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Chanson medievale : les tourments courtois de Blondel de Nesle

Sujet :   musique médiévale, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, vieux-français, langue d’oïl, fine amor, manuscrits médiévaux, français 944, chansonnier du roi, cod 389, Trouvère C, manuscrit de Bern,
Période :  XIIe,  XIIIe s, Moyen Âge central
Titre:  
Mes cuers me fait commencier
Auteur :   Blondel de Nesle (1155 – 1202)
Interprète :  
Dr Matthew P. Thomson (2019)
The Oxford Research Center in the Humanities

Bonjour à tous,

n espérant que ce nouvel article vous trouve en joie et en santé, nous vous proposons un nouveau voyage au cœur du Moyen Âge des trouvères. Cette fois-ci, nous nous mettrons en route pour le XIIe siècle avec une nouvelle composition médiévale courtoise. Sur la foi de certains manuscrits, cette chanson d’un amant tourmenté, est attribuée à Blondel de Nesle. Comme nous le verrons, d’autres experts se sont montrés un peu plus réservés sur cette attribution.

Un chevalier trouvère entré dans la légende

Pour en redire un mot, l’œuvre de Blondel de Nesle n’est pas considérable en taille. Un de ses biographes les plus récents, le professeur de littérature et de philologie canadien Yvan G Lepage lui prête, de manière certaine, 23 chansons et en ajoute 4 d’attribution plus douteuse ( L’Œuvre lyrique de Blondel de Nesle, Edition critique, avec introduction, notes et glossaire, Paris, Editions Honoré Champion, 1994). Cette production plutôt modeste n’empêcha pas le trouvère et chevalier picard d’entrer dans la légende notamment grâce aux Récits d’un ménestrel de Reims au treizième siècle, ouvrage encore connu sous le nom de Chronique de Rains.

Ces récits ne sont pas contemporains de Blondel. Ils parurent, en effet, plus de 70 ans après les faits qu’ils relatent et, notamment, le triste emprisonnement de Richard Cœur de Lion, en Autriche, dès son retour de croisades. Dans un long passage consacré à cet épisode, le ménestrel chroniqueur fit état d’un certain « Blondiaus ». Loyal ménestrel élevé à la cour du roi depuis l’enfance, dès après la disparition du souverain anglais, ce dernier aurait écumé tous les recoins et routes à sa recherche. Toujours suivant cette chronique, la persévérance de ce Blondiaus aurait été payante puisqu’il aurait contribué à sa découverte du roi d’Angleterre dans les geôles d’Autriche grâce à une chanson connue de eux seuls :

« Ainsi comme il estoit en ceste pensée, li rois regarda par une archiere; et voit Blondel. Et pensa comment il se feroit à lui connoistre; et li souvint d’une chançon qu’il avoient faite entr’eus deus, et que nus ne savoit que il dui.
Si commença à chanteir le premier mot haut et cler, car il chantoit très bien ; et quant Blondiaus l’oï, si sot certainnement que ce estoit ses sires. Si ot en son cuer la graingneur- joie qu’il eust eu onques mais nul jour. »

Récits d’un ménestrel de Reims au treizième siècle,
publiés pour la Société de l’Histoire de France, Natalis de Wailly

Conte ou vérité ?

Autant le dire, les nombreuses fantaisies que se permet le même ménestrel à l’égard de l’Histoire dans son ouvrage, permettent de douter largement de la véracité de ses propos. Du reste, si l’objectivité ou la méthodologie n’est, en général, pas le fort des essais historiques datés du Moyen Âge, l’auteur lui-même n’en a pas non plus eu la prétention. Il parle, en effet, de « conte » à l’égard de sa production. Pour préciser encore cette idée, en 1876, dans une édition de cette Chronique, l’historien et archiviste Natalis de Wailly, dira :

« Il y a dans son récit proprement dit des erreurs qu’il peut avoir empruntées à d’autres et qu’il répète de confiance ; mais les discours et les dialogues offrent généralement tous les caractères d’une œuvre d’imagination aussi dénuée de vérité que de vraisemblance historique. »

Récits d’un ménestrel de Reims, Natalis de Wailly

Demeuré encore à ce jour totalement invérifiable, le récit séduit, pourtant, et fit même entrer Blondel dans l’Histoire, ou au moins dans la légende. On note que, quand bien même, l’anecdote serait vraie sur le fond ce qui est loin d’être sûr, la corrélation entre ce Blondiaus et l’autre n’en serait par pour autant établie. Pour reprendre, cette fois, les mots de Yvan G Lepage (op cité) :

« Cette légende allait obtenir un succès considérable. Reprise plusieurs fois aux XIV » et XV » siècle , elle trouva un nouveau souffle, en 158l, quand le philologue Claude Fauchet y fit écho dans son Recueil de l’origine de la langue et poésie françoise. Mais pour la première fois était établie une distinction entre « Blondiaux », le ménestrel de Richard Cœur de Lion, et le trouvère « Blondiaux de Nesle », auteur de chansons d’amour!, distinction maintenue par l’abbé de La Rue, mais que le premier éditeur de Blondel, Prosper Tarbé, combattit vigoureusement. Pour ce dernier, « Je poète et l’ami [du roi Richard] ne font qu’un ».

Yvan G Lepage – L’Œuvre lyrique de Blondel de Nesle,
Editions Honoré Champion (1994)

Des universitaires et chercheurs d’Oxford
à la découverte des musiques médiévales

Mes cuer me fait commencier par Matthew P. Thomson

On doit la belle interprétation du jour au Professeur Matthew P. Thomson. Attaché à l’université d’Oxford, cet enseignant et chercheur en musicologie médiévale s’est spécialisé dans la musique des trouvères français du XIIIe siècle et particulièrement des motets et chants polyphoniques.

Chansonnier Trouvère C - Blondel de Nesle

L’enregistrement du jour a été effectué en juin 2019, à Oxford, à l’occasion d’une conférence récital. Organisé par le Oxford Research Center in the Humanities, l’événement avait réuni des universitaires et interprètes sur le thème de la musique médiévale des XIIIe et XIVe siècle. On sait, par ailleurs, le grand rôle joué par l’université anglaise et ses chercheurs dans le domaine de la littérature médiévale française et européenne. Loin de se limiter à des publications et contributions de qualité sous forme d’ouvrages papier, Oxford a aussi produit nombre de supports et de documents en ligne pour qui s’intéresse à ces sujets.

Sources et attribution de la chanson du jour

Si Prosper Tarbé attribua cette chanson à Blondel de Nesle (Les Oeuvres de Blondel de Neele, 1862), Yvan Lepage se montrera plus tiède sur la question en la rangeant aux côtés d’autres pièces qualifiées de douteuses. L’explication de ces doutes est simple ; elle réside dans les manuscrits médiévaux.

Chanson de Blondel De Nesle, Manuscrit médiéval Français 844

Sur les quatre manuscrits dans laquelle on retrouve cette composition, deux d’entre eux l’attribuent à Blondel (Blondiaus). Il s’agit du Chansonnier du Roi ou Manuscrit du Roy, référencé Ms Français 844 et du Ms Français 12615 connu sous le nom de Chansonnier de Noailles (image en-tête d’article), tous deux conservé à la BnF. Un autre manuscrit ne reconnait pas d’auteur à cette chanson : c’est le célèbre Chansonnier Trouvère C dit manuscrit de Bern, encre référencé comme le Cod 389 de la Burgerbibliothek (à consulter en ligne ici). Enfin, un quatrième manuscrit donne la paternité de cette pièce à Gace Brûlé : le Français 847 ou manuscrit Cangé 65. Devant cette disparité relative, Yvan G Lepage fait simplement le choix de ne pas trancher en faveur de l’un ou l’autre de ces manuscrits médiévaux.

Cette parenthèse sur les sources historiques étant faite, la chanson médiévale du jour est une pièce dans la pure tradition de l’amour courtois. Le poète s’y montre dolant et souffrant et s’en plaint tout en ne s’en plaignant pas tant que ça. Pas de doute, voilà l’attitude correcte pour gagner ses galons de fine amant.


Mes cuers me fait commencier
dans le vieux français de Blondel de Nesle

Mes cuers me fait commencier,
Quant je déusse finir ,
Por ma grant dolor noncier

Cele qui me fet languir.
Mès onc ne sout mon désir ;
Si ne m’en doi merveillier ,
Se j’en ai angoisse et ire.

Mon cœur me fait commencer ma chanson
Quand je devrais la terminer,
Pour annoncer ma grande douleur
A celle qui m’affaiblit
Mais jamais elle n’a connu (savoir ou soldre ? soulagé) mon désir
Aussi ne dois-je pas me surprendre
D’en éprouver souffrance et chagrin.

Uns autres déust morir ,
S’il fust en tel désirier.
Mès espérance et souffrir
Me font assez mains grégier (faire tord, léser, opprimer, etre préjudiciable)
Et mes grant maus alégier, (alléger, soulager)
Dont ja ne quiers départir.
Chançonete, va li dire.

Un autre en mourrait
S’il se trouvait dans un tel désir
Mais l’espérance et l’attente
Ne me causent pas tant de torts
Et mes tourments sont allégés
Et je ne cherche pas à m’en défaire
Chansonnette, va le lui dire.

Par Dieu ! trop i puis targier.
Biau sire , à vostre plaisir.
Volez me vous plus chargier ?
— Oil ; mes ainc ne l’os géhir ;
Car li félon losangier
Me font maint ennui sentir.
Mès garde toi de mesdire.

Par Dieu ! Trop tu puis tarder (à lui porter, il parle, semble-t-il, à la chanson)
—  Qu’il en soit selon votre plaisir, beau sire,
Voulez-vous me confier autre chose ?
—  Oui, mais je n’ose l’avouer : (1)
Car les félons médisants
Me causent maints ennuis
Mais garde-toi d’en mesdire (
de dire du mal, de lui en parler).

Qui bien aime sans trichier,
El qui veut Amors servir,
Ne se doit pas esmaier (emouvoir, troubler, effrayer)
Ne por paine repentir.
Bien a povoir de mérir (meriter, gagner, recompenser)
La dolor et l’encombrier (charge, malheur, embarras, difficulté)
Amors, qu’ele est maus et mire. (le mal et le remède)

Celui qui aime sans détour (sans tricherie, avec courtoisie)
Et qui veut amour servir
Ne doit pas s’en émouvoir
Ni, pour sa peine, s’en repentir (cesser d’aimer),
Car l‘amours a bien le pouvoir de récompenser,

La douleur et la difficulté
puisqu’il est à la fois le mal et le remède (la maladie et le médecin)
.

(1) Variantes manuscrits
0 je, maiz ne l’os gehir,
Car tant me fait mal sentir
Que ne m’en sai conseillier;
Maiz guarde toi de mesdire.


Oui, mais je ne l’ose avouer,
Car elle me fait tan souffrir
Que je ne sais quoi faire,
Mais garde toi d’en dire du mal.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

une chanson de Raimbaut de Vaqueiras servie par le talent de Gerard Zuchetto

Sujet : musique, chanson et poésie médiévale, troubadours, cantiga de amigo
Titre : « Altas undas que venez suz la mar »
Auteur : Raimbaut de Vaqueiras (?1150-1207),
Période : Moyen Âge central, XIIe, XIIIe s
Interprètes : Gérard Zuchetto
Album : Canso viva – Troubadours d’Italie (1996)

Bonjour à tous,

ous repartons, aujourd’hui, entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe à la recherche de l’art des troubadours, en compagnie de Raimbaut de Vaqueiras. La pièce que nous partageons ici nous sera servie par le talent de Gérard Zuchetto. Elle est tirée d’un album consacré aux troubadours d’Italie dont nous dirons aussi un mot.

Si notre auteur médiéval est né, comme son nom l’indique, en Provence et même à Vacqueyras dans la province d’Orange, il a fini par rejoindre, plus tard, le nord de l’Italie et la province de Montferrat, dans le Piémont. A partir du début des années 1190, il y a même passé le reste de sa vie, au service du marquis Boniface de Montferrat (1150-1207) avec lequel Raimbaut partit même à la croisade (la 4eme). C’est d’ailleurs en 1207, au cours de ce grand périple, qu’on perd la trace du chevalier troubadour, en Thessalonique et sur le territoire de l’actuelle Macédoine. On suppose qu’il y périt à la bataille, en même temps que le marquis, en septembre de cette même année.

Des airs troublants de cantiga de amigo

Concernant la chanson du jour, ceux d’entre vous qui connaissent l’œuvre du troubadour Martín Códax ou qui ont, peut-être, lu nos articles à son sujet et à propos des cantigas de amigo, ne pourront qu’être frappés par la similitude entre ces célèbres pièces galaïco-portugaises et la pièce de Raimbaut de Vaqueiras que nous présentons aujourd’hui.

Pour dire un mot des cantigas de amigo, dans ces exercices de style issus de la littérature galaïco-portugaise (Espagne et Portugal médiéval principalement), une jeune fille est, la plupart du temps, mise en scène, dans l’attente de son « ami » (promis, amant) parti au loin, souvent d’ailleurs par delà les mers. « Ô mer, Ô vagues apportez-moi des signes de mon aimé », le thème de l’onde et des vagues est, en tout cas, particulièrement récurrent chez Martín Códax. Autres signes distinctifs des cantigas de amigo, ces poésies sont, en principe, courtes, d’un vocabulaire assez simple et épuré, avec un refrain qui crée la montée en tension et met en exergue la tristesse ou, quelquefois même, l’espoir de la jeune fille de voir son amant revenir.

Or, comme on le verra dans cette chanson « attribuée » à Raimbaut de Vaqueiras, tous les ingrédients y sont. C’est au point même d’avoir soulevé, chez certains érudits, quelques doutes quant à la paternité exclusive du genre des cantigas de amigo à la littérature galaïco-portugaise, d’autant qu’en terme de chronologie, on situe plutôt les auteurs de la péninsule hispano-portugaise au XIIIe siècle, voire dans sa deuxième moitié (cf Lourenço Jugrar ou le Roi Denis du Portugal). Nuançons un peu. On retrouvera encore un peu de l’esprit de ses cantigas de amigo dans les chansons de toile et les choses ne sont donc pas aussi cloisonnées en terme de genre. On peut, également, imaginer que ces objets culturels aient pu circuler en Europe du Sud et en Provence, par le biais des jongleurs galaïco-portugais ou des troubadours et jongleurs provençaux et occitans voyageurs. On sait, d’ailleurs, que Raimbaut de Vaqueiras possédait, lui même, des notions de cette langue qui aurait pu lui en faciliter la compréhension.

Sources & débats sur l’attribution

Pour corser un peu l’affaire, les choses se compliquent du point de vue des sources. Un seul manuscrit attribue, en effet, cette pièce à notre auteur provençal. Or, la fiabilité du dit codex n’a pas tardé à être mise en cause et les experts se sont empressés de débattre sur la véritable paternité de cette chanson médiévale. Était-elle véritablement de Raimbaut de Vaqueiras ? Contre la foi du manuscrit, une partie des érudits était enclin à l’attribuer plutôt à Cerveri de Girona, également présent dans le même ouvrage.

Erreur de copiste ? Main un peu légère dans un monde de l’oralité où la notion d’auteur n’était pas encore autant fixée qu’elle finirait par l’être quelques siècles plus tard (pour finir par se diluer, à nouveau, à l’ère de la nova culture et du piratage numérique) ? Dans un article de 2008, le philologue et académicien italien Giuseppe Tavani venait heureusement à notre secours. Ayant étudié de très près la question, il a fini par pencher (à l’image d’une majorité de spécialistes depuis la découverte du manuscrit), en faveur de l’attribution au troubadour de Vaqueyras (1). Nous le suivrons donc sagement sur cette question, tout comme Gérard Zuchetto l’avait fait. Tout cela posé, disons un mot de ce manuscrit médiéval.

Le précieux cançoner Gil ou cançoner Sg

Manuscrit médiéval Cançoner Gil, troubadour Raimbaut de Vaqueiras

Découvert au début du XXe siècle, dans la collection d’un professeur et historien de Zaragoza (Sarragosse), le chansonnier provençal Gil (du nom de l’intéressé Pablo Gil y Gil) est actuellement conservé en la Bibliothèque Nationale de Catalogne, à Barcelone. Avec un total de 285 pièces pour 128 feuillets, ce manuscrit ancien est considéré comme une des pièces les plus précieuses de l’établissement et c’est en tout cas, l’un des plus ancien manuscrit catalan en matière de poésie médiévale.

Dans ce cançoner Gil, on trouve notamment la presque totalité de l’œuvre de Cerverí de Girona, troubadour catalan du XIIIe siècle. Elle y côtoie de nombreuses autres pièces de troubadours provençaux de l’ère classique : Raimbaut de Vaqueiras, Bertran de Born, Guiraut de Bornelh, Arnaut Daniel, Guilhem de Saint Leidier, Bernart de Ventadorn, Pons de Capduelh, Jaufre Rudel, ou encore Guilhem de Berguedan. Viennent s’y ajouter, en fin de manuscrit, des auteurs de l’Ecole de Toulouse comme Joan de Castellnou, Raimon de Cornet, ou Gaston III Foix de Béarn.

Grâce au site Cervantes Virtual, ce manuscrit médiéval, daté du XIVe siècle, est consultable en ligne ici. Pour plus d’information à son sujet, nous vous renvoyons également à l’article très complet de Miriam Cabré et Sadurní Martí dans un numéro de Romania daté de 2010 (2).

L’interprétation de cette chanson médiévale par Gérard Zuchetto

Canso viva – Troubadours d’Italie des XIIe et XIIIe s sous la direction de Gerard Zuchetto

C’est au milieu des années 90 que le célèbre passionné de musiques et poésies anciennes, de musicologie et d’occitan médiéval, Gérard Zuchetto décida de rendre un beau tribut aux troubadours d’Italie du Moyen Âge central, et en particulier ceux des XIIe et XIIIe siècles.

Album de musique médiévale de Gérard Zuchetto

Avec huit pièces pour un peu plus d’une heure d’écoute, l’album Canso Viva présente, aux côtés de Raimbaut de Vaqueiras, des troubadours qui ont peu l’occasion d’être mis à l’honneur dans le répertoire habituel des ensembles médiévaux français : Bonifaci de Castellana, Ramberti de Buvalel, Sordel, Bertran d’Alamanon ou encore Peire de la Mula.

Saluée par la scène médiévale, on retrouvera également cette production, 20 ans après sa sortie, en 2016, dans les coups de cœur des bibliothécaires de Paris, ce qui prouve bien que la qualité en matière de musique ancienne et de vinification, c’est un peu la même chose. Si vous désirez acquérir ce bel album (de garde) ou obtenir plus d’informations à son sujet, on peut le trouver encore à la distribution sous forme CD. A commander chez votre libraire ou même, bien sûr, en ligne. Voici un lien utile à cet effet : Canso Viva de Gerard Zuchetto .

Membres ayant participé à cet album :

Gérard Zuchetto (Chant, direction, composition et arrangements et direction musicale), Guy Robert (luth, harpe), Patrice Brient (citole, rebec), Jacques Khoudir (percussions).

La Tròba, une anthologie chantée
sur l’art des troubadours

Anthologie des troubadours du Moyen Âge

A l’approche de Noël, nous nous permettons aussi de vous rappeler la disponibilité de la Tròba, grande œuvre de Gérard Zuchetto et son Troubadours Art Ensemble.

A ce jour, cette Anthologie chantée des troubadours n’a absolument aucun équivalent musical et artistique dans le monde. Avec 5 grands coffrets thématiques pour un total de 22 Cd’s, ce témoignage unique de l’art médiéval occitan présente 248 pièces en provenance directe du Moyen Âge (notre troubadour du jour est approché dans le coffret numéro 3). Près de 50 musiciens et chanteurs sont également invités sur l’ensemble de cette fresque musicale et chaque coffret vient avec ses livrets complets en français et occitan pour ne rien perdre de ce patrimoine.

Pour plus d’informations, nous vous invitons à consulter télécharger la brochure complète de la Troba en pdf ici .


« Altas ondas que venez suz la mar »
les paroles de Raimbaut de Vaqueiras

.
Altas undas que venez suz la mar,
que fay lo vent çay e lay demenar,
de mun amic sabez novas comtar,
qui lay passet? No lo vei retornar!
Et oy Deu, d’amor!
Ad hora.m dona joi et ad hora dolor!

Hautes vagues qui venez sur la mer
Que le vent fait, ça et là, s’agiter,
De mon ami qui a traversé par delà la mer

Saurez-vous me conter des nouvelles ? Je ne le vois pas revenir !
Et oh, Dieu, pour cet amour (à cause de)!
Parfois, j’ai de la joie et, parfois, de la douleur !

Oy, aura dulza, qui vens dever lai
un mun amic dorm e sejorn’ e jai,
del dolz aleyn un beure m’aporta.y!
La bocha obre, per gran desir qu’en ai.
Et oy Deu, d’amor!
Ad hora.m dona joi e ad hora dolor!

Oh! Douce brise qui vient de là-bas
Où mon ami dort, réside et repose,
Apporte-moi ici une effluve de son doux haleine
Ma bouche s’ouvre, du grand désir que j’en ai
Et oh, Dieu, pour cet amour !
Parfois, j’ai de la joie et, parfois, de la douleur !

Mal amar fai vassal d’estran païs,
car en plor tornan e sos jocs e sos ris.
Ja nun cudey mun amic me trays,
qu’eu li doney ço que d’amor me quis.
Et oy Deu, d’amor!
Ad hora.m dona joi e ad hora dolor!

Il est douloureux d’aimer un chevalier* d’un pays étranger,
Car, et ses jeux et ses rires, se changent en pleurs
Jamais je n’aurais pensé que mon ami me trahirait
Puisque je lui ai donné l’amour qu’il m’a demandé
Et oh, Dieu, pour cet amour!
Parfois, j’ai de la joie et, parfois, de la douleur !

*vassal, jeune homme, guerrier


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Voir également l’article de Gerard Zuchetto au sujet de Guillaume IX d’Aquitaine, premier des troubadours

(1) Giuseppe Tavani, Raimbaut de Vaqueiras « Altas undas que venez suz la mar«  (BdT 392.5a), Lecturae tropatorum 1, 2008

(2) « Le Chansonnier Sg au carrefour occitano-catalan » de Miriam Cabré et Sadurní Martí (Institut de Universität Llengua i de Cultura Girona Catalan, Romania 2010, Persée).

NB : sur l’image d’en-tête, l’enluminure qui tient compagnie à Gerard Zuchetto est tiré du Ms Français 854 conservé à la BNF. Nous l’avons un peu retouchée et rafraîchie mais elle correspond bien à notre troubadour du jour Raimbaut de Vaqueiras.

« Anc no mori per amor ni per al », les désillusions courtoises de PEIRE VIDAL

Sujet  : musique, poésie, chanson médiévale, troubadours, occitan, langue occitane, langue d’oc, amour courtois, courtoisie
Période    : Moyen Âge central, XIIe, XIIIe siècle
Auteur    : Peire Vidal (? 1150- ?1210)
Titre  :    Anc no mori per amor ni per al
Interprètes    : Constantinople, Anne Azéma
Album    :    Li tans nouveaus (2003)

Bonjour à tous,

Aujourd’hui, nous partons au XIIe siècle, à la rencontre du troubadour languedocien Peire Vidal et d’une de ses chansons. Comme on le verra, cette pièce s’épanche du côté des désillusions courtoises et le poète occitan nous gratifiera de ses déconvenues face à l’intransigeance de sa dame. A la fin de sa poésie, il passera à tout à fait autre chose avec une référence à la croisade qui prendra même clairement la forme d’un appel.

Le chansonnier Occitan G

Du point de vue des sources, on trouve cette chanson médiévale de Peire Vidal dans un nombre important de manuscrits et chansonniers anciens. Pour en choisir un dont nous n’avons pas encore parlé, nous citerons le Chansonnier occitan G. Cet ouvrage, annoté musicalement et daté des débuts du XIVe siècle, contient pas moins de 202 pièces occitanes médiévales. Il est actuellement conservé à la Bibliothèque Ambrosiana de Milan, sous l’appellation de Canzoniere provenzale R 71 sup. Voici les pages de ce manuscrit correspondant à la chanson de Peire Vidal que nous vous présentons aujourd’hui.

Peire Vidal, manuscrit médiéval Chansonnier Occitan

Pour la retranscription de cette poésie en graphie moderne, nous nous appuyons, en majeure partie, sur l’ouvrage Les Poésies de Peire Vidal de Joseph Anglade (chez Honoré Champion, en 1913). Notez que le chansonnier occitan G a également été retranscrit dans son entier par le romaniste italien Giulio Bertoni en 1912, chez Dresden et sous le titre : Il canzoniere provenzale della Biblioteca Ambrosiana R. 71. sup.

Pour nous accompagner dans la découverte de cette pièce de Peire Vidal, nous partirons à la rencontre de l’Ensemble Constantinople qui s’était adjoint, pour l’occasion, la voix de Anne Azéma.

L’Ensemble Constantinople

Formé à l’aube des l’années 2000 par deux frères iraniens résidents au Québec depuis leur adolescence, l’ensemble Constantinople explore un terrain musical et sonore tout à fait original. Depuis leur premiers pas, Kiya et Ziya Tabassian se sont entourés de nombreuses collaborations pour produire un répertoire coloré et même quelquefois « fusion » qui puise son inspiration, à la fois, sur les rives anciennes des civilisations orientales et méditerranéennes, mais aussi dans leurs racines plus traditionnelles : musiques de Grèce, d’Andalousie, mémoires juives et séfarades ou chrétiennes de l’Espagne ancienne, mélodies persanes, tribut aux frasques renaissantes ou au monde de l’Europe médiévale, leur discographie s’est étoffée d’une quinzaine d’albums entre poésie, explorations, échanges et dialogues culturels.

l'Ensemble de musiques Anciennes et traditionnelles Constantinople

Avec des concerts donnés dans plus de 25 pays, l’Ensemble Constantinople à gardé le goût du voyage et du lointain Québec qui l’a déjà reconnu et primé, ses musiques sont revenues, par les courants océaniques et la magie de la circulation culturelle, jusqu’aux rives de l’Europe. En cherchant un peu sur youtube, vous constaterez que la formation partage généreusement certaines de ses productions, à travers sa propre chaîne. Entre autres morceaux de choix et hors des temps médiévaux qui nous les ramènent ici, vous les trouverez en compagnie de Ablaye Cissoko, de sa Kora et de sa voix envoûtante pour des pièces à la signature unique. Vous pouvez également suivre la formation sur son site web officiel. De notre côté, nous reviendrons à notre période d’élection, le Moyen Âge, et à l’album dont est issue la chanson occitane du jour.

L’album : Li Tans Nouveaus

Album de musique médiévale de l'ensemble Constantinople

Sorti en 2003, l’album Li Tans Nouveaux voyait les deux frères musiciens s’associer à d’autres grands noms de la scène médiévale dont la célèbre soprano Anne Azéma.

Avec 12 pièces pour un temps d’écoute légèrement supérieur à 65 minutes, cette sélection partait à la conquête de la poésie courtoise des XIIe et XIIIe siècles et du goût de cette dernière pour le « renouvel » et le printemps. Temps nouveaux, temps de l’amour, on y retrouvera des trouvères comme des troubadours : le Chastelain de Coucy, Guiot de Dijon, Gonthier de Soignies, mais encore quelques pièces dansées de l’Italie ou de l’Angleterre médiévales du temps des Estampies et des Trotto(s). Pour clore le tableau, ajoutons encore deux interludes instrumentaux de Guy Ross et deux belles chansons de Peire Vidal (dont celle du jour) servies toutes deux par la voix de Anne Azéma. On trouve encore des exemplaires de cet album (édité chez Atma classique) à la vente. Voici un lien utile pour plus d’informations : Li Tans Nouveaus de l’Ensemble Constantinople

Musiciens présents sur cet album : Kiya Tabassian (cithare), Anne Azéma (voix), Guy Ross (luth, oud, harpe), Isabelle Marchand (violon), Matthew Jennejohn (flûtes à bec ), Ziya Tabassian (tombak, dayereh, percussion).


Anc no mori per amor de Peire Vidal
de l’occitan médiéval au français moderne

NB : pour la traduction et à l’habitude, elle s’inspire, en partie, de celle de Joseph Anglade, mais aussi de recherches plus personnelles en Occitan médiéval ou d’autres traductions comparées. Elle n’a pas la prétention de la perfection. Pour ne pas trop fermer le sens, nous vous proposons même, entre parenthèses, certaines alternatives. A l’occasion nous notons également certaines tournures proposés par Joseph Anglade (JA) que nous n’avons pas nécessairement retenues.

I
Anc no mori per amor ni per al,
Mas ma vida pot be valer morir,
Quan vei la ren qu’eu plus am e dezîr
E re nom fai mas quan dolor e mal.
No’m val be mortz, et ancar m’es plus greu,
Qu’en breu serem ja velh et ilh et eu :
E s’aissi pert lo meu el seu joven,
Mal m’es del meu, e del seu per un cen.

Je ne suis mort ni d’amour ni d’autre chose,
mais ma vie peut bien valoir de mourir
quand je vois l’être que j’aime et désire le plus
Ne me causer plus que douleur et mal (dommage).
La mort ne me sert en rien, et ce qui m’est plus pénible encore,
c’est que bientôt ma dame et moi nous serons vieux.
Et si ainsi, elle perd ma jeunesse et la sienne,
Cela me sera désagréable, pour moi, et pour elle cent fois plus.

II
Bona domna, vostr’ ome natural
Podetz, si-us platz, leugierament aucir :
Mas a la gen von faretz escarnir
E pois auretz en peccat criminal.
Vostr’ om sui be, que ges no -m tenh per meu,
Mas be laiss’ om a mal senhor son feu ;
E pois val pauc rics hom, quan pert sa gen,
Qu’a Dairel rei de Persa fo parven
.

Noble dame, votre vassal sincère (JA. « homme lige »)
Pouvez, à votre gré, aisément tuer,
Mais par les gens, vous en serez blâmée (raillée)
Et puis vous commettrez aussi un péché mortel.
Je suis bien votre homme, puisque je ne m’appartiens en rien ;

Mais on laisse volontiers à mauvais seigneur son fief ;
Et il vaut bien peu l’homme puissant qui perd ses gens (JA.
« vassaux »)
Comme il le fut démontrer à Darius, le roi de Perse.

III
Estiers mon grat am tot sol per cabal
Leis que nom denha vezer ni auzir.
Que farai doncs, pos no m’en posc partir,
Ni chauzimens ni merces no m’en val ?
Tenrai m’a l’us de l’enoios romeu,
Que quier e quier, car de la freida neu
Nais lo cristals, don hom trai foc arden :
E per esfortz venson li bon sufren.

Contre mon gré, j’aime seul et sans réserve (de tout mon cœur)
Celle qui ne daigne ni me voir ni m’entendre ;
Que ferai-je donc, puisque je ne m’en puis séparer
Et que ni l’indulgence ni la pitié ne me sont d’aucune utilité ?
Je me conformerai aux usages du pèlerin ennuyeux (importun),
Qui mendie d’un côté et d’autre ; car de la froide neige
Naît le cristal, dont on tire le feu ardent ;
Et,  par leurs efforts, les bons amants qui patientent triomphent. (JA. « les bons [amants] qui patientent arrivent à triompher ».)

IV
Anc mais no vi plag tan descomunal,
Que quant eu cre nulha ren far ni dir,
Qu’a leis deja plazer ni abelir,
Ja pois no pens de nulh autre jornal.
E tot quan fatz par a leis vil e leu,
Qu’anc per merce ni per amor de Deu
No pose trobar ab leis nulh chauzimen ;
Tort a de mi e peccat ses conten.

Jamais je ne vis de différent si étrange :
Puisque quand je pense ne rien faire, ni rien dire
D’autre qui ne lui plaise ou ne lui convienne,
Et que je ne pense à nulle autre chose (travail)
Tout ce que je fais lui semble vil et cavalier (léger, de peu de cas)
Et jamais, par pitié ou pour l’amour de Dieu,
Je ne puis trouver auprès d’elle aucune indulgence;
Sans conteste, elle se comporte envers moi injustement
(JA sans conteste elle a tort et se rend coupable envers moi),

V
Aissi m’en sui gitatz a no m’en cal,
Com lo volpilhs que s’oblid’ a lugir,
Que no s’auza tornar nis pot gandir,
Quan l’encausson sei enemic mortal.
Noi sai conort, mas aquel del juzeu,
Que sim fai mal, fai lo ad eis lo seu ;
Aissi com cel qu’a orbas se defen,
Ai tot perdut, la fors’ e l’ardimen.

Aussi me suis-je jeté dans l’insouciance,
Comme le renard qui s’oublie dans sa fuite,
Et qui n’ose se retourner, ni ne peut trouver refuge
quand ses ennemis mortels le poursuivent.
Et je n’ai d’autre consolation que celle du juif
Qui, s’il me fait du mal, en fait autant à lui-même ;
Et comme celui qui se défend sans rien voir,
J’ai tout perdu, la force et la hardiesse.

VI
Doncs que farai ? sufrirai per aital,
Co-l près destreitz, cui aven a sufrir
Que li fai mal, mas ben saupra grazir
Qui -m fezes ben en loc d’amic leial.
Quar s’eu volgues, domna, per autrui feu
Honrat plazer agra conquist en breu.
Mas res ses vos no-m pot esser plazen
Ni de ren al gaug entier non aten.

Donc que ferais-je ? Je souffrirai de la même façon
Que le prisonnier contraint, qui avait à souffrir,
Et à qui on faisait mal, mais qui saurait bien être reconnaissant
Envers celui qui me (lui ?) ferait du bien comme un loyal ami.
Car si je voulais, dame, prendre le fief d’un autre,
J’en aurais bientôt conquis le plaisir avec honneur.
Mais rien sans vous ne peut m’être plaisant
et je n’attends que de vous une joie parfaite.

VII
Lai vir mon chant, al rei celestial,
Cui devem tug onrar et obezir,
Et es be dreitz que l’anem lai servir
On conquerrem la vid’ esperital :
Que -l Sarrazi desleial, canineu,
L’an tout son regn’ e destruita sa pleu,
Que sazit an la crotz e -l monumen :
Don devem tug aver gran espaven.

J’adresse mon chant au roi céleste,
Que nous devons tous honorer et exaucer pleinement;
Et il est fort juste que nous allions le servir là-bas
Où nous conquerrons la vie spirituelle ;
Car les Sarrasins déloyaux de Canaan
Lui ont ôté son royaume et détruit son empire ;
Et qu’ils se sont saisis de la croix et du sépulcre,
Ce dont nous devons tous frémir (concevoir grande épouvante).

VIII
Coins de Peiteus, de vos mi clam a Deu
E Deus a me per aquel eis coven,

Qu’amdos avetz trazits mout malamen
El de sa crotz et eu de mon argen.

Per qu’en devetz aver gran marrimen.

IX
Coms de Peiteus, bels senher, vos et eu
Avem lo pretz de tota l’autra gen,
Vos de ben far et eu de dir lo çen.

Comte de Poitiers, je me plains de vous à Dieu
Et Dieu se plaint de même à moi,
Puisque vous nous avez trahi tous deux si durement
Lui pour sa croix et moi pour mon argent.
Ce pour quoi vous devriez avoir grand tristesse.

Comte de Poitiers, beau Seigneur, vous et moi
Nous sommes loués par le reste du monde,
Vous pour bien faire et moi pour bien conter.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

« Ecco la primavera », une chanson de francesco Landini au renouveau printanier

Sujet :  musique médiévale, musiques anciennes, ballade, madrigal, chants polyphoniques, ars nova, chanson médiévale.
Période :  Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur :  Francesco Landini ( ? 1325-1397)
Titre :  Ecco la primavera
Interprètes :  Enea Sorini et Catalina Vicens
Concert : extrait enregistré à Bâle, Suisse en avril 2018

Bonjour à tous,

u XIV siècle, Francesco Landini, compositeur florentin, régale de sa musique une Italie médiévale qui entre, déjà, dans son Rinascimento. Né d’un peintre reconnu, le destin qui appelait notre homme à marcher dans les traces de son père, lui échappa pourtant. Rendu aveugle dès son jeune âge, par la variole, il s’orienta vers la musique pour le plus grand plaisir de ses contemporains.

Compositeur, organiste, instrumentiste, poète et chanteur, Francesco Landini cumule, en effet, tous les talents. Celui que l’on surnommera, quelquefois, l’organiste aveugle ou l’aveugle des orgues (il Cieco degli organi), deviendra même un des plus grands représentants de l’Ars nova en Italie. La mort n’attendit d’ailleurs pas, pour le faire entrer dans la postérité puisqu’en son temps, il fut couronné pour ses talents par le roi de Chypre. Il côtoya aussi Pétrarque et légua, pour finir, 154 pièces polyphoniques à deux et trois voix qui achevèrent de le faire entrer dans la légende musicale italienne du trecento.

« Ecco la primavera »,
ballade légère et printanière à deux voix

Alors que septembre s’achève et que nous entrons déjà dans l’Automne, la pièce du jour du compositeur Florentin en prend le contrepied. Cette ballade a pour titre « Ecco la primavera », « voici le printemps » et nous transporte dans les joies du renouveau printanier, saison très chère au Moyen Âge et ses poètes.

« Ecco la primavera« , Codex Squarcialupi (début du XVe s), Biblioteca Medicea Laurenziana,

Tout est léger dans cette composition du maître florentin jusque la mélodie joyeuse et aérienne en accord avec les paroles. En 2018, la chaîne youtube Amfiparnaso, dédiée à la musique ancienne et notamment aux prestations du baryton Enea Sorini en partageait une belle interprétation. Enregistrée à Bale en Suisse, elle mettait en scène le chanteur italien en compagnie de l’organiste Catalina Vicens. Ecrit à l’origine pour être chantée à deux voix et à Cappella,

Tout est léger dans cette composition du maître florentin jusque la mélodie joyeuse et aérienne en accord avec les paroles. En 2018, la chaîne youtube Amfiparnaso, dédiée à la musique ancienne et notamment aux prestations du baryton Enea Sorini en partageait une belle interprétation. Enregistrée à Bale en Suisse, elle mettait en scène le chanteur italien en compagnie de l’organiste Catalina Vicens. Ecrit à l’origine pour être chanté à deux voix et à Cappella, ce madrigal de Landini a été adapté ici pour un « dialogue » entre la voix du chanteur et celle de l’organetto (orgue portatif médiéval).

« Ecco la primavera » de Francesco Landini par Enea Sorini et Catalina Vicens

Enea Sorini, chanteur Baryton
sur les scènes médiévales et baroques

Sous ses airs qui, sur cette vidéo, pourraient nous rappeler un peu Angelo Branduardi, Enea Sorini est un baryton italien confirmé et reconnu sur la scène des musiques anciennes et classiques.

Très tôt intégré dans un chœur de la ville italienne de Pesaro, il se formalisa avec les musiques anciennes et polyphoniques durant près de 15 ans. Après un détour par des études artistiques, il reviendra vers la musique et le chant (musique de chambre et musique baroque) en passant par le conservatoire de la même ville. On le trouvera, par la suite, au chant, à la percussion et au Psaltérion en collaboration avec l’ensemble italien Micrologus. Sa carrière lui donnera également l’occasion de participer encore à d’autres formations de musiques anciennes, sur des répertoires principalement médiéval et renaissant. Un peu plus tard, il fondera également l’ensemble Bella Gerit d’Urbino, autour du répertoire renaissant.

Entre toutes ses participations et albums, le baryton italien affiche déjà une discographie de près de 20 titres. Sur le plan intellectuel, Enea Sorini a également fait des études poussées dans le domaine de la musicologie, sur un répertoire et des pratiques musicales qui touchent, plus particulièrement, le XVIe s, dans la province d’Urbino. Voir son site officiel.

Catalina Vicens, grand talent reconnu
sur la scène médiévale et renaissante

De son côté, l’organiste et musicienne d’origine chilienne, Catalina Vicens affiche également un parcours brillant et de très haute tenue qui a démarré, de manière précoce, sur la scène classique latino-américaine, avec de nombreux concerts.

Dans son parcours initiatique, elle compte, en plus de deux formations classiques à Philadelphie et à Fribourg, un passage par la prestigieuse Schola Cantorum Basiliensis. Aujourd’hui, établie, à Bale, en Suisse, elle s’est spécialisée dans les instruments anciens à claviers ( claviers médiévaux, clavicymbalum, organetto, orgue, clavecin,…). Devenue une instrumentiste virtuose, ses talents et ses travaux lui ont valu déjà des récompenses telles qu’un Award ainsi qu’un diapason d’or. Sa passion pour les instruments anciens l’a aussi conduit à s’associer de près à la fabrication ou la reconstitution d’instruments, tels que des orgues médiévaux ou renaissants.

En plus de ses prestations musicales en collaboration avec de nombreux ensembles, elle dirige la formation Servir Antico qu’elle a aussi créée et dont le répertoire entend faire redécouvrir des compositions peu connues ou méconnues des XIIIe au XVIe siècles. A ses talents d’instrumentiste, Catalina Vicens associe également le goût de la transmission et de la pédagogie. Elle est, en effet, maître de conférences au Conservatoire Royal de Bruxelles et intervient en enseignement dans d’autres écoles prestigieuses au niveau international. Pour suivre son actualité, son site officiel est ici.


Ecco la Primavera de Francesco Landini
avec traduction en français moderne.

Ecco la primavera
Che ‘l cor fa rallegrare;
Temp’è da ‘nnamorare
E star con lieta cera.
No’ vegiam l’aria e ‘l tempo
Che pur chiama allegreza;

In questo vago tempo
Ogni cosa ha vagheza.
L’erbe con gran frescheza
E fiori copron prati
E gli alberi adornati
Sono in simil manera.

Ecco la primavera
Che ‘l cor fa rallegrare;
Temp’è da ‘nnamorare
E star con lieta cera.

Voici le printemps
Qui réjouit le cœur (met, à nouveau, le cœur en joie)
C’est le temps de tomber amoureux
Et d’afficher un visage joyeux (une mine réjouie).
L’air et le temps s’accordent ensemble
Pour nous rendre joyeux. (nous apporter joie et allégresse)

En ce temps enchanteur
Chaque chose est agréable (source de plaisir)
L’herbe avec sa grande fraîcheur
Les fleurs qui couvrent les champs
Et les arbres garnis (de feuilles, en fleurs, décorés)
S’accordent avec tout cela.

Voici le printemps
Qui réjouit le cœur
C’est le moment de tomber amoureux
Et d’afficher des faces joyeuses
.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes