Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Une « invitation » au voyage en forme de Ballade par Eustache Deschamps

poesie_ballade_medievale_guerre_de_cent_ans_eustache_deschamps_moyen-age_tardif_XIVSujet : poésie médiévale, poésie morale, réaliste, littérature médiévale, ballade, français ancien, invitation au voyage
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : «Il ne scet rien qui ne va hors»
Ouvrage :  Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Gaston Raynaud, Tome VII (1891)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passion‘orléans à la Lombardie en passant par la Flandre, la Hongrie, ou l’Allemagne, au cours de sa longue vie, mais surtout durant sa jeunesse, Eustache Deschamps dit Morel, eut l’occasion de voyager et de voir du pays.

S’il faut se fier à certains de ses biographes, il serait même encore allé au delà des mers parcourant la Syrie, l’Egypte, visitant Jérusalem et le Caire. Dans ses pérégrinations, il aurait aussi été, quelque temps, esclave des Sarrasins (voir introduction Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, Georges Adrien Crapelet).

Concernant ces destinations lointaines et si on la prend au pied de la lettre, la ballade « Quand j’ai la terre et mer avironnée » que nous avons déjà présenté ici, semble aussi  l’attester :

« Quant j’ay la terre et mer avironnée,
Et visité en chascune partie
Jherusalem, Egipte et Galilée,
Alixandre, Damas et la Surie,
Babiloine, le Caire et Tartarie,
Et touz les pors qui y sont,… »

Comme Eustache Deschamps est un poète « réaliste » attaché aux éléments factuels, on peut supposer, sans en avoir pour autant la moindre confirmation documentaire, qu’il ne fait pas là qu’une simple licence poétique et, au bénéfice du doute, décider de mettre ces voyages à son crédit. C’est en tout cas et semble-t-il une position de principe que nombre de ces biographes ont adoptée.

eustache_deschamps_morel_poesie_ballade_medievale_voyage_moyen-age_tardif_XVe

Il ne scet rien qui ne va hors,
dans le moyen-français d’Eustache

C’est donc une ballade en forme d’invitation au voyage à laquelle nous convie aujourd’hui le poète médiéval. Bien entendu, il le fait avec le tranchant habituel de sa plume et les absences de nuances dans lesquelles son caractère bien trempé l’ont si souvent conduit. Comme c’est aussi ce qui fait son charme, nous ne pouvons totalement l’en blâmer mas de fait, plus qu’une simple « invitation » au voyage, voilà bien plutôt une injonction dans le pur style qui le caractérise.

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Ceuls qui ne partent de l’ostel
Sanz aler en divers pais,
Ne scevent la dolour mortel
Dont gens qui vont sont envahis,
Les maulx, les doubtes, les perilz
Des mers, des fleuves et de pas,
Les langaiges qu’om n’entent pas,
La paine et le traveil des corps;
Mais combien qu’om soit de ce las,
Il ne scet rien qui ne va hors.

Car par le monde universel
Qui est des nobles poursuis,
Sont choses a chascun costel* (de tous côtés)
Dont maint seroient esbahis,
De la creance, des habis*, (moeurs)
Des vivres, des divers estas,
Des bestes, des merveilleux cas,
Des poissons, oiseaulx, serpens fors,
Des roches, des plains, des lieux bas:
Il ne scet rien qui ne va hors.

De vir les montaingnes de sel,
Les baings chaux dont maint sont garis,
Le cours desquelz est naturel
Par vaines de soufre tramis,
Les divers fruis, ermines, gris;
Minieres d’or, d’argent a tas,
De fer, d’acier, d’estain verras,
De plomb, cuivre, arain, et alors
A toutes gens dire pourras:
Il ne scet rien qui ne va hors.

L’envoy

Princes, nulz ne sera sutils,
Saiges, courtois ne bien apris,
Tant soit riches, puissans ou fors,
S’en divers voyages n’est mis
En jeunesce pour avoir pris;
Il ne scet rien qui ne va hors.

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Une belle journée à tous!

Fred
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Villon, fragments poétiques et prière du grand testament

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, auteur médiéval. mort, extrait, prière, poèmes mystiques.
Auteur : François Villon (1431-?1463)
Période : moyen-âge tardif, XVe siècle.
Ouvrage : extrait du grand Testament.

Bonjour à tous,

B_lettrine_moyen_age_passionien qu’il serait sans doute plus simple de publier, d’un coup d’un seul, toute l’oeuvre poétique de François Villon ou même tout le Grand testament puisque c’est ce dont il s’agit ici, sa publication par fragments ou extraits offre l’avantage de prendre toute la mesure de la force et la beauté du verbe de ce poète médiéval à nul autre pareil.

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« Si prie au benoît Fils de Dieu,
Qu’à tous mes besoins je réclame,
Que ma pauvre prière ait lieu
Vers lui, de qui tiens corps et âme,
Qui m’a préservé de maint blâme
Et franchi de vile puissance.
Loué soit-il, et Notre Dame,
Et Louis, le bon roi de France ! »

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Bien sûr, le drame qui sous-tend de nombreux passages du grand testament et tout le désespoir qu’ils portent viennent encore lui donner ce regain de puissance qui font de ce texte un pièce unique et si particulière dans l’histoire de la poésie médiévale  française.

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Du fond de cette prison froide et hostile, soumis à la torture, Villon le mauvais garçon repenti, l’homme, le poète et le croyant sont tous à la fois réunis dans un cri et presque déjà morts. Contre toute attente et par la grâce d’un roi, l’auteur médiéval ne rencontrera pourtant pas son destin dans cette geôle et elle ne lui sera pas fatale, mais il en résultera son plus grand legs poétique, un héritage empreint à jamais de peur, de repentir, de souffrance et de mysticisme profond.

Lectures poétiques, fragments: extrait du Grand testament par Gilbert Robin

E_lettrine_moyen_age_passionn 1962, la Bibliothèque Nationale de France, en collaboration avec le label Believe digital, proposaient à la distribution un disque  dans lequel on pouvait retrouver des lecture_poetique_gilbert_robin_villon_grand_testament_poesie_medievalepoèmes mystiques choisis de François Villon, lus par divers comédiens, sur une mise en musique de l’Ensemble Guillaume-Dufay. L’extrait ci-dessus, lu par le comédien Gilbert Robin (portrait ci-contre) est tiré de ce disque.

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 En vous souhaitant une très belle journée.
Fred

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Comment qu’à moy lonteinne, un virelai d’amour courtois de Guillaume de Machaut

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique, chanson ancienne, médiévale, virelai, amour courtois.
Titre : Comment qu’à moy lonteinne
Auteur Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période  : XIVe siècle, Moyen Âge tardif
Album : Mon Chant Vous Envoy (2013)
Interpréte  :  Marc Mauillon   Direction : Pierre Hamon. Label : Eloquentia

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous proposons un retour vers le Moyen Âge tardif et le XIVe siècle avec le grand maître de musique Guillaume de Machaut. La pièce est un virelai profane, tout entier dédié à l’amour courtois puisqu’il y est question d’un éloignement qui n’ôte pas pour autant de l’esprit ni du coeur du compositeur sa dame, auquel il dédie ses vers.

Manuscrit Français 1584

On peut retrouver cette pièce musicale notamment dans le Manuscrit ancien référencé  MS fr. 1584 de la BnF ou Français 1584 et ayant pour titre:  Guillaume de Machaut, Poésies. C’est un des rares manuscrits du XIVe siècle autour du compositeur médiéval qui n’ait pas été entièrement réalisé dans un atelier parisien, mais vraisemblablement autour de Reims, ville où Machaut a fini ses jours. 

Dans l’ouvrage, la chanson Comment qu’à moy lonteinne fait suite à la chanson bien connue : « Douce Dame Jolie »  dont nous avons parlé ici (photo  du feuillet en question ci dessus).

Interprètes et album

Cette chanson est tirée de l’album  Mon Chant Vous Envoy sorti en 2013 sous le label Eloquentia.  Sous la direction de Pierre Hamon, les compositions y sont interprétées vocalement par Marc Mauillon. Comme nous l’avions déjà mentionné par ailleurs, le chanteur lyrique a une prédilection toute particulière pour le répertoire médiéval de Guillaume de Machaut. Il est accompagné ici, entre autres artistes, par sa musique_medievale_guillaume_machaut_marc_mauillon_moyen-age_central_XIVesœur  Angélique   Mauillon,

Tout entier dédié à des virelais, ballades et rondeaux de Guillaume de Machaut, cet album est disponible à la vente en ligne sous le lien suivant : Mon chant vous envoy.

Les paroles de la chanson
de Guillaume de Machaut

Comme mentionné plus haut, il est question, dans ce virelai courtois, d’éloignement et le compositeur médiéval conte à sa dame que, bien qu’elle soit distante de lui physiquement (Comment qu’à moy lonteinne) elle reste bien présente dans ses pensées.

Comment qu’à moy lonteinne
Soiez, dame d’onnour,
Si m’estes vous procheinne
Par penser nuit et jour.

Car Souvenir me meinne,
Si qu’adès sans sejour
Vo biauté souvereinne,
Vo gracieus atour,
Vo maniere certainne
Et vo fresche coulour
Qui n’est pale ne veinne,
Vou toudis sans sejour.
Comment qu’à moy.

Dame, de grace pleinne,
Mais vo haute valour,
Vo bonté souvereinne
Et vo fine douçour
En vostre dous demeinne
M’ont si mis que m’amour,
Sans pensée vilainne,
Meint en vous que j’aour,
Comment qu’à moy lonteinne
Soiez, dame d’onnour.

Mais Desirs qui se peinne
D’acroistre mon labour
Tenra mon cuer en peinne
Et de mort en paour,
Se Diex l’eure m’ameinne
Qu’à vous, qui estes flour
De toute flour mondeinne,
Face tost mon retour.
Comment qu’à moy lonteinne
Soiez, dame d’onnour,
Si m’estes vous procheinne
Par penser nuit et jour.

En vous souhaitant une  excellente journée.

Fred
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« Mort saisit (tous) sans exception », Villon et le grand Testament.

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, auteur médiéval. mort, extrait
Auteur : François Villon (1431-?1463)
Période : moyen-âge tardif, XVe
Ouvrage : extrait du grand Testament. Oeuvres complètes et commentés de François Villon par P.L Jacob (1854)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous partageons un court extrait et une strophe du Grand Testament de François Villon sur la Mort. Le poète médiéval nous rappelle la vacuité du statut social ou des richesses face à l’inéluctable faucheuse, comme on le retrouvera rappelé dans certains ballades d’Eustache Deschamps, entre autres auteurs. Le thème n’est d’ailleurs pas propre à l’Europe médiévale, même s’il est empreint ici de valeurs chrétiennes.

Ajoutons que cette mort plane de manière tout à fait particulière sur cette partie de l’oeuvre de Villon qui la pense alors proche et ne sait pas encore, au moment où il écrit ses vers, qu’il va être gracié.

« Je congnoys que pauvres et riches,
Sages et folz, prebstres et laiz (1)
Nobles, vilains, larges et chiches,
Petitz et grans, et beaulx et laidz,
Dames à rebrassez colletz, (2) 
De quelconque condicion,
Portant attours et bourreletz, (3)
Mort saisit sans exception. »
François VILLON (1431-?1463)
Le Grand Testament – Extrait

(1) Laïcs
(2) vêtements bordés de fourrures
(3) bourreletz Coiffe d’époque luxueuse

villon_poesie_medievale_grand_testament_mort_moyen-age_tardif

Q_lettrine_moyen_age_passionuelques strophes plus loin, on retrouvera encore cette plume et ce verbe réaliste dont François Villon a le secret et il nous y décrira  la mort dans le détail, un peu comme il l’avait fait pour les pendus de son épitaphe.

« La mort le fait frémir, pâlir,
Le nez courber, les veines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Jointes et nerfs croître et étendre.
Corps fémenin, qui tant es tendre.
Poly, souef, si précieux,
Te faudra il ces maux attendre ?

Oui, ou tout vif aller ès cieux. »

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.