Sujet : musique médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle Période : XIIIe siècle, moyen-âge central « Auteur » : Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284) Interprète :Ensemble Gilles Binchois Titre: Cantiga Santa Maria 139 Album: Alphonse x el sabio : Cantigas de Santa Maria (2005)
Bonjour à tous,
l’occasion d’un article précédent, nous avions abordé, dans le détail, la Cantiga de Santa Maria 139. La version que nous en avions alors présentée était exclusivement instrumentale et nous était proposée par l’Ensemble Perceval et Guy Robert, dans leur album L’art Du Luth au moyen-âge, datant de 1960.
Aujourd’hui et pour faire bonne mesure, nous partageons une superbe version instrumentale et vocale de cette Cantiga. Cette fois-ci, nous la devons à l’Ensemble Gilles Binchois sous la direction de Dominique Vellard.
La Cantiga de Santa Maria 139 par l’Ensemble Gilles Binchois
L’Ensemble Gilles Binchois
et les Cantigas de Santa Maria
En 2005, l’Ensemble médiéval Gilles Binchois présentait un album dédié tout entier aux Cantigas de Santa Maria etayant pour titre : Alphonse X El Sabio, Cantigas de Santa Maria.
Sous la direction et la voix du tenor Dominique Vellard, les sopranos Anne-Marie Lablaude et Françoise Atlan y étaient encore accompagnées par Emmanuel Bonnardot à la vièle et au luth, et Keyvan Chemirani aux percussions,
L’album contient seize pièces sélectionnées avec soin dans le large répertoire des cantigas médiévales et galaïco-portugaise du roi Alphonse de Castille et interprétées avec une grande virtuosité. La version de la Cantiga 139 présentée ici vous en donne, d’ailleurs, un excellent aperçu. Pour en écouter plus d’extraits ou pour l’acquérir, vous pouvez vous reporter au lien suivant.
La Cantiga 139 et le miracle
de l’enfant, du pain et de la statue
a Cantiga de Santa Maria 139 nous conte encore le récit d’un miracle. Pour redire un mot de l’histoire, elle se déroulait en Flandres où une femme était venu portée son enfant dans une église pour le confier à la protection de la vierge.
Durant la scène, l’enfant offrait spontanément un morceau du pain qu’il était en train de manger, à l’effigie du Christ sur la statue (et on l’imagine dans les bras de la vierge). Après une intercession de la Sainte auprès de son fils, ce dernier, touché par le geste de partage de l’enfant répondait en personne et exhaussait directement le voeu de la croyante. Il épargnait ainsi, une vie de souffrance à l’enfant, en le faisant directement entrer au paradis et le refrain de scander :
Maravillosos et piadosos et mui Fremosos miragres faz Santa Maria, a que nos guia Ben noit’ e dia et nos dá paz
Merveilleux, plein de piété
et grandioses sont tes miracles, Sainte-Marie qui nous guide à la perfection
de nuit comme de jour et nous apporte la paix.
Pour retrouver les paroles de cette cantiga et plus de détails la concernant, nous vous invitons à consulter l’article précédent à son sujet.
En vous souhaitant une belle écoute, ainsi qu’une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 152, le bol d’argent
Tantas nos mostra a Virgen Direction : Eduardo Paniagua (2003) Album : Caballeros, Cantigas de Alfonso X, el sabio
Bonjour à tous,
ous poursuivons ici l’exploration des Cantigas de Santa Maria, chansons médiévales toutes entières dédiées au culte marial et à la vierge, léguées à la postérité par le roi espagnol Alphonse X de Castille, dans le courant du XIIIe siècle. Aujourd’hui, c’est la Cantiga numero 152 que nous vous présentons par le détail.
Culte Marial
La bonté d’une Sainte et la bienveillance d’une mère, au secours de l’homme médiéval
C’est une évidence mais on ne peut s’intéresser au moyen-âge en Europe occidentale, sans se pencher sur ses aspects profondément chrétiens et, dans ce cadre, on peut encore moins occulter le culte qui s’y développe autour de la vierge Marie, et ce monument qu’il lui est dédié et que représentent les Cantigas de Santa Maria.
En Occident, le culte marial s’intensifie autour du VIIe siècle avec l’entrée dans le calendrier de fêtes destinées à célébrer la Sainte incarnée et sa maternité. Cette force s’affirmera encore du IXe au XIe siècle et, au XIIe siècle, les images et les réflexions associées à la « madre dolorosa » accompagnant son fils sur la croix lui conférera plus que jamais un statut unique dans le coeur des croyants. Entre le ciel et la terre, la mère de Dieu sera alors devenue celle de tous les hommes, capable de leur offrir le salut et prompte à les secourir. Mère de miséricorde, le XIIe et le XIIIe la vénéreront encore intensément à travers des productions artistiques dans tous les domaines et de nombreux récits de Miracles. (1)
Au XIIIe siècle, les Cantigas de Santa Maria sont chantées à la cour d’Espagne, elles résonnent aussi dans les chants des pèlerins et les accompagnent sur le chemin de la rédemption au long des grandes routes souvent périlleuses du moyen-âge. A la faveur de certains prêcheurs de l’Eglise, cet « amour » de la Sainte héritera même par endroit des formes et des contours de la lyrique courtoise. L’émotion qu’elle suscite chez bon nombre d’hommes occidentaux, au coeur du moyen-âge, nous est sans doute aujourd’hui difficile à percevoir dans toute sa profondeur et sa complexité mais elle recouvre une réalité indubitable dont nous gardons encore de nombreux témoignages.
Sainte miraculeuse, mère des mères, dames des dames, touchée par la grâce divine et pleine de miséricorde, icone féminine sublime de bonté et de pureté, cette « notre dame » qui est même devenue le symbole de l’Eglise toute entière est, pour l’homme médiéval, capable plus encore que tout autre Saint d’intercéder efficacement auprès de son fils, le Christ, le Dieu mort en croix et d’obtenir son oreille et sa mansuétude. A lui, on n’ose pas toujours d’adresser directement, jamais tout à fait certain d’en être digne, ni d’avoir son écoute et comme on la crédite de cette bonté infinie. tout autant que de cette proximité, elle apparaît aussi, souvent et se montre quand on l’appelle, pour peu qu’on le fasse avec une foi sincère. Ainsi, l’histoire de la Cantiga 152 est encore celle d’un miracle et d’une apparition.
La Cantiga 152 par Eduardo Paniagua
Eduardo Paniagua et les chevaliers dans les cantigas de Santa Maria
Nous avions déjà dédié à Eduardo Paniagua, un long article à l’occasion de notre présentation détaillée de la Cantiga 23 (celle du miracle du vin). Aussi, si vous désirez en savoir plus sur ce brillant et talentueux musicien espagnol entièrement dévoué au répertoire médiéval, nous vous invitons à le consulter.
Rappelons simplement que dans les nombreuses productions musicales médiévales qu’il a ramené à la lumière et réinterprétées, on doit à Eduardo Paniagua l’immense travail d’avoir recompilé et enregistré l’ensemble des Cantigas de Santa Maria.
Dans un album de 2003 ayant pour titre Caballeros, il proposait une selection des Cantigas d’Alphonse le Sage, sur le thème des chevaliers et de la chevalerie. C’est de cet album qu’est tiré l’interprétation de la Cantiga 152 du jour. Vous le trouverez disponible à la vente en ligne sous ce lien : Caballeros
La Cantiga 152 Un bol d’argent plein d’amertume pour un chevalier débauché
etits pélerins, simple gens, marchands, bourgeois, seigneurs et princes, les miracles des Cantigas de Santa Maria ne font pas d’ostracisme social et la vierge ne distingue pas entre les classes pour accomplir ses prodiges. Bien au contraire, la multiplicité des exemples ne fait que renforcer l’idée que la Sainte est à portée de tous. Le Miracle, cette fois-ci, concerne un chevalier.
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.
Comment un bon chevalier d’armes, mais qui était plein de luxure, disait toujours « Ave Maria » et comment Sainte Marie par sa démonstration lui permis de s’en défaire.
Bien qu’il invoqua souvent le nom de la vierge en disant « Ave Marie », l’homme ne se rendait jamais aux messes, ni aux offices et ne priait guère non plus. Fort talentueux dans les arts de la guerre et doté d’un grand courage, il demeurait aussi arrogant et licencieux, se rendant coupable de tous les péchés de luxure, les plus grands comme les plus petits.
Un jour, l’homme se trouva en grande lutte avec lui-même, désireux de s’amender au fond de son âme mais au dilemme, car son corps ne voulait abandonner les plaisirs de chair qu’il goûtait par ailleurs et auxquels il s’était habitué. Et tandis qu’il était au débat, ne sachant trancher, la « glorieuse » lui apparut, tenant dans sa main un magnifique bol d’argent grand et luisant. A l’intérieur du récipient, se tenait un mets de couleur jaunâtre et abjecte, à la saveur amère et à l’odeur nauséabonde et fétide.
A la vue du liquide, le chevalier fut pris d’une grande peur et somma l’apparition de vouloir se nommer. La Sainte lui répondit : « Je suis Sainte Marie et je viens avec ce bol te décrire ta situation afin que tu les abandonnes tes erreurs. Car, vois-tu, ce bol te montre que tu es beau et doté de très grandes qualités. Et pourtant, comme tu es aussi plein de péchés et sale dans ton âme, tu empestes comme ce mets malodorant et tu iras en enfer, qui est plein d’amertume.
Ayant prononcé ces mots, la vierge s’en fut, et depuis cet instant là jusqu’à la fin de ses jours, le chevalier s’amenda et vécut dans la droiture. Et quand son âme fut séparée du corps, il s’en fut dans le lieu de Paradis où il vit la vierge sainte qui est la dame des dames.
Refrain « La vierge nous montre tant de merci et d’amour Que jamais et pour aucune raison nous ne devons être de mauvais pêcheurs. »
La Cantiga de Santa Maria 152
en galaïco-portugais original
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E dest’ un mui gran miragre mostrou por un cavaleiro que apost’ e fremos’ era e ardid’ e bon guerreiro; mas era luxurioso soberv’ e torticeiro, e chẽo d’ outros pecados muitos, grandes e mẽores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Este per ren madodynnos nen vesperas non oya, nen outras oras nen missa; pero en Santa Maria fiava e muitas vezes a saudaçon dizia que ll’ o Sant’ Angeo disse, de que somos sabedores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E un dia, u estava cuidando en ssa fazenda com’ emendass’ en sa vida, e avia gran contenda, ca a alma conssellava que fezesse dest’ emenda, mas a carne non queria que leixasse seus sabores; Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
El estand’ en tal perfia, pareceu-ll’ a Groriosa con ha branqu’ escudela de prata, grand’ e fremosa, chẽa dun manjar mui jalne, non de vida saborosa, mas amarga, e sen esto dava mui maos odores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
U a viu o cavaleyro, foi con medo [e]spantado e preguntou-lle quen era. Diss’ ela: «Dar-ch-ei recado: eu sõo Santa Maria, e venno-te teu estado mostrar per est’ escudela, porque leixes teus errores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Ca ves, esta escudela mostra-ti que es fremoso e ás muitas bõas mannas; mas peccador e lixoso es na alma, poren cheiras com’ este manjar astroso, per que yrás a inferno, que é chẽo d’ amargores». Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E pois ll’ ouv’ aquesto dito, a Virgen logo foy ida; e el dali adeante enmendou tant’ en sa vida, per que quando do seu corpo a ssa alma foy partida, foi u viu a Virgen santa, que é Sennor das sennores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 282 Interprètes : Triskilian Album : Bell’amata (2015)
Bonjour à tous,
ous poursuivons, aujourd’hui, notre exploration du culte marial au moyen-âge central, à la lumière des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, dit Alphonse le sage.
Comme toutes les autres Cantigas de la cour d’Espagne du XIIIe siècle, celle du jour est en galaïco-portugais; il s’agit de la Cantiga 282 connue sous le titre de « Par Déus, muit’ á gran vertude » ou même encore comme « Ai, Santa María, val!« .
Pour son interprétation, nous partons en direction de l’Allemagne avec un groupe sympathique passionné de musique et de moyen-âge. Il a pour nom Triskilian et il nous propose une version très enlevée de cette Cantiga avec deux superbes voix et un bel arrangement musical plus néo-folk que « classique ».
De l’Allemagne à la Norvège, de la France à l’Italie, l’Angleterre, la Suisse, la Suède, le Portugal ou l’Espagne, nul doute que le moyen-âge est partout. L’Europe médiévale continue d’exister et d’y séduire de nombreux artistes et un large public et c’est tout le sens des incursions que nous faisons hors des frontières pour vous présenter aussi des formations venues d’ailleurs et des croisements culturels riches en couleur.
La cantiga 282 par le groupe néo-folk médiéval Triskilian
Triskilian,
musique médiévale et néo-folk
Fondé dans le courant de l’année 2000 par l’artiste polyvalent – mime, trapeziste, conteur, musicien – Dirk Kilian et la chanteuse Julia Bauer, le groupe allemand Triskilian s’est donné comme champ d’exploration le moyen-âge. Bientôt rejoint par Christine Hübner (chant percussions, harpe) et Philipp Greb (cistre, Bouzouki, guimbarde), la formation invite également d’autres artistes sur ses productions.
A l’image d’un certain nombre de groupe de « minnesingers » (ménestrels) allemands modernes, les artistes de Triskilian ont décidé de mettre dans leur goût pour le répertoire musical médiéval, une large touche de néo-folk et de tradition musicale celtique. Nous sommes donc moins ici dans l’ethnomusicologie que dans le domaine du rock-folk d’inspiration médiévale. Triskilian nous propose un moyen-âge reconstruit, qui entend même tutoyer la World music et qui s’assume résolument comme tel.
Depuis sa création, Triskilian a produit six albums. Bell’amata est le dernier en date. Sorti en 2015, le groupe se proposait d’y revisiter, de manière large, le répertoire des trouvères, troubadours mais aussi des pèlerins du moyen-âge central. L’album proposait une sélection de quinze pièces en provenance des XIIe et XIIIe siècles et l’un de ses fils conducteurs était aussi de rendre hommage à la féminité et aux muses du moyen-âge.
On y trouve ainsi une sélection de pièces en provenance de l’Europe médiévale au sens large puisque les Cantigas de Santa Maria y côtoient les Cantigas de amigo de Martin Codax, mais encore des pièces de la trobairitz Beatriz de Dia, du trouvère Adam de la Halle, et d’autres titres encore signés ou anonymes en provenance de l’Italie, de l’Angleterre et de l’Allemagne médiévales.
La Cantiga de Santa Maria 282,
histoire d’un miracle et culte marial
Il est question à nouveau, dans cette Cantiga de Santa Maria, du récit d’un miracle accompli par la Vierge. L’ouvrage en contient de nombreux (voir notamment Cantiga 139, Cantiga 23, Cantiga 49, Cantiga 166).
L’histoire provient, cette fois, de la ville de Ségovie dans la province de Castille et León, au nord de Madrid. Elle conte la chute d’un enfant (fils chéri d’un dénommé Diego Sánchez),du toit d’une haute maison. Paniqués, ses parents et sa nurse accoururent en s’attendant au pire, mais ils le trouvèrent fort heureusement sain et sauf, jouant et riant même. Il leur expliqua qu’il avait, pendant sa chute, demandé à la Vierge de le sauver et que cette dernière l’avait, à l’évidence, exaucé. Quand ils entendirent le récit, les parents heureux et soulagés, s’empressèrent de porter l’enfant jusqu’à la cathédrale et y firent offrande de nombreux cierges à la Sainte pour la remercier du miracle.
Les paroles de la Cantiga de Santa Maria 282
Como Santa María acorreu a un moço de Segóbia que caeu dun sobrado mui alto, e non se feriu porque disse: “Santa María, val-me.”
Comment Sainte-Marie secourut un jeune homme de Ségovie qui était tombé du toit d’une maison très haute, et qui ne fut pas blessé parce qu’il avait dit : « Sainte-Marie, sauve-moi. »
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal u dizen todos nas coitas: “ai, Santa María, val!”
Par Dieu, elle a de grandes vertus la prière commune* (*populaire)
que tous disent, dans la peine (disgrâce) : ah! Sainte Marie, sauvez-moi! »
Ca muito é gran vertude e pïadad’ e mercee d’acorrer sól por un vérvo a quen en ela ben cree; ca estando con séu Fillo, todo sab’ e todo vee, pero quena aquí chama sa mercee non lle fal. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
E daquest’ un séu miragre mui fremoso contarei que mostrou grand’ en Segóvi’ a, com’ éu en verdad’ achei, un fillo de Dïag’ Sánchez, un cavaleiro que sei que na cidade morava e éra ên natural. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Est’ avía un séu fillo que amava mais ca si; e un día trebellando andava, com’ aprendí, encima dũu sobrado muit’ alt’, e caeu dalí de cóstas, cabeça juso, e foi caer ena cal. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
A ama que o crïava foi corrend’ a aquel son do meninno que caera, e o padre lógu’ entôn; e outrossí fez a madre, que o mui de coraçôn amava mais d’ outra cousa como séu fillo carnal, Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Coidando que mórto éra, e foron polo fillar. E quando pararon mentes, vírono en pé estar trebellando e riíndo, e fôrono preguntar se éra ja que ferido ou se se sentía mal. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Diss’ el: “Non, ca en saendo chamei a Madre de Déus, que me fillou atán tóste lógo enos braços séus; ca se aquesto non fosse, juro-vos, par San Matéus, que todo fora desfeito quando caí, come sal.” Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Quand’ est’ oiü o padre e a madre, gran loor déron a Santa María, Madre de Nóstro Sennor; e lóg’ o moço levaron aa eigreja maior con muitas candeas outras e con un séu estadal.
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal.
u dizen todos nas coitas: “ai, Santa María, val!”
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, pèlerinages médiévaux. Epoque : moyen-âge central, XIIIe Auteur : Alphonse X de Castille (1221-1284) Titre : Maravillosos e piadosos , cantiga 139 Interprète : Guy Robert et l’Ensemble Perceval
Album : L’art Du Luth au moyen-âge (1980 )
Bonjour à tous,
n route pour la grande Espagne médiévale du XIIIe siècle, celle de la cour d’Alphonse le Sage et l’incontournable héritage musical et poétique qu’il nous a laissé avec les célèbres Cantigas de Santa Maria.
Il s’agit, cette fois, d’une version instrumentale plutôt enlevée et aux accents, par instants, presque byzantins de la Cantiga 139, arrangée et interprétée avec brio par le luthiste Guy Robert et l’ensemble Perceval (dont le musicien était, par ailleurs, le directeur et le co-fondateur).
La Cantiga Santa Maria 139 par Guy Robert et l’Ensemble Perceval
Guy Robert, l’Ensemble Perceval
et l’art du luth au moyen-âge
On se souvient que l’Ensemble Perceval se forma à la faveur du film d’Eric RohmerPerceval le Gallois. Guy Robert en assuma alors la direction musicale et artistique et décida, par la suite, de poursuivre sur cette lancée sa riche exploration du répertoire des musiques médiévales avec une partie de l’équipe (comédiens et musiciens) que le film avait permis de constituer. Le travail artistique engagé depuis lors se poursuivit avec une partie de l’équipe originelle, pour donner naissance aux Productions Perceval dont nous avons déjà parlé ici.
La pièce musicale que nous partageons aujourd’hui est extraite d’un album sorti en 1980, chez Arion. Tout entier dédié à l’art du Luth au moyen-âge et gravitant autour de la virtuosité instrumentale de Guy Robert, l’album présentait onze pièces musicales : estampies italiennes et même anglaises, virelais, ballades, motets et encore cantiga. Avec, entre autres sources, le Manuscrit de Montpellier, le Chansonnier du Roy ou le Codex Faenza, l’ensemble médiéval y revisitait au Luth ou à la guitare sarrasine, les musiques de l’Europe médiévale des XIIIe et XIVe siècles. On pouvait encore y trouver une version du virelai Douce Dame Jolie de Guillaume de Machaut.
Sorti originellement en vinyle, l’album fut réédité, plus tard dans le temps, au format CD pour le plus grand plaisir des amateurs de Luth tout autant que de danses et de musique médiévale. On le trouve aujourd’hui toujours disponible à la vente en ligne, sous un format dématérialisé. En voici le lien si vous êtes intéressés : L’Art du Luth au Moyen-âge (format MP3).
La Cantiga Santa Maria 139 : miracles de Sainte-Marie et culte marial médiéval
Même si la version du jour est instrumentale,nous présentons tout de même ici les paroles de cette Cantiga en vous fournissant quelques clés de compréhension. Nous aurons, sans doute, dans le futur l’occasion d’en poster une version vocale et nous prenons ainsi un peu d’avance.
Intitulé Maravillosos e piadosos, autrement dit Merveilleux et pieux, la cantiga 139 loue, une fois de plus, la vierge et ses miracles. La pièce est scandée tout du long par un refrain qu’on peut traduire ainsi:
« Merveilleux, plein de piété et très beaux, sont les miracles que tu fais, Sainte-Marie qui nous guide à la perfection de nuit comme de jour et nous apporte la paix. »
Il est donc ici question d’un miracle survenu en Flandres, nous dit le poète. Une femme avait apporté à la vierge et en son église, son petit enfant pour que la Sainte le prenne sous sa garde et le protège du malheur. Dans un élan spontané, l’enfant offrira alors du pain à l’image du Christ (la statue) en lui demandant s’il a faim, et la vierge s’adressera alors au Christ qui, à son tour, répondra directement à l’enfant, à haute voix : « Tu mangeras demain avec moi au ciel, et quand tu m’auras vu tu resteras toujours avec moi et tu entendras comment chaque saint chante, car je chante et défais le mal ».
Ainsi, l’enfant mourra et sera accueilli directement au Paradis où « Dieu fait règner la joie et le rire » ( Gozo y rizo). ie : récompensé pour sa bonté et sa charité (le partage spontané du pain), il sera délivré de l’emprise du mal et du malin, et accédera au royaume de Dieu, en évitant une vie de souffrance. Au passage, on note bien ici dans le culte marial, cette idée que la vierge (plus humaine par nature) peut intercéder directement auprès du Christ puisque le poète médiéval nous conte, dans ce Miracle de la Cantiga 139, qu’elle le fait même directement et à haute voix.
Maravillosos et piadosos et mui Fremosos miragres faz Santa Maria, a que nos guia Ben noit’ e dia et nos dá paz
E d’est’ un miragre vos contar quero Que en Frandes aquesta Virgen fez Madre Deus, maravillos’ et fero, por Hua dona que foi hua vez A sa eigreja d’ esta que seja Por nós et veja-mola sa faz No parayso, u Deus dar quiso Goyo et riso a quen lie praz
Maravillosos e piadosos ….
A questa dona leuou un menynno Seu fillo, sigo, que en offrecon Deu aa Virgen, mui pequenynno Que de mal ll’ o guardass’ e d’ oqueijon Et lle fezesse per que disesse Sempr’ e soubesse den ben assaz Que, com’ aprendo, seu pan comendo Foi mui correndo, parouss’ en az
Maravillosos e piadosos ….
Cabo do Fillo daquela omagen E diss’ o menynno: « Queres papar? » Mais la figura da Virgen mui sagen Diss’ a seu Fillo: « Dille sen tardar Que non ss’espante, mais tigo jante U sempre cant’ e aja solaz E seja quito do mui maldito Demo que scrito é por malvaz. »
Maravillosos e piadosos ….
Quand’ esto diss’, a omagen de Christo
Respos ao menynno: « Pparas Cras mig’ en Ceo; e que me visto Ouveres, senpre pois migo seerás U ouças, que chanto e mal desfaz. » Esto comprido foi, e transsido E moç e ydo a Deus viaz
Maravillosos e piadosos ….
En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.