Sujet : Musique ancienne, musique médiévale, viole de Gambe, maître de musique, autobiographie, artiste, conférence vidéo. viole de gambe.
Période : Moyen-âge, renaissance, baroque
Auteur : Jordi Savall
Lieu : Fondation Juan March (2014)
Bonjour à tous,
u’est-ce qui fait un artiste ? Est-ce une capacité ou une volonté de dépasser ses propres inquiétudes et ses peurs, les siennes, mais aussi celles des autres ? Vais-je survivre ? Mangerais-je à ma faim ? Pour avoir la ténacité indispensable de pratiquer son art dans d’infinis efforts, jour après jour, durant des heures incomptables, sans garantie et sans contrepartie économique immédiate ou évidente, il lui faut aussi une flamme que seule la passion peut entretenir mais n’y a-t-il pas encore, au fond de cet être unique, la certitude obstinée qu’il n’y a pas d’autres voies, quels qu’en soient les sacrifices ? Habité par une sorte de nécessité impérieuse, l’artiste véritable semble quelquefois laissé sans d’autres choix que de poursuivre inlassablement sa quête, comme si c’était pour lui la seule façon possible de traverser la vie.
Sur ce long chemin qui mène à un aboutissement jamais atteint, mené par la soif intarissable de toujours explorer de nouveaux territoires en friche, il faut aussi une poignée de rencontres clefs et de visages amis croisés sur le chemin qui l’encouragent à poursuivre, ceux qui font un geste aux moments les plus inattendus ou qui, par leurs élans, lui délivrent autant de signes, comme une façon de lui murmurer à l’oreille : « Continues, tu es sur la bonne route ». Et parmi tous ceux-là, il y a bien sûr aussi les maîtres, ceux qui montrent la voie et qu’il faut savoir écouter. Sans une reconnaissance profonde à leur égard, sans l’humilité d’apprendre encore et toujours et sans une gratitude sincère pour ses pairs, un artiste pourrait bien finir par se perdre en chemin. A l’évidence, celui que nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui ne s’y est pas perdu.
Jordi Savall et la saveur des fraises sauvages
n 2014, le maître de musique, directeur d’orchestre et virtuose de la viole de gambe Jordi Savall était reçu par la Fondation Juan March pour y donner une conférence au sujet de son autobiographie intellectuelle et de son itinéraire artistique. Le lieu était propice à plus d’un titre puisque l’institution mécène espagnole avait compté dans son parcours en lui offrant, au moyen d’une bourse et alors qu’il étudiait encore son art, la possibilité de pourvoir à ses besoins et de poursuivre son apprentissage.
Itinéraire artistique et biographie à tiroir
Comme on le verra, il n’est pas question ici de répertoire médiéval stricto sensu, même si la quête inlassable des musiques anciennes, jusque dans les manuscrits et les traités d’époque, est demeurée au cœur des préoccupations de toujours de Jordi Savall. En plus de cette fascination singulière pour l’histoire de la musique, de ses instruments et de ses techniques, il aura fallu à ce grand artiste, une infinie patience et une vie soutenue d’efforts pour débusquer, jouer et faire découvrir au public, des trésors de compositions médiévales,
renaissantes ou baroques issus du plus lointain patrimoine méditerranéen et même au delà, jusqu’aux rivages des mondes celtiques ou latino-américains. Une partie de ces musiques compte des partitions pour viole de gambe que personne, jusqu’à lui, ne s’était aventuré à travailler et sa contribution, sur ce seul instrument, demeure unique sur la scène musicale internationale.
Pour le reste, on aura plaisir à suivre dans cette conférence, les pas du grand musicien catalan, de son enfance jusqu’à ses projets les plus récents et les plus ambitieux, en passant par son passage à la Schola Cantarum Basiliensis ou par son travail demeuré célèbre sur la bande originale du film d’Alain Corneau Tous les Matins du Monde. Il nous emmènera également à la source de ses célèbres formations, Hespèrion XX, la Capella Reial de Catalunya, l’Orchestre des nations et on y croisera aussi de grands noms de la scène classique et baroque du XXe siècle.
Pour qui sait écouter, il y a encore, dans cette autobiographie empreinte d’humanité, des leçons à tiroir qui débordent largement le champ historique pour s’intéresser à l’humain, à l’art et encore à l’itinéraire de l’artiste (avec un grand A), et c’est une véritable joie pour nous de pouvoir la partager avec vous ici.
Qui est la Fondation Juan March ?
Pour la culture espagnole et l’Humanisme
réée en 1955, par le financier et homme politique Juan March Ordinas, cette fondation madrilène est une institution patrimoniale et familiale de grand renom en Espagne. Dès son origine, elle s’est donnée pour mission de promouvoir le fleuron de la culture ibérique avec l’objectif d’en faire bénéficier la communauté la plus large et toujours avec un parti-pris de qualité. Dans les premiers temps de son existence, elle a agi principalement à travers des bourses d’études concédées à ceux qui arpentaient les larges avenues de la Culture et de l’Art espagnols et les valorisaient. Un peu plus tard, elle a mis en place ses propres programmes culturels ; ces derniers qui s’inscrivent dans la durée et dans la gratuité ont vocation, pour reprendre les propres mots de la fondation « à diffuser et renforcer la confiance dans les principes de l’humanisme dans des temps tout à la fois d’incertitude et d’opportunités, augmentées par l’accélération du progrès technologique« .
Programmes et actions de la fondation
On y trouvera nombre d’expositions, de conférences et de concerts. La fondation héberge aussi, en son sein, une bibliothèque sur le thème de la musique, un théâtre et possède encore deux musées : le Musée d’Art Abstrait de Cuenca, et le Musée de la Fondation Juan March de Palma de Mallorque. On retrouve également cette institution aux sources de la recherche scientifique, notamment dans le domaine des Sciences Sociales, à travers l’Institut Carlos III Juan March de l’Université Carlos III de Madrid.
La programmation musicale forme un partie importante de ses actions puisqu’elle propose, chaque année, près de cent cinquante concerts. Entre musiques anciennes, opéras, et genres variés, l’approche demeure toujours didactique et orientée sur la découverte et la sensibilisation. Quant aux conférences, elles balayent le large champ de la littérature et de la poésie, celui du théâtre et du cinéma, et vont encore jusqu’à la philosophie, en débordant les frontières de l’Espagne territoriale pour s’étendre jusqu’à l’Amérique latine. A noter que sur son site web, la Fondation rediffuse gracieusement toutes ses productions par l’intermédiaire de sa propre web Tv : Canal March
Note sur la traduction et la version française
Nous avions mis, depuis longtemps déjà, dans notre « bucket list » la traduction de cette véritable pépite, postée, il y a quelque temps, sur Youtube par la Fondation Juan March elle-même. On peut trouver en ligne nombre de vidéos et d’entrevues de Jordi Savall (qui s’exprime, par ailleurs, dans un français parfait), mais cette autobiographie demeure unique et très particulière, aussi nous espérons que vous aurez autant de plaisir à l’écouter que nous en avons eu à l’adapter en français. Puissiez-vous y goûter, comme le fait le maître de musique, à la saveur incomparable des fraises sauvages.
Avant d’en terminer, il nous faut souligner, une nouvelle fois, l’importance du mécénat ou des aides institutionnelles dans le domaine de la Culture. Il est merveilleux de penser qu’en faisant le geste, il y a près de 50 ans, d’aider un jeune étudiant têtu et passionné à poursuivre ses rêves les plus chers, une fondation a contribué à faire naître l’un des plus grands artistes sur la scène internationale des musiques anciennes.
En vous souhaitant une très belle journée
Frédéric F
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes