Sujet : danse, musique médiévale, estampie, manuscrit ancien, chansonnier du Roy, trouvères, troubadours, Miracle, Vierge Marie, Culte marial, Français 844, chansonnier du Roy. Période : moyen-âge, XIIIe siècle. Auteur : anonyme Titre : La quinte estampie royale Interprètes : Anne Azema – Shira Kammen Album : Etoile du nord – Le Miracle Médiéval (2003)
Bonjour à tous,
n 2003, la directrice d’orchestre, musicienne et chanteuse soprano Anne Azemasortait un album dédié aux poésies et chansons médiévales sur le thème des miracles de la Vierge, ayant pour titre: Gauthier de Coincy. Etoile du Nord, le Miracle médiéval.
De Coincy. Etoile du nord, le miracle marial
par Anne Azema
Avec onze pièces datant du moyen-âge central, Anne Azema faisait le choix, dans cet album, d’une formation réduite à minima, en s’accompagnant uniquement de la talentueuse vielliste et instrumentiste américaine Shira Kammen. Du reste, les deux artistes n’en étaient pas à leur première collaboration puisqu’elles avaient déjà eu l’occasion d’exercer leur talent mutuel et leur complicité, bien avant cela, et notamment dès le début des années 90, dans le cadre de la Boston Camerata et de la Camerata Mediterranea.
Du point de vue des pièces présentées, l’idée directrice de Anne Azema était la mise en miroir des miracles chantés ou narrés par les trouvères du Nord de la France avec ceux de l’Espagne médiévale. A ce titre,, l’oeuvre majeure compilée par Alphonse X le Sage de Castille dont nous sommes familiers ici (voir index des Cantigas de Santa Maria) y tenait une bonne place.
Contenu de l’album
On peut ainsi trouver, dans cette Etoile du Nord, des compositions de trouvères célèbres de la fin du XIIe et même plutôt du XIIIe, siècle florissant du culte marial : une chanson de Rogeret de Cambrai, une de Thibaut de Champagne, trois Cantigas de Santa Mariadu roi Alphonse le Sage et encore quatre pièces de Gauthier de Coincy, qui occupe un place particulière dans cet album puisque ce dernier lui est dédié. On peut encore y écouter deux pièces demeurées anonymes dont la Quinte Estampie Royale du manuscrit médiéval Français 844 ou Chansonnier du roy que nous vous présentons ici. En terme de contenu, ce n’est, certes, pas la plus représentative de l’album et elle pourrait même sembler y faire un peu office d’interlude, mais comme elle est, à l’image du reste des pièces, très réussie, nous avons jugé intéressant de vous la faire connaître.
Du point de vue distribution, l’album est encore édité à ce jour et toujours disponible à la vente en ligne. On peut le trouver au format CD, mais aussi au format digitalisé, ce qui offre l’avantage de pouvoir en pré-écouter les différentes titres pour s’en faire une meilleure idée ; L’album Etoile du Nord: le miracle médiéval, de Anne Azema
La quinte estampie royale sous la vielle de Shira Kammen
Gauthier de Coincy (1177-1236)
Disons un mot ici de Gauthier de Coincy (Gautier) avant que l’occasion nous soit donnée, d’en faire un portrait plus complet. On doit à ce moine trouvère de la fin du XIIe et des débuts du XIIIe siècle nombre de chansons et récits de Miracles au sujet de la vierge ( LesMiracles de notre Dame). Certains inspireront même d’autres auteurs médiévaux et notamment certaines Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille.
Dans cet album, on notera parmi les pièces présentées du trouvère, de courts récits de miracles mais aussi de beaux échantillons de son talent courtois. Sa chanson « Ja pour yver, pour noif ne pour gelee »notamment, est une véritable ode à la vierge et à son amour sur le modèle de la lyrique courtoise des troubadours. Nous aurons assurément l’opportunité de vous la présenter plus tard dans le temps.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : 26 « Non é gran cousa » ou le pélerin de Saint-Jacques Compostelle Ensemble : Evo Medieval Music, Efren Lopez Média : chaîne youtube de la formation
Bonjour à tous,
n route pour l’Espagne du XIIIe siècle et la cour de Castille, à la découverte d’une nouvelle Cantiga de Santa Maria. Témoin de la grande dévotion au culte marial médiéval, ce grand legs du souverain Alphonse X de Castille nous est aussi demeuré précieux pour sa rédaction en galaïco-portugais, cette langue longtemps prisée par les poètes et les troubadours de la péninsule ibérique et qui allait donné naissance au Portugais et au Galicien.
Aux sources de la Cantiga 26
Connue aussi sous le titre du « le pèlerin de Saint-Jacques« , la Cantiga de Santa Maria 26 fait partie des récits les plus célèbres de ce corpus, autour du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Durant le Moyen Âge, il semble même qu’une fête lui était dédiée dans la cathédrale de la ville.
L’histoire est, à nouveau, celle d’un Miracle et quel miracle, puisque bien au delà d’une simple guérison, il s’agit ici rien moins que d’une résurrection. Notons que ce récit, repris dans les Cantigas d’Alphonse X, est connu dès les XIe, XIIe siècle. On le trouve, en effet, mentionné dans plusieurs sources dont notamment le Codex Calixtinus, Liber Sancti Jacobi ou Livre de Saint Jacques, daté de la première moitié du XIIe. Sous certaines de ses formes originelles, ce miracle fait une place plus mesuré à la vierge contre le Saint, mais sous la plume du souverain espagnol ou de ses scribes, il était bien naturel que la Sainte Mère de Dieu mort en croix, y retrouve une place centrale.
Le codex Calixtinus ou Livre de Saint Jacques
L’interprétation de Evo medieval music
Pour l’interprétation musicale de ce chant qu’on trouve repris par un certain nombre de formations (sous une forme souvent tronquée car elle est assez longue), nous avons choisi la belle approche de l’ensemble espagnol Evo Medieval Music. Datée de 2011, la prestation fut donnée dans le cadre du IVe cycle des arts scéniques et des musiques historiques de León. Conduit par son talentueux fondateur Efren Lopez, Evo y était accompagné, pour l’occasion, de l’Almodí Chamber Choir de Valencia.
La Cantiga de Santa Maria 26 par Evo & Almodí
Le Miracle de la Cantiga 26
Enluminure du pèlerin trompé
Un pèlerin avait l’habitude de se rendre, chaque année, à Saint-Jacques de Compostelle, mais une de ces nombreuses fois, avant de se mettre en chemin, il s’acoquina avec une femme de petite moralité et passa la nuit avec elle. Facteur aggravant, nous conte le poète, l’homme n’était pas marié avec sa partenaire de passage, mais, pire encore, il ne se lava pas de son péché (en le confessant), avant de prendre la route de Compostelle. C’est ainsi que le diable, attiré par l’odeur du coupable péché, lui apparût en chemin. « Blanc comme une hermine« , le Malin, qui avait pris l’apparence de Saint-Jacques de Compostelle, prétendit vouloir sauver le pécheur et lui demanda pour cela de s’amputer du membre par lequel il avait fauté, avant de se trancher le cou.
Enluminure du pèlerin trahi par le diable
Désireux d’échapper aux affres de l’Enfer, le dévot pèlerin suivit scrupuleusement les perfides consignes et, après s’être émasculé, il mit fin à ses jours, en s’ouvrant la gorge. De crainte d’être accusés de l’avoir occis, ceux qui l’accompagnaient s’enfuirent et les démons vinrent bientôt chercher l’âme de l’infortuné pour la porter avec eux, aux enfers. L’affaire ne fut pourtant pas si simple car, comme leur cortège passait devant une belle chapelle dédiée à Saint-Pierre, Saint-Jacques en personne, en sortit pour s’interposer. Le pèlerin avait été trompé en son nom et l’âme égarée ne pouvait être conduite aux enfers ; c’est la ruse du Diable, autant que la grande foi de l’homme en la parole usurpée du Saint, qui l’avaient, en effet, conduit au suicide et non sa propre volonté. Les démons, de leur côté, argumentèrent que, comme le pécheur s’était donné la mort de ses propres mains, il devait être conduit, sans délai, devant l’ange déchu.
Enluminure du pélerin sauvé par Saint-Jacques
Voyant que le débat demeurait sans issue, Saint-Jacques fit appel au jugement de la Sainte-Mère, dont même les démons ne pourraient que convenir de l’impartialité. Dans sa grande mansuétude, la vierge ne donna pas cause à ces derniers et l’âme du pèlerin que la perfidie du Malin avait poussé à l’irréparable, fut retournée dans son corps, afin qu’il puisse vivre : « Non é gran cousa se sabe bon joyzo dar a Madre do que o mundo tod’ á de joigar.« . Ce n’est pas très étonnant qu’elle sache bien juger, la Mère de celui qui, dans le monde entier, est juge de toute chose.
Suite à cela, l’homme put faire pénitence et servit Dieu, le reste de sa vie. L’appendice par lequel il avait péché ne lui fut, toutefois, pas restitué.
La Cantiga de Santa Maria 26 d’Alphonse X
NB : concernant la traduction, merci de prendre en compte qu’elle n’a la prétention que d’être indicative. Comme ce n’est pour l’instant qu’un premier jet, elle comporte encore certaines imperfections.
Esta é como Santa María juïgou a alma do Roméu que ía a Santïago, que se matou na carreira por engano do dïabo, que tornass’ ao córpo e fezésse pẽedença.
Celle-ci raconte comment Marie a jugé l’âme d’un pèlerin qui allant à Santiago de Compostelle, s’était tué en chemin après avoir été trompé le diable, de sorte qu’elle la fit retourner dans son corps pour qu’il fasse pénitence.
Mui gran razôn é que sábia dereito quen Déus troux’ en séu córp’ e de séu peito mamentou, e del despeito nunca foi fillar; porên de sen me sospeito que a quis avondar.
Non é gran cousa se sabe | bon joyzo dar a Madre do que o mundo | tod’ á de joigar.
Il est très juste que celle qui fit croître Dieu dans son corps, le nourrit de son sein, et ne l’a jamais mécontenté, soit capable de juger justement, car j’ai confiance qu’il l’a doté en abondance (de grands dons).
Ce n’est pas chose étonnante qu’elle sache bien juger
la Mère de celui qui, dans le monde entier, est juge de toute chose.
Sobr’ esto, se m’ oissedes, diria dun joyzo que deu Santa Maria por un que cad’ ano ya, com’ oý contar, a San Jam’ en romaria, porque se foi matar. Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
A ce propos, si vous m’écoutez, je vous parlerai d’un jugement que fit Sainte Marie pour un qui chaque année, allait, comme je l’entendis conter, en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle où il se donna la mort.
Refrain…
Este romeu con bõa voontade ya a Santiago de verdade; pero desto fez maldade que ant’ albergar foi con moller sen bondade, sen con ela casar. Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
Ce pèlerin de bonne volonté se rendait vraiment à Santiago mais, il se comporta mal, car avant de prendre la route, il coucha avec une femme de peu de moralité, sans être marié avec elle.
Refrain…
Pois esto fez, meteu-s’ ao caminno, e non se mãefestou o mesquinno; e o démo mui festinno se lle foi mostrar mais branco que un arminno, polo tóst’ enganar.
Cela fait, il se mit en chemin sans confesser son péché, le mesquin, et le démon très rusé se manifesta à lui, plus blanc qu’une hermine, pour le tromper totalement.
Refrain…
Semellança fillou de Santïago e disse: “Macar m’ éu de ti despago, a salvaçôn éu cha trago do que fust’ errar, por que non cáias no lago d’ iférno, sen dultar. Non é gran cousa se sabe | bon joízo dar…
Sous l’apparence de Saint-Jacques , il lui dit « Même si je devrais te donner le bâton, je vais t’apporter le salut car tu t’es égaré, pour que tu ne tombes pas dans le lac de l’enfer, qui t’attend sinon. »
Refrain…
Mas ante farás esto que te digo, se sabor ás de seer méu amigo: talla o que trages tigo que te foi deitar en poder do ẽemigo, e vai-te degolar.” Non é gran cousa se sabe | bon joízo dar…
Mais avant cela tu feras ce que je te dis, si tu as le désir d’être mon ami coupe la partie de toi qui t’as fait tomber au pouvoir de l’ennemi et ensuite, tranche toi la gorge.
Refrain…
O romeu, que ssen dovida cuidava que Santiag’ aquelo lle mandava, quanto lle mandou tallava; poi-lo foi tallar, log’ enton se degolava, cuidando ben obrar. Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
Le pèlerin, qui était persuadé que Santiago était celui qui lui avait commandé de tout couper, trancha tout et ensuite il s’ouvrit la gorge, en croyant bien faire.
Refrain…
Séus companneiros, poi-lo mórt’ acharon, por non lles apõer que o mataron, foron-s’; e lógo chegaron a alma tomar démões, que a levaron mui tóste sen tardar.
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
Ses compagnons, par la suite, trouvèrent le mort et de peur qu’on les accuse de l’avoir tué, s‘enfuirent; et après cela, les démons arrivèrent pour prendre l’âme et l’emportèrent sans tarder.
Refrain…
E u passavan ant’ ha capela de San Pedro, muit’ aposta e bela, San James de Conpostela dela foi travar, dizend’: «Ai, falss’ alcavela, non podedes levar Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
Et ainsi ils passèrent devant une chapelle de Saint Pierre, très belle et bien entretenue. Et Saint-Jacques de Compostelle est venu vers eux, en disant: » Ohé, faux trafiquants !, vous ne pouvez emporter
Refrain…
A alma do méu roméu que fillastes, ca por razôn de mi o enganastes; gran traïçôn i penssastes, e, se Déus m’ampar, pois falssament’ a gãastes, non vos póde durar.”
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
L’âme de mon pèlerin que vous avez prise de force et qu’en vous servant de moi, vous avez trompé. Grande trahison vous fîtes là et si Dieu me protège, vous ne pouvez persister dans cette erreur, à votre guise,
Refrain…
Responderon os demões louçãos: «Cuja est’ alma foi fez feitos vãos, por que somos ben certãos que non dev’ entrar ante Deus, pois con sas mãos se foi desperentar.» Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
Les démons répondirent : « Ceci est une âme dévoyée (rendue vide), car nous sommes bien certains qu’elle ne doit pas se présenter face à Dieu, puisque qu’elle s’est donnée la mort de ses propres mains ».
Refrain…
Santiago diss’: «Atanto façamos: pois nos e vos est’ assi rezõamos, ao joyzo vaamos da que non á par, e o que julgar façamos logo sen alongar.» Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…
Santiago dit : « Regardons les choses en face, puisque vous et moi ne pouvons nous accorder, faisons appel au jugement de celle qui est impartiale afin de nous fier ensuite à son jugement, sans plus tergiverser.
Refrain…
Log’ ante Santa Maria veron e rezõaron quanto mais poderon. Dela tal joiz’ ouveron: que fosse tornar a alma onde a trouxeron, por se depois salvar. Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar..
Puis ils vinrent face à Sainte-Marie et argumentèrent autant qu’ils purent Et celle-ci rendit tel jugement que l’âme fut renvoyée d’où elle venait pour qu’elle puisse ensuite, être sauvée.
Refrain ….
Este joízo lógo foi comprido, e o roméu mórto foi resorgido, de que foi pois Déus servido; mas nunca cobrar pod’ o de que foi falido, con que fora pecar.
Ce jugement fut bientôt exécuté et le pèlerin mort fut ressuscité après quoi il servit Dieu le reste de sa vie ; Mais sans jamais retrouver ce par quoi il avait failli et avec quoi il avait péché.
Refrain …
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, chanson médiévale, galaïco-portugais, culte marial, louanges, Sainte-Marie, Vierge. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Santa Maria, Strela do dia, Interprètes : Ensemble Sequentia
Album : Gesänge für König Alfonso X. von Kastilien und León (1992)
Bonjour à tous,
ous repartons, toutes voiles dehors, pour l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et l’étude des Cantigas de Santa Maria du souverain Alphonse X de Castille. Celle qui nous intéresse, aujourd’hui, est la Cantiga 100.
Pour varier un peu des Miracles que nous avons étudiés jusque là, c’est un chant de louange. Comme le poète s’adresse ici à la Sainte sous le nom de « Strela do dia« , « étoile du jour », il faut sans nul doute y voir une allusion à un ordre que Alphonse X avait lui-même fonde : l’Ordre de Sainte-Marie d’Espagne. Connu également sous le nom de El orden de la Estrella, cet ordre militaire et religieux avait vocation à défendre la couronne contre les attaques navales. L’interprétation que nous vous proposons ici est celle de l’Ensemble Sequentia sous la direction de Barbara Thornton et Benjamin Bagby.
La Cantiga de Santa-Maria 100 par Sequentia
Chants pour le roi Alphonse X de Castille et León
En 1991-92, L’ensemble médiéval Sequentia décidait de faire une incursion dans le très célèbre répertoire des Cantigas d’Alphonse X. Sous le titre « Gesänge für König Alfonso X. von Kastilien und León. » ou « Chansons pour le roi Alphonse X de Castille et León(1221-1284) », la formation proposait ainsi une sélection de dix-huit pièces dont 14 Cantigas, accompagnées de quatre autres compositions d’époques.
L’album est encore distribué à ce jour et, à toutes fins utiles, voici un lien pour vous le procurer : Sequentia performs Vox Iberica III by El Sabio (DHM). Il constitue le troisième volet d’un triptyque nommé Vox Iberica (I, II et III) autour des musiques religieuses de l’Espagne médiévale. Le premier était consacré au Codex Calixtinus, musique du XIIe siècle en l’honneur de Saint-Jacques l’apôtre. ; le second au Codex de Las Huelgas de Burgos et le troisième, celui du jour, aux Cantigas de Santa-Maria.
La Cantiga de Santa Maria 100
et sa traduction en français moderne
Esta é de loor.
Celle-ci est un chant de louanges
Santa Maria, Strela do dia, mostra-nos via pera Deus e nos guia.
Sainte-Marie Etoile du jour Montre nous la voie vers Dieu et guide-nous
Ca veer faze-los errados que perder foran per pecados entender de que mui culpados son; mais per ti son perdõados da ousadia que lles fazia fazer folia mais que non deveria.
Santa Maria…
Car tu fais voir aux égarés Qui se sont perdus par leur péchés Et comprendre qu’ils sont très coupables, Mais par toi, ils sont pardonnés De l’audace Qui leur faisait Commettre des folies Qu’ils ne devaient pas.
Sainte-Marie…
Amostrar-nos deves carreira por gãar en toda maneira a sen par luz e verdadeira que tu dar-nos podes senlleira; ca Deus a ti a outorgaria e a querria por ti dar e daria.
Santa Maria…
Tu dois nous montrer la voie Pour gagner, en toute chose, La lumière véritable et sans égale Que tu es seule à pouvoir nous désigner Car Dieu; à toi seule L’a accordé Et il a voulu te la donner pour toi et pour que tu la donnes.
Sainte-Marie…
Guiar ben nos pod’ o teu siso mais ca ren pera Parayso u Deus ten senpre goy’ e riso pora quen en el creer quiso; e prazer-m-ia se te prazia que foss’ a mia alm’ en tal compannia.
Santa Maria…
Ton jugement peut nous guider parfaitement plus que tout, vers le paradis, où dieu a toujours joie et sourires pour celui qui a voulu croire en lui; Et il me plairait, S’il te plait à toi, Que mon âme se tienne En telle compagnie.
Sujet : musique médiévale, chanson, cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, Dragon, Vierge, lèpre. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon Interprète : Eduardo Panigua Album : Remedios Curativos (1997)
Bonjour à tous,
otre exploration du culte marial du moyen-âge central se poursuit, aujourd’hui, à travers l’étude des Cantigas de Santa Maria du roi de Castille Alphonse X. Est-il un miracle que la Sainte ne puisse accomplir pour l’homme médiéval doté de foi véritable ? Il semble que non et cette Cantiga 189 va encore nous le démontrer.
Le récit d’une guérison miraculeuse
On croise bien des dangers sur les chemins de pèlerinage, a fortiori quand l’on décide de les arpenter seul, mais l’égaré, guidé par sa foi en la Sainte mère du Christ, peut compter sur la protection de cette dernière ou sur son intervention pour réparer et effacer les plus terribles des disgrâces et des incidents de parcours. Sur les rives les plus fantastiques de ces chants dévots du XIIIe siècle, il est ici question, tout à la fois, de dragon, de poison, de lèpre (on se souviendra que ce dernier terme désignait alors un grand ensemble d’affections) et de guérison miraculeuse.
La Cantiga de Santa Maria 189 par Eduardo Paniagua
« Remedios Curativos », les remèdes curatifs
dans les Cantigas de Santa Maria
Comme nous l’avions déjà indiqué, en présentant dans un article précédent Eduardo Paniagua, on doit à ce grand musicien espagnol, passionné de répertoire médiéval, l’enregistrement de l’ensemble des Cantigas d’Alphonse X de Castille. Il y a ainsi consacré un grand nombre d’albums en opérant souvent, pour se faire, des regroupements thématiques particuliers au sein de ce vaste corpus.
En 1997, sous le titre Remedios curativos, avec sa formation spécialisée dans les musiques anciennes et médiévales, il proposait ainsi un bel album regroupant onze Cantigas de Santa Maria (dont trois en version instrumentale) sur le thème de la guérison miraculeuse. L’album est toujours édité et vous trouverez ici un lien permettant de le pré-écouter ou de l’acquérir au format CD ou MP3 : Remedios Curativos – Cantigas de Santa Maria
L’ermitage de Sainte-Marie de Salas
Le pèlerinage dont il est question dans cette chanson est celui de Sainte-Marie de Salas, à Huesca, au Nord de l’Espagne et dans l’Aragonais. Un ermitage y fut construit au début du XIIIe qui fit l’objet de nombreux récits de miracles. Comme dans nombre d’autres cas, certains d’entre eux furent sans doute forgés, au départ, autour des lieux Saints par ceux-là même qui y officiaient afin d’attirer plus de pèlerins. De fait, le lieu connut une grande popularité et vit affluer de nombreux croyants dans le courant du moyen-âge central.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon, Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison
Note : cette traduction du galaïco-portugais vers le français moderne a été effectuée, comme à l’habitude, par votre serviteur, à l’aide de sources et recherches diverses. Elle n’a pas la prétention de la perfection mais simplement de s’approcher, au plus près, du sens général du texte.
Esta é como un ome que ya a Santa Maria de Salas achou un dragon na carreira e mató-o, e el ficou gafo de poçon, e pois sãou-o Santa Maria.
Celle-ci conte comment un homme qui allait à Sainte-Marie de Salas, croisa un dragon en chemin et le tua, et il en devint lépreux et, suite à cela, Sainte Marie le guérit.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon, pois madr’ é do que trillou o basilisqu’ e o dragon.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison Puisqu’elle est la mère de celui qui terrassa le basilic* et le dragon.
(* bête légendaire, symbole biblique de Satan)
Dest’ avo un miragre a un ome de Valença que ya en romaria a Salas soo senlleiro, ca muit’ ele confiava na Virgen Santa Maria; mas foi errar o camynno, e anoiteceu-ll’ enton per u ya en un monte, e viu d’estranna faiçon
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
De là, un miracle survint à un homme de Valence allé en pèlerinage
à Salas, seul et sans compagnie, car il avait une grande confiance en la Vierge Sainte-Marie; Mais il se trompa de chemin et la nuit le surprit tandis qu’il se trouvait sur une montagne, et il vit une étrange face
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
A ssi vir ha bescha come dragon toda feita, de que foi muit’espantado; pero non fugiu ant’ ela, ca med’ ouve se fogisse que seria acalçado; e aa Virgen beita fez logo ssa oraçon que o guardasse de morte e de dan’ e d’ ocajon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
Venir jusqu’à lui, toute semblable à un dragon, dont il fut très effrayé: Mais il ne s’enfuit pas face à elle, de crainte qu’elle ne le poursuive; Et à la Vierge bénite, il fit alors sa prière, Pour qu’elle le garde de la mort, des dommages et des disgrâces.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
A oraçon acabada, colleu en ssi grand’ esforço e foi aa bescha logo e deu-ll’ ha espadada con seu espadarron vello, que a tallou per meogo, assi que en duas partes lle fendeu o coraçon; mas ficou enpoçõado dela des essa sazon. Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
La prière finie, il prit sur lui et, dans un grand effort, s’approcha de la bête
Et il lui donna un coup avec sa vieille épée qui la trancha en deux moitiés
De sorte qu’il lui fendit le cœur en deux
Mais à partir de là, il fut empoisonné
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
Ca o poçon saltou dela e feriu-o eno rosto, e outrossi fez o bafo que lle saya da boca, assi que a poucos dias tornou atal come gafo; e pos en ssa voontade de non fazer al senon yr log’ a Santa Maria romeiro con seu bordon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
Car le poison surgit et le toucha au visage, ainsi que la vapeur Qui sortait de la bouche de la bête, de sorte que quelques jours après, il devint comme un lépreux; Et il mis toute sa volonté à ne faire rien d’autres, sinon de se rendre avec son bâton de pèlerin, jusqu’à Sainte Marie.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
Aquesto fez el muy cedo e meteu-ss’ ao camo con seu bordon ena mão; e des que chegou a Salas chorou ant’ o altar muito, e tan toste tornou são. E logo os da eigreja loaron con procisson a Virgen, que aquel ome guariu de tan gran lijon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
Ainsi, fit-il cela sans délai, et il se mit en chemin, son bâton à la main;
Et dès qu’il arriva à Salas, il se mit à beaucoup pleurer en face de l’autel, et, aussitôt, il se trouva soigné.
Et après cela ceux de l’église ont loué, en procession,
La vierge qui avait guéri cet homme d’une si grande blessure.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
Pour les plus mélomanes d’entre vous, n’hésitez pas à consulter le site suivant : Cantigas de Santa Maria. Animé par un expert du sujet, il est en anglais, mais vous y trouverez de nombreuses indications musicales et rythmiques sur les Cantigas d’Alphonse le Sage.