« La vache, ça a une sale tête votre truc! On dirait presque qu’il y a un genre de dragon qui s’est fait les griffes sur votre dos… Et là quand j’appuie ça fait mal? hmm, je vois.. Et quand j’arrête d’appuyer? D’accord… Et quand j’appuie à nouveau? Oui, forcément… Je sais pas pourquoi je demande… Pardon? Pourquoi je ré-appuie si j’le sais déjà ? Non mais cherchez pas trop non plus, c’est des trucs de professionnels ça, vous pouvez pas comprendre. Bon mais, par contre, ça se confirme, va falloir diminuer l’auto-flagellation pendant un temps quand même. »
Anonyme,
La médecine médiévale au monastère, Citations oubliées.
Mieux vaut honneur que honteuse richesse, une ballade d’Eustache Deschamps
Sujet : poésie médiévale, poésie satirique
Auteur : Eustache Deschamps, dit Morel (1340-1405)
Période : Moyen Âge central, XIVe siècle
Titre : Mieux vault honeur que honteuse richesce.
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous avons le plaisir de vous présenter Eustache Morel dit Eustache Deschamps, un autre grand poète du Moyen Âge: Enfant du XIVe siècle, témoin de son temps, on l’inscrit volontiers dans la lignée de l’archipoète, de la poésie goliardique ou de Rutebeuf, et de la poésie sociale et satirique des XIIe, XIIIe siècle. On verra même, quelquefois, dans son œuvre et à travers ses réflexions ironiques ou morales sur les événements qu’il traverse, l’annonce de l’œuvre de François Villon et même encore de Charles d’Orléans.
Quand on se penche un peu sur la biographie de ce poète médiéval, on semble loin, pourtant, de la marginalité des clercs goliards, de la misère sociale du jongleur Rutebeuf, ou même encore, des frasques et des déboires judiciaires de François Villon. Durant la majeure partie de sa vie, Eustache Deschamps sera un « petit officier de la cour royale », comme nous le désigne Daniel POIRION (dans son article sur la poésie lyrique sur universalis), et restera proche du pouvoir qu’il représente ou qu’il défend.
Successivement écuyer, messager royal (chevaucheur) et huissier d’armes affecté à la garde du roi Charles V (portrait ci-contre), il sera même, à l’automne de sa vie et sous le règne de Louis d’Orléans, nommé trésorier du fait de justice. Résolument attaché à la cour des rois, avec des positions variables en fonction des souverains au pouvoir, Eustache Deschamps côtoiera également Guillaume de Machaut, clerc, trouvère et poète qui aura une grande influence sur la codification des formes poétiques et musicales de son temps, voie dans laquelle, pour la poésie au moins, Eustache le suivra, se réclamant même de son influence.
L’art de la poésie chez Eustache Deschamps:
une musique naturelle et innée
Ce poète médiéval prolifique nous a laissé plus de mille cinq cent poèmes dont près de mille ballades, mais aussi des fables et 82 000 pieds de vers pour approcher le Moyen Âge central et le XIVe siècle finissant.
Il marquera sa différence avec les auteurs qui l’entourent de deux manières. D’une part, il entend approcher résolument la poésie dans sa musicalité propre et l’affranchir ainsi du chant et de la musique: la poésie possède un musique naturelle propre, opposée à la musique qui a un musicalité écrite et artificielle. Cette dernière est apprise, l’autre est innée et on la possède ou non. Dans son approche rhétorique et dans son ouvrage « Art de Dictier » (1392-1393), Eustache Deschamps contribuera encore à codifier les règles de l’écriture poétique en langue vernaculaire. A la différence des Goliards qui prisaient le latin, il fera partie de ces clercs qui veulent mettre à la portée de tous la poésie et la langue française de son temps.
D’autre part, là où l’amour courtois et les petits malheurs (ou les grands drames) qu’il occasionne chez ses contemporains semble leur fournir d’inlassables prétextes à l’écriture autant que, hélas, en épuiser l’exercice, Eustache Deschamps s’y soustraira dans quelques-uns de ses poèmes, mais s’en affranchira aussi totalement dans la grande majorité des autres. Ainsi, il laissera en héritage, des textes plus volontiers tournées vers l’observation de son temps où la critique et la satire l’emportent.
Mieux vaut honneur que honteuse richesse,
Eustache Deschamps, Ballade du XIVe
Nous vous présentons aujourd’hui un très beau texte de cet auteur du XIVe siècle qui, même s’il nous vient du monde médiéval, fait souffler un vent salutaire sur certaines valeurs dévoyées de notre monde moderne. « L’argent n’a pas d’odeur », dit-on ? Et bien, nous aurons ici,avec Eustache Deschamps, l’outrecuidance de prétendre le contraire .
Qui puet vivre de son loial labour,
De l’art qu’il a, ou de sa revenue
Sans excéder, il vit a grand honour,
Car sa vie est de tous bonne tenue,
Puis qu’il ne toult (vole), qu’il ne ravit ou tue
Et que tousjours a loyaulté s’adresce,
N’acquierre jà chevance malostrue* :
Mieulx vault honeur que honteuse richesce.
(* ne gagne rien de façon malhonnête)
Car riches faulx n’a fors que deslionour,
En un moment est sa terre perdue,
Et ses péchiez fait muer sa coulour.
Que l’en perçoit (en voyant) sa grant desconvenue ;
Il n’ose aler teste levée et nue
Pour son meffait, ainz vers terre s’apresse,
Mas (Mat) et honteus comme une beste mue:
Mieulz vault honnour que honteuse richesce.
Car puis qu’uns homs ara fait un faulx tour,
Monstrez sera au doit parmi la rue ;
Et lors ne fait que quérir un destour
Pour lui mucier, car son pechié l’argue**
Povres loyaulx lient son chief vers la nue
Homme ne craint, car honte ne le blesce.
Geste chose soit de tous retenue :
Mieulz vault honeur que honteuse richesse.
(** Pour se cacher, car son péché l’accuse)
Envoi
Princes, prodoms puet de nuit et de jour
Aler partout. Sa teste lieve et dresce.
Mais desloiaulx ne quiert que tenebrour :
Mieulx vault honour que [honteuse] richesce.
Une très belle journée à tous me amis, que la joie accompagne chacun de vos pas.
Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »
L’inspiration de la poésie de François Villon hors de France
Sujet : François villon, poéte médiéval, poésie médiévale, résonances poétiques.
Titre : la prière, hommage à Villon
Auteur : Bulat Okudžava (ci-contre) (1924-1997)
Interprète : Eugenio Finardi
Bonjour à tous,
ul n’est prophète en son pays, nous dit une paraphrase de l’évangile, et pour y faire écho, il semble que François Villon ait été longtemps plus connu ou prisé en Angleterre, en Russie, et hors des frontières de la France que dans notre propre pays. Certes, Brassens et d’autres artistes ont depuis ouvert la voie, et c’est heureux car l’héritage poétique de François Villon est unique et mérite grandement qu’on le reconnaisse à sa juste valeur.
Du même coup, nous publions aujourd’hui une autre version de la « prière de François Villon » que le poète et chanteur Boulat Okoudjava, souvent appelé le « Brassens » Russe, avait dédié en 1963 à notre beau poète médiéval. Ce n’est donc pas un texte de Villon mais un bel hommage rendu à sa poésie, à son parcours et surement encore à la prière qu’il adresse à tous les hommes dans la ballade de pendus. C’est cette fois le chanteur milanais Eugenio Finardi (en photo ici) qui l’adapte de belle manière. Pour ceux qui ne parlent pas l’italien, je pense que l’émotion passera tout de même, d’autant que l’Art graphique que présente cette vidéo est un pur joyau. En bref, il n’en fallait pas plus pour que cette version trouve sa place ici.
Les paroles de la prière en français
Tant que la terre tourne encore, tant que le jour a de l’éclat,
Seigneur, donne à chacun de nous ce qu’il n’a pas :
Donne au sage une tête, un cheval au peureux,
Donne à l’homme heureux de l’argent… et pense à moi un peu.
Tant que la terre tourne encore, Seigneur, elle est en ton pouvoir !
Donne à qui veut régner l’ivresse du pouvoir,
Donne, au moins jusqu’au soir, repos au généreux,
A Caïn le remords… et pense à moi un peu.
Je sais : pour toi tout est possible, et je crois en ton sage esprit,
Comme un soldat mourant croit en ton Paradis,
Comme croit chaque oreille à tes propos de paix,
Comme à soi-même on croit, sans savoir ce qu’on fait !
Seigneur Dieu, mon Seigneur, toi dont l’œil vert rayonne,
Tant que la terre tourne encore et soi-même s’étonne,
Tant qu’il lui reste encore et du temps et du feu,
Donne à chacun sa part… et pense à moi un peu.
La Preghiera di François Villon en Italien
Finché questa terra palpita
E il sole luce ci dà
Signore, ogni uomo accoglilo
Per dargli ciò che non ha
Regala un cavallo al pavido
E offri un motivo al perché
Dai del denaro al prodigo
E poi non scordarti di me
E poi non scordarti di me
Finché questa terra circola
Signore è in tua facoltà
Dai all’ambizioso il suo carico
Di forza e di autorità
Lascia il respiro al magnanimo
Lasciagli l’alba che c’è
Dona a Caino il rammarico
E poi non scordarti di me
E poi non scordarti di me
Per te ogni cosa è facile
Io credo alla tua verità
Come il soldato esanime
Crede nell’aldilà
Come ogni orecchio docile
Crede a ogni cosa di te
Come crediamo nel prossimo
Senza saper il perché
Come crediamo nel prossimo
Senza saper il perché
Senza saper il perché
Signore, ti prego, guardaci
Col verde sguardo che hai
Finché questa terra circola
Senza adattarsi mai
Finché ancora le bastano
Tempo e fuoco che ha in sé
Dai a ciascuno il suo obolo
E poi non scordarti di me
Dai a ciascuno il suo obolo
E poi non scordarti di me
E poi non scordarti di me.
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Une merveilleuse journée à tous!
Fred
Lecture audio : la housse partie, fabliau médiéval du trouvère Bernier, XIIIe siècle
Sujet : fabliau médiéval
Titre : la housse partie
Auteur : le trouvère Bernier
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Média : lecture audio, vidéo utube
Bonjour à tous !
‘espère que tout va bien de votre côté du monde et que la vie vous apporte chaque jour un peu de ce bonheur ineffable qu’il est quand même difficile de connaître sans être vivant. Nous vous proposons aujourd’hui une lecture audio du fabliau « la housse partie » du trouvère Bernier pour replonger encore dans la musique de cette langue médiévale et de ce vieux français, si loin et si proche de nous, à la fois.
« Où qu’elle est la housse partie? »
Alors, par contre, autant quand même le préciser d’entrée de jeu, si vous venez juste par hasard d’atterrir sur ce blog dédié au monde médiéval, cette « housse partie » n’a pas grand chose à voir avec une réunion de gens bizarres, éventuellement amateurs de psychotropes et qui dansent pendant plusieurs jours de suite, dans un champ, sur des rythmes endiablés. En plus, ça ne s’écrit pas du tout pareil, donc bon… Pour être clair, la housse partie dont il s’agit ici est un fabliau et pas du tout un festival techno, dont le titre signifie « la couverture coupée en deux ». Du coup, autant être honnête, pour ceux qui sont peut-être là par hasard, à la suite d’une erreur de frappe dans google, à la recherche de l’adresse du prochain festival rave underground qui déchire, ça risque d’être un peu compromis, mais bon, si vous en êtes, restez quand même, ça ne mange pas de pain, en plus nous avons mis une musique qui pète à la fin de la vidéo.
Les chiens, le cinéma chinois et un ouzbek problématique.
our le reste, afin de ne pas trop corser l’exercice et parce que c’est bien aussi pour apprendre, cette fois-ci, les deux versions vieux françois et français moderne sont présentes dans la vidéo. Cela permet encore de se rendre compte que le français médiéval et le français moderne sont quand même des langues plus proches entre elles que l’ouzbek ne l’est du pékinois (le langue pas le chien) et je dis ça bien sûr sans animosité aucune. J’ai toujours aimé les chiens, j’adore le cinéma et la cuisine chinoise. Bon, tant pis, avouons-le, concernant mon niveau d’ouzbek, il plafonne par contre résolument à des niveaux voisins de zéro, voir de moins un, ce qui aurait surement le mérite de déclencher l’hilarité de plus d’un local, même s’il n’est pas dans mes projets immédiats de me rendre en terre Ouzbek.
Tout cela étant dit, pour plus d’informations sur l’histoire de ce fabliau, agrémentées de quelques âneries maison, vous pouvez aussi consulter l’article et l’adaptation en vers de la Housse partie que nous avions publié, il y a quelque temps.
Une longue vie et beaucoup de joie à tous!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« A la decouverte du monde médiéval sous toutes ses formes »