La ballade anonyme d’un poète médiéval à l’automne de sa vie

Couverture livre médiéval "la danse aux aveugles"

Sujet :  poésies,  ballade médiévale, poésie morale, moyen français, Moyen Âge chrétien, oïl
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle
Auteur : Anonyme
Ouvrage : « La Danse aux Aveugles et autres poésies du XVe siècle, extraites de la bibliothèque des Ducs de Bourgogne » (édition de 1748 chez André Joseph Panckoucke Libraire)

Bonjour à tous,

ous avons déjà eu l’occasion d’explorer, ensemble, quelques-unes des ballades médiévales qui trônent à la fin de l’ouvrage « La Danse aux Aveugles et autres poésies du XVe siècle, extraites de la bibliothèque des Ducs de Bourgogne ». Edité au milieu du XVIIIe siècle par le libraire et auteur lillois André Joseph Panckoucke, ce livre de pièces du Moyen Âge tardif fait la première place à La danse aux aveugles (ou dance des aveugles suivant les ouvrages) de Pierre Michault, tout en y adjoignant quelques autres poésies et complaintes de la même période, sans grande rigueur d’exactitude du point de vue de l’attribution.

Petitesse & Misère de l’Homme

manuscrit médiéval MS Français 3887
Le manuscrit MS Français 3887 du département des manuscrits de la BnF

Aujourd’hui, notre exploration se prolonge donc avec une nouvelle ballade. Dans l’ouvrage, cette poésie anonyme en moyen français porte le titre de Misère de l’homme. Elle tient, en quelque sorte, lieu de prélude aux Réflexions du Pêcheur que nous avions déjà présentées par ailleurs. En trois strophes et un envoi, son auteur, empreint de gratitude et d’humilité, y met en scène la nudité de l’homme médiéval devant la nature éphémère de sa vie et, bien entendu, devant son créateur. Nous sommes au Moyen Âge. Les valeurs chrétiennes sont dans tous les esprits. Elles ruissèlent même des textes les plus profanes et traversent la littérature médiévale de part en part.

Monde médiéval d’aujourd’hui et d’hier

A ce sujet, plus on se penche, sérieusement, sur cette période et plus on mesure la distance entre certaines représentations actuelles sur le monde médiéval et sa réalité. C’est un simple constat mais, à plus d’un siècle du romantisme du XIXe siècle, nos sociétés modernes semblent décidées à en faire, de plus un plus, un terrain où les projections fantasmagoriques se mêlent à la réalité historique, quitte à en prendre, à l’occasion, le contrepied. Terre de paganisme, terre de fantaisie et de fantastique, terre d’écologie, terre d’idées reçues aussi, le monde médiéval est ainsi devenu un objet culturel polymorphe. Le champ qu’il occupe, désormais, recouvre un espace symbolique et idéologique autonome et complexe, dissocié en très large partie de l’Histoire et ses laboratoires.

décoration médiévale

On le constate autour de nous. Dans la littérature, au cinéma mais aussi, de plus en plus, dans les fêtes de nos villages et de nos cités et, finalement dans les esprits, la notion de Moyen Âge n’a cessé de confirmer voire même, peut être, de déborder la notion de simple Western dont nous parlait Georges Duby (voir citation) pour devenir le terrain de références largement plus élastiques (1). Même s’il n’est pas la seule période historique à avoir hérité de ce statut particulier, il est, sans doute, le roi en cette matière, une sorte de territoire fourre-tout de tous les possibles imaginaires.

Refuge-miroir de nos idéologies modernes, support d’un passé fantasmé pour mieux se réinventer des racines, terrain magique à portée dans un univers refroidi par le matérialisme, lieu de fêtes et de solidarités villageoises dans un monde de l’isolement, quand il n’est pas aussi, paradoxalement, le repoussoir fantomatique d’une barbarie dont nous nous serions, depuis, défaits. La liste pourrait être au longue de ses projections. Quoiqu’il en soit, le monde médiéval est bien loin d’être une « simple » matière historique. Il est devenu une auberge espagnole dans laquelle chacun pourrait presque trouver ce qu’il y met, y compris des idées et des valeurs aux antipodes de sa réalité. Riche, complexe, souvent hors sol, il est important de comprendre ce phénomène de dissociation. De même qu’il est bon, de temps en temps, d’y réinjecter un peu de réalité historique pour mieux comprendre d’où nous venons vraiment.

Aux sources historiques de cette ballade

Pour revenir à notre ballade du jour, du point de vue des sources, on se souvient que dans l’ouvrage de Panckoucke, il était fait référence à « un gros volume de la Bibliothèque des ducs de Bourgogne » sans qu’il en soit précisé les références. Il ne serait pas étonnant que ce manuscrit ancien fasse partie du fonds du KBR Museum et de sa bibliothèque de Ducs de Bourgogne justement. Il pourrait être intéressant de le vérifier en tout cas.

ballade médiévale dans un manuscrit ancien

De notre côté, en écumant les vieux catalogues des manuscrits français de la Bibliothèque nationale (Ancien fonds, Tome 3, 1881), nous avons réussi à retrouver une trace de cette ballade à la BnF dans un manuscrit médiéval bourguignon du XVe siècle. Elle n’y porte pas de titre. Quant au manuscrit, il est référencé Manuscrit Français 3887 et titre : « Recueil de lettres originales et de copies de pièces Recueil de lettres originales et de copies de pièces indiquées comme telles dans le dépouillement qui suit. » On peut le trouver sur Gallica (le consulter en ligne). Très sobre et de peu d’intérêt esthétique, il ressemble, en effet, à une recopie au kilomètre de pièces diverses faite, peut-être, à l’occasion d’un inventaire. Sur ses 252 feuillets, il présente des pièces extrêmement éclectiques dont une partie importante est en relation avec le duché de Bourgogne : chansons en l’honneur des Bourguignons, écrits au sujet de Philippe le Bon, de Charles le Téméraire, etc… Et encore d’autres pièces, œuvres et poésies diverses, profanes ou religieuses. Il ne s’agit sans doute pas du manuscrit ancien auquel il était fait allusion dans l’ouvrage de Panckoucke, au vu du peu de pièces qu’il possède en commun avec ce dernier.


Illustration avec enluminure - Poésie médiévale anonyme du Moyen Âge tardif

Au vouloir Dieu ne chiet pas qu’on responde

Quant premier vins en ce douloreux monde ,
Plain de meschief, de douleur, & tristesse,
Tout nud m’y mist ma mere tendre & blonde ;
Fors seulement couvert d’umaine espesse :
Puis quant viendra la mort qui tout despesse ,
Tout nud iray en la terre parfonde ;
Je ne pers riens du mien , mais je le lesse ;
Au vouloir Dieu ne chiet pas qu’on responde,

Monseigneur Dieu, en qui tout bien habonde.
M’avois presté des biens a grant largesse ;
Des honneurs plain estoy jusqu’a la bonde,
Dont j’ay usé en toute ma jeunesse :
Et maintenant, quant vient en ma vieillesse,
De doubteux biens me nettoye & m’en cesse ;
Affin qu’a luy je m’humilie & besse :
Au vouloir Dieu ne chiet pas qu’on responde,

Il n’est si grant que Dieu bien ne confonde,
Soit Roy, soit Duc, soit Royne, ou Princesse ;
Car quant il veut, qui que gronce
* (grogner) ne gronde,
Il sera fait par divine sagesse.
C’est bien raison que tout envers luy plesse ,
Qui en sa main tient terre, mer, & onde ;
Et tout a fait par sa digne pouesse :
Au vouloir Dieu ne chiet pas qu’on responde,

Prince eternel de la monarche ronde.
De qui despent honneur, gloire & noblesse.
Benoit sois tu en ton nom de haultesse :
Au vouloir Dieu ne chiet pas qu’on responde.


La belle enluminure sur l’image d’en-tête et sur l’illustration est tirée du manuscrit Ms 0208 (194) de la Bibliothèque Municipale de Soissons. Elle représente le pèlerin devant la mer de tentation. Nous l’avons un peu « restaurée » au passage mais l’original est déjà en très bon état. Ce manuscrit médiéval daté de la deuxième partie du XVe siècle (1465) présente le Pèlerinage de la vie humaine de Guillaume de Digulleville, mise en prose par un clerc d’Angers demeurée anonyme. Vous pouvez le retrouver, partiellement, numérisé en ligne au lien suivant. Voir d’autres enluminures du Pèlerinage de la Vie humaine de Guillaume de Digulleville issu du Ms 1130.


Voir d’autres pièces et poésies issues de ce même ouvrage.

En vous souhaitant une Belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Notes :

(1) Dans ce phénomène de redéfinition du monde médiéval, il ne faut sans doute pas sous-estimer une certaine forme d’acculturation. Force est de constater que les valeurs anglo-saxonnes et la culture américaine sont aussi, à l’œuvre, par le biais des courants médiéval-fantasy qui nous sont revenus par le biais de Tolkien et ses émules (littérature, cinéma, jeux de rôles, jeux vidéos) à partir du courant des années 70-80. Aujourd’hui, le champ du médiévalisme français porte largement la marque de ces courants anglo-saxons.

MUSÉE ANNE DE BEAUJEU : une Grande exposition & un colloque autour d’Anne de France

Musée Anne de Beaujeu

Sujet : Anne de France, exposition, colloque, peintures, arts, sculptures, manuscrits anciens, ducs de Bourbon, Bourbonnais.
Expositions & colloques : Anne de France, Femme de pouvoir, Princesse des Arts
Dates : jusqu’au 18 septembre 2022
Lieu : Musée Anne-de-Beaujeu, 5 Pl. du Colonel Laussedat, 03000 Moulins, Auvergne-Rhône-Alpes

Bonjour à tous,

l y a plus d’un siècle, on inaugurait à Moulins, dans l’Allier, le Musée départemental Anne de Beaujeu (mab). Situé dans un pavillon attenant au prestigieux Château des ducs de Bourbon, l’institution accueille encore, de nos jours, de nombreux visiteurs. Elle leur propose la découverte de collections variées qui lui ont, quelquefois, valu le surnom mérité de « petit Louvre ». L’institution, qui suscite un grand enthousiasme auprès du public, est référencée dans de nombreux guides et elle est même entrée, en 2016, au classement des musées étoilés du guide vert Michelin.

Un petit Louvre au cœur de l’Allier

Collections du Musée Anne de Beaujeu

En terme de périodes historiques et de pièces exposées, les visiteurs trouveront au mab un parcours aussi vaste que riche. Si le Moyen Âge y est représenté, il est loin d’être le seul. Du côté des expositions permanentes, les collections du mab vont de l’égyptologie et de l’archéologie régionale jusqu’à l’art décoratif local et encore de grandes toiles et sculptures du XIXe siècle. Entre le temps des pharaons et le XIXe siècle, le musée présente également l’histoire des Bourbons et des sculptures bourbonnaises allant du Moyen Âge à la renaissance, mais aussi des peintures et sculptures des XVe et XVIe siècles, en provenance d’Allemagne et des Pays Bas.

Les collections de l’institution ne s’arrêtent pas là. Le beau musée Anne de Beaujeu a, en effet, en charge la conservation de près de 20 000 objets et œuvres d’art qu’il dévoile, aux yeux du public, au fil d’expositions plus temporaires. On peut alors y découvrir des pièces d’exception dans des domaines aussi variés que les arts, les arts décoratifs, ou même l’histoire naturelle et la numismatique. Au delà de ses expositions permanentes et temporaires, le musée répond également présent à l’occasion d’événements spéciaux comme les journées nationales du patrimoine ou la nuit des musées. Enfin, dans la veine de ses activités de conservation et de promotion de ses collections, il édite également divers guides, de beaux livres d’art ou des catalogues d’exposition.

L’actualité du Musée Anne de Beaujeu

Côté actualité, un triple événement vous attend, en 2022, au Musée Anne de Beaujeu. Débuté depuis mars dernier, il se poursuivra jusqu’au 18 septembre de cette année et on y célèbre l’anniversaire de la disparition des 500 ans d’Anne de France (1461-1522).

Exposition événement : Anne de France,
Femme de pouvoir, Princesse des Arts

Affiche Exposition colloque sur Anne de France

Le Ministère de la Culture et la région se sont associés au mab pour faire de cette exposition sur Anne de France un événement exceptionnel. Le musée s’est également allié à d’autres établissements de renom et des pièces de haut vol sont venues enrichir momentanément le patrimoine du musée. Elles proviennent d’institutions aussi prestigieuses que Le Louvre, Versailles, Ecouen, la National Gallery et la Wallace Collection.

Comme on le verra, la grande princesse de la fin du Moyen Âge, épouse de Pierre de Bourbon et fille ainée de Louis XI et de Charlotte de Savoie, n’a pas fait que régner sur le duché du Bourbonnais et donner, plus tard, son nom au Musée Anne de Beaujeu. Cette exposition est là pour témoigner de la grandeur d’Anne de France sur les terrains étatiques, comme artistiques. En juin, l’événement se doublera même d’un colloque visant à explorer, de manière plus large encore, l’influence de cette grande dame des XVe et XVIe siècles, sur les arts, comme sur la politique et la société de son temps.

Deux ouvrages pour accompagner l’exposition

Livre bibliographie Anne de France

Pour tout ceux désireux de mieux connaître la personnalité et les faits d’Anne de France, Aubrée David Chapy, docteure et professeure agrégée d’histoire, co-commissaire de l’exposition vient également de faire paraître, aux éditions Passés-composés l’ouvrage « Anne de France, Gouverner au féminin à la Renaissance ». Il s’agit d’une biographie-essai sur la princesse et femme d’Etat de la fin du Moyen Âge. L’historienne qui a fait de la construction du pouvoir au féminin au Moyen âge tardif et à la Renaissance, un de ses sujets de prédilection est aussi une grande spécialiste d’Anne de France. Elle y avait, en effet, déjà consacrée une partie de sa thèse de doctorat, brillamment reçue, en 2014.

A noter également que les deux commissaire de l’exposition, Aubrée David Chapy donc, et Giulia Longo, conservatrice du musée ont également fait paraître le catalogue de l’exposition, sous le titre Anne de France (1522-2022): Femme de pouvoir, princesse des arts. Il est, lui aussi disponible depuis courant mai (voir en ligne).

Un grand colloque sur Anne de France

Comme indiqué plus haut, d’ici quelques semaines, un colloque viendra s’ajouter à l’exposition pour honorer Anne de France et son leg. Il aura lieu les vendredi 17 et samedi 18 juin 2022, au théâtre de Moulins et aura pour titre : « Autour d’Anne de France. Enjeux politiques et artistiques dans l’Europe des années 1500.« 

Colloque autour d'Anne de France et pouvoir féminin médiéval

Du point de vue du programme, la qualité des invités est à la mesure des ambitions de l’événement. Ils seront, en effet, près de 20 universitaires, conservateurs et spécialistes venus des plus prestigieuses universités et institutions françaises ou étrangères pour parler d’Anne de France, de livres et des arts bourbonnais contemporains de la Princesse. Un journée entière de ce colloque sera également dédié au pouvoir conjugué au féminin durant ces même siècles, du Moyen âge tardif et à la Renaissance.

Pour nous qui nous nous sommes déjà avancé en partie sur ces thématiques de l’empreinte des femmes dans l’histoire de France (voir le cycle sur les grandes dames de la guerre de cent ans), ce programme s’annonce d’excellente faction. On y trouvera du savoir de qualité librement dispensé puisque l’entrée est libre et sans réservation.

Voir le programme détaillé de ce colloque

De prestigieux manuscrits de la BnF

Exposition manuscrits anciens BnF - Collection ducs de Bourgogne

Pour ajouter à ces deux événements, une seconde exposition débutera le 18 juin et se poursuivra, elle aussi, jusqu’au 18 septembre 2022. Le public aura l’opportunité d’y découvrir de prestigieux manuscrits de la BnF sur le thème « Trésors enluminés des ducs et duchesses de Bourbon ». Nous restons donc dans le thème.

D’autres conférences et visites guidées autour de ces expositions animeront la vie du musée durant les mois à venir. Pour le détail de ses programmes et des horaires, voir le site officiel du Musée Anne de Beaujeu.


Ajoutons, pour conclure, que ceux qui ne s’y sont jamais rendus au musée Anne de Beaujeu de Moulin pourront profiter de leur présence sur place, pour effectuer une visité guidée du château des ducs de Bourbon.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : le portrait d’Anne de France sur l’image d’en-tête est extraite du superbe Triptyque du Maître de Moulins de la cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation de Moulins . Il a vraisemblablement été réalisé par le peintre Jean Hey entre la toute fin du XVe et le début du XVIe siècle. Les autres photos de l’article proviennent du Musée Anne de Beaujeu.


POÉSIE MÉDIEVALE SATIRIQUE : LE PRINCE DE GEORGES CHASTELLAIN(3)

Georges Chastellain - Enluminure manuscrit médiéval Ms 11020-33

Sujet : poésie satirique, poésie médiévale, poète belge, poésie politique, auteur médiéval, Bourgogne médiévale, Belgique médiévale, moyen-français.
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle
Auteur : Georges Chastellain (1405 – 1475)
Manuscrit médiéval : Ms 11020-33, KBR museum
Ouvrage : Oeuvres de Georges Chastellain T7, Baron Kervyn de Lettenhove. Bruxelles (1865).

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous continuons d’explorer la poésie satirique de Georges Chastellain (Chastelain), appelée « Le Prince« . Aux siècles passés, ce texte politique de l’auteur médiéval avait laissé penser à quelques médiévistes qu’il était dirigé à l’encontre de tous les mauvais princes, en général. Il faut dire que Chastellain nous décrivait là tant de vices et de travers qu’on aurait pu avoir peine à croire qu’un seul prince puisse, à lui seul, les cumuler.

Comme le poète du XVe siècle ne citait, nominativement, aucun puissant dans sa diatribe, le doute était permis ; quelques flous de datation ajoutaient encore à la confusion. Selon les derniers recoupements, les spécialiste de littérature médiévale du XXe siècle ont, toutefois, tranché. Au sortir, il semble que c’est bien Louis XI qui était la cible des foudres de l’auteur médiéval. A la même période, cette poésie a connu quelques résonnances également en Bretagne puisqu’elle inspira à Jean Meschinot quelques ballades acidulées. Pour les rédiger, le poète breton réutilisa même directement les strophes de Chastelain en guise d’envoi de ses propre poésies.

Le prince de Georges Chastellain - extrait avec enluminure médiévale

Du point de vue des sources

Pour la transcription en graphie moderne de cette poésie du Moyen Âge tardif, nous nous appuyons sur les Oeuvres de Georges Chastellain par le Baron Kervyn de Lettenhove (1865). Pour une source manuscrite et historique plus ancienne, vous pouvez retrouver cette pièce dans le manuscrit Ms 11020-33 du KBR Museum (Bibliothèque royale de Belgique). Il fait partie de la prestigieuse collection des Manuscrits des ducs de Bourgogne du musée.


Le Prince, strophes XVII à XXIV
avec aides de traduction en français actuel

Nous reprenons notre exploration où nous l’avons laissée à la strophe XVII. Pour les deux premières parties de cette poésie satirique, nous vous invitons à vous reporter à nos articles précédents : Voir Le Prince de Georges Chastelain (1) et Le Prince de Georges Chastelain (2).

Même si le moyen français du XVe siècle se rapproche du nôtre, nous joignons de nombreuses clés de vocabulaire en français actuel pour une meilleure compréhension.

Prince qui hayt* (de haïr) remonstrance et doctrine,
Plus est venu d’excellente origine,
Tant plus lui tourne à grant grief et esclandre,
Et n’a dangier si grant dessus la terre
Que quant ne chault à prince en quoy il erre
* (se trompe);
Car ce seroit pis que le sang espandre.

Prince qui sourt
* (fait apparaître) nouvelletés estroites
Et rétrécit les amples voies droites ,
Celles que honneur doit maintenir non fraintes
* ( rompues, enfreintes).
Celuy esmeut cœurs d’hommes à murmure,
Les fait tourner à hayne et à froidure
Et contre luy former larmes et plaintes.

Prince qui hayt avoir puissant voisin
Et envis voit que parent ou cousin
Règne emprès lui en honneur et en gloire,
Que fait-il tel fors monstrer de sa vie
Qu’il est remply d’orgueil vain et d’envie
Et hayt tous ceux dont digne est la mémoire ?

Prince qui mal ne doubte, ne ne poise
* (de peser),
Mais mesmes quiert
* (cherche) sédition* (discorde) et noise* (querelle)
Et en ce faire il se baingne et délite
* (se complait),
Sy monstre au doigt que longue paix luy griesve
* (lui déplait)
Que d’autruy bien il se tourmente et criesve
Et de salut désire à estre quitte.

Prince qui point ne craint hommes offendre,
C’est le vray signe en quoy l’on peut entendre
Que la crémeur
* (cremor, crainte) de Dieu petit lui monte ;
Or advisons quel fin celui doit traire
* (endurer)
Qui attrait Dieu et homme à son contraire
Et au courroux de nul des deux n’aconte
*
(considèrer, tenir compte).

Prince qui porte et soustient les mauvais
Contre les bons, l’honneur de son palais,
Et en perverse et honteuse querelle,
Celuy conduit un criminel ouvraige,
Qui amatist
* (vaincre, réduire, flétrir), maint noble et haut couraige
Pour ce que l’œuvre en est desnaturelle
* (contre nature).

Prince mordant et aigre en sa parole
Et qui sans poix son langaige dévole
* (prononce)
Et de légier
* (facilement) le contourne à injure,
Celuy en peu ses mœurs donne à congnoistre.
On peut dire que le cœur de son cloistre
N’est pas bien sain, ne de bonne nature.


Prince addonné à meschantés soubtives,
A subtillier subtilletés chétives,
(1)
Qui doit penser à haute chose honneste
Tout en tel soing meschant en quoy il veille,
La puce enfin le prendra par l’oreille,
Et dont luy propre il mauldira sa teste.

(1) Le prince qui s’adonne à des méchancetés élaborées (subtiles), qu’il perfectionne en de méprisables subtilités, alors qu’il devrait penser à des choses élevées, honorables et honnêtes, au lieu de prendre soin d’être mauvais en toute chose dont il s’occupe, la puce viendra…


Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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NB : le portrait de Georges Chastellain sur l’illustration et sur l’image d’en tête est tiré du Manuscrit médiéval : « la Chronique des ducs de Bourgogne de Georges Chastellain », référencé ms français 2689 et conservé au département des manuscrits de la BnF. Pour voir cette enluminure en entier, vous pouvez vous reporter à nos articles précédents sur Le Prince de Chastellain. En arrière plan, toujours sur l’image d’en-tête, nous avons utilisé la page du Manuscrit Ms 11020-33 du KBR Museum (Bibliothèque royale de Belgique) correspondant aux versets du jour. La Bibliothèque Royale de Belgique a eu la bonne idée de numériser ce manuscrit daté du XVe siècle et il peut être consulté sur le site du Musée.

Agenda : le salon de la passion médiévale de Montreal

Ecu - Armoirie ville de Montréal - Québec

Sujet : salon médiéval, festival, événement médiéval, Moyen Âge, animations, compagnies médiévales, marché artisanal, médiéval fantastique
Evénement : Salon de la Passion médiévale
Lieu : Montréal, Québec. Centre Pierre-Charbonneau
Dates :  les 13, 14 et 15 mai 2022

Bonjour à tous,

e week-end, aux Amériques et plus précisément au Québec, le Salon de la Passion Médiévale se réinvitera à Montréal. Le retour de cet événement fait vraiment plaisir à voir, après les aléas sanitaires des années passées. Cette nouvelle édition nous donne aussi l’occasion de saluer chaleureusement nos amis québécois, tout en élargissant nos vues médiévales à la Francophonie, ce que nous ravit.

Combats, musiques, campements,
des animations pour tous !

Affiche du Salon de la passion médiévale de Montréal

A l’habitude, le Salon de la Passion Médiévale montréalais mélangera animations historiques avec d’autres plus librement inspirées du Moyen Âge ou même plus folkloriques et traditionnelles. Dans un esprit de grande fête ouverte et ludique, le médiéval fantastique y aura aussi sa place. Du côté pratique, l’événement se tiendra, en extérieur et en intérieur, au Centre Pierre-Charbonneau de Montréal. Il ouvrira ses portes, dès le vendredi 13 mai en fin d’après-midi jusqu’au milieu de soirée pour se prolonger les samedi 14 et dimanche 15 mai en journée.

Le programme sera bien garni et de nombreuses compagnies de reconstitutions, artistes et groupes locaux y sont invités. On pourra donc compter sur de beaux combats à la façon médiévale et échanges de Béhourd. Il y aura aussi des concerts de musique, mais encore des campements et stands à la découverte des réalités d’époque.

Compagnies et artistes attendus

Bardos – Dogue de Montreal – Estreya – Isa – Les Murènes – Les Ramancheurs – Prunelle et Francince – Tirs de Canon et mousquets – Ulfhednar – Wakinyan Qc – Les Tambours du patrimoine – Ethereal Tribal – Les Habitants de la Nouvelle France – La Garde du Lys – Les terres d’Eliagoth – Urwaz – Le pirates du Sans-quartier – Valfreya – Myriam Reid – La Fédération des Grandeur Natures du Québec.

Concours, jeux, conférences
et une foule d’exposants et d’artisans

Compagnies et animations présentes au Salon de la Passion médiévale

Pour compléter sa programmation ludique et divertissante, cette nouvelle édition du Salon de la Passion Médiévale sera encore émaillé de jeux concours divers : défilés de mode à la façon médiévale, jeux de pistes pour les enfants, mais aussi loteries gratuites avec lots. Les nourritures pour l’esprit n’ont pas été oubliées avec un programme de conférences prévu tout au long de l’événement. On y parlera en particulier de la pratique des « GN » sous ses différents aspects. Les GN sont ces jeux de rôle grandeur nature qui proposent des aventures fantaisie palpitantes en décor réel et non autour d’un table avec un MJ. Invitée pour l’occasion, la Fédération Québécoise du Grandeur Nature du Québec sera largement sollicitée pour parler de ses activités sous toutes les coutures.

Bien sûr, comme à chaque édition, des exposants seront là avec leurs échoppes, pour proposer aux visiteurs du salon leurs créations et leurs produits. On en comptera, cette année, plus de cent. De quoi découvrir, chiner, explorer et se plonger dans un océan d’artisanat et de créativité.

Voir le programme détaillé du Salon

Voir nos articles sur les éditions précédentes de ce salon : 20172018

Une excellente  journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

NB : en premier plan sur la photo d’en-tête le guerrier en armure de cuir provient des Ateliers Nemesis Workshops qui seront présents au salon de la passion médiévale de Montréal, ce week-end.

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