Sujet : musique médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle
Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central
Auteur : Alphonse X de Castille, (1221-1284)
Interprète : Edouardo Panigua
Titre : Cantiga Santa Maria 188, « Coraçôn d’hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar «
Album : Cantigas de Mujeres (2011)
Bonjour à tous,
our aujourd’hui, voici l’étude d’une nouvelle Cantiga de Santa Maria tirée du legs du roi d’Espagne Alphonse X de Castille. Il s’agit, cette fois, de la Cantiga 188. C’est un nouveau récit de miracle à ajouter au compte de ceux que nous avons déjà commenté et étudier ( voir index des Cantigas de Santa Maria traduites et commentées).
Cette fois-ci, il est question de la très grande dévotion d’une jeune fille. Comme on le verra, le miracle accompli ne se situera pas forcément là où on l’attendait. D’une certaine façon, cette Cantiga remettra même les pendules à l’heure des mentalités très chrétiennes du Moyen Âge occidental, pour le cas où on les aurait perdu de vue.
Une image de la vierge
dans le cœur d’une damoiselle pieuse
Le poète nous conte, en effet, l’histoire d’une demoiselle a l’amour si grand pour la sainte vierge qu’elle n’avait fini par concevoir plus qu’un grand détachement, voire même du mépris, pour ce monde de matière. Emportée par ses jeûnes et sa volonté d’abstinence, la jeune fille finit même par refuser toute nourriture et toute boisson durant un mois entier. Alitée et affaiblie, quand on prononçait le nom de la Sainte devant elle, elle n’avait pour seul geste que de porter la main à son cœur. Finalement dans sa grande bonté et sans plus attendre, Dieu manda la vierge pour emporter la jeune fille au Paradis.
Ici, la dévotion se conclut donc par la mort et le miracle ne consistera pas à ramener la pieuse damoiselle à la vie. C’est là où nous sommes bien au cœur du Moyen Âge chrétien : la mort n’est pas un drame. Ce n’est qu’un passage et même l’âge n’importe pas. Ce qui compte c’est le Salut. Dans l’esprit de cette cantiga, c’est donc une fin heureuse que trouve la jeune fille. Au fond, elle l’a même presque appelée de ses vœux et elle accède ainsi au Paradis et au bonheur éternel, comme récompense suprême de sa foi, de son abstinence et de son détachement de ce monde.
Le miracle suivra. Face à la mort prématurée de la jeune fille et convaincus qu’elle faisait le geste de montrer son cœur pour designer le siège de son mal, les parents manderont une autopsie. Se pouvait-il qu’on l’ait empoisonnée ? Nenni. Durant l’opération post mortem, ils découvriront, stupéfaits, la présence de l’image de la vierge, à l’intérieur du cœur de la défunte : « même pour ceux, hommes ou femmes, qui veulent taire leur grand foi dans la sainte, cette dernière s’arrange toujours pour que cela soit établi et reconnu« .
Suite à l’histoire et, comme dans chaque miracle, les témoins, en l’occurrence les parents et leur entourage verront leur foi et leur dévotion renforcées.
La Cantiga de Santa Maria 188 par Eduardo Paniagua
« Cantigas de Mujeres » de Eduardo Paniagua
Nous vous avons déjà parlé, à plusieurs reprises, de Eduardo Paniagua. Grand musicien espagnol, passionné de musiques médiévales profanes ou sacrées, on lui doit de nombreux albums sur ce thème. Concernant les Cantigas de Santa Maria en particulier, son legs est immense puisqu’au fil du temps , il a fini par toutes les enregistrer dans de nombreux albums classés par thématique. Dans ce vaste travail on retrouve même, quelquefois, plusieurs versions de la même Cantiga. C’est le cas de cette Cantiga 188.
Dans un double album daté de 1998, intitulé Cantigas de Sevilla, Eduardo Paniagua en avait déjà proposé une version instrumentale. En 2011, avec l’album Cantigas de Mujeres, il en proposait, cette fois, un version vocale et instrumentale qui est celle que nous vous proposons aujourd’hui. En plus cette pièce, l’album en présente 8 autres issues du legs d’Alphonse le savant. Comme son titre l’indique, cette sélection se base sur le thème des femmes dans les Cantigas de Santa Maria, même s’il faut noter que ces dernières présentent un nombre de récits bien plus grand qui mettent en scène de femmes.
Cet album est toujours disponible et on peut encore en trouver quelques copies à la vente en ligne : Cantigas de Mujeres, Album de Edouardo Paniagua.
La Cantiga de Santa Maria 188
du galaïco-portugais au français moderne
Esta é dũa donzéla que amava a Santa María de todo séu coraçôn; e quando morreu, feze-a séu padre abrir porque põía a mão no coraçôn, e acharon-lle fegurada a omage de Santa María.
Celle-ci (cette cantiga) est à propos d’une jeune fille qui aimait Sainte Marie de tout son cœur ; Et quand elle mourut, ses parents la firent ouvrir parce qu’ils pensaient qu’on l’avait empoisonnée, et ils trouvèrent dans son cœur une image de la vierge.
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar,
macá-lo encobrir queiran, ela o faz pois mostrar.
Cœur d’hommes ou de femmes qui aiment beaucoup la Vierge,
Même quand ils veulent le cacher (couvrir), cette dernière fait le nécessaire pour que cela soit montré.
Desto ela un miragre mostrou, que vos éu direi,
a que fix bon son e cobras, porque me dele paguei;
e des que o ben houvérdes oído, de cérto sei
que haveredes na Virgen porên mui mais a fïar.
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…
A propos de cela, elle fit un miracle que je vous conterai
Et duquel je fis un bon son et de bonnes strophes, pour que vous puissiez m’en payer (?)
Et dès que vous l’aurez entendu, je suis bien certain
Que vous aurez encore plus confiance dans le pouvoir de la vierge.
Refrain
Esto por ũa donzéla mostrou a Sennor de prez,
que mui de coraçôn sempre a amou des meninnez
e servía de bon grado; porên tal amor lle fez,
que o ben que lle quería non llo quis per ren negar.
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…
Le dame de grande valeur montra ceci par une jeune fille (donzelle)
Qui de tout son cœur, l’avait aimée depuis toujours et depuis l’enfance
Et qui la servait de bonne volonté ; pour cela, elle lui tenait un tel amour
Que le bien qu’elle lui voulait, elle n’aurait pu le nier en rien.
Refrain
Esta donzéla tan muito Santa María amou,
que, macar no mund’ estava, por ela o despreçou
tanto, que per astẽença que fazía enfermou,
e un mes enteiro jouve que non pode ren gostar
Cette donzelle aimait si fort Sainte Marie
Que, bien qu’elle était dans le monde, pour la Sainte elle le méprisait
tant, que par les jeûnes (abstinences) qu’elle fit, elle tomba malade
Et elle demeura ainsi, durant un mois entier, sans pouvoir rien apprécier
do que a comer lle davan e a bever outrossí.
E pero que non falava, segundo com’ aprendí,
se lle de Santa María falavan, en com’ oí,
ao coraçôn a mão ía tan tóste levar.
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…
De ce qu’on lui donnait à manger et à boire.
Et bien qu’elle ne parlait pas, suivant ce que j’ai appris,
Si on lui parlait de Sainte Marie, comme je l’entendis dire,
Elle posait aussitôt sa main sur son cœur.
Refrain
A madre, que ben cuidava que éra doente mal
e que o põer da mão éra ben come sinal
que daquel logar morría; e quis Déus, non houv’ i al,
que a sa Madre bẽeita a fosse sigo levar.
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…
La mère, était bien convaincue qu’elle était gravement malade
Et qu’elle mettait sa main ainsi pour signaler
Un mal à cet endroit dont elle allait mourir ; Et Dieu voulut, sans plus attendre,
Que sa mère bénie s’en fut pour emporter la jeune fille.
Refrain
O padr’ e a madre dela, quando a viron fĩir,
cuidaron que poçôn fora e fezérona abrir;
e eno coraçôn dentro ll’ acharon i sen mentir
omagen da Grorïosa, qual x’ ela foi fegurar.
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…
Son père et la mère, quand ils la virent mourir,
Crurent qu’elle avait été empoisonnée et la firent ouvrir;
Et, sans mentir, ils trouvèrent à l’intérieur de son cœur,
L’image de la glorieuse, comme la jeune fille se l’était imaginée (figurée).
Refrain
E dest’ a Santa María déron porên gran loor
eles e toda-las gentes que éran en derredor,
dizendo: “Bẽeita sejas, Madre de Nóstro Sennor,
que a ta gran lealdade non há nen haverá par.”
Coraçôn d’ hóm’ ou de mollér que a Virgen muit’ amar…
Et à partir de cet instant, ils firent de grandes louanges à Sainte Marie
Eux et tous les gens qui les entouraient
En disant : « Bénie sois-tu, Mère de notre Seigneur,
Toi dont la grande loyauté n’a et n’aura jamais d’égale. »
Refrain.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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