Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, ballade médiévale, poésie morale, ballade, moyen-français, poésie satirique, satire, péchés capitaux Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Onques ne vi si dolereuse gent» Ouvrage : Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome I Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ans le courant du Moyen-Age tardif, Eustache Deschamps, officier de cour de petite noblesse, s’entiche de poésie. Il se réclame de Guillaume de Machaut, mais, contrairement à ce dernier, il penchera pour un art poétique, à part entière, entendons, dissocié de toute composition musicale. Du côté des formes, Eustache affectionnera particulièrement la Ballade et en deviendra même l’un des maîtres médiéval. Il en laissera près de mille sur tout sujet et tout propos, même si c’est sans doute dans les formes satiriques qu’il excellera le mieux : ses « Ballades de Moralité ».
Au fil de ses observations et de ses mésaventures, Eustache passera ainsi, son époque au crible, devenant un témoin précieux de la deuxième partie du XIVe siècle, d’autant plus précieux qu’il vivra près de soixante ans ce qui lui laissera le temps de léguer une œuvre volumineuse. Au cours de cette longue vie, il a connu les campagnes dévastées par la guerre de cent ans, la famine et la peste. Il a croisé les miséreux, abusés et pillés : il a vu l’ambition sans borne des princes, leur convoitise, leurs soudains revirements à la faveur de nouvelles alliances. Il a encore assisté à la vie curiale, sa cruauté, ses faux conseillers et toute la vacuité de ses jeux et il nous a encore laissé des réflexions plus existentielles sur les âges de la vie.
Au risque de simplifier, le socle satirique est double chez Eustache. Une partie de son sens critique repose sur des valeurs telles que la loyauté, la fidélité, le sens du service et les attentes que cela suppose. L’autre partie est plus clairement trempée de valeurs morales chrétiennes. C’est le cas de la ballade du jour. Eustache nous rapporte un de ses rêves pour mieux dresser une critique des maux de son siècle ; les terres et les temps y sont ravagés par les Sept péchés capitaux. Ces derniers y règnent en maître, selon l’auteur médiéval et de scander : « Oncques ne vi si dolereuse gens », autrement dit « Jamais je ne vis de gens si malheureux« , ou même plutôt « si triste compagnie » comme nous suggère de la traduire Jean-Patrice Boudet et Hélène Millet dans leur ouvrage : Eustache Deschamps en son temps, (éditions de la Sorbonne, 1999)
Une Ballade médiévale
(Allégorie satirique des sept péchés capitaux)
N’a pas longtemps qu’en une région Vi en dormant dolereuse assemblée : Ce fut Orgueil chevauchant le lion ; Ire (colère) emprès lui qui se fiert (férir, frapper, transpercer) d’une espée ; Sur un loup siet Envie la dervée* (folle). Dessus un chien aloit fort murmurant Avarice ; gouverne la contrée. Onques ne vi si dolereuse (1) gent.
Car elle avoit or, joyaulx à foison, Et languissoit d’acquerre entalentée* (d’acquérir davantage). Paresce après dormoit une saison ; En l’an n’a pas sa quenoille fillée. Sur l’asne siet la povre eschevelée, Qui en touz lieux est toudis* (toujours) indigent. Glotonniefut sur un ours posée : Onques ne vi si dolereuse gent.
Celle mettoit tout à destruction ; Pour gourmander avoit la Pence enflée. Luxure estoit moult près de son giron, Qui chevauchoit une truie eschaufée* (ardente, excitée) ; Mirant (s’admirant), pignant (se peignant), saloit (bondissait) comme une fée, Et attraioit maint homme en regardant : Mais trop puoit* (de puir, puer) sa trace et son alée* (chemin, route). Onques ne vi si dolereuse gent.
L’Envoy.
Princes, moult est la terre désertée Où telz vices sont seigneur et régent. Règnes s’en pert, et âme en est dampnée : Onques ne vi si dolereuse gent.
(1) malheureux, souffrant.
En vous souhaitant une excellente journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : fêtes médiévales, animations médiévales, compagnies médiévales, moyen-âge festif, tournoi de chevalerie, marché médiéval Lieu : Occitanie, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté Evénement: Médiévales d’ici et d’ailleurs Dates: du 30 mai au 2 juin 2019
Bonjour à tous,
vec le pont de cette fin de semaine, le week end à venir est sans doute l’un des plus chargé de l’année en fêtes et célébrations médiévales, En voici une large sélection.
Les 24e Médiévales de Monferrand
Lieu : Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme, Auvergne-Rhône-Alpes Dates : du 31 mai au 2 juin 2019
Déambulations, musique, théâtre de rue et jonglerie, campements, marché artisanal. Vendredi et samedi soir en nocturne : bal médiéval, défilé aux flambeaux, spectacle de feu, etc..
Compagnies médiévales
L’alliance des Volcans – L’Arroi des Trois Noues – Les Ecuyers de Marchidial – La ferme du Chaîneau – Harywald – La Petite Flambe – Cie Moriquendi – Le Clan du Livradois – Le Sieur de Montplaisant – Memoriam Crusades – Au fil de la Flamme – Les Estuves de la Dame de Aigues – Marina Lys – Entre chiens et jeux – Skinis – Les tritons ripailleurs – Vire et Volte – Impromagnat – Cie Improvisée
Lieu : Chartres, Eure-et-Loir, Centre-Val de Loire Dates : du 31 mai au 2 juin 2019
Au programme de cette 2ème édition : reconstitution et temps forts de la rencontre entre Louis IX et Henri III d’Angleterre sur le site, au XIIIe siècle, parade, marché artisanal. ateliers et camps médiévaux, vie rurale et militaire, combats, engins de siège, spectacles animaliers, musique, contes. Nocturnes, les vendredi et samedi et encore festival du film médiéval.
Compagnies & troupes participantes
Saboï – Prima Nocta – les Sonneurs de Brann – Sbandieratori e musici di Alba – Cie Clair Obscur – Maladonne – Le Chant de l’épée – Les Bâtards d’Occitanie – Machina Silente – La Cailleterie – Lez Accros- APFHV – Cie des Blancs Manteaux – L’atelier du Renart Vert – Les forges d’Autricum – Les Bâtisseurs Médiévaux – Bérangier le Bâtisseur – Berch’Pierre – Hoël le Janglëur – Le Manoir aux Histoires – Bohemian – Karavan – Lévriers Barzoïs : les Princes de Laroslav – Arc Club de la Vallée de l’Eure – Lous Cans de Tchancayres – Vol en Scène – Cie Arvak – Pyronix Production -Les Milites de Dun – Les Guerriers du Moyen-Âge – L’Instrumentarium – La Geste de l’Hurepoix – Animo’show – Cie des Mâche-Laitue -Les Gargouilles Ludophiles – La Ferme du Chaîneau – Dog trainer – Ludotium – Les Colporteurs de Couleurs – Ecuries du Val de l’Eure – Service de l’archéologie de la ville de Chartres
Lieu : Bapaume, Pas-de-Calais, Hauts-de-France Dates ; du 30 mai au 2 juin 2019
Célébration historique du mariage d’Isabelle-de-Hainaut et de Philippe-Auguste: Village médiéval animé, banquet et spectacle sons et lumière en soirée.
Troupes et Mesnies invitées : Le Savoir d’Antan – La Confrérie des Gueux – Unicorn Legends – Torolfir – Oratores et Bellatores – La Cie du Loup Sombre – Les Frères d’Armes de Saint-Guinefort – Samaro Bellum – Cie de Ur – Fauconnerie di Penta Marco – Corvus Flandria
Lieu : Reims, Marne, Grand-Est. Dates : du 1er au 2 juin 2019
Tout au long du week end, une grande célébration autour du Sacre de Reims et de Jeanne d’Arc. Sur place, village médiéval et marché animé avec plus de 100 exposants, animations variées, nocturne avec sons et lumieres
Compagnies Médiévales
Cie Rhésus-Positif – Les bateleurs de sire Jean – Maître Cornelius – La Cie du Lion des Flandres – Cie Belli Mercator – La Maisnie des Grandgousiers – Soligalgos – Au cœur d’un grimoire – Cie Sorga – Dar An’ lys -Fauconnerie Marche – Lilamayi – Escape Time – Association Derwid – Les chasseurs de Dragons – Les Couloirs du Temps Champenois – Cie Arduenna Silva – Les Têtes en L’Air – Animal Instinct
Lieu : Bourges, Cher, Centre-Val de Loire Dates : 1er et 2 juin 2019
Autour du personnage du roi Charles VII, animations variées, Spectacles équestres, initiation à l’archerie, banquet animé, marché médiéval et bourg du XVe siècle
Associations historiques de Bourges – La Maisnie du Mont Ferrand – L’Atelier de Julie – Minimalis – Ouroboros et ses musiciens – Dog Trainer – La Maestrie du Berry – Vozalta – La Nef des Fous – Les Mandalas – Al’ Varez – Entr’Act – Pipe Band d’Aubigny – Compagnie Philémon – Compagnie des Quidams
Lieu : Nogent le Rotrou, Eure-et-Loir, Centre-Val de Loire Dates : 1er et 2 juin 2019
La fête du Percheron revient pour la 18ème fois à Nogent-le-Rotrou. Au château et ses abords, parade équestre, village d’artisans, combats en armure, engin de siège, musique et danses médiévales, contes du moyen-âge, nocturne avec son et lumières, .
Troupes : Trébuca – Féodis – Les Chiens de Guerre – Capriole – Les Archers du Perche – La Ferme des Murs – Tormis – Ballarom
Lieu : Dourdan, Essonne, Île-de-France Dates : 1er et 2 juin 2019
A l’occasion de cette 23e édition, animations, campements, spectacles de fauconnerie, spectacles de feu, grande nocturne, le samedi. Marché médiéval de près de 50 exposants.
Compagnies médiévales invitées La Ghilde des sangliers du ferrain – Ethnomus – Sembadelle – Facia Fusta – Vol en scène – Il était une fois – Unicorn Legends – Zoolians – D’Art de Lame – Tornals – Les Compagnons philippiens –
Lieu : Guérande, Loire-Atlantique, Pays de la Loire Dates : le 1er et le 2 juin 2019
Une 20e édition sous le signe des « fous ». 2000 personnes en costume, grandes parades, animations musicales et théâtrales, spectacles équestres, concours de fous, foire médiévale.
Compagnies médiévales : La Volte Gaillarde – Waraok – Turdion – Pegase prod – Merwenn – Le théâtre de 33 – Gueule de Loup – Cie Sonjeveyes – Cie Karabas – Cie du Chaland – Les Carlisons – Al Cantara
Lieu : Verneuil-sur-Avre, Eure, Normandie Dates : 1er et 2 juin 2019
14e édition de cette médiévale qui gravitera autour du XVe siècle et de la Guerre de Cent ans. Au programme, musiciens, saltimbanques et jongleurs, marché médiéval, banquet et ripailles, camp de mercenaires écossais, fauconnerie, mais encore tournoi de chevalerie France – Angleterre et le dimanche, en fin d’après-midi, concert de Luc Arbogast
Lieu : La Penne-sur-Huveaune, Bouches-du-Rhône, PACA Dates : les 1er et 2 juin 2019
Il s’agit du 11e anniversaire de cette médiévale. Elle sera cette année le théâtre d’une nouvelle étape du Tournoi du Ceinturon d’Argent (voir article). Nombre de divertissements y sont prévus en plus des lices et affrontements : musiciens, jongleurs, fauconnerie, spectacles équestres, ateliers et camps d’époque, et encore un marché médiéval. Banquet le samedi soir, sur réservation
Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, pauvreté, richesse, poésie morale, poèsie satirique, vieux français, langue d’Oïl. manuscrit ancien, enluminure, miniatures. Période : Moyen-âge central, XIIIe siècle. Titre : Le Roman de la Rose Auteur : Guillaume De Lorris et Jean De Meung
Bonjour à tous,
‘adage ne date pas d’hier : « L’argent ne fait pas le bonheur ». Au XIIIe siècle, l’un des plus célèbres écrit médiéval, le Roman de la Rose, abordait déjà la question des pièges liés à la course interminable aux richesses et aux avoirs. Contre l’avidité, l’avarice, et leur corollaire : la convoitise du bien d’autrui, l’ouvrage prenait ici un tour satirique, en allant jusqu’à montrer du doigt certaines classes de la société particulièrement propices, selon lui, à choir dans ces travers : marchands, usuriers et autres « lombards« , mais encore avocats et médecins.
Eloge de la pauvreté
ou Apologie du contentement ?
« Le Roman de la Rose » G de Lorris et J de Meung,
Français 24392 (XVe siècle) BnF, (à consulter ici)
L’extrait proposé ici et sa traduction en français moderne, (revisitée quelque peu) sont tirés d’un ouvrage de Louis Petit de Julleville : Morceaux choisis des auteurs français, Moyen Age et Seizième siècle (1881). Le normalien et professeur d’université du XIXe siècle, spécialiste de littérature médiévale, disait alors voir entre ces lignes, un « Éloge de la pauvreté ». On pourrait tout autant y percevoir une mise en garde contre la démesure et l’avidité: « Pour autant qu’on ouvre grand la bouche, on ne peut boire toute l’eau en Seine ». Sur le terrain moral de la lutte entre « avoir » ou « être », en littérature et poésies médiévales, c’est souvent ce dernier qui ressort victorieux, plus encore quand la poursuite de l’acquis prend la forme de l’obsession. S’il y a éloge, ici, plus que de pauvreté, c’est sans doute plutôt celle du contentement et d’un contentement finalement plus lié à une disposition d’esprit – une « attitude psychologique », dirait-on aujourd’hui -, qu’à des conditions matérielles : « Nul n’est misérable, s’il ne croit l’être, qu’il soit roi, chevalier, ou ribaud. »
En relisant ces lignes du moyen-âge central, il est utile de se souvenir aussi, qu‘entre l’idéal christique du dépouillement et les excès des marchands du temple, les valeurs spirituelles chrétiennes du monde médiéval ont ménagé une bonne place à la voix du milieu : « Benoit est qui tient le moyen », nous dira Eustache Deschamps, un peu plus d’un siècle après le Roman de la Rose, en marchant sur les traces d’Horace.
Si la pauvreté se trouve « glorifiée », par endroits dans les lettres, en dehors de certaines voies monastiques, elle n’est pas non plus souhaitée ou considérée comme un idéal à atteindre, loin s’en faut. La misère véritable ferait même plutôt peur à nombre de clercs et auteurs médiévaux qui, encore au XIIIe siècle, sont presque toujours issus d’une certaine noblesse ou bourgeoisie, fut-elle modeste. Du reste, pour coller à cette thématique de classes, dans la deuxième partie de cet extrait, au sujet de ces ribauds de la place de grève que Rutebeuf a su également si bien mettre en vers, on pourrait être tenté, de ressentir une pointe de condescendance même si, sans doute un tel jugement demeure subjectif, en plus d’être à contretemps. L’auteur semble, en effet, sincère et il met même l’accent sur une certaine « exemplarité » de ces classes déshéritées. Toutefois, en l’imaginant vivant lui-même dans une certaine aisance, quand il nous explique « regardez comme ils sont heureux, s’ils n’ont rien il s’en passe, sinon on les fait porter à l’Hotel Dieu, etc..« , un certain sens critique (sociologique et moderne) pourrait avoir tendance à nous aiguillonner. Finalement, la bonne vieille question « D’où parlez-vous ? » n’en finit jamais d’être posée, même si elle se complique d’autant, quand de nombreux siècles nous séparent de celui qui porte la plume.
« Éloge de la Pauvreté ». (Extrait du Roman de la Rose.)
Si ne fait pas richesce riche Celi qui en trésor la fiche : Car sofîsance solement Fait homme vivre richement : Car tex n’a pas vaillant dous miches Qui est plus aese et plus riches Que tex a cent muis de froment. Si te puis bien dire comment (…) Et si r’est voirs, cui qu’il desplese, Nus marcheant ne vit aese : Car son cuer a mis en tel guerre Qu’il art tous jors de plus aquerre; Ne ja n’aura assés aquis Si crient perdre l’avoir aquis, Et queurt après le remenant Dont ja ne se verra tenant, Car de riens desirier n’a tel Comme d’aquerre autrui cbatel. Emprise a merveilleuse peine, Il bee a boivre toute Saine, Dont ja tant boivre ne porra, Que tous jors plus en demorra. C’est la destresce, c’est l’ardure, C’est l’angoisse qui tous jors dure; C’est la dolor, c’est la bataille Qui li destrenche la coraille, Et le destraint en tel défaut, Cum plus aquiert et plus li faut.
Advocat et phisicien
Sunt tuit lié de cest lien ;
Cil por deniers science vendent,
Trestuit a ceste hart se pendent :
Tant ont le gaaing dous et sade,
Que cil vodroit por un malade
Qu’il a, qu’il en eust quarente,
Et cil pour une cause, trente,
Voire deus cens, voire deus mile,
Tant les art convoitise et guile !..
Non, richesse ne rend pas riche Celui qui la place en trésors. Car seul le contentement Fait vivre l’homme richement. Car tel n’a pas vaillant deux miches Qui est plus à l’aise et plus riche Que tel avec cent muids (1) de froment. Je te puis bien dire comment. Et, il est vrai, à quiconque en déplaise Nul marchand ne vit à l’aise ; Car son cœur, a mis en telle guerre Qu’il brûle toujours d’acquérir plus : Et il n’aura jamais assez de biens S’il craint de perdre ceux qu’il détient, Et court après ce qui lui manque, Et qui jamais ne sera sien. Car tel, il ne désire rien Que d’acquérir d’autrui, les biens. Son entreprise a grande peine ; Il bée pour boire toute la Seine, Quand jamais tant boire ne pourra , Car toujours, il en demeurera. C’est la détresse, c’est la brûlure, C’est l’angoisse qui toujours dure ; C’est la douleur, c’est la bataille Qui lui déchire le cœur Et l’étreint en tels tourments Que plus acquiert et plus lui manque.
Avocats et médecins
Sont tous liés par ce lien.
Ceux-là pour deniers vendent science;
Et tous à cette corde se pendent,
Gain leur est doux et agréable;
Si bien que l’un, pour un malade
Qu’il a, en voudrait quarante;
Et l’autre pour une cause, trente,
Voire deux cents, voire deux mille;
Tant les brûlent convoitise vile.
Mais li autre qui ne se lie Ne mes qu’il ait au jor la vie, Et li soflit ce qu’il gaaingne, Quant il se vit de sa gaaingne, Ne ne cuide que riens li faille, Tout n’ait il vaillant une maille, Mes bien voit qu’il gaaingnera Por mangier quant mestiers sera, Et por recovrer chauceiire Et convenable vesteiire ; Ou s’il avient qu’il soit malades, Et truist toutes viandes fades, Si se porpense il toute voie Por soi getier de maie voie, Et por issir hors de dangier, Qu’il n’aura mestier de mangier ; Ou que de petit de vilaille Se passera, comment qu’il aille, Ou iert a l’Ostel Dieu portés, La sera moult reconfortés; Ou, espoir, il ne pense point Qu’il ja puist venir en ce point Ou s’il croit que ce li aviengne, Pense il, ains que li maus li tiengno» Que tout a tens espargnera Pour soi chevir quant la sera; Ou se d’espargnier ne li cliaut, Ains viengnent li froit et li chaut Ou la fain qui morir le face, Pense il, espoir, et s’i solace, Que quant plus tost definera, Plus tost en paradis ira… Car, si corne dit nostre mestre, Nus n’est chetis s’il ne l’cuide eslre, Soit rois, chevaliers ou ribaus.
Mais cet autre qui ne se lie Qu’à chaque jour gagner sa vie Et à qui suffit ce qu’il gagne, Quand il peut vivre de son gain ; Il ne craint que rien ne lui faille, Bien qu’il n’ait vaillant une maille. Mais il voit bien qu’il gagnera à manger, quand besoin aura De quoi se procurer des chaussures et un vêtement convenable. Ou s’il advient qu’il soit malade, Et trouve toutes viandes fades, Il réfléchit à toute voie, Pour se sortir du mauvais pas Et pour échapper au danger, Qu’il n’ait pas besoin de manger, Ou que la moindre victuaille Lui suffise, vaille que vaille; Ou à l’Hôtel-Dieu, se fera porter Où sera bien réconforté. Ou peut-être ne pense-t-il point Qu’il puisse en venir à ce point. Ou s’il craint que tel lui advienne, Il pense, avant que mal le prenne, Qu’il aura le temps d’épargner Quand il lui faudra se soigner, Et s’il ne se soucie d’épargner, Viendront alors le froid, le chaud Ou la faim, qui l’emporteront, Peut-être, pense-t-il, et s’en console, Que tant plus tôt il finira, Plus tôt en paradis ira. Ainsi, comme dit notre maître, Nul n’est misérable, s’il ne croit l’être, Qu’il soit roi, chevalier, ou ribaud.
Maint ribaus ont les cuers si baus, Portans sas de charbon en Grieve ; Que la poine riens ne lor grieve : Qu’il en pacience travaillent Et baient et tripent et saillent, Et vont a saint Marcel as tripes, Ne ne prisent trésor deus pipes *; Ains despendent en la taverne Tout lor gaaing et lor espergne, Puis revont porter les fardiaus Par leesce, non pas par diaus, Et loiaument lor pain gaaignent, Quant embler ne tolir ne l’daignent; Tuit cil sunt riche en habondance S’il cuident avoir soffisance ; Plus (ce set Diex li droituriers) Que s’il estoient usuriers !…
Maints ribauds ont les cœurs si vaillants, Portant sacs de charbon en Grève* (la place de Grève), Que la peine en rien ne leur pèse; Mais ils travaillent patiemment, Et dansent, et gambadent, et sautent; Et vont à Saint-Marceau aux tripes* (en acheter), Et ne prisent trésor deux pipes; Mais dépensent en la taverne Tout leur gain et toute leur épargne ; Puis retournent à leurs fardeaux, Avec joie et sans en gémir, Ils gagnent leur pain avec loyauté, Et ne daignent ravir, ni voler; Tous ceux-là sont riches en abondance, S’ils pensent avoir leur suffisance, Plus riches (Dieu le juste le sait) Que s’ils étaient usuriers ! …
(1)Unité de mesure ancienne.
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : festival, conférences, film-documentaires, histoire de l’art, Salon du Livre, monde médiéval, patrimoine, ministère de la Culture. Evénement : Festival de l’Histoire de l’Art Lieu : Château de Fontainebleau,
Seine-et-Marne, Île-de-France Dates : du 7 au 9 juin 2019
Bonjour à tous,
es 7, 8 et 8 juin prochain, le Festival de l’Histoire de l’Art se tiendra à nouveau à Fontainebleau. Il s’agira de la 9ème édition de ce grand événement, organisé par le ministère de la Culture, l’Institut National d’Histoire de l’Art et le château de Fontainebleau.
Un festival d’exception
autour de l’Histoire de l’art et du patrimoine
Le programme de cette mouture 2019 proposera près de 300 manifestations autour de l’Art et de son histoire : spectacles, expositions, visites guidées grand salon du Livre d’art réunissant plus de 80 éditeurs, mais encore projections de films documentaires, ainsi que conférences et tables rondes. En plus des nombreux chercheurs et experts en Histoire de l’Art ou issus de disciplines diverses (sciences de la nature, sciences humaines, etc …) on pourra y échanger avec des artistes, écrivains, cinéastes, réalisateurs, comédiens, musiciens, o encore architectes.
Cette année, c’est le thème du Peuple qui a été choisi et les pays du nord de l’Europe y seront particulièrement à l’honneur puisqu’ils font partie des invités de choix du festival.
On l’aura compris, l’événement est en soi d’un grand intérêt, mais sur le sujet plus particulier du moyen-âge, vous y trouverez des conférences et projections réunissant des intervenants de grande qualité. En voici un digest.
Les Vikings entre archéologies et mythes
Conférence sur le monde matériel et spirituel Viking. Rapprochement des modes de vies et croyances de ces peuples nordiques avec celles des peuples d’Europe et du Moyen-Orient, du haut Moyen Âge.
Isabelle Bardiès Musée de Cluny Jeanette Varburg Musée National de Danemark
Vendredi 7 juin de 14h à 15h – Château de Fontainebleau
L’église d’Abu Gosh et ses peintures du Moyen-âge central
Au XIIe siècle, une église fut élevée sur le lieu reconnu comme celui de la rencontre d’Emmaüs. Conférence sur ses fresques, réalisées par des artistes byzantins, à destination de fidèles hétéroclites (pèlerins, locaux, moines guerrier, etc…)
Samedi 8 juin de 10h à 11h – Château de Fontainebleau
La tapisserie de Bayeux : mondes vikings et tradition tardo-antique et carolingienne.
Une conférence autour de cette tapisserie de choix pour comprendre l’héritage et les coutumes vikings en Normandie, mais aussi la vie des XIe et XIIe, ainsi que les décors des demeures civiles les plus prestigieuses.
Xavier Barral i Altet, Universités de Rennes et de Venise
Samedi 8 juin de 11h à 12h – Château de Fontainebleau
Les Chansons de troubadours par Yvette Guilbert
Conférence sur Yvette Guilbert, chanteuse de la fin des XIXe/XXe siècle, qui a fait revivre les mélodies et chansons médiévales en les adaptant à la scène pour créer un répertoire hybride propre à séduire le grand public.
Isabelle Ragnard musicologue, maître de conférence Sorbonne
Samedi 8 juin de 17h30 à 18h30 – Château de Fontainebleau
Vie quotidienne, calendriers runiques et fresques d’églises
Au Xe siècle, les Islandais introduisent un calendrier de 52 semaines et 364 jours. Avec le Christianisme, l’Église lui substituera le calendrier Julien. Une conférence sur les systèmes calendaires et runes scandinaves préservés en France, et sur les fresques des églises scandinaves.
Jens Ulff-Meller Colombia University
Dimanche 9 juin de 10h à 11h – Hôtel Aigle noir – Fontainebleau
Film documentaire : Bazin roman
Un peu avant sa mort, le cofondateur des Cahiers du Cinéma, André Bazin entreprit un tournage autour des églises romanes de la Saintonge. Ce documentaire suit les pas du critique et son projet inachevé tout en abordant l’histoire, l’art roman et les paysages.
Projection, suivi d’un, échange en présence des réalisateurs. Marianne Dautrey et Hervé Joubert-Laurencin
Dimanche 9 juin de 14h15 à 16h15 – Cinéma Ermitage
Film documentaire : À la recherche de Vaubeton
Sur les traces de Girart de Roussillon et la bataille de Vaubeton, Michelle Gales parcoure le pays bourguignon et le questionne. La Fête des moissons, les vestiges archéologiques, les pratiques locales peuvent-elles évoquer l’histoire et se réapproprier les légendes ? (voir notre article sur ce documentaire).
Le film sera suivi d’un échange avec Michelle Gales, réalisatrice, et Isabelle Ragnard musicologue, maître de conférence à la Sorbonne
Dimanche 9 juin de 16h15 à 19h00
Cinéma Ermitage, Fontainebleau
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ses formes.