Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet: citation, poésie médiévale, poésie réaliste, maître de poésie, auteur, poète médiéval, citations expliquées, adaptation. Période: moyen-âge tardif, Auteur: François Villon (1431-1463) Titre: Le testament (extrait)
« Nécessité faict gens mesprendre Et faim saillir le loup des boys. » François Villon – maître de poésie médiévale. Extrait du Testament.
Bonjour à tous,
oici une « citation » extraite du testament de Villon. Pour la remettre dans son contexte, elle fait suite à un passage où François Villon cite l’anecdote du corsaire Diomedés qu’Alexandre le Grand avait décidé d’interroger avant de le faire condamner. Sommer de répondre de ses crimes face à l’empereur, le pirate répondit, en substance, que s’il en avait eu les moyens, il aurait été lui-même empereur. Au fond, tout n’était peut-être qu’une question d’échelle. Devant sa répartie, non seulement Alexandre le Grand gracia le corsaire mais décida encore de faire sa fortune. Dans sa poésie, Villon fera ajouter au corsaire que son infortune et sa misère seules expliquaient ou justifiaient ses actes :
« Et saichiez qu’en grant poverté, Ce mot se dit communement, Ne gist pas grande loyaulté. «
L’Histoire de l’anecdote sur Alexandre le Grand et le pirate Diomedés
« Alexandre demandait à un pirate par quel attentat il osait infester la mer avec un misérable brigantin. Par le même droit, dit-il, qui vous fait ravager le monde » Cicéron – La république – Livre III.
Voici l’extrait de Saint-Augustin :
« Que sont les empires sans la justice, sinon de grandes bandes de brigands ? De même, une bande de brigands est-elle autre chose qu’un petit empire, puisqu’elle forme une espèce de société gouvernée par un chef, liée par un contrat, et où le partage du butin se fait suivant certaines règles convenues? Que cette troupe malfaisante vienne à augmenter en se recrutant d’hommes perdus, qu’elle s’empare de places pour y fixer sa domination, qu’elle prenne des villes, qu’elle subjugue des peuples, la voilà qui reçoit le nom de royaume, non parce qu’elle a dépouillé sa cupidité, mais parce qu’elle a su accroître son impunité. C’est ce qu’un pirate, tombé au pouvoir d’Alexandre le Grand, sut fort bien lui dire avec beaucoup de raison et d’esprit. Le roi lui ayant demandé pourquoi il troublait ainsi la mer, il lui repartit fièrement « Du même droit que tu troubles la terre. Mais comme je n’ai qu’un petit navire, on m’appelle pirate, et parce que tu as une grande flotte, on t’appelle conquérant ». Saint Augustin – La cité de Dieu
Utilisant l’anecdote dans le testament pour plaider en faveur de ses propres déboires et de ses inconduites, voilà ce que Villon conclut :
« Se Dieu m’eust donné rencontrer Ung autre pitieux Alixandre Qui m’eust fait en bon coeur entrer, Et lors qui m’eust veu condescendre A mal, estre ars et mis en cendre Jugié me feusse de ma voys. Necessité fait gens mesprendre Et fain saillir le loup du boys. » Francois Villon – Le testament
Ce qui très librement adapté en français moderne donne :
Si Dieu m’eut donné de rencontrer Un être aussi compréhensif que le fut Alexandre Qui m’eut permis de vivre en honnête homme Et que l’on m’eut alors surpris à m’abaisser à faire le mal Je me serai jugé moi-même Bon à être brûlé et mis en cendres Nécessité fait gens mesprendre Et faim saillir le loup du bois.
L’extrait complet de la poésie
dans la langue de maître François Villon
Après l’explication et la synthèse et pour varier un peu, voilà l’extrait complet de Villon dont est tirée cette citation :
Au temps qu’Alixandre regna, Ungs homs nommé Dïomedés Devant lui on lui admena, Engrillonnné pousses et detz Comme larron, car il fut des Escumeurs que voyons courir; S y fut mis devant ce cadés Pour estre jugiez a mourir.
L’empereur si l’araisonna: » Pourquoy es tu laron en mer? » L’autre responce lui donna: » Pourquoy laron me faiz clamer? Pour ce qu’on me voit escumer En une petïote fuste? Se comme toy me peusse armer, Comme toy empereur je feusse.
Mais que veulx tu! de ma fortune, Contre qui ne puis bonnement, Qui si faulcement me fortune, Me vient tout ce gouvernement. Excusez moy aucunement Et saichiez qu’en grant poverté, Ce mot se dit communement, Ne gist pas grande loyaulté. «
Quant l’empereur ot remiré De Dïomedés tout le dit: » Ta fortune je te mueray Mauvaise en bonne « , ce lui dist. Si fist il; onc puis ne mesdit A personne, mais fut vray homme; Valere pour vray le bauldit Qui fut nommé le Grant a Romme
Se Dieu m’eust donné rencontrer Ung autre pitieux Alixandre Qui m’eust fait en bon eur entrer, Et lors qui m’eust veu condescendre A mal, estre ars et mis en cendre Jugié me feusse de ma voys. Necessité fait gens mesprendre Et fain saillir le loup du boys.
Sujet : musique ancienne, folk, chanson traditionnelle anglaise, version musicale Période : XVIe, début de la renaissance, toute fin du moyen-âge Titre : Lady Greensleeves, Greensleeves to a Ground, Greensleeves Groupe : Hespèrion XXI, Jordi Savall, Album : Ostinato (2001) AliaVox
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un peu de la grâce absolue de Jordi Savall et de sa formation Hespèrion XXI, au service d’une chanson anglaise mythique de la toute fin du moyen-âge et même du début de la renaissance, qui a pour titre Lady Greensleeves, mais que l’on retrouve encore souvent sous le simple titre de Greensleeves.
La superbe adaptation musicale de Lady Greensleeves par Jordi Savall
Pardonnez-nous si nous avons l’air d’insister avec Jordi Savallet sa formation Hespérion XXI, mais c’est qu’en dehors du grand travail de recherches historiques et d’interprétation effectué, en amont de chaque album, pour restituer des joyaux et des trésors de musique ancienne, le toucher et le son de du maître de musique catalan sont tellement uniques qu’il ne nous laisse d’autres choix. Au vu du nombre d’interprétations que l’on trouve de cette extrêmement populaire Lady GreenSleeves, nous aurons sans doute l’occasion d’en partager d’autres versions, mais pour l’instant place à Hespérion XXI!
Pour parler un peu de l’album Ostinato (Obstiné en Italien) dans lequel on peut retrouver cette version unique de Greensleeves, son titre contient tout entier son objet. A travers plus de 150 ans d’histoire de la musique ancienne et européenne, Hesperion XXI y explore, en effet, des morceaux choisis qui font appel à ce que l’on appelle la basse « obstinée » ou basse « contrainte ». Connu encore sous le nom d’Ostinato, ce procédé de composition consiste à répéter une mesure de 4 à 8 temps tout au long d’une pièce avec des variations et improvisations autour. Au XVIe siècle, il deviendra caractéristique de certaines danses italiennes telle que la romanesca ou la passamezzo.
Les paroles et la légende de Greensleeves
Même si cette pièce est au départ une chanson, elle a été reprise un nombre incalculable de fois, depuis des siècles, sous sa forme uniquement instrumentale. C’est d’ailleurs cette dernière forme que nous avons choisi aujourd’hui pour vous la présenter, mais nous en profitons tout de même pour aborder également les paroles qu’on lui connait et aussi les traduire.
Du point de vue de l’histoire, la chanson conte les déboires d’un amant rejeté par sa belle, une demoiselle du nom de « lady Greensleeves ». L’amour a visiblement été consommé entre les deux amants mais l’homme en est encore « captif » et ne se résout pas à la séparation. Il implore sa maîtresse de revenir l’aimer encore une fois, lui rappelant même toutes les attentions qu’il a eu pour elle, mais aussi tous les beaux cadeaux qu’il lui fit, du temps de leurs élans conjoints. Ceci pourrait paraître quelque peu indélicat, dit comme cela, quoiqu’en le traduisant dans sa version originale et complète, je me sois franchement demandé à plusieurs reprises si la longue liste qu’il fait de ses achats pour elle, qui pourrait presque paraître pathétique tant elle est détaillée, est faite sous l’effet du désespoir ou si le détail et la répétition ne cherchent pas finalement à ménager un effet humoristique. Par certains endroits, l’homme me fait un peu penser au Arnolphe de l’école des femmes de Molière, bien que rien dans le texte ne laisse supposer une telle différence d’âge entre lui et cette Lady Greensleeves. Une chose est sûre, même si sa complainte reste finalement très matérialiste et peu « relationnelle », à sa façon, le pauvre bougre n’a ménagé ni sa peine, ni ses deniers pour se faire aimer de la belle. (ci-dessus peinture de Alessandro Allori, peintre italien de la renaissance, contemporain de la chanson, XVIe siècle)
Au vue des détails qu’il donne, il apparaît d’ailleurs comme un homme relativement riche et puissant puisque, entre autre bijoux et habits précieux, il avait même mis au service de la demoiselle des « hommes tous vêtus de vert » pour s’assurer qu’elle ne manque de rien; il parle aussi de ses terres. On n’est donc pas du tout face à un trouvère désargenté de type Rutebeuf ou Villon. Quoiqu’il en soit, malgré toutes ses belles attentions, il semble bien que la rupture ait été consommée; la demoiselle a fermé sa porte et l’amant transi n’a plus que sa plume, sa longue liste de reproches et sa chanson pour se consoler. Qui eut pu dire alors que cette dernière traverserait les siècles et connaîtrait la renommée incroyable qui fut la sienne durant plus de quatre cents ans et jusqu’à nos jours?
Sur le nom de la Demoiselle : GreenSleeves, que nous pourrions traduire littéralement par « Manches Vertes », même si cela sonne affreusement mal, ou par « Vertemanches » ce qui sonne légèrement mieux, on trouve quelques analyses à la ronde que je ne fais ici que mentionner sans avoir le moyen de les accréditer. L’une d’elle avance que la couleur verte était alors le symbole de la « légèreté » en amour, dans le sens d’amours « volages » ou même de l’amour naissant.
Dans la même veine et au vue de la tournure de l’ensemble du texte, certains auteurs anglais avancent même que cette jeune maîtresse aurait pu être une fille légère, voir même une prostituée. Cela est générale-ment étayé par le fait qu’à la fin du XVIIe siècle, en anglais archaïque, l’expression « green gown » désignait une robe devenue verte après que sa propriétaire se soit roulée dans l’herbe et, du même coup, une perte de la virginité « de manière illicite », entendez « hors mariage ». Comme à aucun moment, l’homme ne parle de prendre la belle en épousailles ou d’un quelconque désir d’officialiser cette relation, l’hypothèse s’est étendue sur le fait que la demoiselle pouvait être une maîtresse intéressée, voire une prostituée. En tout état de cause, rien de tout cela ne peut être vérifié et d’ailleurs si c’était le cas, ce serait aussi étrange que cocasse, puisque la chanson a connu, dans ses nombreuses variantes, une adaptation en chant de noël à partir de la fin du XVIIe siècle ( ci-dessus « le paysan et la prostituée », toile de Lucas Maler, dit Lucas Cranach l’Ancien, peintre allemand de ce même XVIe siècle).
Le roi Henri VIII d’Angleterre,
auteur-compositeur de Greensleeves?
Une « légende » raconte que Lady Greensleeves aurait été écrite autour de 1530 par Henri VIII d’Angleterre pour Anne Boleyn (portrait ci-contre) qui était alors sa maîtresse mais deviendrait bientôt, pour un temps, la reine consort d’Angleterre. Anne Boleyn aurait, à un moment donné, rejeté le roi, avant de changer d’avis et l’amant, autant que l’auteur de la chanson, serait donc, dans cette hypothèse, le roi lui-même. Si c’était bien le cas, la belle aurait été mal inspirée de changer d’avis et aurait mieux fait de tenir la position, puisqu’elle finira exécutée et décapitée pour adultère, inceste et haute trahison sur ordre personnel d’Henri VIII; autant de crimes dont l’Histoire semble l’avoir lavé depuis à quelques avis d’historiens prés. Elle est même devenue d’ailleurs une des figures martyres du protestantisme. Les historiens penchent entre un complot visant à éliminer la reine ou une claire volonté d’Henri VIIIde le faire parce que cette dernière ne lui donnait pas d’héritiers mâles.
Pour la petite histoire, il faut tout de même se souvenir que Anne Boleyn ne fut pas la seule de ses épouses que ce roi, à la vie maritale et sentimentale, riche en péripéties et en « rebondissements » dramatiques, fit exécuter, au point qu’on lui prête même d’avoir été le véritable personnage ayant inspiré le conte de Perrault Barbe Bleue, bien plus que Gilles de Retz.
Pour revenir à Greensleeves, et dans une autre version de l’histoire on allègue, en relation avec l’hypothèse soulevée plus haut que cette Lady Greensleeves aurait plutôt été une prostituée et non la future reine d’Angleterre. En réalité, aucun document ne permet d’étayer, historiquement, ni l’une ni l’autre de ces versions.
L’histoire de Greensleeves et les faits connus
On sait de source sûre que cette pièce, dont l’auteur et le compositeur sont demeurés anonymes à ce jour, est mentionnée, pour la première fois sous le règne dynastique de la maison Tudor, dans le registre de la compagnie des papetiers et éditeurs de presse de Londres ». En 1580, un dénommé Richard Jones l’a, en effet, faite enregistrer, en vue de sa publication. Dans les deux années qui suivront, on la retrouvera mentionnée sept fois dans ce même registre, sous des titres variés autour de « Lady Greensleeves » et sous le nom d’éditeurs ou d’imprimeurs divers. Même si cela ne permet toujours pas de dater sa composition, il est indéniable qu’elle est déjà alors « officiellement » devenue extrêmement populaire comme elle l’est restée d’ailleurs depuis. En 1602, Shakespeare y fera même allusion dans une de ses comédies: « Les Joyeuses Commères de Windsor » (The Merry Wives of Windsor).
C’est en 1584 que les paroles de Greensleeves apparaissent pour la première fois dans un document écrit traçable, quant à sa musique, on la retrouve dans divers livres datant de la même période: le premier étant celui connu sous le nom de « William Ballet Lute Book« date de 1590 et présente une partition pour luth de la chanson. Elle apparaîtra également en 1595 dans un manuscrit hollandais de Luth, le « Het Luitboek van Thysius », rédigé par un certain Adriaen Smout de Rotterdam et on la retrouvera, au fil du temps, dans de nombreux autres ouvrages.
Si l’on en connait pas l’auteur, le style et la composition laissent plutôt supposer que les origines de Greensleeves, ou au moins de son inspiration musicale, seraient sans doute plutôt à rechercher du côté du Passamezzo, danse de la renaissance Italienne dont nous parlions déjà plus haut, ou même de la Pavane espagnole, danse de cour lente de la même époque. Autre fait à relever concernant cette mélodie anglaise célèbre, et qui n’a pas trait à ses origines, mais plutôt à sa popularité, en tendant un peu d’oreille, vous aurez certainement noté que la célèbre chanson du grand Jacques Brel« Le port d’Amsterdam » s’en est aussi clairement inspirée.
Les paroles anglaises de Greensleeves
Il en existe de nombreuses variantes remaniées, rallongées, au besoin pour être converties, nous l’avons mentionné plus haut, en chant de noël mais Lady Greensleeves fut aussi adaptée au XVIIe siècle par ceux que l’on dénommait alors « les cavaliers » et qui étaient les troupes royales au service du roi Charles 1er, durant la guerre civile anglaise (1642–1651). On lui connait depuis des myriades de versions: jazz, folk, rock ou même variétés, de John Coltrane à Elvis Presley en passant par Léonard Cohen, Marianne Faithfull, Neil Young, Jethro Tull et même plus récemment Hélène Segara.
Les paroles anglaises que nous donnons ici proviennent de l’époque des Tudors. Nous les avons traduites et adaptées librement. Je précise que j’ai finalement consenti à traduire Greensleeves par Vertemanche en vous laissant libre d’utiliser le nom original, si vous le préférez. Mais, allons, assez parlé, en piste!
The Chorus / le Refrain
Greensleeues was all my ioy, Greensleeues was my delight: Greensleeues was my hart of gold, And who but Ladie Greensleeues.
Vertemanche était toute ma joie Vertemanche était tout mon plaisir Vertemanche était mon coeur d’or Et qui d’autre que demoiselle Vertemanche
The Verses / les paroles
Alas my loue, ye do me wrong, to cast me off discurteously: And I haue loued you so long Delighting in your companie.
Hélas, mon amour, mon amour, vous me faites du mal De me rejeter ainsi sans courtoisie Car je vous ai aimé bien et longtemps Prenant plaisir en votre compagnie
Chorus/Refrain
I haue been readie at your hand, to grant what euer you would craue. I haue both waged life and land, your loue and good will for to haue.
Je me suis tenu près de votre main Pour satisfaire tous vos désirs J’ai gagé mes terres et ma vie Pour gagner votre amour et votre bienveillance
Chorus/Refrain
I bought three kerchers to thy head, that were wrought fine and gallantly: I kept thee both boord and bed, Which cost my purse wel fauouredly,
Je t’ai acheté trois fichus De fine étoffe et galante Je t’ai gardé près de moi et dans mon lit Ce qui a bien vidé ma bourse
Chorus/Refrain
I bought thee peticotes of the best, the cloth so fine as might be: I gaue thee iewels for thy chest, and all this cost I spent on thee.
Je t’ai acheté trois jupons Du meilleur et plus fin tissu Et trois bijoux pour ton giron Et tous ces frais c’était pour toi
Chorus/Refrain
Thy smock of silk, both faire and white, with gold embrodered gorgeously: Thy peticote of Sendall right: and thus I bought thee gladly.
Ta chemise de soie, pure et blanche
Magnifiquement brodée d’or
Ton foulard de soie légère
Et tout ça acheté de bonne grâce
Chorus/Refrain
Thy girdle of gold so red, with pearles bedecked sumptuously: The like no other lasses had, and yet thou wouldst not loue me,
Ta ceinture d’or si rouge ornée de perles somptueuses Du genre qu’aucune fille n’avait Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy purse and eke thy gay guilt kniues, thy pincase gallant to the eie: No better wore the Burgesse wiues, and yet thou wouldst not loue me.
Ta bourse et tes jolis poignards Ta boîte à épingles si belle au regard De meilleur, n’avait femme bourgeoise Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy crimson stockings all of silk, with golde all wrought aboue the knee, Thy pumps as white as was the milk, and yet thou wouldst not loue me.
Tes bas pourpres, tous de soie Brodés d’or au dessus du genou Tes escarpins immaculés, aussi blancs qu’était le lait Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy gown was of the grossie green, thy sleeues of Satten hanging by: Which made thee be our haruest Queen, and yet thou wouldst not loue me.
Ta robe était du vert des prés tes manches de Satin tombantes, Qui faisait de toi notre reine des moissons Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thy garters fringed with the golde, And siluer aglets hanging by, Which made thee blithe for to beholde, And yet thou wouldst not loue me.
Tes jarretières frangées d’or aux aiguillettes d’argent pendantes, Dont la vue t’avait tant ravi Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
My gayest gelding I thee gaue, To ride where euer liked thee, No Ladie euer was so braue, And yet thou wouldst not loue me.
Mon vaillant hongre je t’ai donné Pour le mener où tu voudrais Nulle fille n’eut jamais ton audace Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
My men were clothed all in green, And they did euer wait on thee: Al this was gallant to be seen, and yet thou wouldst not loue me.
Mes hommes tous vêtus de vert Toujours prévenants avec toi Quel beau tableau cela faisait Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
They set thee vp, they took thee downe, they serued thee with humilitie, Thy foote might not once touch the ground, and yet thou wouldst not loue me.
Ils t’aidaient à le monter et t’en faisaient descendre Ils te servaient avec tant d’humilité, Pas une seule fois, je crois, tu n’eus à toucher le sol de ton pied Et avec tout ça, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
For euerie morning when thou rose, I sent thee dainties orderly: To cheare thy stomack from all woes, and yet thou wouldst not loue me.
Et chaque matin quand tu t’éveillais Je te faisais porter de délicieux mets Pour prévenir ton estomac de tous maux Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
Thou couldst desire no earthly thing. But stil thou hadst it readily: Thy musicke still to play and sing, And yet thou wouldst not loue me.
Tu ne pouvais désirer aucune chose terrestre Sans l’obtenir sur l’instant Tes musiciens toujours prêts à jouer et à chanter Et pourtant, tu n’as pas voulu m’aimer.
Chorus/Refrain
And who did pay for all this geare, that thou didst spend when pleased thee? Euen I that am reiected here, and thou disdainst to loue me.
Et qui paya pour tout ce faste Que tu dépensas à ta guise Jusqu’à moi qui suis, là, rejeté et toi qui dédaignas aimer
Chorus/Refrain
Wel, I wil pray to God on hie, that thou my constancie maist see: And that yet once before I die, thou wilt vouchsafe to loue me.
Bien, je vais prier Dieu sur le champ Pour que tu vois tous mes efforts Et qu’une fois avant ma mort Tu daignes consentir à m’aimer
Chorus/Refrain
Greensleeues now farewel adue, God I pray to prosper thee: For I am stil thy louer true, come once againe and loue me.
Vertemanche, maintenant, farewell, adieu Je prie Dieu pour que tu prospères Car je suis toujours ton amant sincère Reviens m’aimer une fois encore.
Chorus/Refrain
Une très belle journée à tous
Fréderic EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : fabliau, poésie médiévale, conte populaire satirique, trouvère d’Arras Période : Moyen Âge central, XIIe siècle Auteur : Jean (ou Jehan) Bodel (1167-1210) Titre : de Brunain, la vache du prêtre Média : lecture audio en vieux français
Bonjour à tous,
ans la foulée de l’article précédent sur Jean Bodel, sa vie, son œuvre et le fabliau « De Brunain, la vache au prestre » nous vous proposons aujourd’hui et pour exactement le même prix, sa lecture audio. Elle est pas belle la vie?
Lecture audio : Brunain la vache au prestre,
dans la langue de Jean Bodel
Aparté prononciation, le [oi] en [wé]
C’est moé le roé! Il est généralement entendu que la diphtongue [oi] se prononçait « oué » ou [wé] pour le dire en phonétique correct, en français ancien.
Seulement voilà, il se trouve que nos dernières lectures sur le vieux français et sa prononciation, semble confirmer que le passage du {oi] au [wé] serait postérieur au XIIIe siècle. Avant cela, il est possible, même, si cela reste difficile, à affirmer que [oi] se prononçait de manière diphtongué comme dans « oyez, oyez bonne gens« , ce qui pourrait s’écrit « oye » ou « olle » (en liant les deux l en ye comme en espagnol). Ex : S’averoie dans la phrase « S’averoie planté de bêtes » pourrait alors se voir prononcer, quelque que chose comme: « S’averouaille » Comme il est difficile d’en avoér la certitude absolue et pour que le texte reste plus compréhensible je n’ajoute pas cette difficulté et me contente de de prononcer [oi] comme il s’écrit. A quelques reprises pour le respect de la rime, je le diphtongue toutefois légèrement en [owa]. comme justement dans ce même exemple de « S’averoie planté des bêtes », mais je ne vais pas jusqu’au « Aye » et je le coupe avant.
Notons tout de même que la difficulté de restitution de la prononciation du vieux français médiéval est immense parce que nous n’en avons que quelques traces et les témoignages d’auteurs souvent, eux-mêmes, de la renaissance. Les premiers enregistrements sonores ne datant que de la toute fin du XIXe, se situent déjà à plus de six siècles de notre sujet d’étude. Le reste fait appel à l’évolution de l’écrit et des diphtongues bien souvent en extrapolant des glissements progressifs du latin vers le vieux français, entérinés, par la suite, par des changement dans l’orthographe écrite. Dans d’autres cas, des graphies différentes pour un même vocable à époques identiques peuvent encore nous renseigner sur des prononciations plausibles. Si l’on ajoute à cela le fait qu’il y avait en plus d’un certain standard, sans doutes des myriades d’accents en fonction des régions, la difficulté se corse encore. Il faut donc faire des choix dans le champ des hypothèses.
Une belle journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com « L’ardente passion que nul frein ne retient poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C.
Sujet : fabliau, poésie médiévale, conte populaire satirique, cupidité, vieux français, trouvères d’Arras Période : moyen-âge central, XIIe,XIIIe siècles Auteur : Jean (ou Jehan) Bodel (1167-1210) Titre : de Brunain, la vache du prêtre
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons de partir pour la fin du XIIe siècle avec un fabliau champêtre qui nous conte l’histoire d’un prêtre cupide et d’un Vilain crédule. Nous le devons à Jean Bodel d’Arras, poète et auteur médiéval que l’on considère souvent comme l’un des premiers à avoir écrit des fabliaux en langue française, même si l’origine de ces petites historiettes humoristiques et caustiques date sans doute de bien avant.
Jehan Bodel : éléments de biographie
n ne connait pas précisément la date de naissance de ce jongleur trouvère qui vécut dans la province d’Arras de la fin du XIIe siècle au début du XIIIe. Sa mort est en revanche datée, puisqu’on le retrouve dans le registre de la confrérie des jongleurs d’Arras auxquels il appartenait.
Arras (Pas-de-Calais) est alors une ville en plein développement économique et commercial qui exporte ses produits, ses draps et ses tapisseries jusqu’en Orient. La classe bourgeoisie et marchande y est florissante et les trouvères d’Arras y donneront naissance à une forme de poésie bourgeoise dont Jean Bodel est un des premiers à ouvrir le bal.
Fait cocasse ou étrange suivant la foi que l’on veut y préter, au début de ce même siècle, une légende locale prête à deux trouvères fâchés entre eux d’avoir été réunis par une vision qui les aurait enjoint de se rendre à la cathédrale de la ville. Ils s’y tenaient des malades souffrant du mal des ardents, cette maladie qui surgissait après l’ingestion de seigle contaminé par l’Ergot et qui a frappé, à plusieurs reprises, des villes du moyen-âge. Après moultes hésitations et palabres, les deux jongleurs se seraient réconciliés et la vierge leur aurait alors remis une sainte chandelle avec laquelle ils purent guérir de leur mal tous ceux qui se trouvaient là. Hasard de l’Histoire ou bienveillance de la ville à l’égard des trouvères du fait de cette légende, au XIIe siècle et aux siècles suivants, la province arrageoise donnera naissance à de nombreux poètes et trouvères au nombre desquels on comptera notamment Adam de la Halle.
Jehan Bodel a laissé derrière lui neuf fabliaux, quelques pastourelles, ainsi que diverses pièces poétiques et dramatiques. Passant avec aisance du genre lyrique au drame, avec des incursions dans le genre comique et plus populaire, certains auteurs dont Charles Foulonqui lui a dédié une thèse d’état, en 1958, n’ont pas hésité à le qualifier de génie. Outre ses oeuvres poétiques, on lui doit encore une chanson de geste de plus de huit mille alexandrins qui conte la guerre de l’Empereur Charlemagne contre les saxons : « La Chanson des Saisnes« . ainsi qu’une pièce de théâtre dramatique et religieuse: le Jeu de saint Nicolas, un « miracle » inspiré d’un auteur et historiographe carolingien du IXe siècle, Jean Diacre Hymmonide (825-880) et traduite par le poète normand Wace (1100-1174).
Ce Jeu de Saint-Nicolas, sans doute l’écrit le plus étudié de Jean Bodel, conte la conversion de sarrasins au christianisme. Au moment de la rédaction de cette pièce, connue à ce jour comme une des premières pièces de théâtre écrites en français, le poète avait vraisemblablement déjà pris la croix pour la IVe croisade. Engageant ses contemporains à se joindre à l’expédition en terre sainte à travers, il y mit aussi en avant la subtilité d’une conversion au christianisme pour laquelle les armes ne seraient pas nécessai-rement d’un grand secours; le roi des sarrasins, bien que, vainqueur sur les chrétiens et les ayant décimé, finira, en effet, par se convertir tout de même. En dehors des aspects religieux de la pièce, Jean Bodel y brosse encore des tableaux sociaux et humoristiques de l’époque ayant pour théâtre les tavernes de l’arrageois.
A peine âge de quarante ans et ayant contracté la lèpre, Jehan Bodel fera ses adieux à ses amis et à la société dans ses « congés » avant de se retirer dans une léproserie dans le courant de l’année 1202. Il y mourra quelques huit ans plus tard.
La notion de « satire » dans les fabliaux
On a pu se poser, quelquefois, la question de savoir s’il fallait ranger les fabliaux, ceux de Jean Bodel compris, dans le genre satirique. C’est une question à laquelle certains auteurs répondent non, mais encore faut-il bien sûr s’entendre sur ce que l’on range sous le terme de satire ou genre satirique. Nous concernant, c’est toujours dans son sens large que nous l’utilisons et l’appréhendons: « Écrit dans lequel l’auteur fait ouvertement la critique d’une époque, d’une politique, d’une morale ou attaque certains personnages en s’en moquant. » ou « Œuvre en prose et en vers attaquant et tournant en ridicule les mœurs de l’époque. »
La notion de « virulence » ou de « violence » n’étant que très relative et sa mesure fortement liée à une époque, il ne semble pas qu’elle puisse véritablement retenue comme pertinente. D’une certaine manière et pour être très clair dans notre définition, la causticité suffit pour faire d’un texte un texte satirique, ce qui n’exclut pas, bien sûr, que la satire puisse avoir des degrés.
Il semble utile d’ajouter qu’une certaine forme d’anticléricalisme qu’on trouve souvent dans les fabliaux ne doit pas nous tromper. Durant le moyen-âge, même si l’on se gausse des prêtres ou des moines débauchés, cupides, goinfres ou même encore fornicateurs, on le fait toujours depuis l’intérieur de la religion. On retrouvera cela dans les fabliaux et dans certaines poésies de Rutebeuf ou même de Villon. Pour autant qu’ils peuvent être acides à l’égard de certains membres du corps religieux (leur soif de pouvoir, leur propension à vouloir s’enrichir, la distance qu’ils tiennent entre le contenu de leurs prêches et leurs pratiques réelles, etc…), ces critiques ne visent pas tant, la plupart du temps, à ébranler l’église comme institution, ni à remettre en cause son existence, mais bien plutôt à la nettoyer de ses mauvais « représentants ». Dans des siècles où le salut de l’âme est une question au centre des préoccupations, on se sent forcément concerné par la probité et la conduite de ceux qui, de la naissance à la mort, sont supposés être les garants de ce salut.
De Brunain, la vache au prestre,
dans le vieux français de Jean Bodel
Le fabliau du jour nous met face à l’image du prêtre cupide et accapareur qui ne pense qu’à s’enrichir, que l’on retrouve souvent dans les fabliaux et du vilain quelque peu en manque de second degré mais qui sortira tout de même victorieux de l’histoire.
D’un vilain cont et de sa fame, C’un jor de feste Nostre Dame Aloient ourer* â l’yglise. (prier) Li prestres, devant le servise, Vint a son proisne* sermoner, (chaire) Et dist qu’il fesoit bon doner Por Dieu, qui reson entendoit ; Que Dieus au double li rendoit Celui qui le fesoit de cuer.
« Os »*, fet li vilains, « bele suer, (de Oïr) Que nos prestres a en couvent : Qui por Dieu done a escient, Que Dieus li fet mouteploier ; Mieus ne poons nous emploier No vache, se bel te doit estre, Que pour Dieu le dotions le prestre ; Ausi rent ele petit lait. « Sire, je vueil bien que il l’ait. Fet la dame, par tel reson.»
A tant s’en vienent en meson, Que ne firent plus longue fable. Li vilains s’en entre en l’est able, Sa vache prent par le lien, Presenter le vait au doïen. Li prestres est sages et cointes. « Biaus Sire, fet-il a mains jointes, Por l’amor Dieu Blerain vous doing ». Le lïen li a mis el poing, Si jure que plus n’a d’avoir. * (n’est plus à lui)
« Amis, or as tu fet savoir Fet li provoires dans Constans, Qui a prendre bee toz tans. « Va t’en, bien as îet ton message, Quar fussent or tuit ausi sage Mi paroiscien come vous estes, S’averoie plenté* de bestes. »* (J’aurais des quantités de)
Li vilains se part du provoire. Li prestres comanda en oirre C’on face por aprivoisier Blerain avoec Brunain lïer, La seue grant vache demaine*. (personnelle) Li clers en lor jardin la maine, Lor vache trueve, ce me samble. Andeus les acoupla ensamble: Atant s’en tome, si les lesse.
La vache le prestre s’ebesse, Por ce que voloit pasturer, Mes Blere nel vout endurer, Ainz sache li lïen si fors ; Du jardin la traïna fors : Tant l’a menee par ostez*, (maisons) Par chanevieres* et par prez, (champs de chanvres) Qu’ele est reperie a son estre Avoecques la vache le prestre, Qui mout a mener li grevoit. *(A qui il déplaisait tant d’être menée)
Li vilains garde, si le voit : Mout en a grant joie en son cuer. « Ha », tet li vilains, « bele suer, Voirement est Dieus bon doublere, Quar li et autre revient Blere ; Une grant vache amaine brune ; Or en avons nous deux por une : Petis sera nostre toitiaus*. » (étable)
Par example dist cis fabliaus Que fols est qui ne s’abandone* ; (ne se résout pas) Cil a le bien cui Dieus le done,*(Celui qui a le bien c’est celui à qui Dieu le donne) Non cil qui le muce et entuet* : (Non celui qui le cache et l’enfouit) Nus hom mouteploier ne puet Sanz grant eür*, c’est or dei mains. (chance, sort) Par grant eür ot li vilains Deus vaches, et li prestres nule. Tels cuide avancier qui recule. Explicit De Brunain la vache au prestre.
Une très belle journée à tous et longue vie!
Fred
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