Sujet : fêtes médiévales, compagnies médiévales, animations médiévales, moyen-âge festif, marché médiéval, spectacles équestres, béhourd, fauconnerie Lieu : Château de la Chapelle d’Angillon,
Cher, Centre-Val de Loire. Date : 31 août et 1er septembre 2019 Nom : 9ème grande fête médiévale du Château d’Angillon
Bonjour à tous,
u côté de l’agenda des célébrations médiévales du prochain week end, le château de la Chapelle d’Angillon fêtera dignement le Moyen-âge, pour la 9eme fois. En 2016, à l’occasion de notre première mention de cette fête médiévale, nous avions déjà consacré un long article au sujet de ce bel édifice historique et sa prestigieuse histoire. Nous n’allons donc pas y revenir ici pour nous concentrer plutôt sur le riche programme de cette édition 2019.
Au programme des réjouissances
Fort de leur succès des années précédentes, les organisateurs et propriétaires du château ne baissent pas la garde, bien au contraire. Il semble que, d’année en année, leur détermination se renforce pour faire de ces médiévales un événement festif avec lequel il faut compter en région Centre-Val-de-Loire. Ainsi, cette année, pas moins de trente troupes seront présentes pour faire de ces réjouissances, un fantastique rendez-vous autour du moyen-âge et de son évocation.
Grands spectacles et animations
Sur place, de nombreuses animations attendent les visiteurs, ainsi que des spectacles et temps forts. Nous n’en citerons, ici, que quelques uns pour vous en donner une idée : spectacles animaliers (loup, rapaces et fauconnerie), fer croisé avec mêlées et combats de béhourd, attaque du château, ateliers et démonstrations de métiers anciens, le tout dans une ambiance joyeuse et festive assurée par de nombreuses troupes de musiques, saltimbanques, et comédiens. Les plus jeunes n’ont pas été oubliés puisque plus de nombreux jeux les attendront également sur place.
Nocturne et marché médiéval
La nocturne du samedi réservera, elle aussi, bien des surprises avec de grandes ripailles, suivies d’un concert de musique du groupe Prima Nocta et d’un spectacle équestre nocturne. La soirée devrait se terminer en apothéose avec le tirage d’un grand feu d’artifice au dessus de l’étang du château,
Pour finir, la fête accueillera encore un marché médiéval. Il devrait même être encore mieux achalandé que celui de l’année passée puisque plus de 70 exposants y sont attendus. Notons que les organisateurs ont tenu, tout particulièrement, à y proposer une sélection d’échoppes au plus près du Moyen-âge, du point de vue des produits exposés.
Une belle liste de compagnies médiévales invitées
La Compagnie Prima Nocta – les Teutonic Order – les Alleutiers François – Axel le Jongleur – les Chardons d’Orléans – Fauna Film – la Confrérie des Loups – Escrime de Saint-Doulchard – les Cordes d’Autan – les Skuldalith – les Ecuries d’Argent – les Archers Dunois – les Amis de Jacques Cœur – Bourges Arc Club – Gabriel Krielart – les Templiers de Concressault – la Compagnie de Serge Boulay – les Compagnons du Duc Jean – les Alleutiers François – les Goinfres Hardies – les Compagnons du Duc Jean – les Souda Auvernaht – Ferme itinérante – Chiens et Jeux – La Confrérie des loups – l’Ordre de Malte – la Maestrie du Berry – Renard Aboyeurs – la compagnie de Cyril de Bannegon – la Mesnie du Renard…
Au titre des nouveautés ajoutons que le château s’est désormais doté d’une billetterie en ligne pour favoriser la prise de réservations. Vous la trouverez au lien suivant : réservation pour la fête d’Angillon
Sujet : fêtes, animations médiévales, compagnies médiévales, moyen-âge festif, marché médiéval. Lieu : Normandie, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France Evénement: Médiévales d’ici et d’ailleurs Dates: du 22 au 25 août 2019
Bonjour à tous,
oici un récapitulatif de quelques animations médiévales qui vous entendent, ce week end, sur les terres de France. Il conviendra de leur ajouter les fêtes de la Saint-Louis 2019 d’Aigues Mortes auxquelles nous avons déjà consacré un article.
9ème fête médiévale d’Embrun
Lieu : Embrun, Hautes-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur Dates : les 22 et 23 août 2019
Foire médiévale (40 exposants), nombreuses animations, artisanat, combat, feu, jeux, banquet, campement médiéval. Nocturne, le jeudi et le vendredi.
Compagnies médiévales : Compagnie Faï – Les Pies-Treries – De Mal en Pies – Cie Artem – Cie les Boulegans – Cie Baladeux – L’Ost des Temps Jadis – Les Archers d’Embrun – Chevauchée des Lices
Lieu : Crécy en Ponthieux, Somme, Hauts-de-France Dates : les 24 et 25 août 2019
En célébration du 673e anniversaire de la bataille de Crécy (1346, victoire française sur les armées anglaises d’Edouard III). Au programme, 250 reconstituteurs et médiévistes en costume. Foire médiévale animée avec campements, déambulations et spectacles, Banquet avec spectacle médiéval, le samedi soir. Le musée de Crécy dédié lui aussi à cette bataille proposera également son propre programme d’animations.
Troupes et compagnies médiévales attendues : Sikinis – The Lions & Lilies – Medieval Combat Society – Les Lions Rampants – La Guilde Médiévale – Au fil de l’Aiguille et de l’épée – Feal Troppelte – La Confrérie du Cerbère – Les Chevaliers du Roc Blanc – La Guilde du Lys d’Or – Lagarrai Dragonis –
Lieu : Bréal-sous-Montfort, Ille-et-Vilaine, Bretagne Dates : des 23 au 25 août 2019
Malgré son nom, ce festival se présente plus comme un événement festif et musical. Sa programmation est, du reste, totalement indépendante de tout aspect médiéval. Il propose de nombreux concerts en plein air, mais aussi un grand village animé.
Concerts : Suprême NTM – Angèle – The Avener – Skip The Use – Caravan Palace – Jungle – Bon Entendeur Show – Fakear – Triggerfinger – Youssoupha – Émir Kusturica & TNSO – Trois Cafés Gourmands – Jérémy Frérot – Danakil – Airnadette – Koba LaD – Tshegue – The Rumpled – Contrefaçon – Jupiter & Okwess – Born Idiot – Voyou – The Loire Valley Calypsos – Gad Zukes – Aguamadera – Pumpkin & Vin’S da Cuero – Good Bad & Young – Two Roots – Kalon Lane – Art de rues, animations :Bohemian Karavan – Compagnie Dro Lig – La Jaupitre
Lieu : Crépy-en-Valois, Oise Hauts-de-France Dates : les 24 et 25 août 2019
Retour annuel à Crépy de cette fête qui mêle tradition, humour et monde médiéval. Au programme, ateliers d’artisanat du Moyen-âge (vannerie, forge, cierge, tissage, orfèvrerie, torchis, reliure, …), Egalement, campement médiéval, théâtre de rue, musiques et animations diverses. Samedi soir nocturne avec concert et spectacle de Feu. Le dimanche sera le grand jour de l’incontournable concours du cri du cochon !
Compagnies médiévales et artistes attendus : Compagnie du Polisson – Ferme itinérante – Cirque Pouce – Cie Ragondine – L’Artilleur du roi
Lieu : Miramas, Bouches-du-Rhône, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Dates : les 24 et 25 août 2019
De nombreuses compagnies invitées et animations prévues pour cette 7ème édition de la Médiévale de Miramas. Au programme, parades costumées, ferme pédagogique, jeux médiévaux, campements (joutes, combats,etc…), fauconnerie, concerts de musique médiévale. Une nocturne est également programmée, le samedi avec animations dans les rues de la ville et grands spectacles.
Compagnies médiévales : Drakonia – Les Compagnons du chêne ardent – La Porte des étoiles – Les Compagnons de l’ordre noir – Le Chant de l’épée – Les Cabris d’Argent – Prince des Dombes – Les Gueux de Volonne – Bestiaire d’Altaïr – Confrérie des Dragonniers du temps – Zorn l’alchimiste – La Petite Flambe – Turdion – Les Vaguabondes – Les faiseurs de couleurs – l’Association Laissa Dire
Célébration des 900 ans
de l’abbaye de Cirey-les-Bellevaux
Lieu : Cirey-les-Bellevaux, Haute-Saône, Bourgogne-Franche-Comté Dates : les 24 et 25 août 2019
Organisée en célébration de la création de l’Abbaye, cette fête historique et médiévale s’étalera sur les 2 jours du week-end. A son programme, lectures et fresque historique ( Bernard Petit), marché médiéval, ateliers de savoir-faire d’époque, fauconnerie, campement (combats, tir à l’arc, démonstration de tirs d’artillerie). Du point de vue musical, chants religieux, troubadours et chants monacaux sont prévus.
Quelques troupes attendues : Mesnie de la Comté – Impulsion – Les Archers du Val d’Oye – Hippogriffe
Lieu : Saint-Evroult-Notre-Dame-Du-Bois, Orne, Normandie Dates : les 24 et 25 août 2019
Il s’agit de la deuxième édition de cette fête viking. L’année dernière, sa première a connu un franc succès avec près de 3000 visiteurs. L’événement est organisé par l’Association pour la Sauvegarde de l’abbaye de Saint-Evroult en collaboration avec la compagnie médiévale et viking Normanniæ dracones. Au programme, combats, scénettes, exposition et conférences, marché médiéval et artisanal, banquet.
Lieu : Contamine Sarzin, Haute-Savoie, Auvergne-Rhône-Alpes Dates : les 24 et 25 août 2019
C’est la 5ème édition de cette fête de village aux couleurs médiévales. Elle proposera un marché artisanal, des ateliers, des jeux et démonstrations d’archerie et de combats, et, en autres surprises prévues, elle devrait même faire tourner pour l’occasion un four à pain comme aux temps anciens. La liste des compagnies invitées promet un beau divertissement et prouve bien que l’échelle d’une commune ne détermine pas nécessairement la qualité de ses animations culturelles. Il suffit souvent de quelques acteurs motivés pour soulever des montagnes.
Compagnies invitées : Au Temps des Croisades – Les Voyageurs de Sleipnir – La Guilde des Loups d’Almyr – La Compagnie de Saint-Romain – La Confrérie des centaures – Les Loups de Midgard – L’Herpaille de Saint-Martin – Ménestrels -Association Cont’Anim
Lieu : Lauzerte, Tarn-et-Garonne, Occitanie. Dates : les 24 et 25 août 2019
Comme un grand nombre de fêtes médiévales, voilà un événement qui se positionne entre moyen-âge historique et moyen-âge imaginaire et fantastique. On pourra y trouver un marché médiéval artisanal, ainsi que de nombreuses autres animations :, musique et concerts, théâtre de rue, ateliers, campement à la découverte de la vie médiévale. Le samedi soir, une nocturne avec concert, bal et spectacles vous y attend.
Compagnies médiévales : Deck Project – La Troupaï Compagnie – Les Frères du Feu Sacré – Les Faunes de la Compagnie Arteflammes – Les Arpenteurs de Guldrasyl
Lieu : Herbéviller, Meurthe-et-Moselle, Grand Est Dates : les 24 et 25 août 2019
Voilà une fête plus historique que strictement médiévale, mais dans laquelle vous pourrez trouver également des compagnies spécialisées sur le Moyen-Age. Au programme, bal folk, marché artisanal, défilés de troupes et démonstrations, échanges avec des reconstituteurs passionnés. Les invités et la très riche programmation de cette fête devraient ravir les amateurs de divertissements et d’histoire au sens large.
Compagnies historiques attendues
Historica Tempus – Amici d’Orbais – Les amis des lévriers – Alsace45 – Les Noirs Chardons – Les Fantassins de Lorraine – Sons of Midgard – Les Arquesbusiers de l’Est – Danceries Thibaud de Champagne – Compagnie Médiévale de Lorraine – Bellatores Hospitalis – Ludus Augusta Raurica – Corps d’observation du Rhin – Véhicules Militaires – L’Ost Lorrain – L’Ost du Lapin Noir – Free Folk Quartet – Association Yutopia – Communauté d’Aristogame – Les Leuki – 23e régiment de dragons à pieds
Suite à la publication de la ballade «Se je vous aim de fin loyal corage» de Guillaume de Machaut, nous voudrions coucher, ici, quelques réflexions sur l’amour courtois : ses mécaniques, son cadre, ses attentes, ses codes, ses prétentions. Nous en profiterons, notamment, pour nous pencher sur les articulations entre monde littéraire et monde médiéval, dans le cadre de la fine amor.
Contexte
Si l’amour courtois s’est transformé et généralisé pour devenir, un peu, un modèle idéal de conduite et de séduction dans nos sociétés, il a, dans ses prémices, autorisé des jeux dont la dimension n’était pas exempte d’enjeux socialement « transgressifs ». On peut même être frappé, par instants, en mesurant à quel point, par le truchement de la fine amor, le Moyen-âge a pu « autoriser » et même promouvoir la coexistence de deux mondes antithétiques : celui de la réalité médiévale et de ses valeurs sociales, d’un côté, celui de la courtoisie, de la littérature et de l’imaginaire de l’autre.
Sans doute a-t-il fallu pour cela, qu’un statut particulier soit accordé à la lyrique courtoisie, et qu’un relatif cloisonnement ait séparé ces deux mondes : celui de la réalité et de ses enjeux et celui du « jeu » et du fantasmé. Aujourd’hui, ce cloisonnement ne serait, sans doute, plus possible. Nous allons avoir l’occasion de développer cela, en raccrochant sur la ballade et les mésaventures amoureuses de Guillaume de Machaut dont nous avons eu l’occasion de parler dans l’article « Se je vous aim de fin loyal corage ».
En un mot, l’histoire est la suivante : le vieux poète s’est entiché d’une jeune demoiselle ; au début un peu froid, il a fini par céder à ses avances. Par la suite, il s’est piqué au jeu, au point même de s’illusionner lui-même. Au cours de cette aventure, il parait même avoir été quelque peu instrumentalisé par la jeune fille : cette dernière se serait servi, par exemple (du moins le pense-t-il), de ses poésies pour les montrer à d’autres. Les fins de la demoiselle ne sont pas très claires – moqueries, mise en valeur sociale de sa propre personne, stratégies auprès d’autres prétendants – et une certaine immaturité en est peut-être la cause, mais elles excèdent, en tout cas, l’intimité et la nature supposément secrète de la relation, fut-elle littéraire. Pour finir, l’aventure contée par le poète connaîtra une issue un peu tragique puisque la belle finira par se marier en mettant fin à la relation. On le verra, ceci n’empêchera pas ce dernier de vouloir poursuivre la relation courtoise.
La chosification du loyal amant
Par sa nature même, la Fine Amor contient toujours, en germe, la possibilité d’éconduite, mais aussi de « chosification » de son auteur : flatteries, séduction, l’exercice valorise sa « cible » et, dans les faits qui nous intéressent, cette dernière se trouve être souvent une demoiselle ou une dame hors de portée sociale.
Quand les jeux sont ouverts, si le secret de principe est éventé, le poète peut, peut-être, en tirer quelque « gloriole », mais, cela demeure tout aussi vrai de la dame courtisée. N’est-il pas plaisant, en effet, de se laisser aller à ces jeux littéraires, flatteurs pour l’ego, dont on sait déjà, dans bien des cas, qu’ils n’auront aucune incidence sur la marche de la réalité ? Au sein même de nombreuses poésies courtoises, une partie des « médisants » est là pour rappeler au poète que l’exercice est risqué et qu’il pourrait bien se retrouver l’instrument d’une triste méprise : on le moque pour son trop de « servilité » ou d’abaissement », on persifle les qualités réelles de la dame et, notamment, sa loyauté. A quoi bien souvent le loyal amant reste sourd (sans quoi il ne serait plus loyal).
Le vent des malentendus
Dans la veine des désillusions de Machaut, le poète médiéval sait-il que ses productions, et finalement son désir et ses projections, pourront faire l’objet d’une instrumentalisation ? Sauf à être naïf, le risque est inhérent à l’exercice mais il peut toujours espérer que le secret de sa correspondance soit, au moins, respecté. Son ambition s’épuise-t-elle, sur le simple terrain littéraire, une fois l’encre de ses vers séché? Dans certains cas, peut-être, dans d’autres, il semble évident qu’il en attend bien plus. Bien fou, pourtant, qui croirait gommer d’un trait de plume, les principes qui commandent à la réalité sociale médiévale. Le terrain est glissant et, quelquefois, les lignes paraissent un peu brouillées entre jeu littéraire, sentiments et attentes véritables du loyal amant, et réception possible de l’exercice ; et s’il est généralement entendu que les flammes du désir inassouvi demeurent au centre de la quête courtoise, il peut souffler, quelquefois, à la lisière de son cadre, comme un vent de malentendu sur la réciprocité des attentes.
L’amour courtois face au principe de réalité
Deux mondes étanches ?
Nous le disions plus haut, du point de vue de l’analyse, tout se passe comme si la Fine Amor et ses jeux littéraires, nous mettaient face à l’existence de deux mondes indépendants : d’un côté, celui fait de chair, de sang et de matière ; c’est le monde médiéval, le réel, le tangible avec ses réalités sociales, ses classes, ses mariages arrangés et stratégiques, ses lignages cloisonnés de la haute noblesse. De l’autre, se tient le monde de la poésie et de l’exercice littéraire courtois, fait de vélin, d’encre et de plumes ; c’est le règne du fantasme, du désir, de la possible transgression.
A travers la lyrique courtoise, la dame de haute condition peut se laisser approcher, courtiser et flatter par le clerc, le poète, le petit noble ou le petit seigneur. De l’autre côté (dans les cas de relations « ascendantes » et de différences de « classes » au sein de la noblesse : petite et moyenne noblesse face à grand noblesse, …), un certain nombre d’hommes vont « s’autoriser », par le travers de l’écrit et du style, à jeter leur dévolu sur une grande dame ou damoiselle. Ainsi, ces « ver(s) de terre amoureux d’une étoile » ne rêveront que de la séduire, la conquérir, la servir, peut-être même seulement de l’effleurer ou de susciter son attention : une relation dont certains médiévistes ont fait remarquer qu’elle pouvait être rapprochée du modèle de la féodalité et de la relation vassalique.
Une brèche (illusoire?) dans la réalité
Pour donner corps à cette volonté d’un possible rapprochement, l’amant courtois n’a pour lui que son talent de plume et un engagement qu’il veut infaillible. Au delà de la simple beauté et des qualités morales ou intellectuelles de la dame (qu’il ne se privera pas de louer), la condition sociale de cette dernière, les exigences de son statut et même, la réalité de ses engagements quand elle en a, sont parfaitement connus de ce prétendant. Pourtant, si ces contraintes participent indéniablement des motifs de son attraction, il en nie, d’une certaine façon, « la concrétude » ou les implications. Par ses artifices et ses codes, l’amour courtois va, en quelque sorte, autoriser le poète, à lancer une échelle par dessus cette réalité, en lui permettant de former un espoir fou : celui de pouvoir la transcender. D’une certaine manière, il n’est pas tout seul dans son entreprise : s’il dresse, en effet, dans ses vers, tous les obstacles qui s’interposent entre lui et la dame (les médisants, le siècle et ses valeurs déchues, les autres prétendants, etc…), les pans entiers d’un monde le soutiennent dans son entreprise.
Le Moyen-âge à l’assaut de sa propre transgression
Ce rapprochement entre le loyal amant et sa « princesse ou dame inaccessible », un certain Moyen-âge n’aura, en effet, de cesse de l’appeler de ses vœux. Contre les conventions sociales établies, contre le respect des principes de la féodalité, contre les valeurs religieuses et les principes sacrés de l’union promulgués par le monde chrétien, le monde médiéval ne cessera de vouloir donner corps à ce mythe, quitte à le réinventer ou l’affabuler jusque dans ses chroniques : les Vidas et les Razos des troubadours sont emplis de ces récits d’amour réciproque entre un poète (quelquefois, lui-même, seigneur) et une grande dame ou une princesse ; les biographies des trouvères leur emboîteront, maintes fois, le pas.
Tout ce passe comme si, ce Moyen-âge là entendait gratifier le loyal amant d’un juste retour, en paiement de ses qualités et de son amour, quitte à le faire au détriment de ses propres réalités sociales et de son ordre établi : une bulle de rêve ? L’espoir d’un décloisonnement (relatif et interne à la noblesse et ses sous-classes) ? Quelque chose qui prouverait qu’une voie est possible et que les règles peuvent être transgressées ? Les objets culturels et sociaux sont complexes et on ne peut, si facilement, les réduire à leur nature fonctionnelle, mais, tout de même. Si le territoire de la littérature courtoise a dû, nécessairement, être défini comme un « jeu codifié » pour pouvoir coexister avec les réalités médiévales, dans ses aspects les plus sulfureux, il flirte avec des valeurs tellement aux antipodes du monde qui le voit émerger qu’on peut se demander si sa vocation n’est pas, en grande partie, de proposer une évasion radicale : du social, ou même de nouveaux modèles idéalisés d’accession au pouvoir. Une sorte d’espoir qui se saurait, lui-même, vain, mais dont le seul exercice suffirait à tutoyer la saveur incomparable de la transgression. Il se présente, en tout cas, comme un territoire fantasmé, construit en opposition à une certaine réalité, et sur lequel de nouveaux modèles relationnels avec leurs propres codes, pourraient exister et s’épanouir.
Relativité du passage à l’acte dans le cadre médiéval
Quand nous parlons de transgression, mettons y tout de même un bémol. En fait de « passage à l’acte », la Fine Amor médiévale peut trouver sa simple récompense dans une réciprocité des sentiments qui n’aura d’effets que sur le plan fantasmagorique, symbolique ou rêvé et aucune incidence véritable sur le plan social et réel : un accord susurré du bout des lèvres, un signe d’affection, une marque d’intérêt, la promesse d’un baiser, … Dans ces jeux qui flirtent avec les interdits et les désirs voués à ne pas toujours être assouvis, une simple percée dans la réalité, un simple signe, la reconnaissance du poète médiéval courtois comme favori (littéraire) par la dame concernée, peut suffire, dans certains cas, à enflammer ce dernier.
Une meilleure place à la cour, un peu plus de soupe à la table, un regard appuyé, le sentiment peut-être de sortir du lot et d’être reconnu comme « loyal amant » dans ce monde codifié ? Un rêve immense dans les cartons mais qui se satisfait de petits aménagements ou de « niches secondaires » (Erving Goffman – Asiles, 1961 ) comme ordinaire et comme horizon. Notre modèle moderne de l’amour s’en trouverait, à coup sûr, frustré et ne saurait, si facilement, s’en contenter.
Le choc des deux mondes
Bien sûr, ce monde de papier et de rimes où courent des désirs interdits et coupables peut finir par se choquer contre le monde médiéval factuel et ses réalités. Comme on y joue avec le feu, il y a eu nécessairement, par moments, passage à l’acte (au sens charnel et consommé). Quand bien même, sans verser dans le cynisme, la marche du monde médiéval n’en a pas été changé : pour loyaux qu’ils aient pu être ou grands génies de la plume et du style, les clercs ou les barons n’ont point été couronnés. L’ascenseur sociale est en panne. L’amour courtois, même consommé, restera voué au secret. Dans ses formes transgressives les plus avancées, jamais il ne révolutionnera la réalité du monde qui l’autorise à exister, mais sans doute n’en demande-t-il pas tant.
En dehors de tels franchissements, les maris ou les prétendants officiels pourront se montrer agacés par ces jeux et ces amours de papier. Certains finiront même par bannir ou chasser le prétendant devenu encombrant, ou peut-être, encore, par éloigner « l’objet » de convoitise et de tentation, de la vue des concurrents. De la même façon, d’autres poètes manifesteront des colères bien réelles ou se sentiront violemment trahis en apprenant que la dame s’était finalement tournée vers un prétendant réel ou même, vers un autre favori de plume. Monde littéraire, monde réel, le jeu et ses codes finissent, quelquefois, par trouver leurs limites concrètes sur le terrain et s’y casser les dents.
Courtoisie et Modernité
Une réalité qui nous parle
Pour résumer, sous le couvert du style, l’amour courtois évolue dans un monde allégorique, du fantasmé, du désiré qui a ses propres codes et ses propres règles. Son terrain de jeu est « autorisé » et même plébiscité par une partie du Moyen-âge, mais il reste miné ; à n’importe quel moment, il peut être rattrapé par des réalités qui, pour le coup, nous paraissent familières : des maris jaloux, des dames qui se refusent au jeu, d’autres qu’on éloigne volontairement de l’échiquier, des prétendants déçus qui finissent par se lasser, des mariages de classes qui finissent par faire s’écrouler, en un instant, les espoirs des poètes comme autant de châteaux de cartes. Si le monde médiéval peut tolérer et apprécier l’amour courtois comme « exercice de style », ce dernier ne cesse de vouloir interagir avec une réalité aux antipodes des valeurs de son monde. Il faut, donc bien, de temps en temps, qu’il en paye le prix.
De fait, à quelques siècles de là, ce prix peut encore nous parler parce que, malgré le vent assez passager de libération des mœurs qui avait pu souffler dans les années 70, les valeurs morales du monde médiéval chrétien, en matière amoureuse, sont restées, en partie, les nôtres. Leurs racines ont simplement gagné en profondeur et nous n’en avons plus forcément conscience : sacralité de l’union, loyauté, fidélité, etc… En avançant sur le terrain de la sociologie critique et au risque de nous faire traiter de briseur de rêves, inutile d’ajouter que le cloisonnement social des unions est largement resté de mise, n’en déplaise, au mythe de la princesse et du ramoneur.
Terre de contrastes
Si la courtoisie donne à ses poètes la possibilité de jeter des ponts entre un monde littéraire et monde médiéval factuel, jamais, comme au moyen-âge, on a pu, à ce point, séparer l’exercice littéraire amoureux d’un certaine « réalité » des relations. Jamais, on a pu y plébisciter, à ce point, le modèle du loyal amant, même dans ses formes les plus transgressives.
Concernant une certaine mécanique de l’amour courtois, presque indépendante du principe de réalité, on peut valablement revenir ici à la ballade de Guillaume de Machaut. Il nous en donne, en effet, dans sa poésie,un exemple assez édifiant. La belle qui faisait l’objet de toutes ses attentions s’est marié à un autre, mais le poète continue de réclamer « son cœur ».
« Se vous avez pris autre en mariage, Doy je pour ce de vous estre ensus mis Et de tous poins en oubli? Certes nennil; car puis que j’ ay en mi Cuer si loyal qu’il ne saroit meffaire, Vous ne devez vo cuer de moy retraire. »
« Si vous en avez pris un autre en mariage. Dois-je pour cela être rejeté de vous Et condamné à un entier oubli ? Non certes ; puisque j’ai en moi Cœur si loyal qu’il ne saurait méfaire, Vous ne devez de moi retirer votre cœur. »
Même face à l’intervention la plus concrète de la réalité, les personnages (de papier) pourraient donc continuer de s’aimer. Interpréter la demande du poète uniquement comme la marque d’un vieil amant désespéré serait une fausse piste : sa ballade sonne comme une évidence dans un univers codifié. Elle donne bien la mesure de la nature transgressive de la Fine Amor, mais démontre aussi, le cloisonnement que le moyen-âge a pu ménager entre le monde idéalisé des désirs et de l’imaginaire et le monde réel des engagements. En dehors du modèle de pouvoir féodal, de la forte étanchéité de la haute noblesse et de sa main mise sur le pouvoir, la forte prégnance des unions arrangées peut-elle avoir favorisée la lyrique courtoise ? C’est encore une autre piste.
Quoiqu’il en soit, en transposant l’exacte situation dépeinte dans les vers de Machaut à notre monde, on mesure à quel point sa demande peut nous sembler décalée. Dans la majorité des cas et pour n’importe quel prétendant contemporain, à peu près normalement constitué, un acte aussi fort que le mariage de la belle convoitée marquerait, à coup sûr, un couperet à l’aventure (ne fut-elle qu’épistolaire). Dans quelques très rares sphères sociales, on pourrait, peut-être, trouver quelques exceptions à cette règle, mais tout de même ; on imaginerait, sans doute assez mal, une jeune mariée continuer à recevoir des poésies enflammées et des avances d’un autre prétendant et ce dernier continuer de réclamer son cœur.
Encore une fois, passée la vague de permissivité de la fin des années soixante, nos modèles relationnels amoureux semblent bien s’être coulés, à nouveau, dans un moule plutôt traditionnel : on attend de l’être aimé une loyauté dans les actes, autant qu’une loyauté de cœur. Est-ce à dire qu’un jeune époux, au moyen-âge, n’aurait pas été en droit d’en attendre autant ? Non, le jeu reste épineux, mais les cartes sont un peu plus brouillées par la nature codifiée du jeu courtois et le fait que le loyal amant est finalement plébiscité par une partie de la société. Dans notre monde et en matière amoureuse, il demeure évident qu’exercice littéraire et réalité sont bien plus clairement décloisonnés.
Sujet : ballade médiévale, fine amor, amour courtois, loyal amant, poésie médiévale Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif Titre : Se je vous aim de fin loyal corage Auteur : Guillaume de Machaut (1300-1377)
Bonjour à tous,
u début du XIVe siècle, Guillaume de Machaut s’est signalé par la qualité de ses compositions musicales et poétiques dans le domaine liturgique, comme dans la sphère du profane. Au sein de cette dernière, il a donné libre cours à des sentiments et des émotions plus intimes et c’est sur ce terrain que nous le retrouvons, ici, avec une ballade courtoise.
Les aventures amoureuses d’un poète à l’automne de sa vie
L’identité questionnée de la demoiselle
Certains spécialistes de littérature médiévale ont été de l’avis qu’une partie des chansons d’amour ou des poésies du compositeur du Moyen Âge tardif, dont celle du jour, fut adressée à Agnès de Navarre (1334-1396). Fille du roi Philippe III de Navarre, la jeune princesse, de descendance capétienne, avait été l’élève de Machaut et des médiévistes Prosper Tarbé comme chef de file, ont déduit qu’elle avait pu devenir la muse du compositeur en matière de Fine Amor. La correspondance amoureuse de Machaut, notamment dans Le Livre du Voir- Dit ferait ainsi l’étalage de cette relation. D’autres experts du XIXe siècle, comme P Paris (Le livre du Voir Dit de Guillaume de Machaut, 1875) ont contesté cette hypothèse, en mettant en avant une jouvencelle du nom de Péronne d’Armentières.
La ballade du jour dans le Manuscrit Français 9221 (XIVe s) – Guillaume de Machaut, oeuvres narratives et lyriques, BnF dept des manuscrits.
Nous n’avons pas, ici, la prétention de mettre tous ces médiévistes d’accord. Indépendamment de l’identité de la jeune fille, nous nous contenterons simplement de retenir le fond des mésaventures amoureuses rapportées par Guillaume de Machaut. Elles mettent en scène un auteur médiéval, plus tout à fait dans la fleur de l’âge. Borgne, souffreteux, il a largement dépassé la cinquantaine et la damoiselle qui fait l’objet de ses transports n’a pas encore 20 ans.
Amour Vache ?
Si ce n’était anachronique et aussi un peu cruel, on pourrait être tenté de sourire de certains aspects de cette histoire. Dans Les poètes français, recueil des chefs d’oeuvre de la poésie française, 1861) Eugène Crépet évoque, par exemple, un Guillaume de Machaut sage et presque prude. Sous les avances de la jeune femme, le poète aurait fini par céder en devenant le loyal amant de cette dernière, au moins sur le plan des rimes et des correspondances. Face à lui, l’historien du XIXe siècle nous dépeint une muse plutôt exigeante. Nourrie par les flatteries du poète médiéval vieillissant, le jeune femme se montre insatiable, autant d’ailleurs, qu’immature à bien des égards.
Au vue de son âge, on ne peut guère l’en blâmer même si tout cela donne un peu l’impression que le vieil amant lettré se trouve, au passage, légèrement « chosifié ». La demoiselle avait, notamment, un peu trop le goût, selon ce dernier, d’étaler ses correspondances privées à la vue de tous. Ce dernier aurait, sans doute, préféré les voir couvertes d’un peu plus de mystère et de discrétion, mais, au delà, il pensait même faire l’objet de moqueries. Nous citons ici Machaut de seconde main en suivant encore les pas de Crépet :
« Uns riche home, qui est très-bien mes sires et mes amis, m’a dit et pour certain que vous monstres à chascun tout ce que je vous envoie, dont il semble à plusieurs que ce soit une moquerie… car il semble que ce soit pour vous couvrir, douce dame, et faire semblant d’un autre amer. »
La jeune femme nia. L’incident fut lavé. Le doute a traversé l’Histoire. Mais, comme on le verra dans cette ballade, la jeune femme finit par prendre un homme en épousailles et par rompre cette relation littéraire, de manière « littérale ». Au passage, ceux qui penchent en faveur d’Agnès de Navarre, (Crépet en est), mettent en avant Gaston Phébus, le lion des Pyrénées, dans le rôle de l’époux. Qu’il s’agisse ou non d’elle, la pièce du jour est un lointain témoin de cet idylle voué à l’échec.
On notera que l’union officielle de la demoiselle, n’arrête pas le loyal amant qui continue de briguer sa place, dans le cœur de cette dernière. Il est assez frappant de constater, qu’au Moyen Âge et avec les jeux courtois, deux mondes bien cloisonnés semblent coexister l’un à côté de l’autre : celui de la littérature et des sentiments (de papier) d’un côté, et celui de la réalité sociale et des engagements réels de l’autre. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur tout cela dans un prochain article mais cette ballade en est un des signes marquant.
Une Ballade de Guillaume de Machaut « Se je vous aim de fin loyal corage »
Traduction d’Eugène Crépet (opus cité)
Se je vous aim de fin loyal corage, Vous ay amé et ameray toudis. Se vous avez pris autre en mariage, Doy je pour ce de vous estre ensus mis Et de tous poins en oubli? Certes nennil; car puis que j’ ay en mi Cuer si loyal qu’il ne saroit meffaire, Vous ne devez vo cuer de moy retraire.
Dame, je vous aime d’un cœur loyal, Je vous ai aimée et je vous aimerai toujours. Vous en avez pris un autre en mariage. Dois-je pour cela être rejeté de vous Et condamné à un entier oubli ? Non certes; puisque j’ai en moi Cœur si loyal qu’il ne saurait méfaire, Vous ne devez de moi retirer votre cœur.
Ains me devez tenir en vo servage Comme vo serf qu’ avez pris et acquis, Qui ne vous quiert villenie n’outrage; Et vous devez amer, j’ en suis tous fis, Vo mari com vo mari Et votre ami com vostre dous ami. Et quant tout ce poez par honneur faire, Vous ne devez vo cuer de moy retraire.
Vous devez me retenir en votre servage Comme votre serf que vous avez pris et acquis, Qui ne vous réclame ni vilenie ni outrage ; Et vous devez aimer, je le dis avec assurance, Votre mari comme votre mari, Et votre ami comme votre doux ami. Et quand vous pouvez faire tout cela sans blesser l’honneur: Vous ne devez de moi retirer votre cœur.
Et s’ il avient que cuer aiez volage, Onques amans ne fu si fort trahis Com je saray. Mais vous estes si sage, Et s’ est vos cuers si gentieument norris Qu’il ne deingneroit einsi Moy decevoir pour amer. Et se di : Puisque seur tout aim votre dous viaire, Vous ne devez vo cuer de moy retraire.
Et s’il advient que votre cœur soit volage, Jamais amant n’a été si misérablement trahi Autant que je le serai. Mais vous êtes si sage, Et votre cœur est si noblement appris, Qu’il ne voudrait pas ainsi Me tromper parce que j’aime. Aussi, je le répète : Puisque par-dessus tout je chéris votre doux visage. Vous ne devez de moi retirer votre cœur.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
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