Archives de catégorie : Francois Villon

Touchant pour certains, détesté par d’autres, dans l’univers de la poésie médiévale, François Villon ne laisse personne indifférent. Grand maître du style, son parcours fascine encore par ses mystères. Vous trouverez ici éléments de biographie, extraits, traductions et analyses de textes, conférences, actualité, etc…

Une ballade de Villon : bien recueilli, débouté de chacun

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : Poésie médiévale, poésie satirique.
Auteur : François Villon (1431 -1463)
Titre : Ballade Villon
Période : fin du moyen-âge, bas moyen-âge

Je meurs de soif auprès de la fontaine,
Chauld comme feu, et tremble dent à dent,
En mon païs suis en terre loingtaine;
Lez un brazier friçonne tout ardent;
Nu comme ung ver, vestu en president;
Je ris en pleurs, et attens sans espoir;
Confort reprens en triste desespoir;
Je m’esjouys et n’ay plaisir aucun;
Puissant je suis sans force et sans povoir,
Bien recueilly, debouté de chascun.

Rien ne m’est seur que la chose incertaine,
Obscur, fors ce qui est tout evident;
Doubte ne fais, fors en chose certaine;
Science tiens à soudain accident;
Je gaigne tout, et demeure perdent;
Au point du jour, diz: «Dieu vous doint bon soir!»
Gisant envers, j’ay grant paour de cheoir;
J’ay bien de quoy, et si n’en ay pas un;
Eschoicte attens, et d’homme ne suis hoir,
Bien recueilly, debouté de chascun.

De riens n’ay soing, si metz toute ma paine
D’acquerir biens, et n’y suis pretendant;
Qui mieulx me dit, c’est cil qui plus m’attaine,
Et qui plus vray, lors plus me va bourdant;
Mon ami est qui me fait entendant
D’ung cygne blanc que c’est ung corbeau noir;
Et qui me nuyst croy qu’il m’aide à povoir.
Verité, bourde, aujourd’uy m’est tout un.
Je retiens tout; riens ne sçay concepvoir,
Bien recueilly, debouté de chascun.

Prince clement, or vous plaise savoir
Que j’entens moult, et n’ay sens ne sçavoir;
Parcial suis, à toutes lois commun.
Que fais−je plus? Quoy? Les gaiges ravoir,
Bien recueilly, debouté de chascun.

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Plus d’articles sur la poésie de François Villon ici

L’épitaphe de Villon ou la ballade des pendus de François Villon

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : Ballade, poésie médiévale, poésie satirique, réaliste, prière, frères humains.
Titre : L’Épitaphe de Villon ou  » Ballade des pendus  » (appelé aussi « frères humains »)
Auteur : François Villon (1431-1463)
Période : XVe siècle, moyen-âge tardif
Thème : poète médiéval, troubadour et trouvère du moyen-âge.

S_lettrine_moyen_age_passionur François Villon et sa vie de bohème, de prisonnier et de hors la loi, beaucoup a été dit et écrit,  sur son chemin de misère et d’anticonformiste, ses douleurs du fond de ses geôles, son humour, ses amitiés, et bien sûr sa poésie réaliste ou satirique dans un  moyen-âge finissant qui se prépare déjà à renaître bientôt en siècle « des lumières », mais, au bout du compte et par delà toutes les analyses de textes ou de sens, le plus beau que nous laisse cet auteur magistral,  poète marginal et éclairé, reste et restera toujours à lire ou à écouter.

Cet Epitaphe de Villon ou « ballade des pendus » a été conté, lu ou dit maintes fois, chanté aussi bien sûr par Léo Ferré dans une version très inspirée mélangée de sa propre poésie, mais pour varier un peu cette fois et pour rester totalement fidèle au texte de François Villon qui se suffit à lui-même, nous avons choisi la version d’un troubadour des temps troubadour_poete_moyen_age_villon_monde_medievalmodernes.

Son nom est Mil Marie Mougenot et il est tout à la fois, chanteur, musicien, artiste, joueur de vièle à roue et autres instruments anciens qui nous apportent un peu de ce monde médiéval lointain. Cet artiste troubadour des temps modernes que vous croiserez peut-être, à l’ombre d’un rempart ou d’une tour maîtresse au hasard d’un festival ou d’une fête médiévale, propose aussi dans son répertoire, en dehors des chansons en provenance du moyen-âge, d’autres chants populaires ou encore des chants spirituels. Je vous encourage à le découvrir sur son site web ici.

« L’épitaphe de Villon »
interprété par Mil Marie Mougenot

Sur une musique de sa propre composition, filmé au Château de Crosville sur Douve en Mars 2014.

Les paroles de « Epitaphe de villon »
dans le français original de François Villon

Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cueurs contre nous endurciz,
Car, si pitié de nous povres avez,
Dieu en aura plustost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez, cinq, six:
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

Se vous clamons, frères, pas n’en devez
Avoir desdaing, quoyque fusmes occis
Par justice. Toutesfois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis.
Intercédez doncques de Cueur rassis,
Envers le Fils de la Vierge Marie
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernalle foudre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz;
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavez,
Et arraché la barbe et les sourcilz.
Jamais nul temps nous ne sommes rassis
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie;
Plus becquetez d’oyseaulx que dez à couldre.
Hommes, icy n’usez de mocquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

Prince Jésus, qui sur tous seigneurie
Garde qu’Enfer n’ayt de nous la maistrie:
A lui n’ayons que faire ne que souldre.
Ne soyez donc de notre confrairie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absoudre!

francois_villon_ballade_des_pendus_auteur_médiéval

Une excellente journée à tous dans la bonne humeur et la joie de ne point nous trouver pendus!

Fred
pour moyenagepassion.com

Une prière pour François Villon : hommage à un maître de poésie médiévale

Sujet : Poésie médiévale, poésie satirique.
Auteur : François Villon (1431 -1463)
Titre : Ballade Villon
Période : fin du moyen-âge, bas moyen-âge

Anticonformiste, enfant terrible du XVe siècle, brigand, poète médiéval « maudit » et merveilleux à la fois, François Villon (1431-1463) fascine encore et, à dire vrai, il faudrait bien plus qu’un petit billet de blog pour en parler, mais comme il faut bien commencer par quelque chose voilà un premier texte de lui. Côté période, nous sommes au milieu du quinzième donc en limite de bas moyen-âge.

N_lettrine_moyen_age_passionous lui faisons suivre une vidéo d’un parfait inconnu du web mais qui a sa chaîne youtube et qui propose une adaptation totalement extraordinaire de ce texte ici en langue anglaise adapté de la version russe de cette prière « pour »  et non pas « de » Villon . Force est de constater que durant longtemps, et peut-être même encore aujourd’hui, malgré les louables efforts de ses admirateurs sur notre sol, le maître de poésie médiévale Villon est souvent plus connu à l’extérieur de France qu’à l’intérieur de ses frontières. C’est en tout cas, une interprétation magistrale et un moment suspendu d’émotion totale que nous propose ce jeune chanteur là. Pour faire bonne mesure, nous mettons aussi la version originale de cet hommage à Villon, par Boulat Chalvovitch Okoudjava, auteur compositeur interprète soviétique du début du vingtième siècle et que l’on a appelé quelquefois le Brassens Russe.

« Pense à moi un peu » ou « La Prière de François Villon »

traduction : Jean Besson, François Maspero (1983)

Tant que la terre tourne encore, tant que le jour a de l’éclat,
Seigneur, donne à chacun de nous ce qu’il n’a pas :
Donne au sage une tête, un cheval au peureux,
Donne à l’homme heureux de l’argent… et pense à moi un peu.
Tant que la terre tourne encore, Seigneur, elle est en ton pouvoir !
Donne à qui veut régner l’ivresse du pouvoir,
Donne, au moins jusqu’au soir, repos au généreux,
A Caïn le remords… et pense à moi un peu.
Je sais : pour toi tout est possible, et je crois en ton sage esprit,
Comme un soldat mourant croit en ton Paradis,
Comme croit chaque oreille à tes propos de paix,
Comme à soi-même on croit, sans savoir ce qu’on fait !
Seigneur Dieu, mon Seigneur, toi dont l’oeil vert rayonne,
Tant que la terre tourne encore et soi-même s’étonne,
Tant qu’il lui reste encore et du temps et du feu,
Donne à chacun sa part… et pense à moi un peu.

Adaptation anglaise

Version russe

 

Alors c’est beau ou pas?

Une très belle journée à vous!

Fred
moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes