Sujet : agenda, animation, fêtes médiévales, sorties historiques, foires, marché médiéval. Lieu : Senlis, Oise, Hauts-De-France Evénement ; la 6e foire médiévale de Senlis Date : 25 et 26 septembre 2021
Bonjour à tous,
réée en 1994, l’Association des Figurants de l’Histoire de Senlis anime, depuis près de 25 ans, une partie de la vie culturelle de cette célèbre bourgade de l’Oise, mais aussi de ses environs. Tenue par des bénévoles enthousiastes et passionnés, on la retrouve à l’organisation de nombreux événements autour de l’histoire et du patrimoine local, mais elle est également présente dans de nombreuses fêtes françaises autour du Moyen Âge(Fête des remparts de Dinan,Fête de Jeanne Hachette de Beauvais, etc…). Du point de vue des périodes, les « Figurants » et leur 450 costumes ne se cantonnent pas au Moyen Âge. Ils couvrent aussi la renaissance, le XVIIIe siècle et vont même jusqu’au XXe siècle et ses années folles.
La 6eme foire médiévale de Senlis : le chancelier Guérin de retour à la fête
Au titre des activités de l’association qui nous intéressent plus particulièrement, ici, pour des raisons éditoriales, nous avons déjà mentionné, à plusieurs reprises, la belle Foire médiévale de Senlis (voir nos articles sur l’édition 2017 et sur l’édition 2019 de cet événement). Les Figurants organisent, en effet, cette grand fête et s’y investit à plein.
En général, la thématique centrale gravite autour du personnage du chancelier Guérin, personnage qui a marqué le XIIIe siècle par ses hauts faits et sa présence. Chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, on lui prête d’avoir participé activement à la victoire de Bouvines au côté de Philippe-Auguste. Consacré évêque de Senlis en 1213, il sera aussi nommé chancelier de France et premier officier du royaume en 1223. Entre autre legs, on le considère, également, comme un des pères de ce qui deviendra plus tard les archives nationales. Il contribua, en effet, à fonder le Trésor de Chartes, l’un des fonds les plus anciens des archives nationales.
Camps, animations médiévales et grand marché,
La dernière édition de la foire médiévale de Senlis ayant eu lieu en 2019, cette fête bisannuelle n’a pas eu à souffrir, l’année dernière, des nombreuses annulations culturelles dues aux mesures anti-covid prises par le pouvoir exécutif français. De son côté, l’association des figurants a dû, tout de même, suivre le mouvement en mettant partiellement en sommeil ses autres activités. Cette année, elle compte bien, en revanche, maintenir son habituel calendrier en proposant, en septembre, une belle fête de deux jours pour mettre à l’honneur le Moyen Âge festif, au temps de frère Guérin.
Du point de vue de l’organisation, aux Figurants de l’Histoire se joindra, à nouveau, l’Association Cité d’Antan. Formée en 2008, cette structure qui prend le Moyen Âge et la reconstitution très au sérieux, est focalisée sur la vie quotidienne au XIIIe siècle. A l’occasion de la foire, les deux associations s’entoureront encore d’autres collaborations.
Au titre des animations, on pourra donc compter sur force musiques, parades et joyeuses déambulations. Diverses troupes de reconstituteurs seront aussi présentes et on devrait donc pouvoir visiter des camps de vie quotidienne médiévale et même d’artisanat d’époque. Des démonstrations de combats seront, bien sûr, de la fête avec même, des tirs de machines de guerre. Enfin, troupe animalière et numéro de dog training ou encore jeux géants pour les plus jeunes seront aussi au rendez-vous. Elément indispensable de toute fête réussie autour du Moyen Âge, un marché et ses exposants inspirés par le monde médiéval devraient venir compléter le tableau.
Programme détaillé et interrogations dans un contexte persistant de navigation à vue
Nous aurons, sans doute, un détail plus précis des troupes à vous fournir à l’approche de l’événement. Pour l’instant, à propos de cette fête, l’organisation ajoute, tout de même, par mesure de prudence : « si la crise sanitaire nous le permet ». Affaire à suivre ici ou sur leur site web donc. Nous allons croiser les doigts et y croire avec eux, tout en notant au passage que cet état d’incertitude dans lequel on nous a plongé et qui nous fait douter d’une sortie du tunnel, même à 6 mois de là, devient aussi préoccupant pour le devenir de la culture que pour celui des libertés individuelles.
Quoi qu’il en soit, longue vie à la foire médiévale de Senlis et aux fêtes médiévale à venir !
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésies courtes, poésie de cour, quatrain, moyen français, humour, science, pouvoir, argent. Période : XVIe s, renaissance, hiver du Moyen Âge Auteur : Mellin Sainct-Gelays ou Melin (de) Saint- Gelais (1491-1558) Ouvrage : Œuvres poétiques de Mellin de S. Gelais (1719)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous partageons un nouveau quatrain de Melin de Saint-Gelais pour mettre un peu d’esprit et de réflexion dans votre journée. À cheval sur le Moyen Âge et la renaissance, ce poète de cour de la génération de Clément Marot et qui a même reçu quelques éloges poétiques de ce dernier, a brillé par son esprit, son style et son sens de la chute. On le retrouve, ici, dans une pièce courte et mâtinée d’ironie sur les savants et leur relation aux puissants et aux nantis.
« Dy moy, ami, que vaut-il mieux avoir, Beaucoup de biens, ou beaucoup de savoir ? Je n’en say rien, mais les savans je voy Faire la cour à ceux qui ont dequoy. » Melin de Saint-Gelais – Quatrain
Difficile de reconstruire le contexte historique de ce quatrain. Les lieux de pouvoir et d’argent sont toujours le théâtre de bien des doléances et sollicitudes. Au vue du contexte, c’est d’ailleurs plutôt la résonnance actuelle de ces quatre vers qui aurait tendance à nous interpeller. Ceux qui ont suivi, depuis plus d’un an, les développements autour de ce qu’est devenue une partie de la science médicale ne manqueront peut-être pas, à leur tour, de juger d’une certaine ironie de leur actualité. Disant cela, on ne pense pas, bien sûr, aux personnels soignants, à leur courage et leurs grandes difficultés de moyens, ni aux médecins qui font encore, en leur âme et conscience, leur travail de prescription, mais plutôt à une certaine science « de couloir », mêlée d’intérêts privés, un peu plus haute, un peu plus distante, un peu plus proche du pouvoir et des deniers aussi, quand ce n’est pas des deux.
Dans la même veine, on pense aussi (comment s’en empêcher ?) aux enjeux touchant aux conflits d’intérêt et aux innombrables défilés médiatiques des « experts médicaux » arrosés ou sponsorisés qui, et c’est bien le problème, avancent à couvert avec la complicité, passive ou non, de leurs hôtes. Viennent encore à l’esprit, certaines opérations boursières de 2020 rondement menées, les sommes gigantesques engagées, cette course lucrative aux nouvelles molécules, revendues à prix d’or, et qui sème, dans son sillage, l’opprobre sur toute autre solution expérimentée ici ou là. Enfin, pour compléter le tableau, ajoutons l’achat massif (et inconsidéré ?) par la commission européenne d’un traitement déclaré inefficace le jour d’après, si ce n’est l’avant-veille, ou encore les révélations entendues lors de certaines commissions d’assemblées… Le tout dans un contexte, saupoudré de tacles et d’obstruction à la prescription médicale, de tri sélectif dans les études, et encore d’arbitraire et de répression dont nous sommes nombreux, aujourd’hui, à ne plus lire clairement les soubassements.
Bref c’est à sortir du cadre médiéval et on est tenté de lire, non sans grincer, dans ce quatrain de Melin de Saint-Gelais, un peu plus qu’une note d’humour d’époque, une réalité bien actuelle.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âgee sous toutes ses formes.
NB : la miniature ayant servi à l’image d’en-tête est tirée du très beau Psautier latin dit de Saint Louis et de Blanche de Castille. Ce manuscrit médiéval, daté des débuts du XIIIe siècle et référencé Ms-1186, est conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal et consultable sur Gallica.
Sujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson médiévale, poésie, occitan médiéval, catalan, pastourelle, chanson nouvelle Période : Moyen Âge central, XIIe siècle Auteur : Marcabru (1110-1150) Titre : « A la fontana del vergier» Interprètes : Maria Del Mar Bonet Album : Breviari D’Amor (1982)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous partons direction le XIIe siècle et le pays d’oc médiéval avec une nouvelle chanson du troubadour Marcabru. Il s’agit d’une pièce bien plus accessible si on la compare à certaines autres auxquelles cet expert du trobar clus nous a habitué.
Cette chanson a pour titre A la fontana del vergier (À la fontaine du verger) et nous aurons l’occasion de la commenter et de la traduire pour vous. Cette fois, pour son interprétation, nous avons choisi de faire un détour du côté de la Catalogne avec une superbe version vocale de María del Mar Bonet, sur une musique composée et arrangée par le pianiste Jordi Sabatés et des paroles adaptées de l’occitan médiéval au catalan, de manière très réussie, par Toni Moreno.
Pastourelle, chanson de toile : l’univers de référence de cette pièce médiévale
Les érudits, médiévistes ou romanistes, soucieux de taxinomie et de classement, ont pu quelquefois hésiter, face à cette composition de Marcabru : chanson de toile ou pastourelle ? Il faut dire que le cadre bucolique et champêtre, ce temps au renouveau printanier et cette rencontre « fortuite » entre le poète et la jeune fille sont trompeurs. Pourtant, même si le départ de cette poésie pourrait nous engager à la rapprocher d’une pastourelle, elle évolue ensuite vers toute autre chose. La jeune fille est noble et si elle fait l’objet du désir (non partagé) du poète, en fait de se rapprocher, ce dernier se tiendra sur la réserve face à la tournure prise par les événements. Pleurant sur son ami parti à la croisade, la belle donnera, en effet, à cette pièce quelques allures de chansons de toile (ou, dans une genre plus hispanisant et tardif, de cantigas de amigo) sans en adopter, non plus, tous les codes.
Contre l’appel à la croisade ?
Loin du cadre de l’un ou de l’autre genre, Marcabru donnera encore à sa chanson un tour assez caustique et presque subversif, en nous présentant une jeune fille quelque peu « remontée » contre le Christ et les appels de ce dernier envers tous les hommes du siècle pour le servir (en l’occurrence en terre sainte et par les armes). Dans son chagrin, elle ira même jusqu’à vilipender directement (sinon même maudire) le roi de France, Louis, pour ses exhortations à la croisade. En rapprochant les dates, il ne peut que s’agir de Louis VII et de l’appel à la deuxième croisade (1147-1149). Le poète essaiera alors de consoler la jeune fille, en la ramenant à la raison ; « Dieu peut tout, même lui redonner de la joie ». Elle n’ira pas jusqu’à renier sa foi, mais en guise de réponse, elle restera amère et triste face à ce sort funeste qui lui aura arraché l’être aimé.
Sur le fond, on n’est ici aux antipodes de la chanson de Marcabru Les vers du lavoir, appel retentissant à la croisade fait, par ailleurs, par le troubadour. Faut-il seulement voir ici, de la part de ce dernier, une volonté de mettre l’emphase sur la grande détresse de la jeune fille, plutôt que l’intention de s’élever indirectement contre la croisade et ses conséquences ? Le cas échéant, il lui aurait été facile d’éviter de prendre aussi directement à partie le roi en le citant, même par l’intermédiaire de la jeune fille. Autre temps, autres priorités ? Un décalage de quelques années ou mois entre les deux textes peut, peut-être, suffire à expliquer cela.
Au delà de ces questions, et en écoutant cette chanson au tout premier degré, on se trouve face à une poésie très accessible et qui fait mouche, tant par son style que par l’émotion qui s’en dégage.
Marcabru, de la Gascogne médiévale à la Catalogne du XXe siècle
Ce n’est pas la première fois que nous présentons ici une pièce en langue catalane (voir nos articles sur la question). Pour qui s’intéresse de près aux langues romanes, certaines parentés et rapprochements entre la chanson du jour et le provençal, le français, l’italien et l’espagnol sauteront, sans doute, aux yeux. La prononciation peut paraître distante mais tant de racines communes nous sont familières.
Au Moyen Âge central, il existe une convergence culturelle indéniable entre le sud de la France et le nord de l’Espagne et même de l’Italie. Certains troubadours notoires du pays d’oc et de Provence ont d’ailleurs passé allégrement les frontières pour voyager jusqu’à des cours princières ou royales de la péninsule ibérique et nous ont laissé des textes pour en témoigner. Aujourd’hui, le catalan est une langue bien vivante, plus encore du côté espagnol (en Catalogne, dans le pays valencien, dans les îles baléares).
A la fontana del verger – Maria del Mar Bonet – Jordi Sabatés
Le Breviari d’Amor de Maria Del Mar Bonet
Au début des années 80, le pianiste et compositeur Jordi Sabatés et le parolier Toni Moreno s’associaient autour d’un projet visant à proposer des chansons de troubadours provençaux et catalans médiévaux, en catalan moderne. Toni Moreno se chargea de traduire et d’adapter les paroles des poésies d’époque. De son côté, en repartant des manuscrits et des mélodies anciennes, Jordi Sabatés décida de les arranger pour les mettre au goût d’un public plus contemporain.
De cette collaboration résulta 14 compositions. Il en ressortit une sélection de 9 chansons qui donna lieu à un album au titre évocateur de Breviari d’amor. Cette production sera enregistrée en 1981 et c’est la chanteuse catalane María del Mar Bonet qui lui prêtera sa belle voix.
Des Troubadours occitans et catalans
On retrouvera dans ses 9 pièces revisitées de grands noms de la chanson médiévale occitane et provençale : Marcabru, avec la pièce du jour. Guilhem de Poitiers et son « Vers de rens« . Raimbaut de Vaqueiras et ses Altas undas que venez suz la mar, le Reis glorios de Guiraut de Bornelh. S’y ajouteront encore deux chansons de Béatrice de Dia, une de Raimon Jordan et deux compositions des troubadours catalans Cerverí de Girona et Guillem de Berguedà.
Cet album n’est pas toujours évident à trouver au format CD, mais on peut le trouver au format Mp3 sur quelques sites spécialisés. Notons que quelques années plus tard, à l’aube des années 90, Jordi Sabatès présentera le même programme en concert, accompagné cette fois de Laura Simó. Cette chanteuse catalane aux intonations de voix très chaudes et qui avait fait ses classes dans l’univers du Jazz démontrera, à son tour, une aisance et une virtuosité impressionnante dans ce répertoire.
A la fontana del verger en catalan moderne
A la fontana del verger, on l’herba creix fins al roquer, a l’ombra d’un dolç taronger -el seu voltant tot ple de flors i d’un ocell viu i lleuger-, la vaig trobar sens pretendent la qui refusa el meu solaç.
Era donzella de cos bell, filla del noble del castell, i quan vaig creure que l’ocell, les flors i l’aigua i el cel blau feien feliç son cor novell i escoltaria el meu consell, va canviar de tarannà.
Son plor arribà fins a la font, els seus sospirs trenquen el cor: « Jesús -diu ella-, rei del món!, per Vós augmenta el meu dolor, car el desig vostre em confon, vist que els joves de tot el món estan servint-vos perquè us plau. »
« Per Vós és fora el meu amic, el bell, el noble, el més gentil, i aquí coman mon cor patint, mon desconsol i el meu desig. Maleït sia el rei Lluís, que donà ordres i predics i omplí de gran dol el meu pit. »
Veient-la així desconhortar li dic suaument vora el riu clar: « Ja n’hi ha prou de tant plorar: marceix la cara i el color, i no us cal desesperar, que Déu que fa els arbres fruitar, us pot donar consol i amor. »
« Senyor -diu ella-, és veritat que en el cel Déu s’apiadarà del meu cor trist i enamorat. Serà, però, a l’altra vida; en canvi ara m’ha deixat sense l’amor de l’estimat, i l’ha portat ben lluny de mi. »
A la Fontana del vergier de l’occitan médiéval au français moderne
NB : pour la traduction en français, nous avons suivi à l’habitude l’ouvrage de JML Dejeanne (Poésies complètes du Troubadour Marcabru, 1909) en complétant notre approche du texte avec des recherches personnelles (dictionnaire d’occitan médiéval, traductions comparées en provenance de divers romanistes et en langues diverses, …)
I A la fontana del vergier, On l’erb’ es vertz josta-I gravier, A l’ombra d’un fust domesgier, En aiziment de blancas flors E de no.velh chant costumier, Trobey sola, ses companhier, Selha que no vol mon solatz.
A la fontaine du verger, Où l’herbe est verte, près du gravier (Dejeanne : de la grève) A l’ombre d’un arbre fruitier, Garni de belles et blanches fleurs Et au son du chant habituel de la nouvelle saison, Je trouvai seule, sans compagnie, Celle qui ne veut pas mon bonheur.
II So fon donzelh’ab son cors belh Filha d’un senhor de castell; E quant ieu cugey que l’auzelh Li fesson joy e la verdors, E pel dous termini novelh, E quez entendes mon favelh, Tost li fon sos afars camjatz.
C’était une demoiselle au corps très beau (gent), Fille d’un seigneur de château. Et au moment où je pensais que les oiseaux, comme la verdure, lui donnaient de la joie, Ainsi que la douceur du temps nouveau, Et qu’elle voudrait entendre mes paroles, Elle changea totalement de conduite (attitude, contenance).
III Dels huelhs ploret josta la fon E del cor sospiret preon. « Ihesus », dis elha, reys del mon, Per vos mi creys ma grans dolors, Quar vostra anta mi cofon, Quar li mellor de tot est mon Vos van servir, mas a vos platz.
Ses yeux pleuraient, tout près de la fontaine, Et son cœur s’épanchait en de profonds soupirs. « Jésus », dit-elle, roi du monde, Par vous s’accroît ma grande douleur, Car votre outrage cause ma perte, Puisque les meilleurs de tout cet univers Vont vous servir, car tel est votre plaisir.
IV Ab vos s’en vai lo meus amicx, Lo belhs e-I gens e-I pros e-I ricx; Sai m’en reman lo grans destricx, Lo deziriers soven e-I plors. Ay mala fos reys Lozoicx Que fay los mans e los prezicx Per que-l dois m’es en cor intratz !
Avec vous s’en va mon ami, Le beau, le gent, le preux et le puissant Et ici, il ne me reste que grande détresse, Le désir souvent et les pleurs. Aie ! Maudit soit le roi Louis (Dejeanne : la male heure soit ) Qui a donné ces ordres et fait ces exhortations (à la croisade) Par lesquels le deuil est entré en mon cœur !
V Quant ieu l’auzi desconortar, Ves lieys vengui josta-l riu clar « Belha, fi-m ieu, per trop plorar Afolha cara e colors; E no vos cal dezesperar, Que selh qui fai lo bosc fulhar, Vos pot donar de joy assatz. »
Et quand je l’entendis se lamenter ainsi Je vins vers elle tout près du clair ruisseau « Belle, lui dis-je, à trop pleurer Flétrissent le visage et ses couleurs; Et il ne vous faut point désespérer, Car celui qui fait fleurir et refeuillir les bois Peut vous donner beaucoup de joie.«
VI Senher, dis elha, ben o crey Que Deus aya de mi mercey En l’autre segle per jassey, Quon assatz d’autres peccadors Mas say mi tolh aquelha rey Don joys mi crec mas pauc mi tey Que trop s’es de mi alonhatz.
Seigneur, dit-elle, je crois bien Que Dieu aura merci de moi dans l’autre monde et pour toujours, Comme de nombreux autres pécheurs. Mais ici il m’enlève cet être précieux (rey roi, res chose) Qui a accru ma joie, mais qui tient peu à moi, Puisqu’il s’est trop éloigné de moi.
En vous souhaitant une agréable journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NB : l’image d’en-tête est tirée du Manuscrit médiéval Français 12473 ou chansonnier provençal K (consultable sur Gallica).
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, Espagne médiévale. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Compilateur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 7 « Santa Maria amar » Interprètes : Ensemble Apotropaïk Concert : Générations France Musique (2019)
Bonjour à tous,
Au XIIIe siècle, à la cour d’Alphonse X de Castille, on compile et on réunit des miracles et des chants autour du culte marial. L’œuvre et le corpus prendront le nom des Cantigas de Santa Maria. Sur moyenagepassion, nous sommes partis en quête de ces œuvres depuis quelques années. Comme elles sont originellement en galaïco-portugais, nous nous efforçons de les commenter et de les traduire. Nous en profitons, au passage, pour vous présenter de grands ensembles de la scène médiévale actuelle qui se sont attelés à leur interprétation.
La Cantiga de Santa Maria 7 ou l’absolution d’une abbesse piégée par le démon
Nous vous avons présenté cette cantiga de Santa Maria 7, dans le détail, il y a déjà quelque temps. Pour en redire un mot, ce miracle relate l’histoire d’une abbesse. Poussée à la faute par le diable nous dit la Cantiga, cette dernière s’était retrouvée enceinte de son intendant, un homme de Bologne.
Bientôt, la religieuse fut dénoncée auprès de l’évêque par ses nonnes empressées d’infliger une leçon à leur supérieure. Le dignitaire se déplaça donc pour la confondre, mais c’était sans compter sur l’apparition de la vierge à laquelle l’abbesse était particulièrement dévote. La sainte répondit, en effet, à ses appels de détresse et apparut pour la délivrer en songe de l’enfant qui fut envoyé à Soissons afin d’y être élevé. La religieuse s’éveilla donc, blanche comme neige et innocente comme au premier jour. Pour conclure, le chant marial nous conte que l’évêque n’ayant rien trouvé en l’examinant, il n’eut d’autres choix que de laisser tomber toute charge contre elle, non sans avoir blâmé au passage les nonnes accusatrices.
Aujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle interprétation de cette cantiga par l’ensemble médiéval Apotropaïk. Nous vous avions déjà présenté cette jeune formation, à l’occasion d’un concert donné au Musée de Cluny en 2018. C’est avec plaisir que nous la retrouvons, cette fois, dans le cadre d’un programme-événement Générations France Musique, le live organisé par France Musique en janvier 2019. La valeur n’attend pas le nombre des années, dit l’adage. Clémence Niclas et ses complices font justice à cette pièce médiévale en la servant avec tout le sérieux et le talent qu’on pouvait en attendre.
Membres de l’Ensemble Apotropaïk : Clémence Niclas (voix), Marie-Domitille Murez (harpe gothique), Louise Bouedo-Mallet (vièle), Clément Stagnol (luth)
Vous pouvez retrouver le détail de la Cantiga de Santa Maria 7, en galaïco-portugais, ainsi que sa traduction en français moderne à la page suivante : la cantiga de Santa Maria 7 par le menu.
En vous souhaitant une belle journée! Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.