« Sauf tout le respect que je vous dois, mère, j’ai rien dit quand vous m’avez casé avec ma future épouse, ça va encore que c’est pas trop mal tombé… J’ai rien dit NON PLUS, l’autre jour, quand vous avez débarqué en pleine nuit dans la piaule, sans frapper, à un moment plutôt mal choisi… Bon, mais je préfère ne pas trop m’étaler là-dessus, parce que ça me file des nausées à chaque fois que j’y repense. Bref… J’ai rien dit ENCORE quand vous m’avez forcé à reprendre deux fois de la tortilla aux gambas et du porcelet rôti à table, ce midi. Passons là dessus aussi. Mais par contre, je vous le dis tout net, sur ce coup là, c’est NON! Je bougerai pas d’un poil! Il est hors de question que je porte ce pull et ce bonnet de laine que vous m’avez tricotés, je partirai en croisade avec ma petite cape bleue brodée de Lys un point c’est marre! En plus, j’sais pas si vous êtes courant mais bon l’Egypte, niveau climat, c’est pas non plus les terres vikings…
(…) Ho! Mais vous faites quoi là au juste De Joinville! Arrêtez-ça tout de suite! Non, c’est pas la peine de noter ça, non. Ne vous sentez pas obligé de tout noter non plus, aussi, mon vieux… »
Saint Louis à Blanche de Castille.
(enfin il paraîtrait que)
« Non mais ne vous embêtez pas avec ça, Madeleine. C’que vous faites, vous avez qu’à le poser là, pour l’instant. J’le rangerai plus tard » Joseph d’Arimathie, Autour de l’an 33.
Sujet : poésie et chanson médiévales goliardiques, Troubadours modernes Style : rock néo-médiéval Titre :Estuan Interius, les confessions de l’Archipoète, les confessions de Golias. Période : XIIe siècle, Moyen Âge central Interprétes : Corvus Corax. (XXe!)
Estuans Intrinsecus (Interius), les confessions de l’Archipoète de Cologne.
Bonjour à tous
ous restons, ici encore, en compagnie de la poésie médiévale des Goliards, pour, cette fois, présenter le poème médiéval Estuans Intrinsecus, que l’on connait encore sous le nom de confessions de l’Archipoète, ou confessions de Golias.
Cette fois-ci, l’interprétation moderne et musicale de ce texte ne va pas du côté de Carmina Burana de Carl Orff, même si c’est dans le même ouvrage qui avait inspiré la cantate du compositeur allemand que cette poésie a été retrouvée, et même si on peut supposer que c’est par le biais que le groupe Corvus Corax, également allemand, l’a découvert. Avec cette interprétation des confessions de Golias, nous nous éloignons donc clairement des orchestrations de Carl Orffpour partir à la découverte d’une version résolument « rock néo-médiéval » qui part dans des accélérations qui ne vont pas sans rappeler certains titres de la troupe des compagnons du Gras jambon. Au fond, remis au goût musical du jour, le contenu de cette poésie qui nous conte la vie d’un poète vagabond en révolte s’y prête assez bien.
Estuans Interius ou Estuans Intrinsecus est donc un chant profane latin qui s’inscrit totalement dans la tradition goliardique et la poésie des Goliards. On dit d’ailleurs de son auteur, l’Archipoète de Cologne, qu’il était un immense poète du XIIe siècle et du moyen-âge central et on le désigne même souvent comme un des maîtres de cette tradition littéraire satirique.
Une version signée de Corvus Corax
Qui est l’archipoète ou plutôt qui n’est-il pas?
On rapproche quelquefois l’archipoète de Hugues Primat, autre poète médiéval quelque peu mieux connu. On a même pu dire qu’il n’était qu’une seule et même personne, seulement voilà, il demeure également de nombreux points d’interrogations sur la vie et l’identité réelle de ce Hugues « Primat » et le fait qu’il ait pu cacher comme seconde identité et signature celle de l’archipoète n’est confirmé, au final, presque nulle part: il y a, pourtant, il est vrai, des parentés troublantes entre ces deux personnages que l’on attache, de manière égale, à la tradition goliardique.
Tout d’abord, les deux hommes sont contemporains ; l’archipoète a supposément vécu entre 1130-1167 et Hugues « Primat » (d’Orléans?) en 1095-1160, même si l’on date, avec encore quelques incertitudes, la chanson Estuans Intrinsecus de 1162-1164, date à laquelle Hugues Primatest supposé être déjà décédé. On reconnaît, aussi, aux deux auteurs un don véritable et un talent égal pour la poésie en latin. Primat était, en effet, au même titre que l’Archipoète, un surdoué du verbe; certaines chroniques du XIIIe siècle (rédigées donc près de cent ans plus tard, ça part mal…) reportent de lui qu’il était un « grand truand et grand farceur, et surtout grand versificateur et improvisateur » et ne tarissent pas d’éloges sur sa capacité à improviser et son aisance avec les mots et les vers (1). En même temps, deux grands poètes peuvent être contemporains, cela s’est vu et ne prouve, au final, pas grand chose.
Au titre des « similitudes » encore, on ajoute souvent à notre mystérieux Archipoète, la « particule » de Cologne, car on le disait alors protégé par Reginald Von Dassel, archevêque de Cologne et chancelier de Frédéric Barberousse(ci-dessus portrait de Frédéric 1er, Barberousse)(2)Concernant Hugues Primat, certains textes anciens affirment qu’il était chanoine de Cologne, mais en d’autres endroits, d’autres soutiennent qu’il était chanoine d’Orléans. Nous voilà donc bien avancé. D’une certaine manière, on comprend les tentations qui ont pu voir le jour, à un moment donné, de ranger ces confessions de Golias sous le corpus de Hugues Primat et de lui en attribuer la paternité, mais il reste que sur le papier, rien n’est sûr du tout.
Quand les auteurs se changent en corpus
Manuscrit de Maître Ermengaut. « Bréviaire d’amour », fin du XIIe siècle. Bibliothèque royale de Madrid. (un peu remanié, je l’avoue, l’original n’a pas de trous)
Concernant ce type de regroupement d’un corpus de textes sous un même auteur, il n’est, hélas, pas rare qu’on ait procédé de la sorte à un certain moment, soit par confusion, soit par commodité. On l’a fait avec de nombreux auteurs du passé et les plus célèbres d’entre eux, au moins. L’Histoire n’en est d’ailleurs sans doute pas l’unique responsable. « On ne prête qu’aux riches », dit-on, mais pour rester dans l’étymologie de l’usure, il faut avouer que c’est parfois usant, même si les historiens du XIXe et le XXe siècles ont contribué à démêler un certain nombre de malentendus.
Au final, dans son article sur Hugues Primat (qui n’est donc pas l’archipoète de Cologne jusqu’à ce que des sources fiables établissent le contraire), l’historien du XIXe siècle Léopold Delisle(portrait ci-contre) va même d’ailleurs jusqu’à désintégrer pratiquement Hugues Primat, l’homme à défaut du poète, pour en faire une sorte de mythe archétypal ou disons au moins, un « nom » sous lequel les étudiants ou les Goliards, ces clercs insubordonnés du XIIe siècle , « rangeaient », en quelque sorte, les textes goliardiques : « C’est un type légendaire, c’est la personnification de l’écolier farceur et quelque peu mauvais sujet » (sic). Et voilà, cette fois, voilà un auteur dissout totalement dans un corpus !
L’archipoète de cologne, un grand maître de la poésie goliardique
Pour revenir à notre archipoète, il semble bien que notre homme, si grand fut-il, ait souhaité rester anonyme ou le soit, de fait, demeuré. Dans le contexte de l’époque, on peut, cela dit, supposer et comprendre qu’une certaine prudence des poètes goliardiques ait pu être de mise, au moment de signer de leur main certaines de leurs poésies ou chansons. Concernant son oeuvre, on lui connait peu de textes, le plus célèbre à ce jour restant ces confessions reprises par Carl Orffdans la cantate Carmina Burana, et par quelques autres troubadours modernes dont notre groupe allemand (décapant) du jour.
Quel que soit l’homme qui se cachait derrière cette mystérieux plume, et espérant que l’Histoire fasse un peu plus de lumière sur lui, à la faveur de nouvelles découvertes, les critiques restent unanimes à louer son style, son rythme & son verbe latin. L’encyclopédie Larousse va même jusqu’à reconnaître qu’il est sans conteste un des grands maîtres de la poésie médiévale des goliards : « ses compositions sur des sujets politiques ou satiriques font de lui un des maîtres de la poésie latine rythmique et portent la tradition poétique des clercs errants à son apogée. » (3).
De fait, outre la beauté du texte, ces confessions de l’Archipoète font l’effet d’un véritable manifeste de l’esprit des goliards et reflètent bien l’inspiration qu’ont suivi ces clercs insoumis ou ces étudiants qui prirent la route pour se laisser aller à l’hédonisme, aux plaisirs d’une vie au jour le jour, mais aussi au vagabondage, dans le courant du XIIe siècle.
Voilà donc notre poète médiéval, vagabond, errant et insubordonné, son « manifeste » parvenu jusqu’à nous, et qui peut, encore aujourd’hui et pour certains, faire figure d’ancêtre lointain aux premiers poètes « maudit ». Et l’on n’est pas surpris de voir que l’on attache à son nom celui d’un François Villon, d’un Rutebeuf, mais encore d’un William Blake et d’autres de nos poètes contemporains. Avec le vent de liberté qui y souffle, ces confessions, devenue un véritable symbole de la poésie satirique des goliards du XIIe siècle, demeurent comme le lointain témoignage d’une volonté de s’affranchir des normes et la bienséance sociale et, pour être resté anonyme, on est bien forcé de constater que notre archipoète n’en est pas moins entré, à sa manière, dans la postérité!
Estuans intrinsecus (interius) traduction paroles latines originales et version française
Ne nous en veuillez pas mais nous avons fait à notre habitude. Il existe de très belles et très allégoriques traductions de cette poésie, du côté des anglais notamment ( voir The Wandering Scholars of the Middle Ages, de Helen Waddell), mais elles demeurent presque totalement intraduisibles sans être revisitées totalement, ce qui les éloignerait encore d’autant du texte original. On trouve encore sur le web une très jolie version du côté belge (André Wibaux). Fortement remaniée, elle se présente plus comme une poésie à part entière, inspirée de l’originale. Du côté français, il existe encore quelques traductions plus littérales mais hélas peu convaincantes. Alors face à tout cela, nous avons décidé de vous proposer, en toute modestie, notre propre adaptation de ces confessions de Golias et cet Estuans intrinsecus; l’idée étant d’approcher le sens originel de cette poésie, nous n’avons pas cherché la rime à tout prix. Nous y reviendrons sans doute plus tard; un peu comme un bon vin, il faut toujours un peu de temps pour s’approprier une poésie.
ira vehementi in amaritudine loquor mee menti: factus de materia, cinis elementi similis sum folio, de quo ludunt venti.
Colère Bouillonnante aux relents amers Je vous livre ma pensée: Moi qui suis fait de matière, élément de poussière, Je suis semblable à la feuille dans le vent joueur.
Cum sit enim proprium viro sapienti supra petram ponere sedem fundamenti, stultus ego comparor fluvio labenti, sub eodem tramite nunquam permanenti.
Comme il est approprié pour un homme sage, d’asseoir sur pierre solide fondations et bases, Je suis, quant à moi, un fou un ruisseau sauvage, suivant le même trajet sans jamais dévier.
Feror ego veluti sine nauta navis, ut per vias aeris vaga fertur avis; non me tenent vincula, non me tenet clavis, quero mihi similes et adiungor pravis.
Navire sans matelot Je vais, je dérive, et, dans l’air, comme l’oiseau me laisse porter, Nulle chaîne qui me tienne, Nulle clef qui me lie, Je cherche ceux comme moi Et rejoint leurs meutes.
Mihi cordis gravitas res videtur gravis; iocus est amabilis dulciorque favis; quicquid Venus imperat, labor est suavis, que nunquam in cordibus habitat ignavis.
La gravité de mon cœur m’est trop lourd fardeau; plaisanter plus agréable, plus doux que le miel. Que Vénus me commande et la tâche est douce, car elle n’habite jamais dans le cœur des faibles.
Via lata gradior more iuventutis inplicor et vitiis immemor virtutis, voluptatis avidus magis quam salutis, mortuus in anima curam gero cutis.
Je vais sur la large route, en pleine jeunesse, Me laissant aller au vice oubliant ma vertu, Avide de voluptés, Plus que de Salut; Et si mon âme est perdue Je soigne ma peau.
Bonne journée!
Fred pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : documentaire moyen-âge, divertissement, lieux d’intérêt, Châteaux, reconstitution historique. Titre : les visiteurs de l’Histoire à la fin du moyen-âge Période : bas moyen-âge, XVe siècle, année 1450 Lieu : Château de Crèvecoeur, Normandie Média : vidéo, série télévisée Chaîne de télévision : France 5Année : 2012
Un voyage dans les couloirs du temps
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous postons un petit documentaire vidéo, léger et divertissant. Il concerne, bien entendu, le monde médiéval et nous propose un voyage dans le temps, à la fin du XVe siècle, en 1450.
Ce programme télévisuel fait partie de la série « les visiteurs de l’Histoire » diffusée par la chaîne de télévision France 5, dans le courant de l’année 2012. Dans cette série, nous suivons Arnaud Poivre d’Arvor, innocent (et presque ingénu) visiteur de l’Histoire, à la découverte de différentes périodes du passé. En l’occurrence dans cet épisode, il part explorer le château de Crèvecoeur en Auge, en Normandie, lieu d’attraction et d’intérêt historique qu’un petit groupe de passionnés a décidé d’animer et de faire revivre (photo ci-dessous). Rebaptisé, pour l’occasion, Arnaud « de passage », Arnaud Poivre d’Arvor investira les lieux, le temps de deux journées, en se glissant dans la peau d’un paysan du XVe siècle.
L’ingénu et l’historien
Chers puristes amateurs, historiens affranchis, ou passionnés d’Histoire, à la recherche du détail pointu et peut-être même, de la qualité académique, ne voyez dans ce programme télévisuel qu’un divertissement et jugez-le, s’il vous est possible, sans élitisme, et pour ce qu’il est.
Bien sûr, nous même aurions, sans doute, aimer voir un Arnaud Poivre d’Arvor moins innocent sur la période qu’il visite, pour qu’il aille plus loin dans la pertinence de ses questions et de son observation, mais tout le concept est là justement, qui consiste à opposer la « naïveté » de ce « visiteur de l’Histoire », au monde et à l’époque dans lesquels il se retrouve transporté. L’émission entend donc garder un ton léger et tirer partie de cette distance entre celui qui ne sait pas et l’univers auquel il se confronte. Elle se destine, à l’évidence, à une audience large et qui connait peu ces sujets, et entend aussi englober le public jeune dans ses visées; il s’agit donc, bien entendu, d’un positionnement voulu. Les réactions innocentes « face camera » de ce « Arnaud de passage », lui permettent, ainsi, de poser les questions que chacun pourrait se poser. Un peu moins d’innocence aurait, sans doute, permis de mieux creuser ce monde médiéval dans lequel ce programme nous invite et de mieux satisfaire notre curiosité insatiable pour le moyen-âge, mais il en faut pour tous les goûts. Le double objectif du ludique et du divertissement est, en tout cas, atteint, puisque l’ensemble se révèle, à la fois, drôle et instructif. (ci-contre photo de Arnaud Poivre d’Arvor à la paille et à la charrette)
A la décharge de notre innocent visiteur, on s’attend peut-être, aussi, face au nom qu’il porte, à une filiation plus marquée d’un point de vue journalistique, mais il faut bien qu’il s’en démarque. Injustice de l’héritage qu’il faut porter, quelquefois, malgré soi, à brûle- pourpoint, sans doute, serions-nous tenter d’en exiger moins d’un parfait inconnu, mais comment l’en rendre comptable? Il joue ici au visiteur, découvreur de l’histoire, pas au journaliste averti. Pour juger ce programme sur les ambitions qu’il affiche – une émission « ludique et instructive » de divertissement et de sensibilisation sur des thèmes historiques -, il faut bien reconnaître que la drôlerie naît justement de cette ingénuité étonnée qu’Arnaud Poivre d’Arvor nous livre, autant dans ses gestes que dans ses questions, face aux choses qu’il découvre. Au fond, cette humilité et cette candeur nous le rendent aussi drôle et sympathique et on finit par passer un bon moment en sa compagnie (et celle de son chapeau).
Derrière l’émission, il faut encore rendre tribut à Serge Tignères, son auteur, par ailleurs journaliste, écrivain, réalisateur et Docteur en Histoire, pour les garanties qu’il nous offre dans son approche des sujets et des contextes historiques. Si le visiteur de passage est innocent, les mondes dans lesquels ce passionné d’Histoire nous transporte sont approchés avec beaucoup de sérieux et très bien documentés.
Les visiteurs de l’Histoire en 1450
Sur la pertinence historique
D’un point de vue historique on pourra toujours ergoter sur certains menus détails, mais ce documentaire souligne, tout de même, certains points pertinents qui sont fidèles à ce que l’Histoire médiévale récente nous enseigne.
Fin de la guerre de Cent ans, dépopulation et émancipation relative des paysans
Durant cette période médiévale, une forme de dépopulation, née de la guerre de cent ans, est en train de changer la donne entre paysans et seigneurs. C’est un phénomène qui n’est pas du qu’à la guerre de cent ans mais qui a aussi émergé avec les épidémies de grande peste du XIVe siècles et les énormes ravages occasionnés sur les populations. D’après les données historiques actuelles, on considère qu’entre le XIVe et le XVe siècles durant laquelle la peste sévit, entre trente et cinquante pour cent de la population aurait été décimée. Dans le siècle qui va de 1340 à 1440 seulement, on mentionne, dans certaines sources, une dépopulation de la France supérieure à 40%. Entre la guerre de cent ans et cette terrible pandémie, les morts sont donc nombreux et les bras se font rares. En position de force, les serfs et les vilains renégocient alors leur statut et commencent à s’émanciper, quand ils ne désertent pas simplement les domaines pour aller travailler chez le seigneur le plus offrant; il y a eu aussi, en effet, dans ce contexte, une forme de surenchère du côté des Seigneuries pour acquérir, à prix fort, cette main d’oeuvre qui faisait cruellement défaut. Comme l’aborde ce documentaire, ce déséquilibre de l’offre et de la demande sera favorable aux paysans de l’époque qui en profiteront pour tirer leurs épingles du jeu.
Les notions d’hygiène au moyen-âge réhabilitées
miniature du manuscrit « Dits de Watriquet de Couvin », début du XIVe siècle
Pour avoir fait quelques recherches sur la question, je suis heureux de voir que la réhabilitation des notions d’hygiène, autant que l’importance du bain, sont présentes dans ce documentaire et à Crèvecoeur. Pour être très honnête, je ne sais pas à quel point les vilains et les serfs pouvaient bénéficier des étuves en se voyant, en plus, entourés de jolies damoiselles au temps du bain, et j’en aurais plutôt quelques doutes; que cela ait été réservé aux notables, aux gens d’armes ayant quelques pièces ou aux encore aux riches marchands me semble tout de même plus probable. Cela ne veut, bien sûr, pas dire qu’on ne se lavait pas dans les Campagnes. Les traités d’hygiène du moyen-âge sont, souvent, fortement appuyés et relayés par une médecine médiévale bien présente et qui rayonne depuis les universités de Montpellier, de Toulouse ou de Salerne depuis près de trois siècles au moment où nous transporte ce documentaire. Nul doute que via les médecins d’alors dont la profession s’émancipe de plus en plus, déjà dès le XIIIe, XIVe siècles, mais aussi via les moines, ces traités et cette conscience de l’importance de la propreté corporelle et de l’hygiène ont eu des incidences sur le comportement des populations au sens large. Plus personne n’en doute aujourd’hui et c’est encore une idée reçue sur le moyen-âge qu’il convient de revisiter, au risque de décevoir les fans de Jacquouille la Fripouille, celui des visiteurs, le film, celui de Jean-Marie Poiré avec Christian Clavier et Jean Réno, cette fois-ci. L’hygiène est bien présente au moyen-âge et on sait se laver.
Un moyen-âge profondément chrétien
Durant le moyen-âge, la question de Dieu n’est pas posée et même la poésie satirique d’un Rutebeuf à l’égard des curés ou des moines mendiants ne questionne jamais l’existence de la Sainte Mère (Vierge Marie) ou du Christ (ci-contre oeuvre du début du XVe siècle, Gentile da Fabriano, Vierge à l’enfant, 1404). La religion est une évidence ancrée dans les pratiques et quand on questionne ou qu’on critique les religieux, ou même l’église, à cette époque, on le fait dans une perspective de croyant qui questionne la foi véritable et la motivation réelle de l’Institution au regard de Dieu. On questionne peu ou pas l’existence de Dieu lui-même. Cette dimension est parfaitement retraduite dans ces visiteurs de l’Histoire en 1450, au château de Crèvecoeur. Le moyen-âge est religieux et chrétien et jusque le temps des cuissons du four banal s’y compte en prières.
Centralisme du pouvoir royal de Droit Divin
Tout au long du bas moyen-âge, le pouvoir fort et centralisé que Charlemagne avait conquis et mis en place, et que ses héritiers avaient ensuite perdus, des siècles auparavant, se restructurera graduellement autour du roi. Avec ce phénomène, la féodalité sera, peu à peu, en perte de vitesse et, avec elle, le pouvoir des seigneurs. On a vu les incidences de cela sur la construction des châteaux forts et cette tendance se confirmera au fil des siècles. Pour affirmer leur pouvoir, autant que pour assurer la cohésion du territoire et se prémunir d’alliances intérieures douteuses contre leur propre couronne, nul doute que les rois eurent aussi intérêt à diminuer le pouvoir de seigneurs. Ci-dessus, un portrait du roi Charles VII (1403-1461) qui était au pouvoir en 1450. Cette toile, signée de Jean Fouquet, date elle-même de 1445, soit seulement cinq ans avant la date supposée de notre documentaire.
Faire revivre le moyen-âge avec passion
Au château de Crèvecoeur et dans ces visiteurs de l’Histoire sur la fin du moyen-âge, on sent aussi que les gens du château déploient des efforts louables et sérieux pour faire revivre, avec coeur, cette période du bas moyen-âge. Leur immersion est certaine et leur étonnement spontané face à certaines questions de leur innocent visiteur de passage – sur les cochons roses, sur la religion ou sur d’autres sujets -, le marque bien. Sur la question du jeu des « comédiens » et « acteurs » de ce château reconstitué. « Surjouent-ils par instant? » « Jouent-ils faux? » La civilisation de l’image nous a tous élevé dans un certain sens critique, mais il faut garder de l’indulgence envers les protagonistes de ce documentaire et la troupe qui anime le château de Crèvecoeur. Ce sont des passionnés d’histoire qui n’ont peut-être pas fait Actor Studio mais qui réécrivent un peu d’histoire médiévale sans texte et avec coeur. Par ailleurs, immergé en situation réelle, la perception est toujours différente de la distance que l’on peut prendre devant sa télévision ou un écran. J’ajoute pour le saluer au passage, que le personnage du maître paysan laboureur, autant que son implication dans son travail et son époque, sonnent très justes.
Réjouissances médiévales au château
La magie médiévale du Château Normand de Crèvecoeur
Nous présenterons certainement le château de Crèvecoeur en Auge de manière plus détaillé et dans un autre article, mais nous voulons déjà donner, ici, quelques éléments sur ce joli lieu qui fait revivre le monde médiéval.
Il est ouvert une bonne partie de l’année et il s’y organise aussi des festivals, des animations, des fêtes, des reconstitutions historiques, et même des « médiévales » qui durent plusieurs jours. Alors, si vous souhaitez, le temps d’une journée, vous glisser vous aussi dans la peau d’un Arnaud de Passage pour aller y célébrer le moyen-âge, n’hésitez pas à visiter le site web du château de Crèvecoeur pour plus de détails.
Une excellente journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval et du moyen-âge sous toutes leurs formes.