Archives par mot-clé : enluminures

Bonne Année 2021, Meilleurs voeux

Bonjour à tous,

e moment est venu de vous souhaiter, à vous et ceux qui vous sont proches, un bon réveillon, suivi d’une très belle année à venir. C’est une première mais, après ce qui est survenu en 2020, nous serions presque tenté de faire le vœu que cette année future soit au moins aussi bonne que l’année 2019 : une sorte de « reset », pas dans le sens effrayant où il a circulé dernièrement sur les réseaux, mais plutôt dans le sens d’un retour à la normal pour tous.


Aussi draconiennes (voire infantilisantes), que puissent paraître les mesures politiques sanitaires entourant ces célébrations, encore un joyeux réveillon et nos meilleurs vœux pour 2021. Restons confiant que cette année future signe la sortie de cette folie de 2020.

Prenez soin de vous, de votre santé, de vos proches et de vos affaires, et surtout portez vous bien !

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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NB : les enluminures utilisées pour l’illustration et l’image d’en tête sont tirées du Codex Manesse (Cod. Pal. Germ. 848) : Manessische Handschrift ou manuscrit de Paris. Daté du XIVe siècle, l’ouvrage conservé à la Bibliothèque de l’Université d’Heidelberg, en Allemagne.


Joyeux Noël et de joyeuses fêtes de fin d’année à tous

Bonjour à tous,

vec un peu d’avance sur le calendrier, nous vous souhaitons un joyeux Noël et de joyeuses fêtes de fin d’année 2020. Comme toujours, nous y associons une pensée particulière pour tous ceux qui traverseront cette période, en astreinte et au travail, mais aussi ceux qui la passeront de manière peut-être plus isolée qu’ils ne le souhaiteraient.

A la fin de cette année difficile et pour tout dire surréaliste par certains aspects, nous envoyons également tous nos vœux de solidarité à ceux qui ont vu leurs situations personnelles ou professionnelles dramatiquement changées pour des raisons de crise sanitaire : travailleurs, commerçants, restaurateurs, petits et moyens entrepreneurs, artistes, musiciens, personnes âgées .., La liste est, hélas, bien trop longue pour ne pas en oublier et il est temps que toute cette folie s’arrête.

carte de vœux médiévale

Malgré tout cela et autant que faire se peut, encore un Joyeux Noël et de belles fêtes de fin d’année.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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NB : l’image d’en-tête mais aussi l’enluminure ayant servi de base à cette carte de Noël est tirée d’un livre de messe daté de la fin du XVe siècle. Il s’agit du Ms 5123 ou Missel de Thomas James de la Bibliothèque municipale de Lyon

Bibliologia 57 : Réflexions interdisplinaires autour de 800 manuscrits médiévaux nouvellement numérisés

Sujet : manuscrits anciens, monde médiéval, Europe médiévale, France médiévale, Angleterre médiévale, mécénat, digitalisation, bibliothèque numérique, patrimoine culturel.
Période : du haut Moyen Âge au Moyen Âge central (700-1200)
Porteur de projet : Fondation Polonsky en partenariat avec la BnF et la British Library
Ouvrage : Bibliologia 57, Editions Denoël et F Siri (2020)

Bonjour à tous,

our les passionnés de manuscrits du Moyen Âge, nous avions mentionné, en 2018, un projet conjoint entre la BnF et la British Library sous l’égide d’un financement de la Fondation Polonsky. Pour en redire un mot, l’opération avait consisté à digitaliser et mettre en ligne 800 manuscrits anciens et médiévaux, datés du VIIIe au XIIIe siècle.

Des deux côtés de la Manche, la création de deux sites avait permis de rendre ce patrimoine médiéval disponible à la consultation publique, ce qui était un des objectifs déclarés de cette grande collaboration. En voici, pour rappel, les adresses web : Site de la BnFSite de la British Library

Enluminure du bestiaire médiéval Harley MS 4751
Bestiaire de Gérald de Galles, manuscrit médiéval des XIIe-XIIIe siècle (Harley MS 4751)

Un premier ouvrage de réflexion
autour de cette précieuse collection

Dans la continuité de l’opération, la BnF vient d’annoncer la parution d’un ouvrage collectif qui vient alimenter les réflexions sur ce corpus nouvellement numérisé.

Bibliologia 57 - Ouvrage sur des manuscrits médiévaux

Sorti tout récemment, aux éditions Charlotte Denoel et Francesco Siri, cet ouvrage est le numéro 57 de la collection Bibliologia. Il regroupe des articles et réflexions issus d’un colloque ayant eu lieu courant 2018. L’événement avait réuni 16 experts français, britanniques et internationaux. Les réflexions approchent la collection de manuscrits à travers des thèmes aussi variés que l’histoire de l’art, l’étude des textes, ou encore les acteurs du Moyen Âge concernés.

Pour résumer l’ambition de l’ouvrage, nous reprendrons les mots même de l’éditeur : « ces actes jettent un regard renouvelé sur les échanges culturels entre France et Angleterre au Moyen Âge, abordés dans une perspective interdisciplinaire ». Nous vous invitons également à consulter ce lien pour obtenir plus d’informations sur le contenu de cet opus 57 de Bibliologia, ainsi que sur ses auteurs contributeurs.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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NB : en image d’en-tête, enluminure tirée du Topographia Hibernica,  Bestiaire avec extraits de Gérald de Galles, manuscrit médiéval des XIIe-XIIIe siècle (cote Harley MS 4751).

Des Lièvres è des Raines, une fable de Marie de France

Sujet  : poésie médiévale, fable médiévale, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poète médiéval,   poésie satirique, poésie morale
Période  : XIIe siècle, Moyen Âge central.
Titre  :   Des lièvres è des Raines
Auteur    :   Marie de France    (1160-1210)
Ouvrage    :    Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820

Bonjour à tous,

i Marie de France est la première auteur(e) féminine, connue en langue « vulgaire », en l’occurrence l’anglo-normand, elle compte aussi parmi les plus belles plumes de son temps. Au XIIe, XIIIe siècles, entre lais, contes et fables, elle explore histoires merveilleuses et fables anciennes, vieilles légendes celtes et encore monde chevaleresque, dans une œuvre qui réconcilie matière de Bretagne, lyrique courtoise et même récits chrétiens (l’Espurgatoire Seint Patriz, La Vie Seinte Audree). Aujourd’hui, nous la retrouvons dans une fable intitulée : des lièvres è des Raines, soit, en français moderne, des Lièvres et des grenouilles.

Les lièvres et les grenouilles à travers ses auteurs

De Esope à Phèdre, cette fable qui met en scène des lièvres et des grenouilles a traversé le temps tout en connaissant quelques variantes et des nuances. On la retrouvera même, bien après Marie de France, chez Jean de la Fontaine dont la version est sans nul doute, la plus connue à ce jour. Voyons un peu de près les variantes des trois grands auteurs avant de vous proposer la version de la poétesse anglo-normande médiévale.

La version d’Esope

Chez le fabuliste grec des VII et VI siècles av. J.-C., les lièvres, lassés de vivre dans la crainte des chiens, des hommes et d’autres prédateurs, décident de mettre fin à leur jour : « Il valait donc mieux périr une bonne fois que de vivre dans la terreur. » Résolus à se jeter dans un étang, au moment d’y sauter, ils mettent en fuite des grenouilles vivant dans l’endroit.

Enluminure médiévale Grenouille

Un des lièvres en tirera la leçon et on évitera le pire : « Arrêtez, camarades ; ne vous faites pas de mal ; car, vous venez de le voir, il y a des animaux plus peureux encore que nous. ». Et la morale de conclure : « cette fable montre que les malheureux se consolent en voyant des gens plus malheureux qu’eux.» (Tirée de Fables d’Ésope, traduction par Émile Chambry, Les Belles Lettres, 1927)

La version de cette fable chez Phèdre

Le Fabuliste latin du 1er siècle de notre ère marche sur les traces de l’auteur grec, à ceci près que, chez lui, ce n’est pas l’usure du contexte, ni leur statut de proies permanentes, qui mettent nos lièvres en fuite mais leur nature craintive et un événement accidentel. Voici sa version :

« Qui vit dans la crainte est malheureux.

Que celui qui ne peut supporter son malheur considère les autres & apprenne à souffrir. Un jour dans les bois, les lièvres épouvantés par un grand bruit, dirent hautement que troublés par des alarmes continuelles, ils vouloient mettre fin à leur vie. Aussitôt, ces malheureux furent à un étang pour s’y précipiter : à leur arrivée, les Grenouilles effrayées, fuient, se culbutent, se cachent dans les herbes. Ho ho, dit l’un d’eux, en voilà d’autres que la peur tyrannise ; comme eux supportons la vie. »
Lepores & Ranae, les fables de Phèdre en latin et en français, traduction nouvelle par l’abbé Lallemant (1758)

Là encore la leçon est la même : quels que soient ses craintes et même plus largement ses malheurs, on peut toujours trouver autour de soi, gens de situation moins enviables.

Le lièvre poltron de La Fontaine

« Un Lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ;
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge. »

Jean de La FontaineLe lièvre et les grenouilles

Chez La Fontaine, comme chez les auteurs précédents, la peur sera le moteur de l’histoire. Il y ajoutera sa belle touche de style, avec en plus une touche d’humour et de moquerie. Ainsi, son lièvre (cette fois seul dans son histoire) est peureux par essence : « Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre. ». Comme chez Phèdre, c’est un bruit qui mettra en fuite l’animal. Pour la morale, la leçon viendra encore des grenouilles d’un étang, affolées par son approche. Au passage, il se trouve là, emporté dans sa fuite et pas pour se jeter à l’eau, ni pour en finir : « Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes, Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes. ». Révisant son attitude, à la vue de la panique des batraciens, notre lièvre conclura :

« Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. « 

Si la peur reste au centre du récit chez Esope et Phèdre, leur morale élargit, quelque peu, le propos : « on trouve plus malheureux que soi », « il faut supporter la vie ». La Fontaine reste un peu plus centré sur la nature poltronne de son lièvre et sur la raillerie. De fait, sa morale est aussi plus individuelle et « psychologique ».

« L’herbe plus verte ailleurs ? », une morale différente chez Marie de France

Comme on le verra à la lecture, la poétesse médiévale déplace l’objet de la morale. D’une certaine manière, elle l’élève même en plaçant sa fable sur un plan plus social et plus spécifique aussi que les auteurs précédents.

Fable  de Marie de France avec enluminure médiévale

Chez elle, la peur reste le déclencheur qui motive les lièvres à quitter leur terre qui devient cette fois, natale et d’attachement (terre d’enfance, terre qui les ont vus grandir). Ici aussi, la panique des grenouilles sautant en tous sens à l’arrivée des lièvres permettra de recadrer la situation.

En revanche, Marie de France fera de toute l’histoire une leçon à méditer autour de l’adage qui veut que « l’herbe soit toujours plus verte ailleurs ». Ainsi, selon elle, les mirages de d’exil ne sont pas toujours récompensés et à fuir l’endroit où l’on vit, on ne sait pas toujours ce qui nous attendra en terres étrangères et inconnues. Elle va même, un peu plus loin, en affirmant quelque chose que l’on pourrait résumer comme cela : sachez vous contenter du lieu où vous vivez, il n’est pas de pays en ce monde où vous ne devrez faire des efforts ou travailler pour vivre et où vous ne ne pourrez, à une occasion ou une autre, connaître la peur et les souffrances. On est loin ici du « on trouve toujours plus malheureux ou craintif que soi ».

Hypothèses

Dans Poésies de Marie de France, poète anglo-normand du XIIIe s (1820), B de Roquefort (sur les pas de Le grand d’Aussy), suggère qu’on pouvait sans doute lire, dans cette morale, l’expression du vécu de la poétesse. Ayant évoluée elle-même dans une société féodale et « dans un état partagé entre un million de petits tyrans« , elle « avait dû voir une infinité de personnes molestées par les abus de pouvoir« . Selon cette hypothèse, dans ce monde incertain, en se déplaçant d’une province à l’autre, nul ne pouvait avoir la garantie d’y trouver un meilleur sort et c’est ce que Marie de France aurait voulu refléter ici. Peut-être…

De Roquefort ne se demande pas si le fait que la poétesse du Moyen Âge central, supposément née en France (Ile de France ou Normandie), mais ayant été amenée à vivre ailleurs (Angleterre) pourrait expliquer aussi cette morale. Quoiqu’il en soit, dans un cas comme dans l’autre, il n’y a guère de moyens de vérifier ces deux hypothèses. D’un autre côté, on pourrait aussi voir dans cette fable, une morale plus intemporelle qui n’est pas incompatible d’ailleurs avec une certaine éloge de « la voie moyenne » : cette forme de contentement vis à vis de son propre sort et de sa propre condition, chère au monde chrétien médiéval.


Des Lièvres è des Raines
version originale en vieux français

Ci dist que Lievre s’assanlèrent
À pallement: si esgardèrent
Q’en autre teire s’en ireient,
Fors de la grêve ù ils esteient;
Car trop furent en grant dolur
D’Omes è de Chiens orent pour,
Si nes les voleient plus sufri,
Pur ço s’en vorent fors issir.

Li saige Lièvre lor diseient
Que folie ert quanqu’il quereient
A issir de la quenoissance
U il èrent nurri d’enfance.
Li Autres ne les vodrent creire,
Tuit ensanle vindrent lur eire;
A une mare sunt venu,
Gardent de loin si unt véu
Raines qui furent ensambléez,
De paour d’eaus sunt effréez,
Dedenz l’iave se vunt plunjier.
Dès quel les virent aprismier.

Uns Lièvres les a appelez,
Segnur, fet-il, or esgardez
Par les Reines que vus véez
Qui poor unt ; vus purpenssez
Que nus aluns quérant folie,
Que nostre grêve avuns guerpie
Pur estre aillurs miex à seurtez,
Jamès teir ne truverez
U l’en ne dut aucune rien,
R’aluns nus en si feruns bien ;
A tant li Lièvre returnèrent
En lur cuntrée s’en r’alèrent.

MORALITÉ

De ce se deivent purpenser
Cil qui se voelent remuer
E lor ancien liu guerpir
Qui lor en puet après venir ;
Jamais pays ne toverunt
N’en cele terre ne venrunt
K’il puissent estre sanz poour,
Ou sanz traveil, u sanz dolour.

Adaptée en français moderne

Un jour, les lièvres s’assemblèrent
En parlement et décidèrent

Qu’en d’autres terres ils s’en iraient,
Loin de l’endroit où ils vivaient ;
De trop de maux les accablaient
Hommes et chiens qu’ils redoutaient
Et ne voulant plus en souffrir
Leur seul choix restait de partir.

Tous les sages lièvres leur dirent
Que c’était folie de s’enfuir
Loin de ces terres de connaissance
Qui avaient nourri leur enfance.
Mais les autres n’écoutèrent rien
Et se mirent bientôt en chemin.
Lors, près d’une mare, venus

A distance, ils ont aperçu
Des grenouilles en grande assemblée.
Effrayées par leur arrivée,
Elles plongèrent de tous côtés,
Sitôt qu’ils se furent approchés
.

Voyant cela, un lièvre dit :
« Seigneur, retenez-bien ceci
Par les grenouilles de ce lieu
Et qui s’effrayent de bien peu.
Quelle grand folie avons commis
En quittant notre cher abri,

Cherchant ailleurs sureté,
Quand nulle terre on ne peut trouver

Où ne survienne aucun dommage.
Rentrons-chez nous, c’est le plus sage. »
Sur ce, les lièvres retournèrent

En leur contrée et en leur terre.

MORALITÉ

De cela doivent méditer
Tous ceux qui veulent s’exiler
Et partir loin de chez eux,
A ce qui peut leur advenir :
Jamais pays ne trouveront
Ni terre ici-bas, ne verront
Où ils puissent vivre sans peur
Ou sans efforts ou sans douleur
.


Notes sur les enluminures utilisées

Pour ce qui est des enluminures utilisées dans les illustrations de cet article, les Lièvres sont tirés d’un ouvrage du Lion des Pyrénées, Gaston Febus : Livre de la chasse Gaston III (comte de Foix ; 1331-1391). Ms Français 1291 de la BnF. Les « grenouilles » ont, quant à elle, sauté tout droit sur nos pages depuis un manuscrit du Xe siècle, originaire de Constantinople : De Materia Medica. (actuellement conservé à la Morgan Library de New York – Morgan, Ms M652).

Enfin, pour l’image d’en-tête le fond aquatique nous vient du mythe arthurien. Il vient du manuscrit Lancelot du lac, Ms Français 113 conservé à la BnF (datation vers le milieur du XVe). La fée Viviane tenant dans ses bras Lancelot s’en est momentanément éclipsée pour faire place aux animaux de notre fable.

En vous souhaitant une très belle  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.