Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : musique médiévale, chants mystique chrétienne, visions, moyen-âge chrétien. médecine médiévale.
Période : moyen-âge central, XIIe
Auteur : Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Ensemble: Vox in rama
Evénement : Vox Sanguinis, mystère médiéval sur la vie, les visions & les chants d’Hildegarde
Dates :les 17, 18 et 19 novembre 2017, Paris 5e, et Longpont-sur-Orge
Bonjour à tous,
etraduire au plus près de leur authenticité originelle la musique et les chants médiévaux relève souvent de la gageure, mais que dire quand les oeuvres en question ont été composées par une grande mystique, sinon la plus grande du moyen-âge central, Hildegarde de Bingen et quand, en plus, on entend bien, à travers une restitution contemporaine, tenter de transmettre et de faire sentir toute la richesse de l’expérience mystique et des visions de la sainte du XIIe siècle?
C’est pourtant là le pari noble et ambitieux relevé par l’ensemble vocal médiéval Vox in rama, dans un spectacle vivant qui puise à la fois dans le répertoire des chants et musiques sacrés de l’abbesse bénédictine mais encore dans d’autres de ses écrits auto-biographiques, religieux, visionnaires ou même issus de ses traités de médecine.
Un Mystère médiéval sur la vie, les visions et les chants d’Hildegarde de Bingen
« Ouvre la clôture des mystères, car par timidité, les gens les ont gardés inutiles et enfermés dans un champ caché. » Sainte Hildegarde Von Bingen (1098-1179)
u service de cette restitution, l’ensemble Vox in Rama sera entouré d’instrumentistes et de compositeurs, mais aussi d’une comédienne qui aura en charge de faire revivre la Sainte médiévale au travers des lectures. Avant le spectacle, un atelier/conférence fournira également quelques clés pour mieux entrer dans l’univers de la Sainte.
A travers ce mystère et ce drame musical qui se veut résolument ouvert à tous, il est résolument question d’interpeller notre modernité. Les visions de la Sainte autant que les idées qui en émanent, notamment en matière de médecine, semblent en effet résonner, par endroits, d’une étrange avance sur leur temps. On pense notamment à sa vision du macrocosme/microcosme qu’un Paracelse, bien des siècles plus tard, n’aurait sans doute pas désavoué, mais aussi à cette médecine qui intègre le corps, la dimension spirituelle et l’âme dans une même dynamique et qui pourrait presque déjà nous rappeler certaines médecines « holistiques » plus modernes.
En se souvenant encore des vertus thérapeutiques qu’Hildegarde de Bingen pouvait prêter aux chants et aux sons, de l’importance aussi qu’elle pouvait accorder aux gemmes et aux cristaux (on la trouve même citée ici ou là sur des sites web actuels traitant de lithothérapie), ou même de la place qu’elle attribuait aux éléments et à leur équilibre dans ses théories toutes à la fois médicales et spirituelles, on pourrait même être tenté de faire quelques rapprochements avec certaines idées en vogue du côté du « New Age ». Dans un interview radio du 2 mai 2017, accordé à Radio Notre Dame. Frédéric Rantières, fondateur et directeur artistique et musical de l’ensemble Vox In Rama, ne manque d’ailleurs pas de le soulever tout en demeurant très clair sur ce point : ce raccourci ou cet « écueil » un peu rapide – dont on pourrait presque craindre (et ceci est à notre compte), qu’il « stigmatise » ou réduise la Sainte et ses visions, en les faisant entrer à la hâte et sans ménagement dans une certaine ère du Verseau – ne saurait être, pour lui, une raison suffisante pour reléguer dans l’oubli le legs médical et spirituel de la mystique bénédictine. Il faut, au contraire, l’aborder « fraîchement » dans son entier et dans sa modernité, en faisant face sereinement aux questions qu’il peut soulever.
Dates et lieux du mystère: les 17 et 18 novembre 2017 à 18 heures à l’Eglise évangélique Saint-Marcel, Paris 5e, le 19 novembre à 14 heures à la Basilique de Longpont-sur-Orge.
ondée en 2006 par Frédéric Rantières, à la fois chanteur, directeur de choeur, mais aussi chercheur versé en anthropologue religieuse, la formation Vox in Rama se propose d’explorer les premières traditions vocales de l’Occident médiéval. Empruntant essentiellement au répertoire des chants sacrés, son ambition est de se situer au carrefour du moyen-âge et du XXI siècle pour « revisiter les traditions musicales anciennes en tant que patrimoine vivant, dont le germe et le contenu participent à la création contemporaine. »
A ce jour, l’ensemble compte trois CD’s à son actif que vous pourrez retrouver sur leur site web, ainsi qu’un certain nombre de pièces disponibles à la libre écoute. En plus des productions musicales et des prestations scéniques de Vox in Rama, Frédéric Rantières propose aussi des stages de chant grégorien et médiéval, allant de l’initiation à des niveaux plus avancés et, encore, diverses conférences sur des thèmes connexes. Vous pourrez en trouver le détail sur son propre site web.
Extrait musical d’une des productions de Vox In Rama,
Tiré de l’album Lignum Vitae.
En vous souhaitant une excellente journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie renaissante, moyen-âge tardif, satirique, poète, épigramme, poésies courtes. Période : fin du moyen-âge, début renaissance Auteur : Clément MAROT(1496-1544)
Titre : « Epigramme de soy-mesme et d’un riche ignorant » Ouvrage : oeuvres complètes de Clément MAROT, par Pierre JANNET, Tome 3 (1876)
Bonjour à tous,
ous vous proposons un début de semaine en compagnie de Clément MAROT, et d’une de ses nombreuses épigrammes « vitriolées », comme il a pu en adresser à ses détracteurs de tous bords: créanciers, poètes, avocats, maîtresses, etc…, il n’en a, en effet, pas été avare. En l’occurrence, il s’agit ici d’une réponse faite à « un riche ignorant ».
Dans ses réparties rimées et courtes, le tranchant de MAROT pouvait s’avérer impitoyable, avec son sens unique de la chute et du verbe qui tombent comme des couperets. En voici donc un exemple de plus. Réflexion caustique à souhait, teintée d’un brin de vanité, jolie parabole aussi sur l’être contre l’avoir, cette épigramme résonne encore comme un legs prophétique de l’auteur – déjà si certain de son fait – sur sa propre postérité; elle le lui rendra bien, du reste. Le riche ignorant dont il est question ici, restera, quant à lui, consigné à jamais derrière les portes de l’oubli.
L’édition des oeuvres de Clément Marot
par Pierre Jannet
La pléthore d’éditions des oeuvres du célèbre poète renaissant disponible en ligne permet de butiner allègrement de l’une à l’autre. Ainsi, nous tirons cette épigramme d’une ré-édition en quatre tomes des oeuvres de MAROT« revues d’après les éditions originales » par Pierre JANNET, éditeur, biographe et libraire parisien du XIXe siècle, d’origine girondine.
Basée sur trois des premières éditions des oeuvres de MAROTdatant du milieu du XVe siècle et de son vivant, l’oeuvre, précédée d’une biographie du poète, est peu commentée, mais offre l’avantage d’une lecture très claire et sans artifice. La classification des oeuvres, par genre et qui respecte celle des origines, est par ailleurs très pratique. Pour les amateurs de poésies courtes, le tome 3 est tout entier consacré aux épigrammes.
De soy mesme et d’un riche ignorant
« Riche ne suis, certes, je le confesse, Bien né pourtant, et nourri noblement ; Mais je suis leu du peuple et gentillesse Par tout le monde, et dict on : « C’est Clement.» Maintz vivront peu, moy eternellement ; Et toy tu as prez, fontaines et puits, Bois, champs, chasteaux, rentes et gros appuis : C’est de nous deux la différence et l’estre. Mais tu ne peux estre ce que je suis ; Ce que tu es, un chascun le peult estre. » Clément MAROT – Epigrammes
En vous souhaitant une excellente journée dans la joie !
Fred
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Sujet : poésie satirique, politique, morale, poésie médiévale, biographie, portrait, poète breton. Période : moyen-âge tardif, XVe siècle Auteur : Jean (Jehan) Meschinot (1420 – 1491) Manuscrit ancien : MS français 24314 bnf Ouvrage : Les lunettes des Princes & poésies diverses.
Bonjour à tous,
ous partons aujourd’hui sur les routes de la Bretagne du moyen-âge tardif, en compagnie d’un gentilhomme, poète et homme d’armes du XVe siècle du nom de Jean (ou Jehan) Meschinot. Contemporain de François Villon et de Charles d’Orleans, cet auteur s’exerça à une poésie morale, politique et satirique aux accents, par endroits, mélancoliques ou fatalistes, qui n’est pas sans rappeler celle d’un Eustache Deschamps, quelques temps après ce dernier.
Un poète, gentilhomme et homme d’armes breton du XVe
Est-ce, comme l’avançait l’historien Johan Huizinga en citant quelques vers de Jean Meschinotdans son Automne du Moyen-âge, un signe des temps que cette désespérance du XVe siècle ? Il faut dire que le poète breton a connu aussi de son vivant quelques pertes brutales notamment du côté des seigneurs qu’il servait, auxquels il faut ajouter quelques épisodes de revers financiers et encore de notables déboires de santé.
« Misérable et très dolente vie!… La guerre avons, mortalité, famine ; Le froid, le chaud, le jour, la nuit nous mine; Puces, cirons et tant d’autre vermine Nous guerroyent. Bref, misère domine Noz meschans corps, dont le vivre est très court … « Jehan MESCHINOT (1420 – 1491)
Dans le courant de sa vie, cette désespérance prendra chez Jean Meschinot, une forme aiguë, au point même de le conduire, lors d’une période particulièrement difficile, près des rives peu chrétiennes du suicide. Il ne le commettra toutefois pas et se repentira même devant Dieu d’en avoir caresser l’idée. On pourrait être tenté d’alléguer que c’est le poète dans son errance imaginaire et non l’homme qui fut confronté à l’épreuve, mais cet auteur, à l’image d’Eustache Deschamps est fait d’un seul tenant et, si l’on ne peut écarter qu’il en rajoute parfois, comme tous les poètes ou les auteurs pour se prêter à l’exercice de la licence poétique, on peut, avec l’accord de ses biographes, avancer que cela se produisit vraiment. Même si l’idée seule peut surprendre dans le contexte d’un moyen-âge tardif encore largement imprégné de christianisme, là encore, on peut appeler à la rescousse, Johan Huizinga. Dans l’opus déjà cité, ce dernier fera, en effet, le constat, à l’appui d’autres auteurs médiévaux de la même période, que, sans aller aussi loin que de vouloir abréger eux-même leur propre vie, en appeler à la mort pour mettre fin à leur désespoir est une idée qui revient, quelquefois, dans la poésie de ce courant de XVe siècle. Tout cela étant dit, le legs poétique de Jean Meschinotva bien au delà de cette simple anecdote qui ne vaut d’être mentionnée que pour mesurer jusqu’où la mélancolie ou le désespoir ont pu aller chez lui, au moins durant un court épisode de son existence,
Pour revenir à sa biographie concrète, au cours de sa vie, le poète breton, originaire de Nantes et issu de petite noblesse, est un homme d’armes. On le retrouvera mentionné à plusieurs reprises comme écuyer ou servant dans les garnisons rapprochées de différents ducs de Bretagne : Jean V, François 1er, puis Pierre II, Arthur III. On peut notamment le retrouver cité à l’occasion de missions d’escorte périlleuses et à des moments où les ducs souhaitaient s’entourer d’une poignée d’hommes pour parer à l’éventualité de quelques embuscades, sur les routes périlleuses de la guerre de cent ans. C’est là la marque indéniable de la confiance portée à ses qualités d’armes, qualités dont il sera d’ailleurs récompensé et loué, à plusieurs reprises, comme les comptes de trésorerie du duché de Bretagne l’attestent.
Le Manuscrit fr 24314 du XVe comprend les oeuvres de Meschinot et quelques autres anonymes.
Au moyen-âge, et ceux qui connaissent un tant soit peu cette période ou qui suivent nos articles le savent bien, l’exercice de la poésie n’est pas incompatible avec les valeurs guerrières, loin s’en faut. Ainsi, la reconnaissance des valeurs militaires du gentilhomme breton se couplera, sans anicroche, avec celle de ses qualités de poète. Il voyagera, à plusieurs reprises, en compagnie des Ducs vers des cours prestigieuses, comme en 1458, où il se rendra à la cour de Charles d’Orléans et aura l’occasion d’y rencontrer maintes autres poètes. Longtemps affecté à la carrière, il sera encore gentilhomme de la Garde, sous François II de Bretagne, et c’est, à ce titre, qu’il servira encore la maison de Laval. Bien plus tard, il a alors près de 68 ans, on le retrouvera encore mentionné dans les archives, au service d’Anne de Bretagne, cette fois-ci, comme maître d’hôtel.
Du point de vue des titres, Jean Meschinot fut aussi, en tant que seigneur de Mortiers, à la tête d’un domaine rural de taille acceptable, mais les frais afférant à la gestion de ses terres, sa solde de soldat autant que les obligations de sa charge, tendent à établir assez clairement qu’il ne débordait pas de richesses. De fait, il semble aussi avoir connu quelques années moins fastes que d’autres, notamment sous François II. Il s’en plaindra d’ailleurs, à plusieurs reprises, dans quelques vers autobiographiques dont voici un exemple :
« Les jeux passez me sont bien cher vendus : J’avois apprins coucher en litz tendus, Jouer aux detz, aux cartes, à la paume; Que me vaut ce, mes cas bien entendus ? Tous mes esbatz sont pieça despendus, Et me convient reposer sur la chaulme. « Jehan Meschinot (1420 – 1491)
Rappelant très justement la précarité des poètes et écrivains du moyen-âge central à tardif et les remettant en perspective avec leur temps, un de ses biographes, Edouard L. De Kerdaniel parlera à son sujet « d’honorable médiocrité ». Se souvenant effectivement des misères d’un Villon et constatant encore qu’à l’image d’Eustache Deschamps, notre gentilhomme breton ne dépend pas de sa poésie pour vivre, on peut, sans doute, à l’exclusion de quelques épisodes difficiles qu’il connut, se ranger à ce point de vue, en comprenant même ici médiocrité dans son sens ancien et non nécessairement péjoratif : celui d’une voie qui se tient « dans la moyenne » (Voir Aurea Mediocritas).
Une poésie politique et satirique, mâtinée de désespérance
Un autre des biographes de Jean Meschinot, le plus célèbre, Arnaud de la Borderie parlera de lui comme un poète « moraliste, sévère, grondeur » et le décrira encore comme « un petit gentilhomme tout confit dans les vieilles moeurs, tout imbu du sentiment de devoirs sociaux, politiques et religieux ». Pour le dire de manière un peu moins abrupte et connotée, il demeure indéniable que le gentilhomme nantais est de la veine des poètes qui aiment user de leurs plumes pour haranguer leurs contemporains et notamment, pour ce qui concerne notre breton, les princes et les puissants et pas les moindres; une poésie satirique qui ira même jusqu’aux pamphlets politiques.
« Combien doibt-on un grant prince blasmer, Quant il se faict partout cruel nommer Et sans vouloir à bonté revenir ! Qui possède de biens toute une mer. Dont le peuple est souvent presqu’à pasmer Par pouvreté, quant le deust maintenir En seure paix, sans lui faire blessure ! C’est grand pitié, par ma foy, je vous jure, Qu’ung tel seigneur, soit d’Escoce ou Savoye, Ayt autant d’or qu’est grant le Puy de Domme, Il ne vault pas qu’on le prise une pomme, Ne que le ciel lui preste umbre ne voye. « Jehan Meschinot (1420 – 1491)
Parmi les événements politiques marquants de la vie de l’auteur, on peut assurément compter le règne de Louis XI et le conflit qui opposa ce dernier à ses vassaux en général et à la Bretagne en particulier, autant que ses ambitions de conquête et la pression fiscale qu’il y adjoint. Au temps de la Ligue du Bien Public, conflit orchestré par les grands féodaux qui se soulevèrent contre la couronne, on retrouva naturellement Meschinot du côté du duché de Bretagne et contre Louis XI. Le poète rédigea même quelques vingt-cinq ballades caustiques et politiques qui visaient de manière directe et sans laisser place au doute, le roi de France, comme put l’établir avec force exemples Arnaud de la Borderie dans sa biographie de l’intéressé. Ces ballades furent écrites en quelque sorte à deux mains puisque leurs envois provenaient de la plume d’un poète bourguignon contemporain de l’auteur nantais : Georges Chastelain.
Reconnu de ses contemporains,
oublié de l’Histoire
L’histoire littéraire a d’abord oublié Jean Meschinot, avant de s’en souvenir quelque peu, à nouveau, sans pour autant que ce dernier entre jamais tout à fait dans la postérité. Rien de comparable en tout cas à un Villon, un Charles d’Orléans ou encore un Clément Marot. Le poète médiéval breton eut pourtant, de son temps et avec son recueil le plus connu « Les lunettes des Princes », presque qu’autant de succès que le Testament de Villon ;les nombreuses rééditions de son ouvrage en attestent, plus nombreuses même de son temps que celles du Testament. Sur le talent de Meschinot, Clément Marot ne s’y trompa d’ailleurs pas et le citera même dans une poésie où il liste les meilleurs poètes français et leur province : l’épigramme à Hugues Salel.
Avec le recul du temps et sans la juger à l’aulne difficile et pour tout dire presque impitoyable parce que si élevée d’un François Villon, la poésie de Jean Meschinot reste fort agréable à lire, d’un beau style et très fluide. Il se fend même souvent de jeux de mots complexes sur ses fins de rimes qui démontrent une virtuosité qu’il serait injuste de ne pas reconnaître.
Au delà de ses qualités de plume, les valeurs de courage qu’ils livrent dans son écriture satirique et pamphlétaire, autant que le témoignage politique de son temps, sont encore de ces choses qui pourront vous le faire aimer et qui nous le font, en tout cas, apprécier. Au temps où l’on savait encore combien la poésie pouvait être une arme, le gentilhomme breton en usait comme d’une lance pour haranguer les plus grands. Les devoirs des princes, même s’ils sont désormais élus, ont-ils tellement changé ? Les valeurs de tempérance, justice, force et prudence dont Meschinot nous parlaient valent-elles encore qu’on s’y penche ? Cette mise en abîme de l’exercice du pouvoir qui résonne jusqu’à nous, à travers les siècles, rend encore sa poésie féconde et propice à la réflexion.
Des devoirs des princes
Pour ce premier article, autour de la biographie du poète médiéval, nous vous livrons encore un court extrait de ses Lunettes des Princes. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet ouvrage qui contient aussi des éléments autobiographiques sur l’auteur mais pour en dire un mot, il nous y entretient des devoirs des princes, des puissants, des juges et même des papes. Il le fait sans grand ménagement au moment d’adresser les responsabilités qui leur incombent. autant qu’au moment d’affirmer que tous les hommes sont égaux devant Dieu et devant leurs actes. C’est un court passage de cette veine que nous partageons ici.
Par desplaisir, faim et froidure Les pouvres gens meurent souvent Et sont, tant que chaud et froid dure. Aux champs nuds soubz pluie et soubz vent; Puis ont, en leur pouvre convent*, (ménage) Nécessité qui les bat tant, Quant seigneurs se vont esbatant.
Inhumains et dommageux Qui portez nom de seigneurie, Vous prenez les pleurs d’homme à jeux ; Mais n’est pas temps que seigneur rie Quant on voit charité périe. Qui est des vertus la maistresse : Pouvres gens ont trop de destresse !
Du propre labeur de leurs mains, Qui dust tourner à leur usage. Ilz en ont petit, voire mains* (moins) Qu’il n’est mestier pour leur mesnage. Vous l’avez, malgré leur visage, (1) Souvent sans cause : Dieu le voit I Qui se damne est villain renoit*(renégat).
Combien que vous nommez villains Ceux qui vostre vie soustiennent, Le bonhomme* (paysan) n’est pas vil, — ains Ses faicts en vertu se maintiennent… Je vous nomme loups ravisseurs Ou lions, si tout dévorez !….
(1) Quelque soit le fruit de leur labeur, qui devrait leur profiter il ne leur en reste que peu et même moins, car vous leur prenez « à leur visage » autrement dit sans vous en cacher.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE.
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_________________________________________________________ Sources : Un soldat-poète du XVe siècle, Jehan Meschinot, par Edouard L. De Kerdaniel (1915) Jean Meschinot Sa vie et ses oeuvres, ses satires contre Louis XI, Par Arthur de La Borderie (1896) Jean Meschinot Les Lunettes des Princes, publié et commenté par Olivier de Gourcuff (1890) Manuscrit français 24314, bnf, départements des manuscrits. Les lunettes des princes. Vingt-cinq ballades. Commémoration de la passion. Par Etienne Larcher, (1493) L’Automne du Moyen-âge Johan Huizinga (1919)
Sujet : chanson médiévale, poésie, amour courtois, roi troubadour, roi poète. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Thibaut de Champagne (1201-1253)
Thibaud (Thibault) le Chansonnier. Titre : Contre le tens qui devise, Chancon d’amour Interprètes : René Zosso & le Clémentic Consort Album : Guillaume Machaut – La Messe De Nostre Dame (2001)
Bonjour à tous,
ous suivons aujourd’hui le fil des digressions poétiques du roi, comte et guerrier du XIIIe siècle que fut Thibaut de Champagne, pour vous présenter une autre de ses chansons. Le thème y est courtois et, telle la Grive Mauvis au retour des beaux jours, le roi-poète de Navarre entreprend ici de se mettre à chanter l’Amour.
Bien sûr, le registre des troubadours médiévaux nous y a quelque peu habitué, le chant de l’amant n’est pas exempt d’une certaine souffrance et de frustration puisqu’il s’y trouve encore prisonnier de ce désir et de ce sentiment amoureux dont il ne peut se défaire et qui ne semble pas trouver sa réciproque.
Le Clemencic Consort, du médiéval au baroque, en recherche d’authenticité
Formé en Autriche dans le courant de l’année 69, par le compositeur, instrumentiste et chef d’orchestre René Clemencic, le Clemencic Consort s’est orienté sur un répertoire allant de la musique médiévale jusqu’à l’époque baroque. Formation de taille variable, en fonction des pièces et oeuvres présentées, au fil des concerts ou des productions, l’ensemble a été souvent rejoint par des chanteurs ou artistes, venu du monde entier.
Dans tous les cas, le parti pris de son créateur et directeur est resté l’exécution des pièces sur instruments d’époque et la recherche au plus près de l’authenticité des époques visitées. Pour le reste, en plus d’un demi-siècle, la formation a produit plus de cents albums et est à l’initiative de plus de cents programmes à Vienne, mais aussi dans l’Europe entière : concerts, spectacles complets, mystères médiévaux, opéras, etc. Le travail artistique et musical du Clemencic Consorta été également primé à de nombreuses reprises.
L’album : Guillaume de Machaut,
la messe de nostre Dame
La version de la chanson de Thibaut de Champagne que nous vous proposons ici est interprétée par le grand artiste, vielliste et chanteur René Zosso qui a rejoint le Clemencic Consort, à l’occasion de cinq productions par le passé. Elle est tirée de l’album La Messe De Nostre Dame, sorti en 2001.
Bien qu’ayant pour titre Guillaume de Machaut, la Messe de Nostre Dame, cette productionne se limite pas à cette seule oeuvre du célèbre maître de musique médiévale, représentant de l’Ars Nova. On y trouve encore, en effet, de nombreuses pièces empruntées à d’autres artistes médiévaux (certaines anonymes), sur une période qui s’étale du XIe au XIVe siècle. Deux chansons y sont extraites du legs de Thibaut de Champagne.
L’album est en quelque sorte « divisé » en trois temps; le premier se situe hors de l’église avec des ménestrels qui y chantent et des mendiants qui s’y tiennent : la chanson du jour du roi de Navarre ouvre cette partie là. Le deuxième temps est celui de l’entrée dans l’église et le troisième, le plus long et le plus important, est celui de la messe à proprement parler.
Contre le tens (temps) qui devise
La chanson de Thibaut de Champagne
Contre le tens qui devise (sépare) Yver et pluie d’esté, Et la mauvis (grive) se debrise Qui de lonc tens n’a chanté, Ferai chançon, car a gré Me vient que j’ai enpensé. Amors, qui en moi s’est mise, Bien m’a droit son dart geté.
Douce dame, de franchise N’ai je point en vous trouvé, S’ele ne s’i est puis mise Que je ne vous esgardé. Trop avez vers moi fierté, Mès ce fet vostre biauté, Ou il n’a point de devise; Tant en i a grant plenté.
En moi n’a pas abstinence Que je puisse ailleurs penser Fors qu’a li, ou conoissance Ne merci ne puis trouver. Bien fui fez pour li amer, Car ne m’en puis saouler, Et qant plus avrai cheance, Plus la me couvient douter.
D’une riens sui en dotance Que je ne puis plus celer: (m’en cacher) Qu’en li n’ait un pou d’enfance. Ce me fet desconforter Que, s’a moi a bon penser, Ne l’ose ele demoustrer. Si feïst qu’a sa senblance Le peüsse deviner!
Dès que je li fis prïere Et la pris a esgarder, Me fist Amors la lumiere Des euz par le cuer passer. Cist conduiz me fet grever, (me pèse) Dont je ne me sai garder, N’il ne puet torner arriere; Li cuers melz voudroit crever (éclater).
Dame, a vos m’estuet clamer Et que merci vos reqiere. Deus m’i dont merci trouver!
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
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