Sujet : poésie et chanson médiévales, humour médiéval, Goliards, poésie goliardique, chanson à boire, latin, chants de Benediktbeuern Période : moyen-âge central, XI au XIIIe siècle Titre: « Bache, Bene Venies », Carmina Burana, Auteur : anonyme. Compositeur : Carl Orff Interprètes : Oni Wytars & Ensemble Unicorn
Bonjour à tous,
la faveur de la fin de semaine, revenons un peu à la bonne humeur et à la fête avec la poésie goliardique de la Cantate Carmina Burana de Carl Orff, tirée elle- même du manuscrit ancien du moyen-âge central appelé le Codex Buranus 179 et connu encore sous le nom des Chants de Benediktbeuern.
Comme pour les plus de trois-cents autres textes et poésies du manuscrit, l’auteur du chant du jour est resté anonyme. A la manière des goliards, ces joyeux clercs itinérants, quelque peu portés sur la boisson et les plaisirs de la chair, on célèbre le Dieu Bacchus dans cette chanson à boire et, avec lui, les plaisirs du vin.
Chanson à boire latine du moyen-âge central
Oni Wytars & Ensemble Unicorn
ous avons déjà mentionné ici, à plusieurs reprises, les deux formations Oni Wytarset Unicorn toutes entières dédiées au répertoire musical médiéval et qui ont alliées leurs talents et leurs artistes à la faveur de plusieurs productions.
En 1997, dans l’album intitulé « Carmina Burana, Medieval Poems and songs » dont est extraite la pièce du jour et donc nous avons également déjà parlé ici, les deux ensembles (allemand pur Oni Wytars et autrichien pour Unicorn) rendaient hommage à la cantate de Carl Orff et à la poésie goliardique. « Bache, bene venies », cette véritable ode à Bacchus et au vin ouvrait d’ailleurs l’album et lui donnait le ton.
Bache, bene venies, les paroles latines et leur adaptation/traduction libre en français
Bache, bene venies gratus et optatus, per quem noster animus fit letificatus
Bacchus, soit le bienvenu, Toi le plaisant et désiré, Par qui notre esprit Se remplit de joie.
Sujet : musique, poésie médiévale, trouvère, chanson ancienne, Titre : «Je chevauchoie l’autrier », chanson de rencontre » ou de « mal mariée » Auteur: Jehan Moniot de Paris( ? 1200 ?) Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Interpréte : Marc Mauillon , Festival Muzyka w Raju, Pologne, 2015
Bonjour à tous,
ous partons aujourd’hui au XIIIe siècle avec une chanson du trouvère Moniot de Paris. Elle nous conte les déboires d’une mal-mariée flirtée en chemin par l’auteur qui « chevauchoait » sur les bords de Seine avant de la rencontrer. Le texte emprunte en partie au genre de la Pastourelle et ce « l’autre jour alors que j’allais chevauchant » est aussi un départ « classique » que l’on retrouve dans plusieurs chansons du Moyen Âge. En revanche, en fait de pastourelle, il n’y a ici point de bergère ici, sinon un dame ( bourgeoise? ) mal mariée à un vilain et qui s’en plaint, ce qui n’est pas d’ailleurs pour déplaire au galant qui semble plutôt en prendre son partie et y voir l’occasion d’inviter la belle à convoler avec lui.
Il existait vraisemblablement au XIIIe siècle, au moins trois trouvères contemporains les uns des autres, et connus sous le nom de Moniot : Moniot d’Arras, Moniot de Paris et Moniot. La question de l’attribution de leurs oeuvres respectives s’est donc posée, entre les spécialistes de littérature et de poésie médiévale pour un certain nombre de pièces pour finir par être à peu près tranchée. Le Moniot qui nous intéresse aujourd’hui, Jehan Moniot de Paris à légué neuf poésies/chansons et on lui prête généralement la paternité du Dit de Fortune(écrit autour de 1278 par un Monniot avec double n), même si cela reste sujet à débat.
De la même façon, on a avancé que Moniot avait pu être un surnom pour désigner un « petit moine ». Dans cette hypothèse, l’auteur aurait donc été frère avant de se faire trouvère, mais, en réalité, il est difficile d’en être tout à fait sûr puisque, hormis les quelques chansons qu’on peut lui attribuer, on ne sait pratiquement rien de sa vie.
L’interprète du jour Marc Mauillon
C’est le baryton Marc Mauillon et son grand talent qui nous accompagnent dans ce voyage à la découverte du trouvère Moniot de Paris et de cette poésie du Moyen Âge central.
Seul en scène, a cappella et devant une salle comble auFestival polonais de musiques anciennes Muzyka w Raju dont nous vous avons déjà touché un mot ici, l’artiste lyrique nous donnait à entendre, avec virtuosité, cette chanson du XIIIe siècle dans le verbe de son vieux-français original.
Son choix d’interprétation minimaliste est aussi heureux qu’audacieux. Loin des grandes orchestrations, il nous permet d’approcher cette poésie et sa langue de manière directe et entière, autant que de nous tenir au plus près de l’Art de ces « trouveurs » qui allaient souvent solitaires, de cour en cour et de lieu en lieu pour y chanter leur poésie et trouver ainsi leur pitance.
Chanson de rencontre
ou chanson de Mal-marié
Je chevauchoie l’autrier Sur la rive de Saine : Dame de joste un vergier Vi plus blanche que laine Chançon prist a commencier Souef a douce alaine. Mult doucement li oi dire et noter : « Honis soit qui a vilain me fist doner! J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer. »
Hautement la saluai De Deu le fil Marie El respondi sans delai : « Jhésus vous benïe! » Mult doucement li priai Qu’el devenist m’amie. Tot errant me commençoit a raconter Comment ses maris la bat por bien amer. J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
« Dame, estes vos de Paris? – Oil, certes, biau sire : Seur Grand Pont maint mes maris, De mauvès tout li pire. Or puet il estre marris, Jamès de moi n’iert sire. Trop est fel et rioteux, trop puet parler; Car je m’en vueil avec vos aller joer. J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
Mal ait qui me maria, Tant en ait or li prestre; A uin vilain me dona Felon et de put estre. Je croi bien que poir n’a De ci jusqu’à Vincestre. Je ne pris tout son avoir pas mon soller Quand il m bat et laidange por amer. J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
En non Deu je aimerai Et si serai amée Et mon mari maudirai Et soir et matinee, Et si me renvoiserai El bois sos la ramée. Dames de Paris, amée, lessiés ester Vos maris et si venés o moi joer J’aim mult meus un poi de joie a demener Que mil mars d’argent avoir et puis plorer.
En vous souhaitant une merveilleuse journée et une bon début de semaine dans la joie.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, poésie, chanson médiévale, troubadours, occitan, langue occitane, amour courtois, fin’amor, langue d’oc. Période : moyen-âge central, XIIe siècle Auteur : Bernart de Ventadorn, Bernard de Ventadour. (1125-1195)
Interprète : Gérard Zuchetto Titre : Quan vei la lauzeta mover (quand je vois l’alouette)
Bonjour à tous,
ous nous rendons aujourd’hui en terres d’Oc, pour découvrir ou redécouvrir la poésie chantée d’un des plus grands représentants de l’Art des troubadours occitans du moyen-âge central et du XIIe : Bernart de Ventadorn(francisé Bernard de Ventadour).
Sa vie nous est connue principalement au travers de ses propres oeuvres et notamment de manière posthume par les « vidas », ces biographies de troubadours attribuées (au moins pour celle de Bernard de Ventadorn) au troubadour et poète Uc de Saint-Circ (1213 -1257).
Bernard de Ventadour,
Manuscrit 12473 , BnF (XIIIe)
Ces vidas apparaissent au XIIIe et près d’un demi-siècle après la mort du célèbre poète. Elles se destinaient à témoigner de l’art des trouveurs occitans et à introduire leurs œuvres poétiques et leurs chansons.
La vida de Bernart de Ventadorn
La vida de Bernart de Ventadorn nous conte ainsi que le poète était d’origine limousine. On le dit d’humble lignage. Il aurait fréquenté la cour d’Alienor d’Aquitainedont il serait tombé amoureux et qu’il aurait suivi après que cette dernière se fut mariée au duc de Normandie et roi d’Angleterre Henri II Plantagenet. Plus tard, notre poète et « trouveur » aurait servi à la cour de Raymond V de Toulouse, pour, plus tard, renoncer à son art poétique en se faisant moine à l’Abbaye de Dalon, en Dordogne où il finira sa vie.
Les « vidas » sont aujourd’hui étudiées plus, ou au moins autant, pour leur valeur littéraire que pour l’authenticité historique de leurs affirmations. Il est donc difficile de savoir si Bernart de Ventadornfut vraiment amoureux d’Alienor d’Aquitaine comme l’affirme Uc de Saint Circ ou s’il s’agit là d’une façon romancée de présenter la vie du grand troubadour occitan.
« Et el s’en parti e si s’en anet a la duchessa de Normandia, qu’era joves e de gran valor e s’entendia en pretz et en honor et en bendig de lausor. E plasion li fort las chansos e·l vers d’En Bernart, et ella lo receup e l’acuilli mout fort. Lonc temps estet en sa cort, et enamoret se d’ella et ella de lui, e fetz mantas bonas chansos d’ella. Et estan ab ella, lo reis Enrics d’Engleterra si la tolc per moiller e si la trais de Normandia e si la menet en Angleterra. En Bernart si remas de sai tristz e dolentz, e venc s’en al bon comte Raimon de Tolosa, et ab el estet tro que·l coms mori. Et En Bernart, per aquella dolor, si s’en rendet a l’ordre de Dalon, e lai el definet. »
« (…) Et il s’en sépara (l’épouse du vicomte de Ventadour) et s’en alla à la duchesse de Normandie qui était jeune et de grande valeur et qui comprenait le prix et l’honneur et les belles paroles de louange et elle le reçut et l’accueillit très bien. Longtemps il fut en sa cour et fut amoureux d’elle et elle de lui et fit beaucoup de bonnes chansons d’elle. Et étant près d’elle le roi Henri d’Angleterre la prit pour femme et l’emmena de Normandie et l’emmena en Angleterre. En Bernart resta de ce côté triste et douloureux et s’en alla au bon comte de Toulouse et fut près de lui jusqu’à ce que le comte mourût. »
Vida de Bernart De Ventadorn – Extrait
L’auteur médiéval légua quarante-cinq chansons considérées comme de véritables fleurons de la langue occitane dans sa forme la plus aboutie. Il y chante le fin’amor, cet amour courtois que les troubadours porteront haut et fort durant le XIIe siècle et qui influencera les formes littéraires du sentiment amoureux durant de nombreux siècles après eux.
Gérard Zuchetto, un troubadour moderne
à la recherche des trésors occitans
Musicien, interprète et chercheur, Gérard Zuchetto a consacré son temps, ses recherches et son talent à l’art des troubadours des XIIe et XIIIe siècles. Nous sommes avec cet artiste, passionné de musiques médiévales au point d’en être devenu expert, autant dans la performance artistique que dans l’ethnomusicologie, c’est à dire dans le parti-pris de restitution au plus près de l’esprit de l’art des trobadors. Créatif, il propose également des compositions plus libres d’inspiration autour de ce même thème.
Ses recherches se déclinent en productions musicales, mais aussi en films et encore en ouvrages sur la question. Au fil du temps, une troupe s’est d’ailleurs formée autour de Gérard Zuchetto qui produit spectacles, concerts et autres événements en relation avec l’art des troubadours et la culture occitane, sous les labels et appellations Trob’Art productionet Troubadours Art Ensemble. Vous trouverez le détail de leurs activités et productions, ainsi que leur agenda sur leur site web: art-troubadours.com.
La primavera d’amore, Trovatori XII-XIIIe
Dans cet album enregistré en 1997 et sorti l’année suivante chez Foné, Gérard Zuchetto était accompagné des musiciens et instrumentistes Patrice Brient et Jacques Khoudir pour mettre à l’honneur son sujet de prédilection et nous proposer entre autre, cette très belle version de la célèbre Lauzeta de Bernart de Ventadorn.
Quan vei la lauzeta mover : les paroles en occitan & adaptation en français moderne
Can vei la lauzeta mover De joi sas alas contra’l rai, Que s’oblid’ e’s laissa chazer Per la doussor c’al cor li vai, Ai! Tan grans enveya m’en ve De cui qu’eu veya jauzion! Meravilhas ai, car desse Lo cor de dezirer no’m fon
Quand je vois l’alouette
agiter de joie ses ailes
face aux rayons [du soleil],
s’oublier et se laisser choir
dans la douceur qui au cœur lui vient,
hélas ! une si grande envie me pénètre
de ce bonheur que je vois,
que je tiens à miracle
si mon coeur ne se consume pas de désir.
Ailas! Tan cuidava saber D’amor, e tan petit en sai, Car eu d’amar no’m posc tener Celeis don ja pro non aurai. Tout m’a mon cor, e tout m’a me, E se mezeis e tot lo mon; E can se’m tolc, no’m laisset re Mas dezirer e cor volon.
Hélas ! Je croyais tant savoir
sur l’amour et j’en sais si peu !
Car je ne peux me retenir d’aimer
celle que je ne peux atteindre.
Elle a tout mon coeur, elle m’a tout entier,
elle-même et tout l’univers.
Elle ne m’a rien laissé,
sauf le désir et un coeur fou.
Anc non agui de me poder Ni no fui meus de l’or’ en sai Que’m laisset en sos olhs vezer En un miralh que mout me plai. Miralhs, pus me mirei en te, M’an mort li sospir de preon, C’aissi’m perdei com perdet se Lo bels Narcisus en la fon.
Je n’eus sur moi plus de pouvoir
et je ne m’appartins plus,
du jour où elle me laissa mirer en ses yeux,
miroir qui beaucoup me plaît.
Miroir, depuis que je me suis miré en toi,
les soupirs profonds m’ont fait mourir.
Je suis perdu comme se perdit
en la fontaine le beau Narcisse.
De las domnas me dezesper; Ja mais en lor no’m fiarai; C’aissi com las solh chaptener, Enaissi las deschaptenrai. Pois vei c’una pro no m’en te Vas leis que’m destrui e’m cofon, Totas las dopt’ e las mescre, Car be sai c’atretals se son.
Je désespère des femmes ,
jamais je ne me fierai à leurs paroles;
de même que j’avais coutume de les louer,
de même je les déprécierai.
Pas une pour me défendre
auprès de celle qui me détruit et me confond !
Je les hais toutes et les renie,
car je sais bien qu’elles sont toutes ainsi.
D’aisso’s fa be femna parer Ma domna, per qu’eu’lh’ o retrai, Car no vol so c’om voler, E so c’om li deveda, fai. Chazutz sui en mala merce, Et ai be faih co’l fols en pon; E no sai per que m’esdeve, Mas car trop puyei contra mon.
Bien femme aussi apparaît ma dame,
et c’est pourquoi j’enrage,
car elle ne veut pas ce qu’on doit vouloir,
elle fait ce qu’on lui défend.
Je suis tombé en pitoyable fortune.
J’ai bien fait le fou sur le pont,
et je ne sais pourquoi je m’égare,
voulant monter contre mont.
Merces es perduda, per ver, Et eu non o saubi anc mai, Car cilh qui plus en degr’aver, Non a ges, et on la querrai ? A ! Can mal sembla, qui la ve, Qued aquest chaitiu deziron Que ja ses leis non aura be, Laisse morrir, que no l’aon.
Perdue la pitié vraiment
(et de cela je ne me doutai jamais),
car celle qui devait en avoir le plus
n’en a pas; et où la chercherai-je ?
Ah ! Quelle apparence trompeuse ! En la voyant,
l’imaginerait-on capable de laisser mourir
un passion malheureuse
qui jamais ne s’épanouira sous ses lois ?
Pus ab midons no’m pot valer Precs ni merces ni’l dreihz qu’eu ai, Ni a leis no ven a plazer Qu’eu l’am, ja mais no’lh o dirai. Aissi’m part de leis e’m recre; Mort m’a, e per mort li respon, E vau m’en, pus ilh no’m rete, Chaitius, en issilh, no sai on.
Puisque plus rien ne peut valoir,
ni prière, ni pitié, ni un droit qui fut le mien,
puisque nullement ne lui plaît
le fait que je l’aime, jamais plus je ne lui parlerai,
je me sépare d’elle et je renonce.
Elle me tue, et c’est un mort qui parle.
Et je m’en vais, puisqu’elle ne me retient,
malheureux, en exil, je ne sais où.
Tristans, ges non auretz de me, Qu’eu m’en vau, chaitius, no sai on. De chantar me gic e’m recre, E de joi e d’amor m’escon.
Tristan, vous n’aurez rien de moi, car je m’en vais, malheureux, je ne sais où. Je mets un terme à mes chants et y renonce. Loin de la joie et de l’amour je me cache.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
oila quelque temps déjà qu’il nous tenait à coeur de répertorier les groupes, ensembles et formations de musique médiévale ou ancienne dont nous avons parlé jusque là. Le site disposant désormais de près de 500 articles, l’idée reste comme toujours de vous faciliter l’accès à ses contenus. Les formations seront classées ici en deux grands groupes.
Dans le premier, vous trouverez les ensembles qui sont au plus proche du répertoire médiéval d’époque et de ses compositions musicales originelles. Ces formations se rapprochent clairement des anciens manuscrits et de l’ethnomusicologie. Vous trouverez dans ces articles, des extraits, des portraits et une présentation de leur travail artistique.
Dans le deuxième groupe, vous trouverez les chanteurs ou ensembles qui sont plus « d’inspiration » médiévale ou même traditionnelles : Folk, médiéval fantaisie, ou même de chansons récentes en hommage à des auteurs anciens. Nous sommes donc dans la référence au moyen-âge mais à quelques distances de lui.