Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Légendes arthuriennes : l’amour courtois dans le roman de Graal et chez Chrétien de Troyes

V_lettrine_moyen_age_passion copiaous serez bientôt chevalier, mon fils, s’il plaît à Dieu, et j’y donne les mains. Si vous rencontrez près ou loin dame qui ait besoin de secours ou. pucelle sans appui, qu’elles trouvent votre aide toute’ prête, si elles vous en requièrent, car tout honneur est là. Qui ne porte honneur aux damés, il a lui-même perdu son honneur. Servez les dames et les pucelles, vous en serez partout respecté. Et si vous en priez aucune, gardez que vous ne soyez fâcheusement importun. Ne faites rien qui lui déplaise. Pucelle donne beaucoup quand elle donne un baiser.

Chrétien de Troyes.  roman de Graal, Perceval,

Voilà les recommandations de la mère de Perceval à son fils, en partance pour le château du roi Arthur et, avec elles, une définition synthétique de l’amour courtois du XIIe siècle, en quelques lignes.

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Poésie médiévale, citations médiévales l’amour courtois dans les légendes arthuriennes, Voir autre article sur Chrétien de Troyes ici

Chrétien de Troyes, légendes arthuriennes médiévales et quête du très Saint Graal

legendes_medievales_arthuriennes_chretien_de_troyes_perceval_chateaux_moyen-age« Sujet : Citations et poésie médiévales, légendes Arthuriennes, Saint Graal, table ronde, châteaux et chevaliers
Titre :  roman du Graal, conte du Graal, Perceval.
Auteur : Chrétien de Troyes
Période : moyen-âge central, XIIe siècle

« C’était au temps que les arbres fleurissent, que les bocages se couvrent de feuilles et les prés d’herbe verte, alors que dès l’aube les oiseaux chantent doucement en leur latin et que toute créature s’en­flamme de joie. »
                         Chrétien de Troyes, le conte du Graal, Perceval le Gallois

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Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionvant de faire plus grand tribut à Chrétien de Troyes et son oeuvre sur le Saint Graal et les légendes arthuriennes, oeuvre qui a marqué le monde médiéval et les valeurs de la chevalerie du moyen-âge de manière indélébile, nous voulons ici partager un peu de sa belle poésie, avec un extrait du roman de Graal sur le chevalier Perceval. Nous en profitons aussi pour soulever quelques idées sur cette fascinante quête du Saint Graal des légendes arthuriennes qui inspirera bien des auteurs, mais aussi simplement des hommes, longtemps après Chrétien de Troyes.

Qui est Chrétien de Troyes?

Que sait-on de Chrétien de Troyes en dehors de la fascination qu’exerce encore sur nous les légendes qu’il nous conte? Comme de nombreux auteurs médiévaux, son identité reste mystérieuse et on ne sait pas grand chose de précis le concernant. Il a vécu au XIIe siècle, serait né autour de 1135(?) et mort autour de 1183(?). Il a laissé pour nous une oeuvre poétique fournie mais pourtant inachevée, cinq récits en rimes, dont ce roman de Graal sur le chevalier Perceval qu’il n’aura pu finir et dont nous livrons aujourd’hui un court extrait. De l’héritage de cet auteur, on s’accorde à dire que plus qu’avoir simplement reflété la période médiévale qui l’a vu naître, il lui aura insufflé et inspiré, à travers les légendes du grand roi Arthur et de ses chevaliers, des valeurs, un idéal, une façon chrétienne d’être au monde. Noble chevalerie en quête de justice et roi_arthur_legende_arthuriennes_chrétien_de_troye_poesie_medievalede sacré, amour courtois magnifié et pourtant sitôt transgressé, les hommes y luttent avec leur nature et quelquefois même contre elle, pour s’élever dans des valeurs qui sont à la fois humaines, religieuses et sociales. (ci- contre le couronnement du roi Arthur, XVe siècle, BnF, voir le document original ici)

L’inspiration des légendes Arthuriennes

On l’a souvent dit, s’il est certainement celui qui donnera la consistance véritable et qui cristallisera les légendes du roi Arthur et de ses chevaliers de la table ronde, Chrétien de Troyes aura puisé son inspiration dans le Roman de Brut, un ouvrage que l’auteur médiéval anglo-normand Robert Wace, avait composé, autour de 1155, dans l’entourage de Henri II Plantagenêt (1133-1189), roi d’Angleterre, époux d’Aliénor d’Aquitaine, et père, entre autres enfants célèbres, de Richard Coeurlegendes_arthuriennes_medievale_chretien_de_troye_moyen_age_passion de Lion et de Jean Sans terre. (photo ci-contre, Roman de Brut, Brutus débarquant dans l’île d’Albion,  gravure médiévale du XIVe siècle , BnF, voir l’original).

L’inspiration de Wace connaît elle-même, comme filiation, celle de l’incontournable Geoffroy de Monmouth, ecclésiastique féru de littérature, ayant fini de publier, autour de l’an 1139, l’ouvrage « Historia regum Britanniae ». Il y contait alors déjà, entre autres mythes et histoires,  les conquêtes d’un certain roi Arthur. Bien que réfuté par les historiens contemporains de notre ecclésiastique, l’ouvrage connaîtra un grand succès et inspirera de nombreux chroniqueurs et auteurs, dont Robert Wace, qui poursuivront ainsi le vaste corpus des légendes arthuriennes auquel Chrétien de Troyes contribuera aussi. Des nombreuses sources d’inspirations de ce dernier, qui s’en est allé aussi boire à la source des légendes celtes pour écrire ses ouvrages, il reste indubitable que Chrétien de Troyes aura contribué à christianiser cette légende.

L’allégorie de la quête du Saint-Graal
au service d’un idéal humaniste et chrétien.

Le départ des chevaliers pour la quête du Saint Graal, tapisserie du XIXe siècle,Edward Burne-Jones,
Le départ des chevaliers pour la quête du Saint Graal, tapisserie du XIXe siècle,Edward Burne-Jones,

Un moyen-âge profondément chrétien

Nous l’avons dit et ce loin d’être une idée nouvelle, le moyen-âge du XIIe siècle reste profondément chrétien.  Nous sommes dans les siècles des croisades où l’on n’hésite pas à prendre la croix, au péril de sa vie, pour traverser le monde aux appels des papes : protéger les chrétiens d’orient ou le tombeau du christ, aller quérir les saintes reliques et se sanctifier à son tour. Les nobles et seigneurs d’alors sont portés par ces idéaux et dans les campagnes et les villes, on peut faire varier la forme de seslegendes_medievales_roi_arthur_excalibur_chretien_troyes_moyenage_passion croyances chrétiennes (au péril de sa vie, quelquefois), mais « ne pas croire » ne semble une option pour personne. Cette dimension et ce contexte ne peuvent être dissociée de   l’oeuvre de Chrétien de Troyes.

Bien sûr, il y a  dans les légendes arthuriennes, comme dans tout mythe ou légende, l’aventure et la féerie, l’action, les rebondissements, les hommes face à la réalité du monde, mais nos preux chevaliers sont, dans l’oeuvre du poète et à travers leurs quêtes, plus que jamais face à la quête profonde de la divinité et dans un recherche initiatique constante. Fusse-t’il un plat devenu coupe sous la plume de Chrétien de Troye, le Saint Graal n’est pas qu’un objet fait de matière, il est aussi un prétexte pour nos chevaliers à se chercher eux-mêmes dans un idéal chrétien, et au delà, à se sanctifier au sens encore chrétien du terme. (photo ci -dessus, le Saint Graal apparaît aux chevaliers de la table ronde, XVe siècle, BnF. consultez l’original ici)

Égaux  dans la quête et devant Dieu

Unir les hommes de toutes origines dans un idéal de valeurs et de transcendance, c’est, sans aucun doute à travers la recherche du Saint-Graal une des idées fortes des légendes arthuriennes du moyen-âge.

« La table ronde n’a pas d’angles pour que personne n’en soit exclus ».
C’est la quête, plus que l’éducation ou l’origine sociale qui unit nos chevaliers, une communion de valeurs, un élan vers un idéal et cet idéal est chrétien et les rend égaux entre eux et devant Dieu. Même s’il n’est pas dénué d’origine noble par le sang, sans doute que celui qui personnifie le mieux cette idée dans les légendes Arthuriennes reste le chevalier Perceval; être simple et rustre à la naïveté touchante, élevé par sa mère loin du monde des hommes, de la chevalerie et même des églises, mais que le destin prophétisé finira par rattraper pour le faire entrer dans la légende. Il n’est pas une adaptation ou une seule version de l’histoire d’Arthur et des chevaliers de la table ronde digne de ce nom, depuis, qui ne réussisse pas àlegende_medievale_roi_arthur_chevalier_table_ronde_chretien_troye nous le faire aimer, pour ce qu’il est et pour ce qu’il représente, Je ne peux en disant cela, m’empêcher de penser au Perceval d’Alexandre Astier dans Kaamelott(photo ci-contre, la quête du Saint-Graal, arrivée de Galaad à la cour d’Arthur et à la Table ronde, parchemin 1380-1385, Bnf voir original ici).


DES ORIGINES RUSTRES DE PERCEVAL
Parenthèse Kaamelott  très à propos, pour se détendre un peu.

Souffrez que je cite ici, au milieu de tant de sérieux, le très cher Alexandre Astier, en le laissant exprimer lui-même, sa vision des origines de Perceval, par la bouche même de ce dernier:

perceval_kaamelott_alexandre_astier_legendes_arthuriennes_medieval« Excusez, c’est juste pour vous dire que je vais pas pouvoir rester aujourd’hui! Faut que je retourne à la ferme de mes vieux ! Y a ma grand-mère qui a glissé sur une bouse ! C’est le vrai merdier ! »
Perceval, (Franck Pitiot), Chevalier de Kaamelott


Concernant cette table ronde et la symbolique de ces chevaliers au service du Christ dans leur quête, il faut encore relever ce détail que nous livre Jean Pierre Bordier, professeur agrégé de l’Université dans son article consacré à Merlin l’enchanteur sur Universalis. Il nous dit bien jusqu’où va la symbolique chrétienne chez les auteurs médiévaux des légendes d’Arthur, ici dans le roman de Robert de Boron, clerc de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, qui nourrira  encore l’oeuvre arthurienne de ses vers très chrétiens.

« La Table ronde ne réunit pas seulement l’élite des chevaliers d’Arthur, tout en prévenant par sa forme toute querelle de préséance, mais reproduit aussi la table du Graal, dressée par Joseph d’Arimathie (d’après le roman en vers de Robert de Boron) en mémoire de la table de la Cène. »

legende_medievale_arthur_chretien_de_troyes_auteur_moyen-ageArthur, ô roi des rois!, porteur de l’épée sacrée, union personnifiée des mondes celtes et romains en un seul homme, réconciliant tous les contraires,  messager des Dieux sur la terre, il est le garant de cette union des mondes et de ces valeurs chrétiennes et il lui faut de larges épaules et de l’humanité tout autant qu’une foi sans borne, pour les porter par devers tous et pour tous ses chevaliers; être le guide qui montre le chemin, même si, au fond, chacun d’entre eux, avec ses forces et ses faiblesses, est aussi en quête de lui-même. Et il n’en reste pas moins homme et de la faiblesse de cette nature, ils failliront aussi, parfois, dans cette quête de perfection. (ci dessus, Lancelot du Lac conte ses aventures au Roi Arthur, illustration médiévale du XIIIe siècle, Bnf, voir original et détail ici)

La quête intérieure

Et les voilà, nos chevaliers de la table ronde, questionnant leurs origines, leurs actions et leur devenir, vivant et agissant dans une recherche constante d’eux-même qui les pousse, vers l’avant, comme pour mieux s’y trouver, et, à travers cette quête, pour retrouver un idéal d’homme. Et cet idéal avec Chrétien de Troyes et ses successeurs, est celui du noble chrétien, protégeant les déshérités, aimant les dames de cet amour distant et courtois, emprunt de grand respect, dans l’espoir qu’elle les invitent, peut-être un jour, à s’approcher. C’est encore ce noble chrétien qui part sur les routes, s’oubliant dans ses quêtes pour mieux s’y retrouver, à chercher les saintes reliques, à pourfendre l’injustice et à suivre, en tentant de ne pas faiblir, le chemin du Saint Christ et les traces sacrées qui ont pu demeurer. Ces roi_arthur_excalibur_legendes_medievales_chretien_de_troyes_moyen-age_passionhéros qui se cherchent eux-même dans un idéal de chevalerie et à travers le Saint Graal, réussiront-ils à devenir les réceptacles de la lumière divine et sacrée? Mériteront-ils, par leurs actes et leurs faits, la reconnaissance de Dieu? Et par la découverte du Saint Graal, se verront-ils confirmer par la toute puissance divine, le bien fondé de leurs actions, leur juste tenue sur le chemin ? Pourront-ils s’élever et devenir, à leur tour, réceptacles sacrés de la lumière divine? Leur sang pourra-t’il jamais être aussi pur que celui du Saint Christ?   (photo ci-dessus, Arthur triomphant de l’épreuve de l’épée et tirant Excalibur du rocher, parchemin du XIVe siècle, BnF, voir original ici)

Au fond, comme dans toute quête mystique, le chemin importe plus que sa finalité, la route compte plus que la destination. Et l’immortalité qu’on prête au Saint Graal semble au sortir moins importante que la pureté de sa sainte quête qui est un idéal du devenir et de la transformation, la clef d’un questionnement tout à la fois humain, religieux et social.  Ne sont-ils pas, d’ailleurs, devenus immortels?  Trouver sa place en soi-même, parmi les hommes et dans la lumière du divin et du Saint Christ, c’est là que se situe l’allégorie du Saint Graal. C’est celle d’un monde médiéval profondément chrétien dans lequel Chrétien de Troyes nous invite et c’est un monde qui, à travers les légendes arthuriennes, aspire à l’élévation de l’homme, dans une quête humaniste et sacré du divin.

Chrétien de Troyes, merveilles du roman
de Graal et de la poésie médiévale

L’extrait suivant est tiré du conte de Graal. Il nous conte les merveilles d’un château médiéval que Gauvain croise sur son chemin, palais splendide de richesses et de puissance comme on en voit se multiplier dans le courant de ce XIIe, que l’on a nommé le siècle de l’âge d’or des châteaux-forts.


Extrait original de Chrétien de Troyes
en vieux français

De l’autre part de l’eve sist
.I. chastiax trop bien compassez
Trop fors et trop riches assez
Ja ne quier que mentir m’en loise
Li chastiax sor une faloise
Fu fermez par si grant richece
Qu’onques si riche fortereche
Ne virent oeil d’ome qui vive,
Car sor une roche naïve
Ot .i. palais molt grant assis
Qui toz estoit de marbre bis
El palais fenestres overtes
Ot bien .v .c totes covertes
De dames et de damoiseles
Qui esgardoient devant eles
Les prez et les vergiers floris

Extrait adapté en français moderne

De l’autre côte, posé sur l’eau,
Se tenait château si bien fait,
Si puissant et riche à la fois,
Je ne crois mentir en disant,
Le château sur une falaise
Etait fait de tant de richesses
Que jamais si grande forteresse,
Homme qui vit put contempler.
Car sur la roche brute et vive,
Se tenait un palais si grand,
Tout entier fait de marbre gris.
Au palais, les fenêtres ouvertes,
près de cinq cent, étaient couvertes
De dames et de damoiselles
Qui regardaient au devant d’elles,
Les prés et les vergers fleuris.


Une belle journée à vous, mes bon amis, puisse la dame du lac vous inspirer et puissiez-vous goûter avec elle la poésie de notre monde et sa magie, la beauté du chant des rivières et toute la profondeur des belles légendes arthuriennes!  Longue vie à tous!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C

La complainte de Richard Coeur de Lion, version de l’ensemble médiéval français Alla Francesca

Sujet : poésie, musique et chanson médiévales, troubadours et trouvère du moyen-âge.
Titre ; La complainte du prisonnier, « Ja nuns hons pris »
Période : moyen-âge central , fin du XIIe siècle (1193-1194?)
Auteur : Le roi Richard 1er d’Angleterre,   Richard Coeur de Lion
Interprètes : ensemble médiéval Alla Francesca

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans le registre musique et poésie médiévale, voici une autre version de la complainte du Roi Richard Coeur de Lion prisonnier en Autriche, dont nous avons déjà parlé ici, il y a quelques temps.

alla_francesca_musique_poesie_medievale_richard_coeur_de_lionCette fois-ci, c’est l’excellent ensemble de musique médiévale Alla Francesca qui nous la propose. C’est un peu plus lyrique et, ma foi, très plaisant aussi! D’une certaine façon, et sans déprécier, aucunement la version très belle que nous présentions dans notre précédent article, les tonalités de celle d’aujourd’hui et cette façon de chanter me sembleraient presque plus proches de celles du monde richard_coeur_de_lion_philippe_auguste_croisade_moyen_age_passionmédiéval. (ci contre Philippe-Auguste et Richard Coeur  de Lion, durant la première croisade, BNF) 

Je ne vous refais pas ici, toute l’histoire de cette chanson, ni de ses paroles qui datent du moyen-âge et pour être plus précis, de la fin du XIIe siècle, vous pouvez retrouver le tout, commenté, dans l’article que nous avions fait alors. En voici le lien si vous l’avez manqué ou même si vous souhaitez réentendre l’autre version :  la complainte de Richard de Lion par le troubadour moderne Owain Phyfe

Longue vie à tous et bonne écoute!
Fred
Pour moyenagepassion.com

Carmina Burana et la poésie goliardique de l’archipoète remis à la sauce rock néo-médiévale

archipoete_confession_goliard_poesie_medievale_moyen-age_corvus_coraxSujet : poésie et chanson médiévales goliardiques, Troubadours modernes
Style : rock néo-médiéval
Titre :
Estuan Interius, les confessions de l’Archipoète, les confessions de Golias.
Période : XIIe siècle, Moyen Âge central
Interprétes : Corvus Corax.  (
XXe!)

Estuans Intrinsecus (Interius),
les confessions de l’Archipoète de Cologne.

Bonjour à tous

N_lettrine_moyen_age_passionous restons, ici encore, en compagnie de la poésie médiévale des  Goliards, pour, cette fois, présenter le poème médiéval Estuans Intrinsecus, que l’on connait encore sous le nom de confessions de l’Archipoète, ou confessions de Golias.

Cette fois-ci, l’interprétation moderne et musicale de ce texte ne va pas du côté de Carmina Burana de Carl Orff, même si c’est dans le même ouvrage qui avait inspiré la cantate du compositeur allemand que cette poésie a été retrouvée, et même si on peut supposer que c’est par le biais que le groupe Corvus Corax, également allemand, l’a découvert. Avec cette interprétation des confessions de Golias, nous nous éloignons donc clairement des orchestrations de Carl Orff pour partir à la découverte d’une version  résolument « rock néo-médiéval » qui part dans des accélérations qui ne vont pas sans rappeler certains titres de la troupe des compagnons du Gras jamboncorvus_corax_troubadours_medievale_poesie_goliardique_moyen-age_passion. Au fond, remis au goût musical du jour, le contenu de cette poésie qui nous conte la vie d’un poète vagabond en révolte s’y prête assez bien.

Estuans Interius ou Estuans Intrinsecus est donc un chant profane latin qui s’inscrit totalement dans la tradition goliardique et la poésie des Goliards. On dit d’ailleurs de son auteur, l’Archipoète de Cologne, qu’il était un immense poète du XIIe siècle et du moyen-âge central et on le désigne même souvent comme un des maîtres de cette tradition littéraire satirique.

Une  version signée de Corvus  Corax

Qui est l’archipoète ou plutôt qui n’est-il pas?

On rapproche quelquefois l’archipoète de Hugues Primat, autre poète médiéval quelque peu mieux connu. On a même pu dire qu’il n’était qu’une seule et même personne, seulement voilà, il demeure également de nombreux points d’interrogations sur la vie et l’identité réelle de ce Hugues « Primat » et le fait qu’il ait pu cacher comme seconde identité et signature celle de l’archipoète n’est confirmé, au final, presque nulle part: il y a, pourtant, il est vrai, des parentés troublantes entre ces deux personnages que l’on attache, de manière égale, à la tradition goliardique.

frederic_1er_barberousse_histoire_medievale_moyen-age_passionTout d’abord, les deux hommes sont contemporains ; l’archipoète a supposément vécu entre 1130-1167  et Hugues « Primat » (d’Orléans?) en 1095-1160, même si l’on date, avec encore quelques incertitudes, la chanson Estuans Intrinsecus  de 1162-1164, date à laquelle Hugues Primat est supposé être déjà décédé. On reconnaît, aussi, aux deux auteurs un don véritable et un talent égal pour la poésie en latin. Primat était, en effet, au même titre que l’Archipoète, un surdoué du verbe; certaines chroniques du XIIIe siècle (rédigées donc près de cent ans plus tard, ça part mal…) reportent de lui qu’il était un « grand truand et grand farceur, et surtout grand versificateur et improvisateur » et ne tarissent pas d’éloges sur sa capacité à improviser et son aisance avec les mots et les vers (1). En même temps, deux grands poètes peuvent être contemporains, cela s’est vu et ne prouve, au final, pas grand chose.

Au titre des « similitudes » encore, on ajoute souvent à notre mystérieux Archipoète, la « particule » de Cologne, car on le disait alors protégé par  Reginald Von Dassel, archevêque de Cologne et chancelier de Frédéric Barberousse (ci-dessus portrait de Frédéric 1er, Barberousse) (2) Concernant Hugues Primat, certains  textes anciens affirment  qu’il était chanoine de Cologne, mais en d’autres endroits, d’autres soutiennent qu’il était chanoine d’Orléans. Nous voilà donc bien avancé. D’une certaine manière, on comprend les tentations qui ont pu voir le jour, à un moment donné, de ranger ces confessions de Golias sous le corpus de Hugues Primat et de lui en attribuer la paternité,  mais il reste que sur le papier, rien n’est sûr du tout.

Quand les auteurs se changent en corpus

Manuscrit de Maître Ermengaut. "Bréviaire d'amour'', fin du XIIe siècle. Bibliothèque royale de Madrid.
Manuscrit de Maître Ermengaut. « Bréviaire d’amour », fin du XIIe siècle. Bibliothèque royale de Madrid. (un peu remanié, je l’avoue, l’original n’a pas de trous)

Concernant ce type de regroupement d’un corpus de textes sous un même auteur, il n’est, hélas, pas rare qu’on ait procédé de la sorte à un certain moment, soit par confusion, soit par commodité. On l’a fait avec de nombreux auteurs du passé et les plus célèbres d’entre eux, au moins. L’Histoire n’en est d’ailleurs sans doute pas l’unique responsable. « On ne prête qu’aux riches », dit-on, mais pour rester dans l’étymologie de l’usure, il faut avouer que c’est parfois usant, même si les historiens du XIXe et le XXe siècles ont contribué à démêler un certain nombre de malentendus.

poesie_medievale_goliard_moyen-age_passion_historien_leopold_delisleAu final, dans son article sur Hugues Primat (qui n’est donc pas l’archipoète de Cologne jusqu’à ce que des sources fiables établissent le contraire), l’historien du XIXe siècle Léopold Delisle (portrait ci-contre) va même d’ailleurs jusqu’à désintégrer pratiquement Hugues Primat, l’homme à défaut du poète, pour en faire une sorte de mythe archétypal ou disons au moins, un « nom »  sous lequel les étudiants ou les Goliards, ces clercs insubordonnés du XIIe siècle , « rangeaient »,  en quelque sorte, les textes goliardiques : « C’est un type légendaire, c’est la personnification de l’écolier farceur et quelque peu mauvais sujet » (sic). Et voilà, cette fois, voilà un auteur dissout totalement dans un  corpus !

L’archipoète de cologne,
un grand maître de la poésie goliardique

Pour revenir à notre archipoète, il semble bien que notre homme, si grand fut-il, ait souhaité rester anonyme ou le soit, de fait, demeuré. Dans le contexte de l’époque, on peut, cela dit, supposer et comprendre qu’une certaine prudence des poètes goliardiques ait pu être de mise, au moment de signer de leur main certaines de leurs poésies ou chansons. Concernant son oeuvre, on lui connait peu de textes, le plus célèbre à ce jour restant ces confessions reprises par Carl Orff dans la cantate Carmina Burana, et par quelques autres troubadours modernes dont notre groupe allemand (décapant) du jour.

goliards_poesie_medieval_satirique_moyen-age_passionQuel que soit l’homme qui se cachait derrière cette mystérieux plume, et espérant que l’Histoire fasse un peu plus de lumière sur lui, à la faveur de nouvelles découvertes, les critiques restent unanimes à louer son style, son rythme & son verbe latin. L’encyclopédie  Larousse va même jusqu’à reconnaître qu’il est sans conteste un des grands maîtres de la poésie médiévale des goliards :  « ses compositions sur des sujets politiques ou satiriques font de lui un des maîtres de la poésie latine rythmique et portent la tradition poétique des clercs errants à son apogée. » (3).

De fait, outre la beauté du texte, ces confessions de l’Archipoète font l’effet d’un véritable manifeste de l’esprit des goliards et reflètent bien l’inspiration qu’ont suivi ces clercs insoumis ou ces étudiants qui prirent la route pour se laisser aller à l’hédonisme, aux plaisirs d’une vie au jour le jour, mais aussi au vagabondage, dans le courant du XIIe siècle.

Voilà donc notre poète médiéval, vagabond, errant et insubordonné, son « manifeste » parvenu jusqu’à nous, et qui peut, encore aujourd’hui et pour certains, faire figure d’ancêtre lointain aux premiers poètes « maudit ». Et l’on n’est pas surpris de voir que l’on attache à son nom celui d’un François Villon, d’un Rutebeuf, mais encore d’un William Blake et d’autres de nos poètes contemporains. Avec le vent de liberté qui y souffle, ces confessions, devenue un véritable symbole de la poésie satirique des goliards du XIIe siècle, demeurent comme le lointain témoignage d’une volonté de s’affranchir des normes et la bienséance sociale  et, pour être resté anonyme, on est bien forcé de constater que notre archipoète n’en est pas moins entré, à sa manière, dans la postérité!

(1). Encyclopédie Larousse en ligne à propos de l’archipoète
(2). La musique au Moyen Âge, Volume 1, Par Richard H. Hoppin
(3). Le poète primat, article de Léopold Delisle sur Persée

Estuans intrinsecus (interius) traduction
paroles latines originales  et version française

Ne nous en veuillez pas mais nous avons fait à notre habitude. Il existe de très belles et très allégoriques traductions de cette poésie, du côté des anglais notamment ( voir The Wandering Scholars of the Middle Ages, de Helen Waddell), mais elles demeurent presque totalement intraduisibles sans être revisitées totalement, ce qui les éloignerait encore d’autant du texte original. On trouve encore sur le web  une très jolie version du côté belge (André Wibaux). Fortement remaniée, elle se présente plus comme une poésie à part entière, inspirée de l’originale. Du côté français, il existe encore quelques traductions plus littérales mais hélas peu convaincantes. Alors face à tout cela, nous avons décidé de vous proposer, en toute modestie, notre propre adaptation de ces confessions de Golias et cet Estuans intrinsecus; l’idée étant d’approcher le sens originel de cette poésie, nous n’avons pas cherché la rime à tout prix. Nous y reviendrons sans doute plus tard;  un peu comme un bon vin, il faut toujours un peu de temps pour s’approprier une poésie.


ira vehementi
in amaritudine
loquor mee menti:
factus de materia,
cinis elementi
similis sum folio,
de quo ludunt venti.

Colère Bouillonnante
aux relents amers
Je vous livre ma pensée:
Moi qui suis fait de matière,
élément de poussière,
Je suis semblable à la feuille
dans le vent joueur.

Cum sit enim proprium
viro sapienti
supra petram ponere
sedem fundamenti,
stultus ego comparor
fluvio labenti,
sub eodem tramite
nunquam permanenti.

Comme il est approprié
pour un homme sage,
d’asseoir sur pierre solide
fondations et bases,
Je suis, quant à moi, un fou
un ruisseau sauvage,
suivant le même trajet
sans jamais dévier.

Feror ego veluti
sine nauta navis,
ut per vias aeris
vaga fertur avis;
non me tenent vincula,
non me tenet clavis,
quero mihi similes
et adiungor pravis.

Navire sans matelot
Je vais, je dérive,
et, dans l’air, comme l’oiseau
me laisse porter,
Nulle chaîne qui me tienne,
Nulle clef qui me lie,
Je cherche ceux comme moi
Et rejoint leurs meutes.

Mihi cordis gravitas
res videtur gravis;
iocus est amabilis
dulciorque favis;
quicquid Venus imperat,
labor est suavis,
que nunquam in cordibus
habitat ignavis.

La gravité de mon cœur
m’est trop lourd fardeau;
plaisanter plus agréable,
plus doux que le miel.
Que Vénus me commande
et la tâche est douce,
car elle n’habite jamais
dans le cœur des faibles.

Via lata gradior
more iuventutis
inplicor et vitiis
immemor virtutis,
voluptatis avidus
magis quam salutis,
mortuus in anima
curam gero cutis.

Je vais sur la large route,
en pleine jeunesse,
Me laissant aller au vice
oubliant ma vertu,
Avide de voluptés,
Plus que de Salut;
Et si mon âme est perdue
Je soigne ma peau.


Bonne journée!

Fred
pour moyenagepassion.com.
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