Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Jeu video et musique médiévale : quand Sid Meyer rencontre Guillaume de Machaut

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique, chanson ancienne, médiévale, musicien, maître de  musique, virelai, amour courtois, fine amour
Titre : « Quant(d) je suis mis au retour »
Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprétes, orchestration  : Roland Rizzo,  Geoff Knorr
Jeu vidéo : Civilization  6

Bonjour  à tous,

Q_lettrine_moyen_age_passionuand le compositeur Guillaume de Machaut et ses mélodies uniques se réinvitent dans notre modernité, cela peut quelquefois prendre des dehors surprenants.   Cette fois-ci, nous retrouvons deux pièces du maître de musique du XIVe siècle dans un des titres  les plus mythiques de l’histoire  des jeux vidéo : Civilization VI  de Sid Meyer.

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Ces chansons ont, bien entendu, été réarrangées pour l’occasion et ne sont proposées que dans leur version instrumentale. Elles ne forment qu’une infime partie de l’ambiance sonore du jeu qui, par ailleurs, propose plus de quatre heures trente de musique contextuelle, cette dernière variant en fonction de la civilisation choisie, autant que de la période historique traversée par le joueur.  Nous sommes bien loin  du temps où les jeux vidéos ne proposaient que de petits jingles  ou  des bandes son midi  en boucle.

Concernant les pièces issues du répertoire de Guillaume de Machaut, Civilization 6  propose  une reprise de Douce Dame Jolie  et une autre chanson de lui dont cet article nous donne l’occasion de parler et qui s’intitule : Quant je sui mis au retour.

Cette dernière chanson se situe encore dans le registre de la « fine amor » et nous conte le transport et l’émoi de l’amoureux qui s’en revient de voir sa belle et n’en finit plus de conter les louanges de cette dernière. Nous aurons sans nul doute l’occasion d’en partager d’autres versions dans le futur, et nous publions dors et déjà les paroles ici. Cette interprétation du jour nous fournit  l’occasion  de l’anecdote et nous permet aussi de mesurer à quel point la musique et les mélodies du compositeur du Moyen Âge tardif continuent à travers les siècles de servir sa renommée.

Les paroles de la chanson de Guillaume de Machaut

Quant je sui mis au retour
De veoir ma dame,
Il n’est peinne ne dolour
Que j’aie, par m’ame.
Diex! c’est drois que je l’aim, sans blame,
De loial amour.

Sa biauté, sa grant douçour
D’amoureuse flame,
Par souvenir, nuit et jour
M’esprent et enflame.
Diex! c’est drois que je l’aim, sans blasme,
De loial amour.

Et quant sa haute valour
Mon fin cuer entame,
Servir la vueil sans folour
Penser ne diffame.
Diex! c’est drois que je l’aim, sans blame,
De loial amour.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. Publilius Syrus   Ier s. av. J-C.

La Ballade des menus propos de maître François Villon et l’analyse littéraire de Gert Pinkernell

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, satirique, ballade, auteur médiéval, analyse littéraire.
Période : moyen-âge tardif
Titre :  « Ballade des menus propos »
Auteur :  François Villon (1431- ?1463)

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passionégèreté et profondeur, de la mouche à la mort, peut-être ne sont-ils pas au fond si menus ces propos de François Villon sur la connaissance du monde et des choses, opposée à la difficulté  ou l’impossibilité dérisoire de se connaitre soi-même.

Dans cette ballade  dont le  titre même semble nous inviter à ne pas la prendre au sérieux, cette litanie de celui qui connaît tout mieux qui lui-même qui revient comme une ronde, vient trancher comme un couperet  dans la légèreté du propos. A quelques exceptions, voilà donc une grande liste de connaissances finalement assez peu savantes, pour un narrateur poète  qui, pour finir, confesse se connaître lui-même encore moins.

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Avec cette pirouette ironique, Villon se rit-il seulement de lui-même ou fait-il encore  une allusion  ( narquoise ?)  à un genre poétique connu de son temps et dont on retrouve la trace aussi dans le lointain XIIe siècle, notamment dans la poésie du duc d’Aquitaine , Guillaume IX (1071-1126)  ?

Ieu conosc ben sen et folhor,
E conosc anta et honor,
Et ai ardimen e paor…

Je connais  bien sens et folie
Je connais  la honte et l’honneur
J’ai connu l’audace et la peur

Guillaume IX d’Aquitaine
Ben vuelh que sapchan li pulzor

Une hypothèse plus pragmatique
sur la ballade des menu propos de Villon

D_lettrine_moyen_age_passionans une approche plus pragmatique et plus « factuelle » de la poésie de François Villon et notamment sur la période  qui couvre les années 1457 à 1461, le romaniste et professeur de littérature française allemand Gert Pinkernell (1937-2017) a émis l’hypothèse qu’à l’image de la ballade des proverbes, cette ballade des menus propos  pouvait être une tentative du poète médiéval  pour se réconcilier avec son protecteur Charles d’Orléans. Toujours selon Gert Pinkernell, au moment de l’écrire, Villon avait été chassé de Blois, suite à une querelle entre poètes de cour; le bon Villon aurait pu en effet y égratigné quelque peu un dénommé  Fredet, poète alors en faveur du seigneur d’Orléans. Ce dernier, ainsi que son écuyer, en aurait d’ailleurs  blâmé François Villon par poésie interposée qui, humilié, aurait alors décidé de déserter la cour.

Toujours suivant l’hypothèse de l’auteur allemand, cette  ballade des menus propos prendrait donc plutôt l’allure d’un plaidoyer de Villon sur sa propre ignorance, animé de  la volonté très pratique de se remettre dans les faveurs du noble. Le poète médiéval  y relaierait encore dans un jeu de miroir,  un plaidoyer fait peu avant par Charles d’Orléans pour la défense de Jean d’Alençon et dans lequel  le prince reprenait notamment la phrase suivante empruntée à Saint-Bernard :   « plusieurs congnoissent plusieurs choses et ne se congnoissent pas eulx mesmes »    et  plus loin: « …congnoissant que je ne suis ne sage, ne bon clerc… »

Encore une fois, il est difficile d’être totalement affirmatif sur tout cela et Gert Pinkernell  lui-même prend de grandes précautions  jusque la fin de son propos:  « il pense avoir démontré qu’il est vraisemblable que… » Son approche suscite d’ailleurs quelques polémiques en d’autres endroits, parce que toute théorique et finalement absolument invérifiable même si elle se fonde sur l’ analyse minutieuse des textes, et des rapprochements  et renvois aussi précis que troublants d’une poésie à l’autre.  Au demeurant, ses efforts pour ancrer  les ballades de François  Villon dans le contexte réel de ses relations avec Charles d’Orleans  et la cour restent tout à fait Francois_villon_poesie_litterature_medievale_ballade_menu_propos_analyselouables et pour tout dire, sans aucunement les déprécier, plutôt plaisants à suivre.  On y trouve, bien sûr, de nombreux : « Villon a pu » « a dû », « a certainement », mais  on suit avec plaisir les investigations littéraires de G Pinkernell pour mettre à jour les intrigues relationnelles possiblement cachées derrière la  poésie  de Villon, dans le but de la ré-éclairer d’une autre manière. Il faut ajouter que pour un peu, en le lisant, on assisterait presque à une répétition des querelles entre poètes de cour et des règlements de compte par poésies interposées au milieu desquels Clément Marot se retrouvera pris,  un peu moins d’un siècle plus tard.

Si le sujet vous intéresse,  vous trouverez plus de détails sur la  question dans l’ouvrage  du :  François Villon et Charles d’Orléans (1457 à 1461) de Gert Pinkernell. Plus accessible encore, vous pourrez consulter  sur Persée un article détaillé du même auteur, paru en 1983 dans lequel il développe déjà largement cette hypothèse :  une nouvelle date dans  la vie et dans l’oeuvre de François Villon :  4 octobre 1458.

La ballade des menus propos

Je connois bien mouches en lait,
Je connois à la robe l’homme,
Je connois le beau temps du laid,
Je connois au pommier la pomme,
Je connois l’arbre à voir la gomme,
Je connois quand tout est de mêmes,
Je connois qui besogne ou chomme,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.

Je connois pourpoint au collet,
Je connois le moine à la gonne,
Je connois le maître au valet,
Je connois au voile la nonne,
Je connois quand pipeur jargonne,
Je connois fous nourris de crèmes,*
Je connois le vin à la tonne,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.

Je connois cheval et mulet,
Je connois leur charge et leur somme,
Je connois Biatris et Belet,
Je connois jet qui nombre et somme,
Je connois vision et somme,
Je connois la faute des Boemes,
Je connois le pouvoir de Rome,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.

Prince, je connois tout en somme,
Je connois coulourés et blêmes,
Je connois mort qui tout consomme,
Je connois tout, fors que moi-mêmes.

* Sur ces fous nourris de crème, c’est encore un article de Persée qui vient à notre secours pour tenter de les expliquer : Note sur la Ballade des menus propos. Gertrude Schoepperle.  Deux hypothèses existent sur l’interprétation de cette expression. La première  y verrait plutôt comme sens que les fous  sont bien nourris à l’inverse des sages et des poètes, La deuxième hypothèse, développée dans cet article,  souligne l’association  fréquente à l’époque du fou et du fromage.

Un  excellente journée à tous !

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

François Villon chanté par Monique Morelli: Ballade des menus propos

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : poésie, littérature médiévale, réaliste,  ballade,  Villon chanté, chanson.
Période : moyen-âge tardif
Titre :  « Ballade des menus propos »
Auteur :  François Villon (1431- ?1463)
Interprètes :  Monique Morelli
Album  : François Villon (1974)

C_lettrine_moyen_age_passion‘est une voix surgie du passé qui entonne ici la ballade des menus propos de François Villon, celle d’une chanteuse populaire dans la veine d’une Piaf qui, dans les années soixante-dix chantaient  les poètes.

Pour ceux qui  se souviennent de la série télévisée Mandrin, Monique Morelli (1923-1993) y incarnait encore  le rôle de  La monique_morelli_francois_villon_poesie_medievale_moyen-age_tardifCarline et c’est elle qui prêtait aussi sa voix puissante au chant de Mandrin et à toutes les variations narratives chantées qui ponctuaient la série.  Sans doute fut-elle une des dernières et dignes représentantes d’une certaine façon de chanter.

A partir de  1962, son cabaret parisien  Chez Ubu fut un espace de création et d’expression pour de nombreux artistes et ce n’est pas par hasard si l’on peut encore entrevoir une parenté entre elle et la très  créative Brigitte Fontaine, dans l’ambition littéraire et poétique au moins, même si leur style vocal diffère. Quoiqu’il en soit, à l’image de Léo Ferré, le récital de Monique Morelli est resté ambitieux et elle  a contribué  à faire connaître de nombreux poètes en les chantant.

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Pour le reste, hormis les troubadours ou trouvères occitans, les poètes médiévaux de langue d’oil sont relativement peu chantés dans le texte original et elle a sans doute été une de celle qui a le plus exploré le fait de mettre en chanson la poésie de  Villon en lui dédiant un album complet.

En vous souhaitant une belle journée!

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Compassion et sagesse dans la poésie médiévale de Mocharrafoddin Saadi

Sujet : citation médiévale, sagesse persane du moyen-âge central.

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“Les fils d’Adam sont les membres d’un même corps, car dans la création ils sont d’une seule et même nature; lorsque la fortune jette un membre dans la douleur, il ne reste point de repos aux autres. ô toi, qui es sans souci de la peine d’autrui, il ne convient pas que l’on te donne le nom d’homme !”
Mocharrafoddin Saadi (1210-1291), Gulistan, le jardin des roses.

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà une des phrases les plus célèbres du poète et conteur persan du moyen-âge central sur le thème de la compassion et de l’unité de notre espèce. Elle le demeure du côté occidental de notre monde au moins puisqu’elle trône, comme nous l’avions déjà mentionné, au frontispice de l’ONU à New York. Vous pouvez retrouver un portrait du célèbre  Mocharrafodin Saadi ici.

Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus   Ier s. av. J.-C.