Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Anthologie: la ballade des pendus de Villon par Reggiani

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendus_freres_humains_reggianiSujet : poésie médiévale, réaliste, ballade, frères humains, auteur médiéval.
Période : moyen-âge tardif, XVe
AuteurFrançois Villon  (1431-1463)
Titre : l’épitaphe à Villon ou la Ballade des pendus
Interprète : Serge Reggiani
Album : Florilèges, poésie XVe, XVIe (Disques Adès, 1960)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu grand François Villon, nous ne pouvons pas nous résoudre à ne retenir ici que son épitaphe, pour merveilleuse que puisse être cette prière à l’attention de ses « frères humains« , appelant Dieu pour qu’il les veuille (lui, ses compagnons d’infortune et sans doute nous avec) absoudre. De fait, nous explorons souvent dans nos pages et sans bouder notre plaisir, l’ensemble des textes légués par le maître de poésie médiévale, des plus ludiques aux plus dramatiques, des plus simples, en apparence, aux plus ardus mais, comme cette entêtante ballade des pendus reste de loin sa plus villon_ballade_pendus_poesie_medievale_satirique_realiste_epitaphe_moyen-agenotoire, nous ne résistons pas à vous en proposer, aujourd’hui, une autre interprétation.

Il faut dire que ce n’est pas non plus un hasard si cette ballade  longtemps étudiée sur les bancs des écoles (peut-être l’est-elle encore), a été retenue, entre toute, comme un véritable symbole de la poésie de l’auteur médiéval. Outre sa grande beauté, son hyper réalisme et ses points d’orgue dramatiques et poignants, cet appel à la compassion que Villon adressait à Dieu et à ses frères au nom de tous les hommes, reste une voie royale pour pénétrer dans son univers. Elle en contient, en effet, presque toute entière les clés et elle en est aussi le point culminant: curriculum des erreurs de parcours, parabole de leur conclusion inévitable, poésie déjà presque d’outre-tombe empreinte de mystique, témoignage laissé aux portes d’un au-delà qui sera finalement différé, au delà des fautes, au delà du pardon, si la justice peut meurtrir les hommes jusque dans leurs chairs comme ces pendus qui se balancent au vent, l’âme peut, peut-être, elle, encore être sauvée.

François Villon par Reggiani dans un florilège poétique des années 60

Cette ballade de Villon a été chantée, dite, lue un nombre incalculable de fois. Dans la interprétation que nous vous poesie_medievale_villon_reggiani_serge_ballade_pendus_epitaphe_moyen-age_tardif_XVeproposons aujourd’hui, c’est le célèbre chanteur et acteur Serge Reggiani qui lui prêtait sa belle voix, à l’occasion d’un florilège dédié à la poésie du XVe et XVIe.

Sorti en 1960, l’album, un 33 tours vinyle de lectures poétiques plus dites que chantées, était dédié à deux grands poètes du XVe et du XVIe et contenait quinze titres. Sept d’entre eux étaient empruntés à Villon et interprétés par Reggiani. Il se partageait la vedette avec André Reybaz, lui-même acteur bien connu de son temps, qui, de son côté, disait du Pierre de Ronsard. A ce jour, il semble que l’album n’est pas été réédité mais, en fouillant un peu, on en trouve quelques extraits en ligne.

francois_villon_epitaphe_freres_humains_poesie_medievale_realiste_pendus_moyen-age

Voir d’autres articles ou d’autres versions de la ballade des pendus sur moyenagepassion.

En vous souhaitant une belle journée!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Grandes compagnies et Routiers, une ballade médiévale d’Eustache Deschamps

poesie_ballade_medievale_guerre_de_cent_ans_eustache_deschamps_moyen-age_tardif_XIVSujet : poésie médiévale, poésie morale, réaliste,  ballade, français ancien, guerre de cent ans, grandes compagnies, compagnies de routiers.
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle.
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : «Geline, oe, ne poucin ne chapon.»
Ouvrage :  Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, par Le Maquis de Queux de Saint-HilaireTome V (1887)

Bonjour à tous,

O_lettrine_moyen_age_passionn connait les ballades poétiques et réalistes d’Eustache Deschamps sur la guerre de cent ans et ses ravages, et nous en avions notamment posté une il y a quelque temps, où il décrivait les conséquences des campagnes anglaises sur la Champagne et sur ses terres, mais nous vous proposons aujourd’hui un texte dans lequel le poète médiéval témoigne d’un fléau qui, en quelque sorte, découla de cette guerre médiévale: il s’agit, en effet, des mercenaires et même de certaines parties des armées qui, même une fois les trêves signées et les batailles finies, se tenaient encore sur le terrain des conflits.

Laissées sans solde et sans pitance, désœuvrées mais au demeurant fortement armées, ces compagnies de routiers, encore appelées les grandes compagnies, quelquefois menées par des gradés ou de hauts chefs militaires, pillaient et battaient les campagnes jusqu’à les rendre exsangues, enlevant et rançonnant aussi au passage les petits nobles. Ce sont donc de ces exactions et de ces pillages dont nous parle Eustache Deschamps dans la ballade que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.

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Les compagnies de routiers: fléau et pillages à la traîne des batailles médiévales

Historiquement attachée aux armées anglaises qui commencèrent à les utiliser dans le courant du moyen-âge central et particulièrement au XIIe siècle, ces compagnies de mercenaires venues des quatre coins d’Europe furent bientôt sollicitées par d’autres souverains. Philippe-Auguste lui-même ne s’en priva pas et c’est d’ailleurs grâce à leur aide que ce dernier pu faire tomber Château-gaillard, la bien aimée forteresse de Richard Coeur de Lion.  Plus tard, dans le courant du XIVe siècle, les troupes de mercenaires employées par les armées royales anglaises dans le cadre des batailles de la guerre de cent ans, et qui restaient stationnés sur les terres de France en temps de trêve comme en temps de paix constituèrent une véritable plaie.

Quand on ne pouvait les réengager à la faveur de nouvelles batailles, on a même tenté quelquefois de les soudoyer et les couronnes connurent, avec cette méthode qui s’avéra infructueuse, quelques déboires. Autour de 1363, Jean Le bon et Philippe le Hardi en firent les frais avec « l’archiprêtre » Arnaud de Cervole, célèbre chef des grandes compagnies d’alors. Au vu des ravages et de la ruine que ces routiers occasionnaient, une tentative de croisade a même été lancée par le pape pour les emmener batailler au loin, qui ne connaîtra guère plus de succès. On prête en général et véritablement à Charles V d’avoir su mener des campagnes efficaces contre ces compagnies pour en venir à bout,  à partir de 1365, Au passage, si le sujet vous intéresse, nous l’avions abordé dans deux  vidéos consacrées au château de Bodiam puisque son propriétaire et seigneur,   Edward Dalyngrigge  avait été, un temps, à la solde du célèbre  exaction_routiers_grandes_compagnies_guerre_de_cent_ans_eustache_deschamps_auteur_medievalchef routier Robert Knolles.

Compagnies de routiers,
miniature,  XIVe siècle,
BnF, département des manuscrits.

Après le XIVe siècle, la France connaîtra encore d’autres épisodes de ce type notamment au début du XVe avec les écorcheurs, à la faveur de la reprise des conflits avec l’Angleterre et de la rivalité en la maison d’Orleans de de Bourgogne. Vers la fin de ce même siècle, le problème sera partiellement résolu par l’intégration de certaines de ces bandes organisées au sein des armées royales de  Louis XI,

Au XVIe siècle, François 1er aura, à nouveau, à faire avec ce même phénomène qui demeure étroitement lié –  on pourrait même dire de manière endémique –  au fonctionnement des guerres et des batailles médiévales, dans un contexte où les armées royales ne sont pas encore suffisantes pour faire face, ni entièrement professionnalisées. A la faveur d’un conflit, des mercenaires professionnels, mais aussi des criminels et plus généralement toute personne désireuse de gagner quelques sous et d’en découdre sont enrôlés et une fois les hostilités réglées, les financements s’arrêtent. Sur le terrain, les bandes errantes, devenues bien souvent apatrides et laissées sans solde, ne se dissolvent pas pour autant d’elles-mêmes. En réalité, elles ont même plutôt tendance à se regrouper et comme elles sont armées, elles en tirent partie. Au passage et dans une certaine mesure, ce phénomène perdure aujourd’hui dans certaines régions très conflictuelles du monde.

Ballade contre les exactions des routiers
ou  « Geline, oe, ne poucin ne chapon »

Ce titre « contre les exactions des routiers » est donné par le Marquis de Saint-Hilaire (opus cité), nous lui adjoignons le refrain de la ballade originale : « Geline, oe, ne poucin ne chapon » ou « ni poule, ni oie, ni poussin, ni chapon ».

Las! il n’est mais pastour ne pastourelle
Ne nul qui puist a droit garder brebis,
Car li mastin ont perdu leur querelle
Par le default d’avoir assez pain bis,
Et les loups vont tout courre le pais,
Qui n’y laissent aignel, brebis, mouton,
Vache ne veel, cheval noir, blanc ne gris,
Geline, oe (poule,oie) ne poucin ne chapon.

He! Dieu, que c’est dolereuse nouvelle !
Car du bestail estoit chascuns nourris;
De leur laine faisoit telz sa cotelle* (robe)
Qui sera nuz, povres et esbahis ;
Labours faurront, et si a encor pis,
Qu’estranges loups s’assemblent a bandon*, (en bandes)
Qui ne lairont a nul, ce m’est advis,
Geline, oe, ne poucin ne chapon.

Et j’ay veu vers la saison nouvelle
Que l’en chaçoit telz loups comme ennemis
Par cri royal et commission belle,
Dont chascun feu paioit .ii. parisis (1) ;
L’en les tuoit et pandoit on aussis.
Lors paissoient sûrement li chastron* (moutons)
Autrement va; plus n’arons, doulz amis,
Geline, oe, ne poucin ne chapon.

(1) payait deux parisis (sous de Paris)

Telz loups rapaulx (rapaces) valent pis que gabelle :
Frommaige, let, burre et oeufs sont péris,
Douce crayme, le maton en foisselle (2) ;
Far eulx seront après li enfant prins.
Que font lévrier et li alant* (chiens) de pris?
Que font veneurs, et pourquoy ne chaç’on ?
S’ilz ne chacent, plus n’aront, je leur dis,
Geline, oe, ne poucin ne chapon.

(2) Panier de Jonc, Maton en faisselle, Jonchée,

Noble Lion, le bestail vous appelle,
Et vous devez secourre voz subgis*. (sujets)
Chacez ces loups, et se nulz s’atropelle* (s’attroupe)
En voz marches, ne souffrez le logis*; (la présence)
Car vous pourriez par eulx estre honnis
Et acqueillir par leur fait povre nom ;
Briefment n’arez, se conseil n’y est mis,
Geline, oe, ne poucin ne chapon.

L’envoy
Princes, qui veult estre bien seignouris,
Et de bestail gras, peuz et nourris,
Le doit garder de loups et de larron
Et gouverner par bel et bon advis,
Ou autrement il n’ara, ce m’est vis*, (à mon avis)
Geline, oe, ne poucin ne chapon.

En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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épigrammes, dizain et poésie de cour avec Melin De Saint-Gelais

melin_saint_gelais_poesie_cour_XVIe_siecle_epigrammes_dizain_renaissance_moyen-age_tardifSujet : dizain, poésies courtes,  ouvrage ancien. poésie satirique, humour médiéval, épigrammes, grivoiseries, poésie de cour.
Période : moyen-âge tardif, renaissance, XVIe
Auteurs : Mellin de Sainct-Gelays  ou Melin Saint- Gelais (1491-1558)
Titre : Oeuvres poétique de Mellin S. Gelais, 1719 sur l’édition de  1574

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous partons à nouveau à la découverte de la poésie de cour du XVIe, qui est encore considéré par nombre d’historiens comme le siècle de la transition vers la renaissance. A cette occasion, nous revenons sur le poète Melin Saint-Gelais en vous donnant sur lui des éléments de biographie mais en partageant aussi quelques unes de ses pièces entre humour et poésie courtes.

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Un charlatan disait en plein marché
Qu’il montrerait le diable à tout le monde ;
Si n’y eût nul, tant fût-il empêché,
Qui ne courût pour voir l’esprit immonde.
Lors une bourse assez large et profonde
Il leur déploie, et leur dit : Gens de bien,
Ouvrez vos yeux ! Voyez ! Y a-t-il rien ?
– Non, dit quelqu’un des plus près regardants.
– Et c’est, dit-il, le diable, oyez-vous bien ?
Ouvrir sa bourse et ne voir rien dedans.

Folie, Melin Saint-Gelais (1574)

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N_lettrine_moyen_age_passionatif d’Angoulème, issu de famille noble, fils peut-être ou même neveu, pense-t-on, sans en avoir la certitude du rhétoriqueur Octavien de Saint-Gelais, évêque d’Angoulême, Melin Saint-Gelais a bénéficié dans sa jeunesse, d’une solide éducation littéraire acquise, semble-t-il, à Potiers mais aussi à Bologne et à Padoue, au coeur de l’Italie renaissante. C’est d’ailleurs là où il put acquérir la maîtrise de la langue italienne. Plus tard, aumônier du dauphin, puis bibliothécaire du roi François Ier, il fut un des favoris à la cour. Encore plus loin dans le temps et suivant sa carrière religieuse, il se fit abbé et fut aussi clerc du diocèse d’Angoulême. A sa mort, en 1558, à Paris, il était encore dans les ordres.

Joueur de Luth, chanteur et poète de cour, contemporain et peut-être même un peu rival tout en étant ami de Clément Marot, l’histoire littéraire n’a pourtant pas retenu Melin Saint-Gelais autant qu’elle le fit de son illustre homologue, même si on s’entend bien, en général, sur le fait que sa renommée auprès de ses contemporains, n’avait rien à envier à celle de Marot, au moins de son vivant.

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Tu te plains, ami, grandement ,
Qu’en mes vers j’ay loüé Clement,
Et que je n’ay rien dit de toy.
Comment veux tu que je m’amuse
A louer ny toy, ny ta muse ?
Tu le fais cent fois mieux que moy.

A un importum, Melin Saint-Gelais (1574)

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Q_lettrine_moyen_age_passionuelques furent les détours pris par l’Histoire ou la postérité, pour juger de sa poésie, Melin Saint-Gelais fut, s’il faut le comparer à Clément Marot, pratiquement oublié et il ne resta bientôt plus, pour se souvenir de lui que la querelle qui l’opposa à Ronsard et à la Pléiade.

A une période où la poésie était perçue comme un enjeu de survie à la cour puisque les places s’y trouvaient comptées, les rivalités ne se voilaient qu’à peine. Les auteurs de la pléiade naissante ne cachaient alors pas leur ambition de faire table rase du passé médiéval, mais aussi du plus immédiat et, avec lui, d’une certaine poésie de cour légère, telle que la pratiquait justement Clément Marot ou Saint-Gelais. Il était question de renouer avec l’Antiquité et de porter le français plus haut dans des envolées qui, dans l’ensemble, semblaient peu souffrir l’usage que certains faisaient alors de l’humour, de la légèreté et même de la satire; en bref, la poésie et son usage devaient être une affaire hautement sérieuse.

Dans ce contexte, pas totalement exempt de rivalités et d’enjeux, Saint-Gelais s’était gaussé à la cour des écrits de Ronsard, en lisant des passages de ce dernier à voix haute et sur un ton pompeux, faisant même rire le roi avec ses facéties. Bien que le conflit fut atermoyé avec l’intéressé, plus tard, les auteurs de la Pléiade poursuivirent Saint-Gelais encore de leur diatribe, et cet épisode aura finalement plus survécu au temps que l’oeuvre poétique du poète d’Angoulême.

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O Luth, plus estimé present
Que chose que j’aye à present,
Luth de l’honneste lieu venu
Où mon coeur est pris & tenu :
Luth qui respons à mes pensées
Si tost qu’elles sont commencées :
Luth que j’ay faićt assez de nuits
Juge & tesmoin de mes ennuis,
Ne pouvant voir au près de moy
Celle qui t’eust au près de soy.
Je te suppli’ fay moy entendre
Comme touchant à la main tendre
Ton bois s’est garenti du feu* ,
Qui si bien esprendre ma seu :
Et s’il se pourroit bien esteindre
Par souvent chanter, & me plaindre:
Que pleust à dieu, Luth, que ta voix
Peust aller où de-coeur je vois,
Tant que mon torment bien oui
En peust rapporter un ouy :
Lors tu me serois plus de grace ,
Qu’onc n’en fist la harpe de Thraces
Qui faisoit les montaignes suyvre :
Car tu ferois un mort revivre.

D’un Luth, Melin Saint-Gelais

* Ton bois qui s’est préservé du feu

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P_lettrine_moyen_age_passion copia

our le reste, Melin de Saint-Gelais se situe bien souvent dans cette poésie légère de cour qui, dans les débuts de la renaissance et dans le courant de ce XVIe siècle,  pratique, dans sa recherche du bon mot et de la bonne chute, une satire et un humour qui s’épanchent quelquefois sans complexe du côté des grivoiseries.

Et s’il ne serait sans doute pas justice de ne retenir du poète renaissant que l’humour incisif et les épigrammes ou dizains « badins » ou grivois, il faut avouer que ce sont des pièces dans lesquelles il excelle. On en retrouvera certaines dans la Fleur de Poésie Françoyse mais pour mieux découvrir l’ensemble de son legs, on pourra encore valablement consulter la réédition de ses oeuvres poétiques datant de 1719 sur une édition originale datant de 1574. Tout n’y est pas parfaitement lisible et la digitalisation souffre de quelques imperfections mais c’est, en tout cas, l’ouvrage dont nous avons extrait les poésies présentes au fil de cet article.

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Un jour que Madame dormoit
Monsieur bransloit sa chambriere
Et elle qui la danse aymoit
Remuoit bien fort le derriere :
Enfin la garce toute fierre,
Luy dist Monsieur par votre foy
Qui le fait mieux, Madame, ou moy ?
C’est toy ( dist-il) sans contredit.
– Sainct Jean (dit-elle), je le croy,
Car tout le monde me le dit.

Dixain, Melin Saint-Gelais (1574)

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Ajoutons avant d’en conclure sur Melin Saint-Gelais, qu’au titre de son héritage plus sérieux, on lui prête encore d’avoir importé à la cour française l’art du sonnet italien dont François Pétrarque s’était fait quelques siècles auparavant, un illustre représentant.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com

« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus   Ier s. av. J.-C.

Une danse médiévale à la rencontre de Tristan et Yseut et du manuscrit ancien ms 2542

enluminure_legendes_arthuriennes_tristan_tournoi_medieval_combat_chevalier_Ms_fr_189_bibliotheque_geneveSujet : musique, danse médiévale, poésie, amour courtois, lyrique courtoise, roman arthurien.
Période : moyen-âge central
Auteur : Anonyme
Titre : Nota danse médiévale
Manuscrit : MS 2542, Manuscrit de Vienne.
Interprètes : Alla Francesca, Brigitte Lesne & Pierre Hamon.
Album : Tristan et Yseut (2004)

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour débuter cette journée, voici un peu de musique du moyen-âge avec une Nota, danse médiévale de cour à tempo modéré, voisine de la Ductia. Cette pièce est issue d’un album tout entier dédié aux célèbres aventures amoureuses de Tristan et Yseult que nous devons à l’ensemble Alla Francesca. Pour la réalisation de cette production, les artistes de cette excellente formation furent directement inspirés, à leur habitude, par un codex ancien et cet article nous donne l’occasion de vous en parler: il s’agit du Manuscrit de Vienne.

Enluminure tiré du roman de Tristan en prose, manuscrit de Vienne, MS 2542, v. 1300
Enluminure tiré du roman de Tristan en prose, manuscrit de Vienne, MS 2542, v. 1300

Le roman de Tristan en prose et
Manuscrit de Vienne ms 2542

I_lettrine_moyen_age_passion copiasemble que les experts en codicologie aient eu quelques difficultés à se mettre d’accord sur la datation du ms 2542, conservé à la Bibliothèque National de Vienne en Autriche, encore connu sous le nom de Manuscrit de Vienne. Les avis ont oscillé entre les débuts du XIVe siècle (1300) et le milieu du XVe (1456), la confusion venant du fait qu’un feuillet unique de l’ouvrage provient du XVe. Aujourd’hui, on peut, sans grand risque se enluminure_legendes_arthuriennes_tristan_yseult_combat_chevalier_Ms_fr_189_bibliotheque_geneverésoudre à trancher que le ms 2542 date bien de 1300.

Tristan en prose roman arthurien, enluminure du Ms fr 189, Bibliothèque de Genève (XVe siècle)

Quoiqu’il en soit et du point de vue de son contenu, il reste qu’il appartient au corpus des légendes arthuriennes puisqu’il est un des nombreux roman en prose en provenance du moyen-âge central contant  les aventures de Tristan et Yseut, après leur « réincorporation » dans le corpus arthurien. Les versions originales de ce texte sont en général datées de 1230 et bien qu’en prose, le roman contient 17 lais et poésies musicales annotées qui s’inscrivent dans la continuité de  la lyrique courtoise et interviennent au fil du récit. Ce sont ces lais qui ont inspiré l’album de la formation Alla Francesca dont la pièce du jour est extraite.

Sauf erreur de notre part, il ne semble pas pour l’instant que ce manuscrit ait été digitalisé et si c’est le cas, il n’est, en tout cas, pas encore disponible à la consultation en ligne, ce qui vous explique, au passage, que certaines des enluminures utilisées ici n’en soient pas issues mais proviennent d’un autre manuscrit, conservé lui à Genève: le Ms Fr 189.

enluminure_legendes_arthuriennes_tristan_yseult_desespoir_amour_courtois_Ms_fr_189_bibliotheque_geneveTristan en prose Yseut se languit de Tristan, enluminure du Ms fr 189, Bibliothèque de Genève (XVe siècle)

A noter qu’à partir de 1987, c’est ce ms 2542 ou Manuscrit de Vienne qui a servi de base et de référence à une édition en neuf tomes du roman de Tristan en Prose sous la direction de l’historien et essayiste Philippe Ménard, aux éditions Droz de Genève. C’est d’ailleurs de ce dernier que nous tenons pour vrai que ce manuscrit est bien daté de 1300 et non du XVe siècle. Tout cela étant dit, place à la danse !

Une nota médiévale par Alla Francesca

Alla Francesca et les lais lyriques
courtois de  Tristan & Yseut

C_lettrine_moyen_age_passionette nota  fait l’ouverture de l’album Tristan et Yseut de la formation Alla Francesca, sorti en 2004. En plus des lais de Tristan tiré du manuscrit de Vienne, dont ils nous régalent dans cette production, sur laquelle nous aurons assurément l’occasion de revenir, ils y ont ajouté quelques danses et estampies médiévales qui viennent ponctuer l’album.

musique_danse_medievale_nota_alla_Francesca_album_Tristan_Yseut_moyen-age_central

musique_poesie_medievale_formation_alla_francesca_ethnomusicologie_moyen-age_centralDans cet album comme dans les autres, la formation Alla Francesca se situons ici autant dans l’Art musical que celui de la restitution savante. Il y a dans la démarche un véritable parti-pris « ethno-musicologique » et l’ambition de retraduire et de resituer au mieux la musique médiévale dans son contexte historique. Au delà de la « simple » interprétation des partitions et de la pratique des instruments, tout cela se fait au moyen de l’étude des codex, textes, documents en manuscrits d’époque, des enluminures mais encore des pratiques actuelles d’instruments anciens de par le monde.

Retrouvez plus de pièces interprétées par  Alla Francesca et plus d’information sur cet excellent ensemble spécialisé tout particulièrement sur le répertoire médiéval.

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.