Sujet : événement, fêtes, marchés, festivités, animations médiévales, idées week end, idées sorties, médiévales de Crêvecoeur Dates : du dimanche 31 juillet au dimanche 31 août 2016 Lieu : château de Crèvecoeur en Auge (Calvados, Normandie)
Bonjour à tous,
ous vous souvenez du château de Crêvecoeur en Auge? Nous avions fait un article, il y a quelque temps au sujet d’une émission de télévision qui avait pour théâtre son déroulement. Le jeune et fringant Arnaud Poivre D’Arvor s’y rendait alors, en Visiteur de l’Histoire pour appréhender de plus près, fourche, tenu et coiffe de vilain à l’appui, la vie médiévale en Normandie à la fin de la guerre de cent ans. Et bien pour ceux qui se trouvent dans la région normande et plus précisément dans le Calvados, ou pour ceux encore qui ont encore le loisir de s’y déplacer en ce beau mois d’août, vous pourrez cette fois être au coeur du programme, puisque le château de Crêvecoeur organise durant toute la première semaine d’août, et comme chaque année, ses médiévales.
Le site de Crêvecoeur ce n’est pas seulement un beau château, préservé du temps et porteur de plus de dix siècles d’Histoire à deux pas de Caen, ce sont encore plus de soixante-dix véritables passionnés de moyen-âge et de reconstitutions historiques qui jouent et mettent en scène la vie médiévale de l’époque. Ils sont, dans leur tâche, également soutenus par de véritables spécialistes d’Histoire de ces périodes et prennent le sujet très à coeur. Pendant cette semaine complète de « Médiévales », toute cette joyeuse troupe d’Aficionados se propose de vous ouvrir grand leurs portes pour vous faire partager cette passion. Mais plus que de vous offrir le spectacle du quotidien de ces serfs, artisans, nobles ou seigneurs du Crêvecoeur de 1466, ils ont organisé pour vous de multiples rebondissements et des scènes uniques dont vous pourrez être, tout à la fois, spectateur, acteur et témoin; une véritable aventure donc, étalée sur une large semaine, et qui vous plongera au coeur du XVe siècle et du moyen-âge tardif, avec bien sûr, à l’appui et pour sustenter la grand faim qui ne manquera pas de vous assaillir au sortir de tant d’émotions: ripailles et gastronomie médiévale, le tout incluant pâtisseries et autres gourmandises certainement cuites dans le four banal du château.
En bref, huit belles journées de festivités et de réjouissances médiévales à ne pas manquer si vous en avez l’opportunité! Comme toujours, bien sûr, pour plus d’informations sur l’événement, n’hésitez pas à vous rendre sur le site (web) du château de Crêvecoeur.
Une très belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie réaliste, poésie satirique, auteur, poète médiéval. lecture audio Période : moyen-âge tardif Auteur : François VILLON Musique : Erik SATIE, Gymnopédies lent et douloureux 01, interpréte Daniel VARSANO (distributeur sony classical), Titre : l’épitaphe de VILLON, la ballade des pendus, la prière.
Lecture audio La rencontre de François VILLON et de Erik SATIE
Bonjour à tous,
our être honnête, j’avais dans l’idée de faire quelques lectures de François VILLON et j’y travaille depuis quelque temps mais je m’étais dit que, dans ce cadre, j’irais explorer un peu d’autres textes que la traditionnelle épitaphe ou la ballade des pendus. Même si c’est un texte sublime, il a été, en effet, tellement repris qu’il vaut la peine de faire découvrir un peu autre chose du grand maître de poésie médiévale. Pourtant, en écoutant cette pièce d’Erik SATIE, cette première composition des Gymnopédies « lent et douloureux 01 » du grand compositeur français de la fin du XIXe, XXe siècle, je n’ai pas résisté à oser la rencontre à travers le temps de ces deux maîtres du génie poétique et musical français.
D’un côté, VILLON, seul dans sa cellule, convaincu qu’il n’échappera pas à la corde, cette fois, comme le reste de ses compères ou de sa confrérie. Il ne lui reste, une fois de plus, que sa plume et son immense talent quand il adresse aux hommes et au fils de Dieu, cette dernière prière; c’est celle d’un condamné, une prière solitaire, un legs à travers le temps pour tous les hommes. Et sans doute que cette résignation sublime de VILLON, à ce moment là, donne à ce texte toute sa beauté et cette force incomparable. Dans ces pendus qui se balancent au gibet, il ne s’agit pas seulement ici du point culminant de sa poésie réaliste, il y a aussi ce VILLON qui devient l’un d’eux pour nous adresser en leur nom ce message post-mortem, pour le salut de l’âme, les leurs, les nôtres aussi. Même s’il échappera à la sentence, ce texte de la solitude du condamné, quelque part déjà mort, où transpire aussi toute l’humanité de VILLON restera l’un des mieux connus parce que l’un de ceux qui a le plus marqué les consciences.
De l’autre côté, un Erik SATIE qui fait encore presque ses premières armes à la composition. Nous sommes à la fin du XIXe (1888), plus de cinq cent ans plus tard, Audacieux, connu pour son humour, celui que Debussy qualifia de « musicien médiéval et doux » (1) fut souvent raillé, incompris, et en tout cas pas toujours pris au sérieux de son temps mais son oeuvre demeure, autant que son génie.
Qu’ont-ils en commun? Du facétieux François VILLON et de sa vie de drame, de ses frasques et de sa vie en marge sur le fil des lois, à un Erik SATIE, libre et intransigeant, tout entier dédié à sa musique, mais qui mène une vie discrète et sage et pratique son Art dans l’ascèse et sur une voie que l’on peut presque qualifier de mystique. Une vie dans la marge cela est certain mais encore peut-être le génie et la solitude qui, dit-on, si souvent l’accompagne. Quoiqu’il en soit, cette lecture audio est publiée et je vous laisse juger de leur rencontre.
Une très belle journée à tous! Longue vie!
Fred
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(1) Pour plus d’informations sur l’oeuvre d’Erik SATIE voir l’article de Michel PHILIPPOT (compositeur français (1925-1996)
Sujet : danse, musique médiévale, saltarelle, Trotto, Saltarello Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge Auteur : anonyme Source : Manuscrit Add 29987 British Museum Interprètes : Lyrebyrd Consort
Bonjour à tous,
uelquefois ça ne l’est pas mais aujourd’hui, il se trouve que ça l’est. Quoi donc me direz-vous? Et je vous répondrais Trotto! Non mais je sais bien, n’en rajoutez pas, ce n’est pas comme si c’était moi qui écrivait ce genre d’âneries. Un brin de compassion de grâce! Mais, allons, un peu de sérieux.
Danse médiévale « enlevée » ou sautée, comme on préférera, le Trotto (le trot) est d’origine italienne d’où son nom d’ailleurs. Dans l’esprit, elle s’apparente tout à fait au Saltarello ou à la Saltarelle pour le dire en bon français. Vous vous souvenez? Nous en avons déjà parlé ici: originaire d’Italie, cette danse dynamique à tempo vif se répandit bientôt en Europe où elle fut très populaire à partir du XIIIe siècle. Elle est d’ailleurs encore dansée jusqu’à ce jour dans certaines régions du monde. C’est aussi et d’ailleurs le cas du Trotto. La composition du jour nous provient d’un manuscrit de musiques et de danses toscanes datant de la fin du XIVe: le manuscrit Add. 29987 actuellement conservé au British Museum, mais en attendant d’en parler un peu plus avant, place à la musique!
Trotto du XIVe siècle, auteur anonyme, par Lyrebyrd Consort
Add 29987: un manuscrit de musiques anciennes du moyen-âge
a datation de cet ouvrage reste, à ce jour, imprécise. On la fait remonter entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle mais il contient des compositions qui, pour la plupart, sont datées du début du milieu du XIVe siècle. Elles sont au nombre de cent dix-neuf, dans leur grande majorité polyphoniques et, à trois exceptions près qui sont d’origine française, sont toutes italiennes et en provenance de compositeurs divers. A ce jour, sur l’ensemble du corpus, quatre-vingt deux pièces peuvent être attribuées à des compositeurs connus de l’Italie médiévale, les autres demeurent anonymes.
Entre Ballades et madrigaux qui constituent la majeure partie de l’ouvrage, on trouve aussi dans ce précieux manuscrit de musique ancienne quelques pièces instrumentales classées comme estampie, saltarello, trotto, ou virelais, et même encore quelques pièces liturgiques (kirie, etc…).
J’ajoute, au passage, que c’est du même manuscrit qu’était tiré le Saltarello interprété par le musicien hongrois Arany Zoltán, que nous avions posté il y a quelques temps.
Un mot de la dynastie Médicis, propriétaires du manuscrit
‘ouvrage arbore sur son premier feuillet le blason de la maison des Médicis, ce qui suggère bien évidemment qu’il leur aurait appartenu et qu’ils en auraient même certainement passé commande. Les Médicis furent une grande famille de banquiers et de marchants de Florence que l’habileté et la fortune conduisit jusqu’à la cour des princes et aux couloirs du pouvoir de la fin du moyen-âge à la renaissance italienne. Ils fonderont, notamment, en Toscane une dynastie et seront à la tête d’un duché qui durera plus de deux siècles, de 1537 à 1737.
On se souvient sans doute mieux, en France, du nom de Catherine de Médicis puisque épouse du second fils de François 1er. elle fut reine et régente du royaume de France au milieu du XVIe siècle. C’est aussi durant le règne de Charles IX, son fils, qu’eut lieu le tristement célèbre massacre de la Saint-Barthélémy dont firent les frais les protestants d’alors. Jusqu’à lors, même s’il reste difficile de mesurer l’implication exacte de la reine mère dans les événements, on s’accorde en général à dire qu’elle y fut associée. Quoiqu’il en soit, au delà du rôle qu’ait pu y jouer alors Catherine de Médicis, la monarchie française ne faisait que confirmer là son rejet du protestantisme et son ancrage dans le catholicisme.
Lyrebyrd Consort : les interprètes du jour
Lyrebyrd Consort est une formation australienne qui se dédie aux musiques anciennes. Il n’ont hélas, à ce jour, pas de sites web mais comme ils font partie du Lumina Vocal Ensemble, vous pourrez trouver plus d’informations sur eux et sur leurs musiciens sur cette page. (c’est en anglais par contre).
En vous souhaitant une fort belle journée.
Fred
moyenagepassion.com « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. »Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : poésie, musique médiévale,langue d’oc, occitan, provençal, langues des troubadours Période : du moyen-âge à nos jours Média : vidéo documentaire
Bonjour à tous,
t si on parlait un peu d’histoire des langues sur notre belle terre de France aujourd’hui et notamment du parlé et du chanté des mythiques troubadours provençaux du moyen-âge? Voici donc quelques réflexions et informations sur le sujet, accompagnées d’un documentaire court mais très informatif aux couleurs du Languedoc d’aujourd’hui et de la belle langue provençale d’oc, de ses racines passées à ses plus belles feuilles contemporaines. Nous parlerons ensuite de manière un peu plus précise des troubadours.
Vidéo-documentaire sur la langue occitane
On sourira peut-être à la pensée que c’est à un poète-écrivain Italien du moyen-âge, le grand Dante Alighieri (portrait ci-dessous par Sandro Botticelli, 1495) que l’on doit une des premières mentions de la langue d’oc. Il avait en effet dans son ouvrage « De vulgari eloquentia » (le parler commun ou le parler « vulgaire » au sens commun) classifié les langues romanes suivant la façon de dire « Oui ».: « Oil » au nord, « Oc » au Sud, « Si » en Italie.
Langue millénaire parlée par une bonne moitié sud de la France pendant de nombreux siècles et jusqu’à aujourd’hui dans une moindre mesure, on fait remonter la naissance de l’occitan autour du VIIIe siècle. C’est donc une langue romane qui a aussi des formes dialectales et dont l’espace allait alors de l’Atlantique à la plaine du Pô en Italie, jusqu’au nord du Massif Central et des Pyrénées.
Pour la période médiévale qui nous concerne, on doit, entre autres choses, à la langue d’oc et à ses troubadours la création d’une forme poétique chantée unique en son genre qui comprend, notamment, les grands chants courtois et qui rayonna au delà des frontières occitanes dans le bassin méditerranéen et bien sûr jusqu’au nord de la France où les trouvères qui, eux, s’exprimaient en vieux français et ou plutôt même en langue d’oil, s’en inspirèrent largement.
L’Art des troubadours et la langue d’Oc
au coeur du moyen-âge central
Dans un article sur la question des troubadours (universalis en ligne), Paul Zumthor, romancier et poète suisse, spécialiste de poésie médiévale, nous apprend que l’on dénombrait entre les années 1100 et 1350 et dans la France médiévale, plus de 450 troubadours et plus de 2500 chansons. Ces chiffres donnent la mesure de l’ampleur du phénomène et du berceau de créativité incroyable qu’a été le pays d’oc durant ces périodes. Des artistes, hommes et femmes (les « trobairitz »photo ci-dessous) s’adonnent à cet Art musical et poétique et la « canso » occitane (chanson, vers chantés) connaît son apogée.
Il n’y a pas, alors, dans les chansons des troubadours que les chants d’amour courtois que l’on a souvent retenu. Ces poètes de monde médiéval déclinent, en effet, leur Art sous d’autres formes: polémiques ou satiriques (le Sirventès), ou en forme d’homélie ou de lamentations sur la mort d’un être aimé (le Planh). Fait qui nous en dit encore beaucoup sur les troubadours et l’exercice de leur art, l’absence de notation dans les compositions laisse alors libre champ à l’interprétation de l’artiste sur la rythmique: « le compositeur abandonnait à son interprète le soin de quantifier les temps »(Paul Zumthor. op cité). Au fond, le troubadour et son Art n’existent que face à un public et pour ce public. Dans le même esprit, il y aura aussi les chants improvisés, mais encore les défis poétiques que se lancent entre eux les troubadours pour donner le spectacle. Même si cet leur Art obéit dans l’écriture à des codes, cela reste donc bien une école de la créativité et du jeu.
Les racines et les influences des troubadours et de leurs « cansos » (chansons)
Le plus étonnant de ce phénomène artistique et de ces troubadours qui enflammèrent littéralement le moyen-âge demeure que l’on n’a toujours pas trouvé les traces d’une inspiration claire des formes artistiques uniques qu’ils ont crée; entendez par là qu’historiquement, les formes musicales et versifiées de leur poésie leur sont propres et sont originales, Elles ne semblent pas émerger clairement de quelques copies ou influences « historiques » directes leur ayant pré-existé. On a émis quelquefois l’hypothèse que l’ouverture à l’Espagne musulmane d’alors et certaines formes de poésies soufies aient pu les inspirer mais rien ne permet de l’établir de manière certaine. Il est possible encore que certaines formes musicales sémitiques aient également influencé certains d’entre eux; les communautés juives étant alors nombreuses en France méridionale et médiévale. Quoiqu’il en soit, on reste, face à tout cela, dans le champ des hypothèses et si ce petit monde des troubadours semble bien s’entendre sur des formes artistiques « communes », il demeure relativement hétérogène.
Pour avoir une vision un peu plus complète du tableau, il faut ajouter que ces artistes, qu’ils soient rois, chevaliers, clercs ou même anonymes, avaient souvent, à leur actif, une bonne culture latine. Concernant enfin les formes de l’amour courtois dont ils feront une promotion active, marquant ainsi à jamais notre littérature comme notre culture, l’influence des légendes celtiques de Tristan et Yseult a aussi indéniablement compté au nombre de leurs sources d’inspiration. Cette légende et de nombreux récits autour d’elle seront, en effet, publiés sous plusieurs formes en Europe dans le courant même du XIIe siècle (Angleterre, France, Allemagne) et des troubadours tels que Bernard de Ventadorn (portrait ci-contre, enluminure du XIIIe siècle) ou Raimbaut d’Orange auront tôt fait, dès ce même siècle, de les chanter, en comparant leurs propres amours à celles contrariées des deux amants bretons qui, ne pouvant le faire de leur vivant, choisirent pour s’aimer de se rejoindre dans la mort.
Bernard de Ventadour (Ventadorn), « Tant ai mo cor ple de joya »
Extrait en version originale occitane
« Eu n’ai la bon’ esperansa. Mas petit m’aonda, C’atressi.m ten en balansa Com la naus en l’onda. Del mal pes que.m desenansa, No sai on m’esconda. Tota noih me vir’ e.m lansa Desobre l’esponda. Plus trac pena d’amor De Tristan l’amador, Que.n sofri manhta dolor Per Izeut la blonda. »
Traduction français moderne
« j’ai le coeur si plein de joie »
« Je garde bonne espérance, – Qui m’aide bien peu – Car mon âme est balancée Comme nef sur l’onde. Du souci qui me déprime Où m’abriterai-je? La nuit il m’agite et jette Sur le bord du lit : Je souffre plus d’amour Que l’amoureux Tristan Qui endura maints tourments Pour Iseult la blonde. «
Bernard de Ventadour ou Bernard de Ventadorn (1145-1195)
Quelques réflexions hors champ
pour élargir un peu sur le mythe de Babel
« Une langue différente est une autre vision de la vie »
Federico Fellini
Pardonnez-nous la digression qui va suivre mais tout cela nous donne l’occasion de parler un peu de l’apprentissage des langues en général parce qu’au delà de l’appellation « langue régionale » qui semble quelquefois reléguer le débat à quelques documentaires aux heures de peu d’écoute de France 3, il faut se souvenir que plus qu’un assemblage de mots, chaque langue cache d’infinies richesses, un monde de représentations, une façon d’être au monde et de le percevoir. Un mot, un vocable, ne désigne pas seulement la chose mais il l’a crée aussi ou lui donne corps. Chez les touaregs et l’exemple est connu, il existe de nombreux mots pour désigner le sable parce que l’observation et la connaissance de leur milieu de vie les ont conduits à percevoir des nuances là où l’étranger n’y voit goutte (vous me direz dans un désert, cela peut se comprendre). Quoiqu’il en soit, il en est de même pour les choses comme pour les sentiments ou les représentations du monde. Contre toutes idées reçues, apprendre une langue, quelle qu’elle soit, ne sert jamais à rien.
On peut, quelquefois, avoir la tentation de souhaiter une certaine fin de Babel, en rêvant d’un monde où nous pourrions tous « enfin » nous comprendre: une langue unique, un esperanto, mais il suffit, en général, d’imaginer que nous perdions notre propre langue maternelle au détriment d’une autre (l’anglais par exemple) pour comprendre combien se diluerait avec cette perte toute une vision des choses, des sentiments, du monde. Fort heureusement, l’homme est un animal linguistique et il n’y a jamais rien eu d’incompatible à apprendre un idiome commun tout en gardant le sien. Louons donc le bilinguisme, le trilinguisme, le quadrilinguisme et plus pourquoi pas, puisque nous en sommes tout à fait capables pour peu qu’on nous en laisse la possibilité.
De tout temps, la lutte des sociétés aux pouvoirs centralisées (et elles le sont désormais toutes), contre leurs langues intra-muros, a toujours été bien plus politique que fondée sur la capacité des hommes à apprendre et manier plusieurs langages. Le dire ne casse pas trois pattes à un canard, ni ne révolutionne l’usage du fil à couper le beurre, mais ce n’est jamais tant la facilité des échanges que l’on cherche que l’uniformisation des consciences: la langue unique, le citoyen unique et finalement, allons-y, à l’heure de la mondialisation, le marché unique. Une seule étiquette pour tout le monde sur les pots de Yaourt, le bonheur enfin! J’ironise à peine mais, encore une fois, tout cela n’est pas vraiment un projet culturel pour l’homme et n’en prend, en tout cas, jamais la forme (ci-dessus illustration tirée du célèbre film The Wall des Pink Floyd). D’ailleurs, dans les régions où les identités culturelles se défendent encore pour ne pas s’éteindre, les détracteurs l’ont bien compris puisqu’ils en prennent le contre-pied en défendant leur langue d’une manière qui pourrait même, parfois, dérouter le visiteur, quand ce n’est pas le compatriote. Imaginez que je parle français mais que quand vous m’adressiez la parole je vous réponde en Limousin, vous percevrez un peu mieux mon exemple. Il faut vivre quelque temps à Barcelone et en Catalogne pour comprendre tout cela mais du même coup, comprendre un peu mieux aussi le Quebec. Il faut encore rencontrer les indiens Bribri du Costa Rica ou d’autres endroits pour comprendre que les priver de leur langue revient à les priver de leurs racines, de leur histoire et de leur identité profonde. Ils l’ont compris d’ailleurs et se remettent à l’apprendre et à l’enseigner à leurs enfants, en plus de l’Espagnol, comme quoi encore une fois, cela n’est pas incompatible.
Comment défendre son identité culturelle sans défendre sa langue dans un contexte qui l’oppresse? C’est une question très difficile même si contre le repli, il faut sans doute mieux plaider pour l’ouverture. Apprendre les langues du monde et conserver la sienne?Inviter l’autre à découvrir sa propre langue et, avec elle, s’ouvrir à un monde insoupçonné? Encore une fois, rien d’impossible!
Pour revenir au monde médiéval, Roger Bacon, le célèbre savant et érudit du XIIIe siècle nous disait déjà que «la connaissance des langues est la porte de la sagesse». Avoir la chance ou le privilège d’apprendre une langue étrangère à la sienne est une richesse que l’on mesure souvent, une fois l’étape franchie mais à n’en pas douter, les vraies richesses des hommes sont nichées dans leurs cultures et de leurs différences, et qu’on le veuille ou non, tout cela passe par leur langage. C’est aussi cela qui a fait, depuis des millénaires, marcher le monde et avancer l’humanité. Au fond, Babel est peut-être aussi un défi merveilleux qui recèle d’infinis trésors. Il faut aimer les langues et les cultures si l’on aime les hommes et il faut les aimer, même si c’est difficile quelquefois, car ils en ont besoin et n’ont peut-être, au fond même, que ce seul vrai besoin là.
Une belle journée à tous!
Frédéric EFFE
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