia 1380-1415
Membres ayant participé à cet album.
Pedro Memelsdorff (flûte), Kees Boeke (vielle, flûte), Svetlana Fomina (vielle), Christophe Deslignes (organetto), Karl-Ernst Schröder (luth), Jill Feldman (voix), Giuseppe Maletto (voix), Alberto Macchini (cloches, percussions)
« Che cosa è questa, Amor… » une ballata à trois voix de Landini
Che Cosa è questa, Amor, che’l ciel produce per far più manifesta la tuo luce? Ell’è tanto vezzosa, onest’e vaga, legiadr’e graziosa, adorn’e bella, Ch’a chi la guarda subito’l cor piaga chon gli ochi bei che lucon più che stella. Et a cui lice star fixo a vederla tutta gioia e virtù in sé conduce.
Che Cosa è questa, Amor, che’l ciel produce per far più manifesta la tuo luce? Ancor l’alme beate, che in ciel sono, guardan questa perfecta e gentil cosa, dicendo : — (quando) fia che’n questo trono segga costei ; dov’ogni ben si posa?
E qual nel sommo Idio ficcar gli occhi osa vede come Esso ogni virtù in lei induce. Che cosa è questa, Amor, che’l ciel produce per far più manifesta la tuo luce?
Quelle est donc cette chose, Amour, que le ciel… traduction française
Quel est donc cette chose, Amour, que le ciel produit pour rendre ta lumière plus manifeste ? C’est une chose si charmante, honnête et ravissante élégante et gracieuse et bien parée, Que celui qui la regarde en a soudainement le cœur chaviré (blessé) par ses beaux yeux qui brillent plus qu’une étoile. Et celui à qui il est donné de la contempler intensément Se voit rempli de toute joie et de vertus.
Quel est donc cette chose, Amour que le ciel produit pour rendre ta lumière plus manifeste ? Mêmes les âmes béates qui sont aux cieux regardent cette parfaite et noble chose en disant : – Quand celle en qui toute bonté repose pourra-t-elle s’asseoir sur ce trône ?
Et qui ose fixer les yeux sur le Dieu suprême Voit comment celui-ci place toute vertu en elle. Quel est donc cette chose, Amour, que le ciel produit pour rendre ta lumière plus manifeste ?
En vous souhaitant très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, ballata, chants polyphoniques, Ars nova, chanson médiévale, amour courtois Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle Auteur : Francesco Landini (1325-1397) Titre :Questa Fanciulla Interprètes : le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario Album : Danzas y Canciones de la Edad Media (1988).
Bonjour à tous,
ous repartons, aujourd’hui, sur les traces de l’Ars Nova du trecento italien, en compagnie du compositeur, poète et organiste Francesco Landini. A cette occasion, nous découvrirons une ballata polyphonique à trois voix intitulée « Questa Fanciulla« .
A l’habitude, après vous avoir fourni des éléments de fond mais aussi quelques sources et partitions d’époque, nous vous proposerons une traduction de cette pièce en français moderne. Pour nous accompagner dans sa découverte, nous avons également choisi de partager son interprétation par une formation originaire d’Argentine :le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario. Formé depuis près de 60 ans, ce grand ensemble met à l’honneur, avec brio, les musiques anciennes et ce sera pour nous l’occasion de vous le présenter plus en détail.
Francesco Landini pris au jeu de la courtoisie
Cette chanson médiévale polyphonique pleine de grâce a pour toile de fond la lyrique courtoise. On pourra donc y croiser les inévitables tourments dans lesquels le sentiment amoureux médiéval — toute en attente et en espérance, et toujours aussi « douloureux que délicieux » — plonge ces amants. Ici, c’est le maître de musique lui-même qui se dira pris dans ses filets et on le verra implorer la miséricorde de l’Amour autant que de la damoiselle dont il s’est épris.
Du point des vues des sources, on retrouvera cette Fanciulla qui brise le cœur de Francesco Landini dans un certain nombre de manuscrits. Nous avons déjà cité ici, à plusieurs reprises, l’incontournable et le plus connu de tous, le très beau MS Mediceo Palatino 87 ou Codice Squarcialupi de la Bibliothèque de Florence. Aujourd’hui, pour varier nous vous présentons cette composition dans le Manuscrit 568 du fond italien de la BnF (photo ci-dessus).
Le Ms 568 du fond italien de la BnF
Daté du courant du XIVe siècle, le codex 568 du fond italien du département des manuscrits de la BnF contient 199 pièces dont 2 ont été copiées deux fois ( à consulter en ligne ici sur Gallica ). On y trouve en grande quantité des madrigaux et ballate, quelques rondeaux, ballades et virelais, mais aussi un nombre plus restreint de pièces religieuses et sacrées (Gloria, Credo, Sanctus, Agnus dei, Benedicamus).
Vingt-deux compositeurs en tout sont à l’honneur de ce manuscrit médiéval avec une large place faite à Francesco Landini et à Paolo da Firenze (Paolo Tenorista). C’est d’ailleurs le seul manuscrit à contenir l’œuvre annotée de ce dernier compositeur, ce qui lui confère une place particulière dans la musique polyphonique du Trecento italien. Pour la petite histoire, si on admet généralement que Paolo da Firenze a, sans doute, supervisé la réalisation du Codice Squarcialupi, les pages et les portées réservées à ses partitions, dans ce dernier codex, y ont été laissées vides ; le Ms 568 comble ce vide.
Le vieil organiste et la damoiselle ?
On trouve également, dans ce codex d’époque, une très belle illustration (celle ayant servi à l’image d’en-tête et à l’image ci-dessus). Pour nous, elle pourrait presque évoquer Francesco Landini, l’organiste (devenu déjà vieux) au travail et la demoiselle de la chanson, même si ceci n’est qu’une assertion personnelle ; le compositeur florentin se trouve également présenté comme Francesco degli orghany dans le ms 568 ce qui pourrait nous sembler un argument supplémentaire. Notons que cette hypothèse ne semble pas avoir sauté aux yeux de Gilbert Reaney, célèbre musicologue et britannique du XXe siècle qui nous a servi de guide pour percer certains éléments de ce manuscrit. De son côté, il décrit cette illustration de manière à la fois plus allégorique et factuelle :
« Le tableau montre la personnification féminine de la musique jouant un orgue portatif, sous lequel se trouve une représentation d’un homme barbu martelant une enclume. A sa gauche et à sa droite se trouvent deux colonnes, l’une listant les intervalles qui composent une octave, l’autre donnant les syllabes de solmisation.« Gilbert Reaney (1)
Alors, allégorie religieuse, voire presque biblique, ou représentation plus factuelle ? Nous vous en laissons juge.
Le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario
L’Argentine sur les traces des musiques médiévales et anciennes
Formé en 1962 par le directeur artistique et musical argentin Cristián Hernández Larguía, le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario se présente, encore aujourd’hui, comme un véritable institut dédié à la transmission des patrimoines et héritages musicaux anciens. La période approchée par l’ensemble commence au Moyen Âge pour se poursuivre à la renaissance et l’ère baroque, mais comme cette grande formation classique ne s’interdit rien, on la trouvera encore sur des répertoires plus récents jusqu’à même des compositeurs du XXe siècle.
Concernant son fondateur, Cristián Hernández Larguía, ce directeur d’exception a s’est fait largement reconnaître sur la scène musicale internationale pour son grand talent. Sa longue carrière lui a également valu un nombre incalculable de distinctions honorifiques et de prix pour ses contributions dans le champ des musiques anciennes. Après sa disparition en 2016, la direction artistique de l’ensemble a été confiée Manuel Alberto Marina autre musicien émérite argentin.
En tant qu’institution, le Conjunto Pro Musica Antiqua Rosario n’organise pas que seulement des concerts autour des musiques médiévales et anciennes. Il fédère aussi, autour de lui, un grand nombre d’activités. On le retrouve ainsi à l’enseignement et à la transmission musicale à destination de publics des plus larges, y compris les plus jeunes. Pour plus d’informations sur leurs activités, voir leur site web ici.
L’album : Danzas y Canciones de la Edad Media
Avec pas moins de trente pièces en provenance du Moyen Âge, l’album dont est extrait la pièce du jour est aussi généreux qu’ambitieux. Sorti en 1988 sous le label Irco Video, il opère une très large sélection musicale dans un répertoire qui gravite autour de l’Europe médiévale des XIIIe, XIVe siècles.
Le voyage touche, à la fois, la France des trouvères et des troubadours (Raimbaut de Vaqueiras, Adam de la Halle, …), mais aussi l’Espagne profane et liturgique avec des Cantigas de Amigo de Martin Codax et même des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille. On y fait également une incursion du côté de la Catalogne avec des compositions du Llibre Vermell de Montserrat. Enfin, après un large détour par les danses de l’Italie et de l’Angleterre médiévale (saltarello, istampitta du manuscrit de Londres…), une place y est encore réservée aux musiques et aux chants polyphoniques de Francesco Landini dont celui du jour.
Un grand tour de l’Europe médiévale en un album
D’une certaine façon, l’album se présente comme une synthèse des quatre programmes présentés par la formation autour des musiques du Moyen Âge : la lyrique profane médiévale (trouvères, troubadours, minnesänger), les musiques de pèlerinage et mais aussi les chants profanes de la péninsule espagnole et portugaise du XIVe siècle, et enfin le trecento florentin représenté, ici, par Landini. Côté distribution, on trouve toujours cet album à la vente et à la distribution. Le label a même eu la bonne idée de le proposer au format CD ou dématérialisé MP3. Voici un lien vous permettant d’en savoir plus et même de le pré écouter : Danzas y Canciones de la Edad Media.
Questa Fanciulla de Francesco Landini et sa traduction en français moderne
Questa fanciulla’amor Fallami pia Che mi ha ferito il cor Nella tua via.
Tu m’ha, fanciulla, si’ d’amor percosso Che solo in te pensando trovo posa El cor di me da me tu m’ha rimosso Con gli occhi belli e la faccia gioiosa Pero’ ch’al servo tuo deh sie piatosa Merce’ ti chiegho alla gran pena mia.
Questa fanciulla’amor…
Se non soccorri alle dogliose pene Il cor mi verra’ meno che tu m’a tolto, Che la mia vita non sente ma’ bene Se non mirando ‘l tuo vezzoso volto. Da poi fanciulla che d’amor m’a involto Priego ch’alquanto a me beningnia sia.
Questa fanciulla’amor…
Amour ! Fais que cette jeune fille, Se montre clémente envers moi* Car elle a blessé mon cœur Dans ton sillage.
Oui, tu m’as, jeune fille, frappé si fort d’amour Que je ne trouve plus de repos qu’en pensant à toi. Tu as ravi mon cœur Avec tes beaux yeux et ton visage plein de joie, Et pour cela je t’implore d’être miséricordieuse Envers ton serviteur et de prendre en pitié sa grande souffrance.
Amour ! Fais que cette jeune fille…
Si tu ne soulages pas ma grande peine Ce cœur qui m’appartient et que tu m’as pris finira par se briser Car ma vie n’a plus de sens, Sinon en contemplant ton charmant visage. Dès lors, jeune fille, que tu m’as lié d’amour Je te supplie (prie) d’être indulgente (bonne) envers moi.
Amour ! Fais que cette jeune fille, …
* fallami pia : rend la miséricordieuse envers moi
En vous souhaitant très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Notes :
(1) « The painting shows the female personification of music playing a portative organ, underneath which is a representation of a bearded man hammering on an anvil. To his left and right are two columns, one listing the intervals which compose an octave, the other giving solmisation syllables. »
The Manuscript Paris, Bibliothèque Nationale, Fond italien 568 (Pit), Gilbert Reaney, Musica Disciplina, Vol. 14, (1960)
NB : l’enluminure de l’image d’en-tête est tirée du Ms 568 fond Italien de la BnF (département des manuscrits).
Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, ballade, chants polyphoniques, Ars nova, chanson médiévale. Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle Auteur : Francesco Landini (1325-1397) Titre :Ochi dolenti mie Interprètes : La Reverdie Concert : Baarn, Hollande (2019) Album : Francesco Landini, l’occhio del Cor (2019).
Bonjour à tous,
rand maître de l’Ars nova, Francesco Landini a ravi le Florence du XIVe siècle, de sa musique et de ses compositions. De son vivant, son talent a même dépassé largement les frontières italiennes pour le faire reconnaître dans d’autres contrées de l’Europe médiévale d’alors.
Celui dont le handicap visuel avait infléchi le destin en le poussant vers la musique, et que l’on avait surnommé l’aveugle des orgues (ilCieco degli organi), a légué à la postérité pas moins de 154 pièces polyphoniques. A plus de cinq siècles de sa disparition, on les joue encore sur la scène des musiques médiévales et anciennes. Aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir l’une d’elle et son interprétation par l’ensemble La Reverdie.
L’affliction d’un maître de musique
« Ochi dolenti mie » dans cette pièce polyphonique, Francesco Landini s’adresse à ses propres yeux qui pleurent de ne pouvoir voir l’objet de leur amour, autant qu’ils pleurent la retenue de leur détenteur. Ce dernier a en effet décider de ne pas poursuivre l’objet de son désir de peur d’en retirer de trop grandes souffrances et tourments.
Aux sources médiévales de cette chanson
On peut retrouver cette pièce dans le somptueux Codice Squarcialupi (Ms Med Pal 87). Daté des débuts du XVe siècle, ce manuscrit médiéval superbement enluminé est conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence, en Italie. Il demeure un des grands témoins de l’Ars nova italien du trecento et réunit pas moins de 354 pièces, entre madrigaux, « ballatte » et chants polyphoniques. Douze compositeurs et auteurs du XIVe siècle y sont répertoriés et c’est Francesco Landini qui occupe la plus large place de ce codex. On trouvera, ci-contre, le feuillet correspondant à la pièce du jour et sa partition d’époque.
Ochi dolenti mie par l’ensemble La Reverdie & Christophe Deslignes.
La Reverdie, 35 ans de passion sur la scène des musiques médiévales
Nous avions déjà eu le plaisir de vous présenter l’ensemble médiéval italien La Reverdie. Fondée en 1986 par deux couples de sœurs musiciennes, la formation italienne fut rejointe par d’autres collaborateurs au fil de ses albums. Depuis, elle a fait un long chemin, avec une belle carrière, pavée de reconnaissance, qui célèbre, cette année, ses 35 ans.
La discographie de La Reverdie est riche de pas moins de 16 albums à la découverte de la musique sacrée et profane du Moyen Âge. Guillaume Dufay, Hildegarde de Bingen, les Carmina Burana, musiques de cour et Ars nova, ne sont que quelques-uns des thèmes ou auteurs médiévaux que l’on peut y retrouver. Dans une production de 2019, l’ensemble décidait de célébrer à nouveau le codex Squarcialupi et l’œuvre de Francesco Landini. A cette occasion, il faisait appel au talent de l’organiste français Christophe Deslignes.
L’album : Francesco Landini, L’occhio Del Cor – Songs of invisible love
On retrouve, dans cet album, édité chez Arcana, pas moins de 15 pièces de Francesco Landini, pour près de 65 minutes d’écoute. Le compositeur médiéval ne voyait plus depuis son jeune âge et l’ensemble musical a décidé de partir, ici, à la recherche des références mettant en avant l’influence de la condition de Landini sur sa poésie amoureuse. Cela donne un album qui découvre la grande sensibilité de Landini et, en quelque sorte, un œil plus intérieur et plus secret, celui du cœur.
D’un point de vue musical, le défi est merveilleusement relevé et La Reverdie affirme, une fois de plus, un don pour le répertoire médiéval qu’on dirait presque inné , s’il n’était aussi le fruit de temps d’années de travail. Les voix et les orchestrations y sont sublimes et servent à la perfection l’œuvre du grand maître de l’Ars nova italien. Déjà largement familier avec le répertoire de l’organiste florentin, Christophe Deslignes y prête, avec virtuosité, ses talents d’instrumentiste. Du côté distribution, vous devriez pouvoir trouver cet album assez facilement chez votre revendeur habituel. On le trouve aussi en ligne au format mp3 comme au format CD. Voici un lien utile pour plus d’informations : L’occhio Del Cor de l’Ensemble Reverdie.
Musiciens présents sur cet album
Claudia Caffagni (chant et luth), Livia Caffagni (chant et luth), Elisabetta De Mircovich (chant, rebec et vièle), Teodora Tommasi (harpe, zang), Matteo Zenatti (chant, harpe et tambourin), Christophe Deslignes (organetto ou orgue portatif)
Extrait de concert au Prelude Classical Music
Ochi dolenti mie, le chant polyphonique du jour est issu de cet album mais nous avons décidé d’en partager la version enregistrée lors d’un concert organisé, à Baarn, en Hollande, par Prelude Classical Music. Boutique de musique, mais aussi lieu de rencontres, d’actualité et information, cette véritable institution sur la scène des musiques anciennes organisait aussi de nombreux concerts. Hélas, après 30 ans d’activité, la société a dû fermer ses portes en septembre 2020. Elle laisse, sur sa chaîne youtube, de nombreuses pièces de concert interprétées par de belles formations de musique médiévale, renaissante ou plus classique (on espère que cette chaîne pourra être maintenue).
Ochi dolenti mie, che pur piangete de Francesco Landini
Ochi dolenti mie, che pur piangete, Po’ che vedete, Che sol per honestà non vi contento.
Mes yeux dolents (affligés, douloureux), qui, toujours, pleurez, Car vous avez vu Que, c’est seulement par honnêteté, que je ne vous satisfais pas.
Non a diviso la mente’1 disio Con voi che tante lagrime versate Perchè da voi si cela ci viso pio Il qual privato m’a da libertate.
Mon esprit désire exactement la même chose que vous, Qui pleurez tant de larmes. Parce que de vous, se cache ce joli (pieu) visage, Qui m’a privé de ma liberté.
Gran virtù è rafrenar volontate Per honestate, Che segui è sofferir tormento.
C’est grande vertu que de s’abstenir volontairement Par honnêteté, Quand poursuivre (cette dame) serait souffrir un grand tourment.
Ochi dolenti mie, che pur piangete, Po’ che vedete, Che sol per honestà non vi contento.
Mes yeux dolents, qui, toujours, pleurez, Car vous avez vu Que, seulement par honnêteté, je ne vous satisfais pas.
En vous souhaitant très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.