Sujet : musique médiévale, musique ancienne, danse médiévale,estampie, danses royales Période : moyen-âge central, XIIIe siècle, Titre : La seconde Estampie royale Tirée du manuscrit du Roy (Roi), chansonnier du Roy, manuscrit Français 844 BnF Interprète ; Jordi SAVALL et Hespèrion XXI Album : Estampies & danses royales (2008) Production : Alia Vox
Bonjour à tous,
ous vous proposons aujourd’hui, un retour à la musique médiévale, la vraie, celle d’époque, et nous le faisons par la voie royale avec une estampie interprétée par le grand Jordi SAVALL et la formation Hespèrion XXI. Cette pièce est tirée du Manuscrit du Roy, dit encore chansonnier du Roy et connu à la Bibliothèque nationale de France sous le nom de manuscrit 844, ouvrage ancien du XIIIe siècle dont nous avons déjà eu l’occasion de parler ici.
Jordi SAVALL, est donc accompagné sur cet album par HESPERION XXI, ensemble musical né en Suisse qu’il a lui-même contribué à fonder en 1974. Dans la lignée du travail et des recherches du talentueux et très inspiré artiste catalan, la formation a pour prédilection un répertoire qui va de la musique médiévale à celle de la Renaissance, en passant par la musique baroque. Depuis sa création, Hespèrion XXI a sorti de nombreux albums, s’est produit dans des tournées au rayonnement international. et a également remporté de nombreux prix de renom (France, Japon, Hollande, etc).
En proposant de nombreuses inédits que leur passion pour les musiques anciennes et leurs recherches leur permettent de mettre à jour et de faire découvrir au public, leur approche très classique est aussi matinée de Jazz et ils ne s’interdisent pas l’improvisation et les variations libres sur les thèmes qu’ils proposent.
En vous souhaitant une bonne écoute et une excellente journée!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com « A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »
Sujet : musique et poésie médiévale, chanson, trouvère, roi poète, roi troubadour, amour courtois. Auteur : Thibaut de Champagne, Thibaut de Navarre, Thibaut le chansonnier Titre : Ausi conme unicorne sui Période : Moyen Âge central
Interprète :FAUN Album : Totem (2007)
Bonjour à tous,
‘est toujours un plaisir que de pouvoir poster ici quelques textes ou quelques éléments d’histoire supplémentaires concernant le roi poète et trouvère Thibaut le chansonnier, roi de Navarre et comte de Champagne (1201-1253).*
Pour nous changer un peu de ses deux derniers textes qui gravitaient autour du thème des croisades, c’est ici une ode à l’amour courtois que nous vous proposons. Elle prend la forme d’un animal de légende très présent dans les bestiaires et l’imagerie du Moyen Âge: la licorne.
La licorne ou le monocéros,
créature mythique des bestiaires médiévaux
Même si on la connait depuis l’antiquité, on retrouve la mythique licorne de la légende à laquelle se réfère Thibaut de Champagne dans notre poésie du jour, à partir du haut Moyen Âge et plus exactement du IVe siècle. On la nomme alors Monocéros ou unicorne et elle est décrite comme une créature puissante et sauvage, que, dit-on, seule une vierge peut aider à capturer. L’animal en voyant la pure jeune fille, viendrait, en effet, trouver refuge en son sein et la belle n’aurait alors qu’à lui laisser téter son lait pour que la bête devenue docile et soumise puisse être capturée ou abattue.
ci contre illustration de chasse à la licorne, XIIIe siècle, Bestiaire de Rochester (1230)
Voilà donc, ici, une poésie de notre bon roé de Navarre, Thibaut de Champagne, captif de son amour et toute à sa fascination pour l’objet de son désir, laissé sans plus de défense que cette fameuse licorne de la légende, devant une vierge.
Le chansonnier Cangé : manuscrit ancien de poésie françoise du XIIIe siècle
On retrouve cette chanson de Thibaut de Champagne dans le manuscrit 846 de la Bibliothèque Nationale de France: le Chansonnier Cangé. Cet ouvrage est, comme son nom l’indique, un recueil de chansons de troubadours de la fin du XIIIe siècle.
Il vaut la peine, ici, d’en dire un mot parce qu’outre le fait que l’original nous vient du XIIIe siècle, la version que nous connaissons de ce manuscrit est le fruit du travail d’un passionné collectionneur de la poésie et de la musique des troubadours d’alors; il a pour nom Jean-Baptiste Châtre de Cangé et est contemporain du XVIIIe siècle.
Il acquit, en effet, le manuscrit en question en 1724 et comme il possédait également d’autres recueils de chansons, se mit même à annoter les pages du manuscrit, comparant entre elles les chansons des troubadours et de trouvères et recoupant les différentes versions. Il en résulte que ce manuscrit ancien, annoté de la main de ce collectionneur, porte désormais son nom et reste, au demeurant, un précieux témoin du monde médiéval et de l’art des troubadours et trouvères du XIIIe siècle.
Outre le fait qu’il recèle des trésors de la poésie française du Moyen Âge central, les annotations musicales originales qui accompagnent ces chansons sont aussi particulièrement remarquables. Le Chansonnier Cangé reste, en effet, un des rares ouvrages faisant état d’une écriture musicale qui comprend les temps et la rythmique. Si vous vous souvenez, nous avions mentionné dans un article précédent sur l’art des troubadours, que la plupart du temps, les compositeurs utilisaient une autre forme d’écriture musicale et n’annotaient pas les rythmes, laissant en quelque sorte la libre interprétation de ces aspects au troubadour ou au trouvère.
Sur le fond, le Chansonnier Cangé contient plus de 351 chansons et forme une véritable anthologie de la poésie des troubadours sur le thème de l’amour courtois. On y retrouve en plus de Thibaut de Champagne qui y est à l’honneur avec 64 de ses chansons, suivi de près par Gace Brûlé avec 46 chansons, d’autres noms célèbres tels que Adam de la Halle, Richard Coeur de Lion et d’autres encore, mais aussi un certain nombre de chansons et compositions d’auteur étant demeurés anonymes.
Faun, « folk celtique néo-médiéval païen » en provenance d’Allemagne
Il existe des versions bien plus lyriques de cette pièce de Thibaut de Champagne que celle que nous vous proposons d’aujourd’hui, cette dernière appartenant à un registre plus résolument folk médiéval. Elle est interprétée par FAUN, une formation relativement récente de musiciens et d’artistes allemands qui a fait ses premières armes en 2002. Le groupe se définit lui-même comme proposant une musique qui « fusionne les sons anciens et médiévaux, le folk celtique et nordique avec la musique moderne », d’où le nom de « folk néo-médiéval celtique » qu’on lui donne souvent et qui sonne un peu tout de même comme une appellation marketing clinquante pour inscrire leur travail dans un genre. Si je voulais faire court et sans déprécier du tout leurs talents, je dirais que FAUN est un peu à la musique médiévale ce que le Rondo Veneziano était à la musique classique. On n’est dans l’easy listening celtique à consonances médiévales (ce qui n’exclut pas bien sûr la qualité, mais qui reste une manière de montrer que, quand je m’y mets, je peux moi-aussi inventer des mots qui claquent bien). Bref, vous l’avez compris, leur travail les situe dans un Moyen Âge plus résolument allégorique et imaginaire que classique.
Au delà du fait qu’il est toujours intéressant de voir comment le monde médiéval s’invite dans l’actualité de notre XXIe siècle, on trouve du reste chez FAUN des choses très agréables à écouter. A en juger, nous ne sommes pas les seuls à partager ce goût, puisqu’ils furent nominés à trois reprises pour les « Echo », le music awards allemand. Le groupe est aussi très actif et productif puisqu’on leur doit déjà, à ce jour, 8 CDs et quelques tournées d’envergure mondiale : USA, Brésil et j’en passe. Le néo médiéval folk celtique païen semble donc aussi entré dans la World Music. Pour ce qui est du morceau d’aujourd’hui, qui est un classique médiéval revisité par leurs soins, la performance vocale de la chanteuse reste très convaincante et que les choix mélodiques sont aussi très agréables, mais je vous laisse vous en faire une idée.
Tout cela étant dit, voilà le texte de cette chanson de Thibaut de Navarre, en vieux français du XIIIe siècle que nous nous fendrons sans doute d’adapter en français moderne sous peu.
Les paroles de la chanson de Thibaut de Champagne en vieux français
Ausi conme unicorne sui Qui s’esbahist en regardant, Quant la pucelle va mirant. Tant est liee de son ennui, Pasmee chiet en son giron; Lors l’ocit on en traïson. Et moi ont mort d’autel senblant Amors et ma dame, por voir : Mon cuer ont, n’en puis point ravoir.
Dame, quant je devant vous fui Et je vous vi premierement, Mes cuers aloit si tressaillant Qu’il vous remest, quant je m’en mui. Lors fu menez sans raençon En la douce chartre en prison Dont li piler sont de talent Et li huis sont de biau veior Et li anel de bon espoir.
De la chartre a la clef Amors Et si i a mis trois portiers : Biau Senblant a non li premiers, Et Biautez cele en fet seignors; Dangier a mis en l’uis devant, Un ort, felon, vilain, puant, Qui mult est maus et pautoniers. Ciol troi sont et viste et hardi: Mult ont tost un honme saisi.
Qui porroit sousfrir les tristors Et les assauz de ces huissiers? Onques Rollanz ne Oliviers Ne vainquirent si granz estors; Il vainquirent en combatant, Més ceus vaint on humiliant. Sousfrirs en est gonfanoniers; En cest estor dont je vous di N’a nul secors fors de merci.
Dame, je ne dout més rien plus Que tant que faille a vous amer. Tant ai apris a endurer Que je suis vostres tout par us; Et se il vous en pesoit bien, Ne m’en puis je partir pour rien Que je n’aie le remenbrer Et que mes cuers ne soit adés En la prison et de moi prés.
Dame, quant je ne sai guiler, Merciz seroit de seson més De soustenir si greveus fés.
En vous souhaitant une belle journée!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
* J’en profite pour faire ici une petite parenthèse sur l’orthographe du prénom Thibaud, ou Thibault ou Thibaut qui n’a décidément jamais l’air de savoir comment il veut s’écrire. Nous avons donc décidé ici, une bonne fois pour toutes, de l’écrire avec un T mais vous trouverez le roi de Navarre sous toutes les formes possibles de l’orthographe de son prénom.