Sujet : musique médiévale, cantigas de Santa Maria, livre Vermeil de Montserrat, Espagne médiévale. Période : moyen-âge central à tardif Evénement : Concert médiéval espagnol Interprètes : Le Choeur Les Oréades & Les Ménestrels de Paris Lieu : Eglise Sainte-Rosalie (Paris 13) & Eglise Saint-Joseph-Artisan (Paris 10). Date : 8 & 21 janvier 2023.
Bonjour à tous,
our débuter cette année 2023 en musique, la formation vocale Le Choeur Les Oréades vous propose deux dates de concert, en janvier.
Ces deux événements se tiendront sur Paris et auront pour thème les musiques de l’Espagne médiévale. Vous pourrez donc y entendre des pièces empruntées au répertoire des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, ainsi qu’au célèbre Livre Vermeil de Montserrat. Coté programmation, le premier concert sera donné le Dimanche 8 janvier, à 17h00, à l’église Sainte Rosalie, dans le 13e arrondissement de Paris et le second, le Samedi 21 janvier, à 20h00, à l’église Saint-Joseph-Artisan du 10e arrondissement. La participation est libre.
La formation Le Choeur Les Oréades
Pour dire un mot de l’ensemble, le chœur Les Oréades a été fondé en 2013 par la directrice Clara Brenier. Cette formation musicale parisienne a ceci d’original qu’elle se compose, tout à la fois, de musiciens professionnels et amateurs, pour un répertoire assez varié. Ce dernier ne se limite, en effet, pas au Moyen Âge et on peut les retrouver sur des musiques anciennes, médiévales ou renaissantes comme sur des partitions plus folkloriques ou même encore des variations plus Jazz ou contemporaines.
A l’occasion de ces deux concerts qui mettront à l’honneur les musiques espagnoles du Moyen Âge central, le Choeur Les Oérades sera accompagné des Ménestrels de Paris.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : troubadour, galaïco-portugais, cantigas de amor, cantigas de amigo, portrait, biographie, chanson médiévale. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Bernal de Bonaval (12..) Titre : Filha fremosa, vedes que vos digo Interprètes : Coro Thomas Tallis de Arduino Pertile
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons de reprendre le fil de la lyrique galaïco-portugaise du Moyen Âge central. Nous serons, pour cela, accompagnés du troubadour Bernal de Bonaval et de l’une de ses cantigas de Amigo. Mais avant de vous présenter cette pièce, disons déjà un mot de ce poète du XIIIe siècle.
Bernal de Bonaval, éléments de biographie
Actif dans les premières décennies du XIIIe siècle, Bernal de Bonaval (Bernardo, Bernaldo de Bonaval) est cité dans certains manuscrits dédiés à la lyrique galaïco-portugaise, comme « premier des troubadours ». Il faut, toutefois, prendre cela plus comme une marque d’importance de son œuvre, que comme une datation absolue. Bernal fait, en effet, partie de la seconde génération de troubadours qui mirent en place et développèrent cette école poétique et ses différentes formes lyriques.
D’un point de vue biographique, l’homme est galicien, originaire de Bonaval, village qui fait désormais partie de l’agglomération de Saint-Jacques de Compostelle. Il écrit principalement, des Cantigas de Amor et des Cantigas de Amigo, genres particulièrement importants dans l’école galaïco-portugaise. Ses compositions ont vraisemblablement été jouées devant des cours prestigieuses comme celle de Fernando III de Castille et, sans doute plus tard, celle d’Alphonse X(1). Ce dernier souverain fera, en tout cas, une étrange référence au troubadour dans une chanson satirique adressée au poète Pero da Ponte.
« Vós non trobades come proençal, mais come Bernardo de Bonaval; por onde non é trobar natural, pois que o del e do Dem’aprendestes. »
« Vous ne pratiquez pas l’art du trobar comme un provençal Mais plus comme Bernal de Bonaval ; De ce fait, ce n’est pas un art troubadouresque naturel Puisque vous l’avez appris ou de lui ou du démon. »
Alfonso X – Pero da Ponte, par’o vosso mal – Cantiga de escarnio
Encore une fois, l’adresse du roi est faite à Pero de Ponte et la nature diabolique à laquelle il se réfère est sans doute plus une référence directe à un texte de ce dernier. Sans nous aventurer trop loin, on peut au moins voir dans cet extrait, la reconnaissance par le souverain espagnol d’un style poétique à part entière qui distingue Bonaval de l’école provençale, mais aussi de la préférence marquée d’Alphonse X pour cette dernière.
Prieur et frère dominicain ?
Certains auteurs ont émis l’hypothèse que Bernal de Bonaval a pu, également, avoir été ordonné frère dominicain à Saint Jacques de Compostelle. L’hypothèse se base, pour l’instant, sur un seul document juridique datant de 1279. On y trouve mentionné un « frère Bernardo, prieur de Bonaval ». Il pourrait peut-être s’agir du troubadour. Difficile de l’affirmer. Le cas échéant, notre troubadour viendrait s’ajouter à la liste des religieux ayant contribué à alimenter la lyrique galaïco-portugaise profane (2).
Œuvre et sources manuscrites
Pour ce qui est du legs de Bernal de Bonaval, son œuvre conservée est riche d’un peu moins d’un vingtaine de poésies. Ces 19 pièces gravitent principalement autour de Cantigas de Amigo (10) et de Cantigas de Amor (8) avec encore une tenson (3).
On peut retrouver la majeure partie de cette œuvre dans le Cancioneiro da Biblioteca Nacional (Chansonnier de la bibliothèque nationale de Lisbonne), connu encore sous le nom de Codice ou Chansonnier Colocci Brancuti. Avec plus de 1560 pièces, ce manuscrit, daté du XVIe siècle, présente un nombre impressionnant de cantigas qui font de lui un ouvrage d’exception de la lyrique médiévale galaïco-portugaises. Plus de 150 troubadours et poète du Moyen Âge y sont répertoriés, aux côtés de notre auteur du jour. D’un point de vue esthétique, ce manuscrit ancien demeure assez sobre. Retranscrit par 6 copistes différents, il présente les œuvres sur deux colonnes d’une écriture tantôt très dense et sans fioriture, et tantôt plus soignée et un peu plus aérée. S’il n’est pas enluminé et si les chansons n’y sont pas non plus notées musicalement, il reste le fruit d’un travail énorme de compilation et d’indexation.
Ai, filha fremosa, la cantiga de amigo d’une mère à sa fille
Pour compléter notre découverte de ce troubadour galicien, vous proposons de découvrir, dors et déjà, une de ses pièces. Il s’agit d’une Cantiga de Amigo. Nous avons déjà exploré quelques-unes de ces chansons médiévales destinées à l’être aimé avec des auteurs célèbres de la péninsule ibérique, comme Martin Codax, Denis 1er du Portugal, Estevao Coelho ou encore Lourenço Jograr .
Celles que nous avons vu jusque là, mettaient plutôt en scène une jeune fille dans l’attente de son ami/amant. Dans ce type de cantigas, il n’est pas rare que le poète place les paroles dans la bouche même de cette dernière. Dans la cantiga du jour, Bernal de Bonaval a choisi de mettre en avant le personnage de la mère ; elle prendra la parole pour mettra en garde sa fille contre un trop grand empressement amoureux. Désireuse de la protéger, elle l’enjoindra même de ne pas voir son ami sans sa présence, en faisant, au passage, un brin de chantage affectif.
On retrouvera ces échanges entre mère et fille chez un certain nombre d’auteurs galaïco-portugais de la même période et des suivantes. Au delà du fond, on retrouve bien, dans cette poésie de Bonaval, le style épuré qui caractérise le genre : pièces, en général, courtes, mots simples et choisis, avec une emphase sur le refrain qui créé la tension et fait bien ressortir l’émotion du personnage mis en scène.
La version polyphonique du Coro Thomas Tallis
Pour la version musicale, nous vous proposons celle d’un sextet vocal italien issu de l’Ensemble DEUM et de la chorale Coro Thomas Tallis de Arduino Pertile. Nous vous avions déjà dit un mot de ces passionnés de musique ancienne, à l’occasion d’un article sur Thoinot Arbeau et sa chanson « Belle qui Tiens ma vie ». Ces chanteurs démontrent encore ici leurs grands talents vocaux. Notez au passage que leur chaîne youtube vous proposera une foule de contenus vocaux de très haut vol et toujours amenés avec une grande simplicité.
« Ai, filha fremosa » les paroles de Bernal de Bonaval et leur traduction
Filha fremosa, vedes que vos digo: que nom faledes ao voss’amigo sem mi, ai filha fremosa.
E se vós, filha, meu amor queredes, rogo-vos eu que nunca lhi faledes sem mi, ai filha fremosa.
E al há i de que vos nom guardades: perdedes i de quanto lhi falades sem mi, ai filha fremosa.
Ma charmante fille, fais cas de ce que je te dis : Ne parle pas à ton ami Sans moi, ah ! ma chère fille.
Et si toi, ma fille, tu veux mon amour, Je te prie que tu ne lui parles jamais Sans que je sois là, ah ! ma charmante fille.
Et il y a autre chose (de grande importance) dont tu ne te soucies guère Tu perds chaque mot que tu prononces face à lui Si je ne suis pas là, ah ! ma chère fille.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com. A la découverte du Monde médiéval sous toutes ses formes.
(1)Songs of a Friend: Love Lyrics of Medieval Portugal, Barbara Hughes Fowler, The University of North Carolina Press 1996 ) (2) Voir aussi Bernal de Bonaval Trovador medieval, Cantigas Medievais Galego-portuguesas. (3)A Galiza e a cultura trovadoresca peninsular, António Resende Oliveira, Instituto de Historia e teoria das ideias – Faculdade de Lettras, Universidade de Coimbra.
NB : l’image d’en-tête est basée sur le Chansonnier Colocci Brancuti. On peut notamment y voir, la première page des chansons de Bernard Bonaval, avec la mention, à gauche, qui le désigne comme premier troubadour. Ce manuscrit a été digitalisé et il peut donc être consulté en ligne.
Sujet : musique médiévale, galaïco-portugais, culte marial, miracle, Cantiga Santa Maria 181. Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Auteur : Alphonse X de Castille, (1221-1284) Titre : « Pero que seja a gente d’outra lei e descreúda« Interprète : Raul Mallavibarrena, Rocio de Frutos, Musica Ficta et Ensemble Fontegara Album : Músicas Viajeras, Tres Culturas (2012)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous nous laissons, de nouveau, entraîner en Espagne médiévale et à la cour d’Alphonse X, pour y découvrir un nouveau miracle du corpus des Cantigas de Santa Maria. Il s’agit, cette fois, de la Cantiga De Santa Maria 181.
Luttes entre dynasties berbères marocaines et dernier bastion Almohade
Cette fois ci, ce miracle médiéval sort totalement du cadre des pèlerins et dévots chrétiens puisque Marie viendra y intercéder en faveur d’un prince berbère et de ses troupes, contre un autre prince de même origine et de même confession. Dans le cadre du culte marial médiéval, le pouvoir de Marie n’a pas non plus de frontières. Pour preuve, l’histoire se déroule en terre marocaine et à Marrakech. Elle a pour cadre les luttes qui opposèrent, au XIIIe siècle, la dynastie berbère des Mérinides à celle des Almohades. Pour être plus précis, ce chant marial fait même très certainement référence au siège avorté de Marrakech en 1262.
Du point de vue des forces en présence, le prince qui tient la cité n’est pas mentionné dans la Cantiga 181 mais il s’agit vraisemblablement de Abû Hafs Umar al-Murtadâ, khalife almohade de Marrakech de 1248 à 1266. Il est illustré dans la miniature ci contre, tirée d’un des manuscrit médiéval des Cantigas de Santa Maria (manuscrit T ou Codex Rico Ms TI1 conservé à la bibliothèque de l’Escurial à Madrid). L’assiégeant, nommé Aboíuçaf dans la cantiga ne peut être que Abu Yusuf (Abû Yûsuf Yaqûb ben `Abd al-Haqq ), souverain et chef militaire de la dynastie mérinide qui convoitait alors la prise de la cité. Il échouera en 1262 même si sa persévérance lui permettra de parvenir à ses fins plus tard.
Ainsi, après l’échec du siège, il offrira son soutien à un chef rebelle almohade, cousin de ce même Khalife de Marrakech, afin qu’il renverse son parent. Y étant parvenu en 1266, le rebelle refusera de céder les clefs de la cité à Abu Yusuf et ce dernier devra attendre 1269 pour que la ville tombe définitivement dans ses mains, mettant fin à la régence marocaine de la dynastie almohade.
Marie du côté de ses amis mécréants
Pour revenir au miracle de la Cantiga de Santa Maria 181, il met donc en scène la Sainte en terre berbère et intercédant au cœur du conflit. Qu’il suffise de brandir sa bannière et de demander le soutien des chrétiens et de leur croix pour que, sitôt, Sainte Marie freine les ardeurs des guerriers les plus téméraires. Elle se rangera ici du côté de ceux qui, ayant foi en son pouvoir, invoquent sa protection, et qu’importe s’ils ne sont pas chrétiens et vivent sous une autre loi. Elle mettra en déroute les armées de l’assiégeant en soutenant le Khalife ayant eu la sagesse d’écouter ses conseillers.
On le voit, au Moyen Âge, le pouvoir du culte marial est infini et à chaque nouvelle cantiga, la sainte semble étendre sa capacité d’intercession sur les hommes et le monde toujours plus loin. Comment expliquer le fait que le Khalife berbère et musulman écoute ses conseillers, eux-mêmes réceptifs au pouvoir de la Sainte ? Marie (Maryam) est largement mentionnée dans le Coran (plus de trente fois). Elle est considérée comme une femme de grande vertu et le miracle de la nativité, tout comme la reconnaissance de Jésus (Īsā) y sont également repris. Rapprochement volontaire ou non de la part de Alphonse X, ce détail vient ajouter une certaine touche de crédibilité au miracle.
Aboíuçaf dans les cantigas de Santa Maria
Une autre cantiga de Santa Maria, la 169, mentionne le même Aboíuçaf (Aboyuçaf). Cette fois, le thème de ce miracle marial sera les vaines tentatives pour tenter de détruire une église chrétienne dédiée à la Vierge dans la région de Murcia, district alors aux mains des musulmans. Finalement, l’Eglise ne sera pas détruite malgré un accord de principe concédé du bout des lèvres par Alphonse X. Pressé de mettre à bas le lieu de culte marial par ses sujets, le seigneur musulman de Murcia y renoncera pourtant exhortant les empressés de craindre de s’en prendre à la sainte vierge. Plus tard, une autre tentative pour détruire l’édifice, cette fois conduite par Aboíuçaf, échouera également.
Raúl Mallavibarrena à la découverte des trois cultures de l’Espagne médiévale
Nous avions déjà eu l’occasion de vous toucher un mot ici des deux formations médiévales Musica Ficta et Ensemble Fontegara, ainsi que de leur fondateur et directeur Raúl Mallavibarrena, également directeur de la maison d’édition musicale Enchiriadis (voir article précédent à leur sujet).
Au début des années 2010, ce dernier s’adjoignait la collaboration de la chanteuse soprano Rocío de Frutos, mais aussi de la célèbre flutiste Tamar Lalo pour un album intitulé Músicas Viajeras : Tres Culturas. Comme son titre l’indique, il s’agissait là d’un voyage musical autour des fameuses trois cultures de l’Espagne médiévale, souvent mises en exergue par une nombre important d’ensembles médiévaux ibériques modernes.
Avec 15 pièces « itinérantes », ce riche album ne s’arrête pas aux Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X. De fait, il n’en présente même que deux ; la cantiga 156 et celle du jour, la 181. Pour le reste, il offre plutôt une sélection qui alterne divers ensembles ou solistes et leur permette de mettre en avant leur Moyen Âge des trois cultures. La version CD est épuisée à date de cet article mais mais vous pouvez trouver la version numérisée de cet album en ligne. Voici un lien utile pour cela : Músicas Viajeras : Tres Culturas
Musiciens ayant participé à cet album
Tamar Lalo (flûtes) Sara Ruiz (viole de gambe) Manuel Vilas (harpe) , Rocío de Frutos (Soprano), Musica Ficta, Ensemble Fontegara, Raúl Mallavibarrena (direction).
La cantigas de Santa Maria 181 En galaïco-portugais et en français actuel
Esta é como Aboíuçaf foi desbaratado en Marrócos pela sina de Santa María.
Pero que seja a gente d’outra lei e descreuda, os que a Virgen mais aman, a esses ela ajuda.
Celle-ci raconte comment Abu Youssouf fut vaincu à Marrakech par la bannière de Sainte Marie.
Pour autant que les gens soient D’une autre loi et incroyants (mécréants) À ceux qui aiment le plus à la vierge, À ceux-là, elle vient en secours.
Fremosa miragre desto fez a Virgen groriosa na cidade de Marrocos, que é mui gran’ e fremosa, a un rei que era ende sennor, que perigoosa guerra con outro avia, per que gran mester ajuda. Pero que seja a gente…
Un merveilleux miracle à ce sujet, Fit la vierge glorieuse En la cité de Marrakech, Qui est très grande et belle, Et dans laquelle, il y avait un roi Qui était son seigneur, mais qui était engagé Dans une guerre dangereuse Contre un autre roi. Ce pourquoi, il avait besoin d’une grande aide. Refrain
Avia de quen lla désse: ca assi corn’ el cercado jazia dentr’ en Marrocos ca o outro ja passado era per un grande rio que Morabe é chamado con muitos de cavaleiros e mui gran gente miuda. Pero que seja a gente…
De la part de qui pouvait lui donner ; Ainsi, alors qu’il était reclus A l’intérieur de Marrakech, Son ennemi était déjà passé Par un grand fleuve, Qu’on nomme Morabe, Avec un grand nombre de chevaliers Et de nombreux gens à pied (fantassins). Refrain
E corrian pelas portas da vila, e quant’ achavan que fosse fora dos muros todo per força fillavan. E porend’ os de Marrocos al Rei tal conssello davan que saisse da cidade con bõa gent’ esleuda. Pero que seja a gente…
Et ceux-là couraient en direction des portes De la ville et tout ce qu’ils trouvaient qui fut hors des murs, Ils le dérobaient. Si bien que ceux de Marrakech, Donnèrent au roi ce conseil : Qu’il sorte de la ville, Avec des personnes de qualitéet bien choisies Refrain
D’armas e que mantenente cono outro rei lidasse e logo fora da vila a sina sacar mandasse da Virgen Santa Maria, e que per ren non dultasse que os logo non vencesse, pois la ouvesse tenduda. Pero que seja a gente…
En armes, et qu’instamment Il se présente face à l’autre roi. Et qu’une fois sortis de la ville, Ils brandissent l’étendard De la vierge Sainte Marie, Afin qu’en aucune façon, ses ennemis ne doutent Qu’ils seraient vaincus sur le champ, Aussitôt que la bannière serait dressée. Refrain
Demais, que sair fesesse dos crishõos o concello conas cruzes da eigreja. E el creeu seu consello; e poi-la sina sacaron daquela que é espello dos angeos e dos santos, e dos mouros foi viuda. Pero que seja a gente…
En plus de cela, le roi devrait encore faire sortir la communauté chrétienne Portant les croix de l’Eglise. Ce dernier tint compte du conseil. Et après qu’ils déployèrent l’étendard de celle qui est le miroir Des anges et des saints, Il fut vu par les maures. Refrain
Que eran da outra parte, atal espant’ en colleron que, pero gran poder era, logo todos se venceron, e as tendas que trouxeran e o al todo perderon, e morreu y muita gente dessa fea e barvuda. Pero que seja a gente…
Qui se tenaient de l’autre côté, Et ces derniers furent pris d’une telle terreur Que, malgré leur grand pouvoir, Ils se déclarèrent tous vaincus. Et les tentes qu’ils avaient apportées, Et tout le reste, ils le perdirent, Et, là-bas, moururent beaucoup de ses gens Barbus et disgracieux. Refrain
E per Morabe passaron que ante passad’ ouveran, en sen que perdud’ avian todo quant’ ali trouxeran, atan gran medo da sina e das cruzes y preseran, que fogindo non avia niun redea teuda. Pero que seja a gente…
Et ils repassèrent par le Morabe Qu’ils avaient passé auparavant Et malgré qu’ils aient perdu Tout ce qu’ils avaient emmené avec eux Ils avaient eu si peur de l’étendard Et des croix Que, dans leur fuite, Pas un d’entre eux ne tenait ses rênes en main. Refrain
E assi Santa Maria ajudou a seus amigos, pero que d’outra lei eran, a britar seus eemigos que, macar que eran muitos, nonos preçaron dous figos, e assi foi ssa mercee de todos mui connoçuda. Pero que seja a gente…
Et c’est ainsi que sainte Marie Aida ses amis, Bien qu’ils fussent d’une autre loi, À briser leurs ennemis Qui, bien qu’ils fussent très nombreux, Ne valurent pas deux figues, Et ainsi sa grande miséricorde Fut bien connue de tous. Refrain
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NB : la miniature médiévale ayant servi à l’image d’en-tête est également tirée du Codex Rico, Ms TI1. Ce manuscrit médiéval daté du courant du XIIIe siècle est conservé à la bibliothèque de l’Escurial de Madrid. On y voit clairement les forces en présence et la bannière de la Sainte évoquées dans la cantiga.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, Gethsémani Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 29 « Nas mentes sempre teer » Ensemble : Micrologus Album : Madre de Deus (1998)
Bonjour à tous,
u cour de nos nombreuses pérégrinations autour du Moyen Âge, nous avons entrepris, il y a quelque temps, l’exploration et la traduction des Cantigas de Santa Maria. Rédigés en galaïco-portugais, ces chants dévots du XIIIe siècle furent compilés, et peut-être même écrits pour certains, de la main du roi Alphonse X de Castille. Un grand nombre d’entre eux ont trouvé leur inspiration dans les récits de miracles liés au culte marial qui circulaient alors en Espagne et même au delà. Certains provenaient d’ouvrages écrits par divers religieux, d’autres plus directement de récits de pèlerins.
La cantiga 29 ou l’apparition de l’image
de la vierge sur une pierre
Aujourd’hui, nous nous penchons sur la Cantiga de Santa Maria 29. Il s’agit donc d’un nouveau récit de miracle. Il conte l’apparition miraculeuse d’un image de la vierge à l’enfant sur une « pierre » et se réfère à un récit de pèlerins s’étant rendu à Gethsémani. Nous tenterons de jeter quelques lumières sur tout cela. Pour illustrer cette présentation, nous vous proposons également l’interprétation de ce chant marial par l’ensemble italien Micrologus dirigé par la talentueuse Patrizia Bovi.
La Cantiga de Santa Maria 29 par l’Ensemble Micrologus
Les cantigas d’Alphonse X par Micrologus
Si l’on peut trouver la pièce du jour sur la chaîne Youtube de Micrologus, elle provient d’une production de l’ensemble médiéval, datée de 1998 et dédiée aux Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X. Intitulé Madre de Deus, l’album présente quinze cantigas. On le trouve disponible à la vente en ligne sous forme CD et même sous forme de fichiers MP3. Lien utile : Madre de Deus, Cantigas de Santa Maria.
Pour en apprendre plus sur cette formation médiévale italienne, vous pouvez également consulter l’article suivant : portrait de Micrologus.
La vierge de Gethsémani : aux origines de la cantiga de Santa Maria 29
Dans les Évangiles, Gethsémani est désigné comme le lieu de la dernière cène. Avec le temps, on l’a associé à plusieurs endroits. Situé à l’est de Jérusalem, il peut désigner le mont des Oliviers ou, de manière plus spécifique, son jardin ou même encore la grotte de Gethsémani qui se situe non loin. En l’occurrence et dans la cantiga de Santa Maria 29, il est vraisemblablement fait référence à l’église du sépulcre de la Sainte Vierge. Suivant le récit ayant inspiré ce chant, c’est, en effet, à l’intérieur du tombeau supposé de Marie et sur une de ses colonnes, que se trouvaient les représentations dont l’auteur nous conte qu’elles n’étaient ni des peintures, ni des sculptures, mais des apparitions miraculeuses.
Le Liber Mariae de Juan Gil de Zamora
Ci-contre, miniature du
Manuscrit médiéval MS T.I 1
de la Biblioteca del Monasterio
de El Escorial, Madrid
D’après les sources, la datation de ce miracle est contemporaine de l’Espagne d’Alphonse X. Il est toujours possible qu’elle soit antérieure, mais, factuellement, on le retrouve dans le Liber Mariae du franciscain Juan Gil de Zamora (1241(?)-1318). Secrétaire du roi et tuteur de son fils Sancho, l’homme était lui-même un érudit. Il collabora aux différentes œuvres du monarque espagnol et, entre les nombreux ouvrages qu’il a légués, son Liber Mariae, compilation de divers récits de miracles mariaux, a, semble-t-il, compté pour la rédaction des Cantigas de Santa Maria.
Hypothèse de médiévistes sur la cantiga 29
Deux historiens américains, spécialisés dans la littérature médiévale espagnole et contemporains du XXe siècle, se sont penchés sur le miracle de la Cantiga 29 (Keller John Esten and Richard P. Kinkade, Myth and Reality in the Miracle of Cantiga 29, la Corónica, 1999). De leurs côtés, ils ont rattaché l’origine possible de ce récit à la Basilique de la Nativité de Bethléem, elle-même sur la route des pèlerinages. On aurait trouvé, en effet, sur les colonnes de cette dernière, des images peintes, dont notamment une de la vierge à l’enfant. Ces peintures ont été datées de 1130 et la technique utilisée pour les exécuter aurait été particulièrement novatrice pour l’époque ; elle permettait, en effet, de peindre sur le marbre préalablement poli. Selon ces deux auteurs, plus d’un siècle après l’exécution de cette oeuvre représentant la vierge et face à la particularité de la technique usitée et son effet d’incrustation, certains pèlerins auraient pu voir là la trace d’un miracle.
A plus de 700 ans de là et quelle que soit la validité de cette hypothèse, voici les paroles de cette Cantiga de Santa maria 29, accompagnées d’une traduction en français moderne, effectuée par nos soins.
La Cantiga de Santa Maria 29 : traduction
du galaïco-portugais au français moderne
Esta é como Santa Maria fez parecer nas pedras omages a ssa semellança.
Celle-ci (cette cantiga) conte comment Sainte-Marie fit apparaître sur des pierres des images à sa ressemblance (des images d’elles).
Nas mentes sempre tẽer devemo-las sas feituras da Virgen, pois receber as foron as pedras duras.
Dans nos esprits, toujours nous Devons garder les prouesses* (actions, œuvres ?) De la vierge car elles furent Gravées sur des pierres dures.
Per quant’ eu dizer oý a muitos que foron i, na santa Gessemani foron achadas figuras da Madre de Déus, assi que non foron de pinturas.
Nas mentes sempre tẽer …
Parce que j’ai entendu dire Par de nombreuses personnes qui allèrent là bas En la Sainte Gethsémani Qu’on y a trouvé des images De la mère de Dieu, telles Qu’elles n’étaient pas des peintures.
Refrain…
Nen ar entalladas non foron, se Déus me perdôn, e avia y fayçôn da Sennor das aposturas con séu Fill’, e per razôn feitas ben per sas mesuras.
Nas mentes sempre tẽer …
Elles n’avaient pas non plus été sculptées, Et, que Dieu me pardonne, On y voyait les traits Et l’élégance de la dame Avec son fils, et elles étaient bien faites,
Avec raison et de justes mesures (dimensions, proportions).
Refrain…
Porên as resprandecer fez tan muit’ e parecer, per que devemos creer que é Sennor das naturas, que nas cousas á poder de fazer craras d’ escuras.
Nas mentes sempre tẽer …
Par conséquent, il (Dieu) les fit resplendir Et apparaître de manière si parfaite Que nous devons croire Qu’elle est la dame de la nature Qui, sur les choses, a le pouvoir De changer l’obscurité en clarté.
Refrain…
Déus x’ as quise figurar en pédra por nos mostrar que a ssa Madre onrrar deven todas creaturas, pois deceu carne fillar en ela das sas alturas.
Nas mentes sempre tẽer …
Dieu voulut la figurer Sur la pierre pour nous montrer Que toutes les créatures
Doivent prier sa mère Car il est descendu pour s’incarner En elle, depuis les hauteurs (le ciel).