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Au Moyen Âge tardif, une ballade désabusée d’Eustache Deschamps sur le temps passé

poesie_ballade_morale_moralite_medievale_Eustache_deschamps_moyen-age_avidite_gloutonnerieSujet : poésie médiévale, littérature,  ballade médiévale,  moyen-français, poésie , satirique, satire,
Période : Moyen Âge tardif,  XIVe siècle
Auteur :   Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre :  « Que m’est il mieulx de quanque je vi onques?.»
Ouvrage :    Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps,  Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous repartons au Moyen Âge tardif avec une autre ballade d’Eustache Deschamps.    Elle est également tirée du Manuscrit français   840, conservé à la BnF  et consultable en ligne au lien suivant  (voir également photo ci-dessous).

eustache-deschamps-ballade-francais-840-manuscrit-medieval-moyen-age-tardif_002_sSi le ton de cette poésie demeure satirique par endroits, au sujet des puissants, c’est sous un jour plus désabusé que l’auteur médiéval se présente ici.  Interrogé sur un passé « riche en faits et glorieux », Eustache Deschamps fait le constat de la fuite du temps. A quoi lui sert tout ce qu’il a fait et vu à présent ? Tout s’en est allé et il n’est guère plus avancé.

On pourra faire de cette ballade  une double lecture. S’il nie l’incidence sur le présent de tout ce qu’il a accompli ou de tout ce dont il a été le témoin,  Eustache en profite, en effet, pour surenchérir sur le côté chevaleresque de sa jeunesse et sur ses exploits. Las ! il ne lui reste que le renom, rien des amours nombreuses pour lequel il a pris haut les armes, rien des nombreux pays qu’il a conquis, …  De fait, il en ressort désabusé   mais tout de même un peu grandi et peut-être peut on lire, là,   une  pointe de coquetterie ou même de vanité de sa part.

« Que m’est il mieulx de quanque je vi onques ? »
du moyen-français au français moderne

Pour cette fois, nous nous sommes attelés à une traduction- adaptation de l’ensemble de cette poésie, du moyen-français vers le français moderne. Dans cet exercice, la question la plus épineuse  est sans doute comment traduire et interpréter ce « Que m’est il mieulx de quanque je vi onques ? »  qui rythme cette ballade.

Pour respecter les pieds et le sens   « A quoi me sert tout ce que je vis lors ? » serait le plus correct.  « voir » étant  le plus fidèle à la lettre. Comme il est question de choses vues autant que d’exploits accomplis, nous l’avions traduit, au départ et de manière plus extrapolée  comme   : « A quoi me sert tout ce que j’ai vécu ? »    Cela  nous semblait, et nous semble toujours, plus poétique, parce que plus dramatique et plus profond aussi.  Dans la version que nous donnons ici, l’adaptation s’est toutefois effacée devant la traduction et nous avons gardé le « voir » contre le vécu.

On pourrait même encore dire « A quoi m’a servi ? » ou « Que m’a rapporté  tout ce que je vis lors ».  « En quoi est-ce que je m’en trouve mieux ?  »  Au delà du constat de  la vacuité des choses passées, la question adresse aussi la dimension matérielle. Eustache Deschamps se demande  en quoi tout cela l’a « avancé ». Le double sens est presque contenu dans l’expression.   Il est question de temps qui passe, de l’arrivée de l’âge aussi,  mais encore  d’apports ou de bénéfices concrets.   « Je n’y ai rien gagné », ce n’est pas la première fois que  le poète médiéval   se plaint  dans ses vers, de sa condition mais aussi du manque de reconnaissance reçue pour ses services. Il le fait sans doute, une nouvelle fois ici, de manière plus voilée.

Que m’est il mieulx de quanque je vi onques?

Chascun me dit: “Tu te doiz bien amer
Qui cerchié as honeur en mainte terre
Deca les mons ou pays d’oultre mer
Et en tous lieus que noble cuer doit querre,
Qui as veu mainte dure et fors guerre
Et qui amas bien par amours adonques.”
Lors respons je: “Ce m’a fait po acquerre;
Que m’est il mieulx de quanque je vi onques ?

Chacun me dit « Tu dois être bien fier (de toi)
Toi qui chercha l’honneur en maintes terres
Deçà    les monts et pays d’outre-mer
Et en tout lieu que noble cœur  recherche
Qui a vu maintes et très  cruelles guerres
Et qui (servit ) aima bien par amour alors « 
Et j’y réponds : « Je n’y ai rien gagné
A quoi me sert tout ce que je vis lors ? »

“II est certain que j’ay veu caroler
Et pour amours maint fait d’armes requerre,
En temps de paix tournoier et jouster,
Faire chancons et maint pais conquerre,
Oiseaulx voler, chiens chacer a grant erre
Et tous deduit; or court uns autres mondes;
Dire puis bien de quoy le cuer me serre,
Que m’est il mieulx de quanque je vi onques ?

Certes, j’ai vu danser ou bien chanter
Et pour amour, accompli maints faits d’armes,
En temps de paix, fait tournois et jouté,
Et fait chansons et maints pays conquis
Vu vols d’oiseaux et dogues en grande chasse,
Et tout aimé  (pris plaisir  à tout  cela) mais ce monde n’est plus,
Et je puis dire, ce qui me serre le   cœur
A quoi me sert tout ce que    je vis lors ?

“J’ay veu les roys aux sacres couronner
Et leurs grans cours dont l’en doit po enquerre,
Les chevaliers sur riches draps broder,
Leurs grans tresors de joiaulx mis soubz serre;
Sui les ay; pour ce pas ne me terre;
Rien n’ay acquis et ne puis durer longues
Fors que renom; c’est le vent de soulerre;
Que m’est il mieulx de quanque je vi onques ?

J’ai vu les rois aux sacres couronner
Et leurs grandes cours qu’il vaut mieux ignorer (dont il faut peu attendre,   desquelles il vaut mieux se détourner)
Les chevaliers sur de beaux draps brodés
Leurs grands trésors et joyaux mis sous clef (bien cachés),
Je les ais vu, je ne veux m’en cacher;
Rien n’ait acquis et rien ne dure toujours,
Sauf le renom : le vent d’été ne dure.
A quoi me sert tout ce que  je vis lors ? »

L’envoy

“Prince, le temps ne puet gaires durer ;
II fault chascun a son aage finer,
Jeusnes et vieulz, vielles et blondes,
Fors et hardiz, couars au parler,
C’est tout neant; pour ce vueil demander:
Que m’est il mieulx de quanque je vi onques?”

Prince, le temps ne peut guère  durer :
Chacun doit bien mourir quand son temps vient (finir avec son âge)
Jeunes et vieux, comme vieilles et blondes
Forts et hardis ou couards en parole
Tout ça n’est rien. Pour ce  je vous demande (veux demander)
A quoi me sert tout ce que  je vis lors ?

En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Une Ballade médiévale satirique d’Eustache Deschamps sur les manières de table à la cour

poesie_ballade_morale_moralite_medievale_Eustache_deschamps_moyen-age_avidite_gloutonnerieSujet : poésie médiévale, littérature,  ballade médiévale, humour médiéval, moyen-français, poésie satirique, satire, vie curiale, manières de table
Période : Moyen Âge central, tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre :  « Oncques ne vis gens ainsi requignier.»
Ouvrage :  Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)

Bonjour,

N_lettrine_moyen_age_passionous partons, aujourd’hui, en direction de la fin du XIVe et les débuts du XVe siècle, avec une ballade de Eustache Deschamps. Dans cette poésie fort caustique, l’auteur médiéval nous invitait à le suivre à la cour pour y découvrir d’étranges manières de table.

Critique de la vie curiale

S’il a fréquenté longtemps les cours, du fait de ses différents offices en tant qu’employé royal, Eustache s’en est largement détourné à un moment donné de sa vie. Depuis lors, il n’a pas manqué de les critiquer vertement : jeux de couloirs, jeux de pouvoir, vie dissolue, excès, etc…  (voir notamment Va a la cour et en use souvent, mais également Deux ballades sur la cruauté des jeux de cour). C’est au point qu’on imagine que ses nombreux textes corrosifs sur la vie curiale, ont pu s’assurer de lui en fermer définitivement les portes si ce n’était le cas avant.

Eustache Deschamps n’a pas été le seul, ni le premier poète, à se livrer à ce genre de critique et il ne sera pas le dernier. On pourrait presque y voir une tradition : de Rutebeuf, à Jean de Meung, Alain Chartier,   Meschinot, et d’autres encore. Au delà de l’exercice de style, ces jeux cruels que tous ces auteurs médiévaux nous dépeignent recouvrent, sans nul doute, une réalité de la vie du cour qui se poursuivra, d’ailleurs, au delà du Moyen Âge central. Quoiqu’il en soit, sous le ton de l’humour et face à cette tablée grimaçante et « mastiquante », on ne eustache-deschamps-ballade-poesie-satirique-francais-840-manuscrit-medieval-moyen-age-tardif_speut que rattacher cette ballade d’Eustache au triste tableau qu’il nous fait, par ailleurs des cours princières et de leurs courtisans : perfidie, médisance, et, en définitive, mauvaise morale, mauvaise vie et mauvaises manières.

Le MS Français 840  & les poésies d’Eustache

Notre texte du jour a pour source le manuscrit Français 840 conservé à la BnF (voir photo ci-dessus). Cet ouvrage médiéval de 300 feuillets et daté du XVe siècle contient principalement Les Poésies d’Eustache Deschamps dit Morel. Il peut être consulté à l’adresse suivante : consulter le Français 840 sur Gallica.


Oncques ne vis gens ainsi requignier 
dans le moyen français d’Eustache Deschamps

Tristes, pensis, mas* (abattu, affligé) et mornes estoye
Par mesdiser et rappors de faulx dis
A une court royal ou je dinoye
Ou pluseurs gens furent a table assis;
Maiz oncques* (jamais) mais tant de nices* (moes, moue, grimace) ne vis
Que ceulx firent que l’en veoit mengier.
D’eulx regarder fu de joye ravis:
Oncques ne vis gens ainsi requignier* (grimacer, montrer les dents).

Li uns sembloit truie enmi* (au milieu d’) une voye* (voie)
Tant mouvoit fort ses baulifres* (lèvres) toudiz;
L’autre faisoit de ses dens une soye* (scie) ;
L’autre mouvoit le front et les sourcis;
L’un requignoit, l’autre torcoit son vis* (tordait son visage),
L’autre faisoit sa barbe baloier* (s’étaler);
L’un fait le veel* (veau), l’autre fait la brebis:
Oncques ne vis gens ainsi requignier.

D’eulx regarder trop fort me merveilloye
Car en machant sembloient ennemiz* (des diables).
Faire autel l’un com l’autre ne veoie:
L’un machoit gros, l’autre comme souriz;
Je n’oy oncques tant de joye ne ris
Que de veoir leurs morceaulx ensacher (faire disparaître, engloutir).
Or y gardez, je vous jure et diz:
Oncques ne vis gens ainsi requignier.

L’envoy

Princes, qui est courroussez et pensis
Voist gens veoir qui sont a table mis.
Mieulx ne porra sa trisse laissier.
Des grimaces sera tous esbahis
Que chascun fait; j’en fu la bien servis:
Oncques ne vis gens ainsi requignier.


En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Fortune et « ses joyes ne sont fors que droit vent », une ballade de Christine de Pizan

christine_de_pisan_auteur_poete_philosophe_monde_medieval_moyen-ageSujet  : ballade, fortune, poésies médiévales,  poésie morale, auteur(e) médiéval(e), roue de fortune, sort, impermanence, valeurs chrétiennes médiévales, Moyen Âge chrétien
Auteur  :  Christine de Pizan (Pisan) (1364-1430)
Période : Moyen Âge central à tardif
Ouvrage :   Œuvres poétiques de Christine de Pisan, publiées par Maurice Roy, Tome 1, (1896)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu Moyen Âge central au Moyen Âge tardif, Fortune court, Fortune tourne, jamais Fortune nul n’épargne qui peut faire dégringoler le plus puissant, sitôt qu’il s’élève au sommet.

La roue de Fortune
alliée de la morale chrétienne médiévale

Dans le monde médiéval, l’invocation de Fortune et sa roue sonne comme un rappel entêtant, une leçon perpétuelle sur la nécessité de pratiquer un certain détachement face aux caprices du sort, mais plus encore. Si gloire, pouvoir, richesses, avoirs, ne portent en eux que des joies illusoires et passagères, c’est bien parce que, pour l’homme du Moyen Âge , ce monde matériel aux lois changeantes n’est qu’un court passage vers l’éternité. Or, justement, le salut de l’âme au sens chrétien, implique qu’on sache se détacher des tentations de ce monde transitoire, mais aussi de la vanité. Et c’est une deuxième leçon de Fortune que d’expliquer aux hommes accrochés sur sa roue, qu’ils ne peuvent se glorifier totalement de leur propre ascension puisque, au fond, ils n’y sont pas pour grand chose.

roue-de-fortune-moyen-age-miniature-enluminure-morale-medievaleDu Roman de la Rose aux fabliaux (voir la roé de fortune), en passant par les poésies et chansons de quantités d’auteurs du monde médiéval – Guillaume de Machaut, Michault Caron Taillevent, le O Fortuna  repris par Carl Orff dans Carmina Burana, pour n’en citer que quelques-uns –  Fortune et sa roue capricieuse, alliée de la morale chrétienne médiévale, ne cesse de mettre en garde le puissant, comme elle rassure, sans doute aussi, les plus indigents. 

Aujourd’hui, c’est dans une courte ballade sous la plume de Christine de Pizan que nous la retrouvons. La grande dame et auteur(e) du Moyen Âge savait des illusions de la permanence et de l’évanescence des bonheurs terrestres. Mariée à l’adolescence, veuve à 22 ans, elle a laissé, au sein de son œuvre considérable, de nombreuses poésies sur les douleurs de ce deuil. Elle y fait d’ailleurs allusion dans cette pièce.

« Que ses joyes ne sont fors que droit vent »
Une ballade de Christine de Pisan

Qui trop se fie es* (aux) grans biens de Fortune,
En vérité, il en est deceü;
Car inconstant elle est plus que la lune.
Maint des plus grans s’en sont aperceü,
De ceulz meismes qu’elle a hault acreü,
Trebusche test, et ce voit on souvent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

Qui vit, il voit que c’est chose commune
Que nul, tant soit perfait ne esleü,
N’est espargné quant Fortune répugne
Contre son bien, c’est son droit et deü
De retoulir* (reprendre) le bien qu’on a eü,
Vent chierement, ce scet fol et sçavent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

De sa guise qui n’est pas a touz une
Bien puis parler; car je l’ay bien sceü,
Las moy dolens! car la fausse et enfrune* (gloutonne, avide)
M’a a ce cop trop durement neü* (de nuire),
Car tollu m’a* (m’a ôté) ce dont Dieu pourveü
M’avoit, helas ! bien vois apercevent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

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Au XVe siècle, le Mystère de la Passion de Jean Michel et la leçon du pêcheur Zébédée à ses deux fils

poesie-medievale-moyen-age-chretien-mystere-de-la-passion-Jean-michel-XVe-siecleSujet : poésie médiévale, nouveau testament, mystère, valeurs chrétiennes médiévales,  auteur médiéval, drame, théâtre médiéval, poésie morale
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle.
Œuvre : Le Mystère de la Passion (1486)
Auteur : Jean Michel (1435 -1501)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionaté de 1458, le Mystère de la Passion de Arnould Gréban fut un Mystère chrétien très prisé du Moyen-âge tardif. On peut le trouver publié, en 1878, par deux célèbres médiévistes du XIXe siècle : Gaston Paris et Gaston Raynaud. Pourtant ce n’est pas cette pièce originale qui nous intéresse, aujourd’hui, mais sa version remaniée, quelques trente ans plus tard, vers la fin du XVe siècle.

Le Mystère de la Passion de Jean Michel

Publiée pour la première fois en 1486, la pièce en question porte le même nom que celle qui l’avait inspirée. Elle est signée de la main d’un grand dramaturge angevin du nom de Jean Michel. Si on doit, par ailleurs, à ce même auteur médiéval, l’écriture d’un autre mystère (celui de la Résurrection), sa réécriture du Mystère de la passion fut si heureuse et talentueuse qu’elle en vint même à éclipser l’œuvre originale de Arnould Gréban.

C’est donc de l’œuvre de Jean Michel que sont extraits les vers que nous partageons avec vous ici. La scène est inspirée du Nouveau Testament ; le vieux pêcheur Zébédée y donne à ses deux fils, Jacques et Jean, une leçon de vie profonde. On se souvient que, selon les évangiles, les deux jeunes gens deviendront bientôt deux grands apôtres du Christ. Ce dernier en fera, en effet, des « pécheurs d’hommes » dans une autre scène bien connue des écritures.

Dans un style d’une grande pureté, Jean Michel nous expose ici des valeurs qui sont au cœur du monde chrétien médiéval : humilité, contentement, simplicité. En prenant un peu de hauteur et au delà de la référence biblique et purement chrétienne, on pourra voir ici  une leçon plus générale sur le sens de la vie.

poesie-medievale-mystere-de-la-passion-jean-michel-nouveau-testament-evangile-pécheur-Zebedee-Moyen-Age-chretien

Pour ceux que ce mystère de la passion, au complet, intéresserait, sa version papier semble, pour l’instant, assez difficile à trouver. Le plus simple serait, sans doute, de miser sur une réédition  d’un ouvrage qui lui avait été consacré en 1959. Le titre en est : Le mystère de la Passion (Angers 1486), édité par Omer Jodogne. Pour l’instant, il ne semble pas disponible en ligne mais votre libraire préféré saura, peut-être, comment vous le procurer. Si ce n’est pas le cas, il vous faudra vous contenter de sa version numérique que vous pourrez emprunter pour quelques jours,  sur le site archive.org. Vous trouverez, sinon, d’autres extraits de ce Mystère de la Passion selon Jean Michel  (dont celui du jour),  dans l’ouvrage Morceaux choisis des auteurs français, poètes et prosateurs, de Louis Petit de Julleville (1901).

Pour ce qui est de sa traduction, son moyen français ne pose pas de difficultés particulières, aussi nous ne vous donnons ici que quelques menues clefs de vocabulaire.


La leçon du pêcheur Zébédée et ses deux fils
Extrait du Mystère de la Passion de Jean Michel

Mes enfans, congnoissés que c’est
De nostre povre vie humaine :
En ce monde n’a point d’arrest,
Le temps court ainsi qu’il nous maine;
Et qui quiert* (veut) richesse mondaine
la fault gaigner loyaulment,
Ou encourir d’enfer la peine,
A jamais perdurablement.

J’ay en povre simplicité
Vescu sans avoir indigence;
Je vy selon ma povreté ;
Si j’ay petit, j’ay patience.
Mes enfans, j’ay mis diligence
A pecher et gaigner ma vie ;
Assés a qui a suffisance.
Des grans biens n’ay je point envye.

Jehan et Jaque, or aprenés
A congnoistre vent et marée;
Si tous deulx mon mestier tenés,
Vous vivrez au jour la journée.
Si vous avez bonne denrée,
Vendés bien, et a juste pris,
Et merciés Dieu la vesprée* (au soir)
De tout ce que vous aurés pris.


En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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