Sujet : citation, moyen-âge, Europe, Europe médiévale, médiéviste
’homme de l’avenir, disait Nietzsche, est celui qui possède la plus longue mémoire. C’est-à-dire qu’il faut remonter le plus loin possible dans notre culture et dans notre civilisation pour avoir une chance de comprendre notre présent et notre avenir immédiat. Le Moyen-Age est pour moi un socle essentiel de l’Europe. On ne comprendra rien à la culture européenne si l’on persiste à en dater l’émergence au XVIIIe siècle dans la Déclaration des droits de l’homme. »
Philippe Walter – Médiéviste & philologue français. Extrait d’un entretien avec Christopher Gérard pour laRevue Antaios, 2001.
Pour aller un peu plus loin que cette simple citation et en savoir un peu plus sur ce chercheur médiéviste adepte d’un approche résolument pluridisciplinaire et féru de moyen-âge, de mythologie comparée et de légendes arthuriennes, vous pouvez retrouver la totalité de cet entretien ici: Merlin ou le savoir du monde, entretien avec Philippe Walter.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie. Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 282 Interprètes : Triskilian Album : Bell’amata (2015)
Bonjour à tous,
ous poursuivons, aujourd’hui, notre exploration du culte marial au moyen-âge central, à la lumière des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, dit Alphonse le sage.
Comme toutes les autres Cantigas de la cour d’Espagne du XIIIe siècle, celle du jour est en galaïco-portugais; il s’agit de la Cantiga 282 connue sous le titre de « Par Déus, muit’ á gran vertude » ou même encore comme « Ai, Santa María, val!« .
Pour son interprétation, nous partons en direction de l’Allemagne avec un groupe sympathique passionné de musique et de moyen-âge. Il a pour nom Triskilian et il nous propose une version très enlevée de cette Cantiga avec deux superbes voix et un bel arrangement musical plus néo-folk que « classique ».
De l’Allemagne à la Norvège, de la France à l’Italie, l’Angleterre, la Suisse, la Suède, le Portugal ou l’Espagne, nul doute que le moyen-âge est partout. L’Europe médiévale continue d’exister et d’y séduire de nombreux artistes et un large public et c’est tout le sens des incursions que nous faisons hors des frontières pour vous présenter aussi des formations venues d’ailleurs et des croisements culturels riches en couleur.
La cantiga 282 par le groupe néo-folk médiéval Triskilian
Triskilian,
musique médiévale et néo-folk
Fondé dans le courant de l’année 2000 par l’artiste polyvalent – mime, trapeziste, conteur, musicien – Dirk Kilian et la chanteuse Julia Bauer, le groupe allemand Triskilian s’est donné comme champ d’exploration le moyen-âge. Bientôt rejoint par Christine Hübner (chant percussions, harpe) et Philipp Greb (cistre, Bouzouki, guimbarde), la formation invite également d’autres artistes sur ses productions.
A l’image d’un certain nombre de groupe de « minnesingers » (ménestrels) allemands modernes, les artistes de Triskilian ont décidé de mettre dans leur goût pour le répertoire musical médiéval, une large touche de néo-folk et de tradition musicale celtique. Nous sommes donc moins ici dans l’ethnomusicologie que dans le domaine du rock-folk d’inspiration médiévale. Triskilian nous propose un moyen-âge reconstruit, qui entend même tutoyer la World music et qui s’assume résolument comme tel.
Depuis sa création, Triskilian a produit six albums. Bell’amata est le dernier en date. Sorti en 2015, le groupe se proposait d’y revisiter, de manière large, le répertoire des trouvères, troubadours mais aussi des pèlerins du moyen-âge central. L’album proposait une sélection de quinze pièces en provenance des XIIe et XIIIe siècles et l’un de ses fils conducteurs était aussi de rendre hommage à la féminité et aux muses du moyen-âge.
On y trouve ainsi une sélection de pièces en provenance de l’Europe médiévale au sens large puisque les Cantigas de Santa Maria y côtoient les Cantigas de amigo de Martin Codax, mais encore des pièces de la trobairitz Beatriz de Dia, du trouvère Adam de la Halle, et d’autres titres encore signés ou anonymes en provenance de l’Italie, de l’Angleterre et de l’Allemagne médiévales.
La Cantiga de Santa Maria 282,
histoire d’un miracle et culte marial
Il est question à nouveau, dans cette Cantiga de Santa Maria, du récit d’un miracle accompli par la Vierge. L’ouvrage en contient de nombreux (voir notamment Cantiga 139, Cantiga 23, Cantiga 49, Cantiga 166).
L’histoire provient, cette fois, de la ville de Ségovie dans la province de Castille et León, au nord de Madrid. Elle conte la chute d’un enfant (fils chéri d’un dénommé Diego Sánchez),du toit d’une haute maison. Paniqués, ses parents et sa nurse accoururent en s’attendant au pire, mais ils le trouvèrent fort heureusement sain et sauf, jouant et riant même. Il leur expliqua qu’il avait, pendant sa chute, demandé à la Vierge de le sauver et que cette dernière l’avait, à l’évidence, exaucé. Quand ils entendirent le récit, les parents heureux et soulagés, s’empressèrent de porter l’enfant jusqu’à la cathédrale et y firent offrande de nombreux cierges à la Sainte pour la remercier du miracle.
Les paroles de la Cantiga de Santa Maria 282
Como Santa María acorreu a un moço de Segóbia que caeu dun sobrado mui alto, e non se feriu porque disse: “Santa María, val-me.”
Comment Sainte-Marie secourut un jeune homme de Ségovie qui était tombé du toit d’une maison très haute, et qui ne fut pas blessé parce qu’il avait dit : « Sainte-Marie, sauve-moi. »
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal u dizen todos nas coitas: “ai, Santa María, val!”
Par Dieu, elle a de grandes vertus la prière commune* (*populaire)
que tous disent, dans la peine (disgrâce) : ah! Sainte Marie, sauvez-moi! »
Ca muito é gran vertude e pïadad’ e mercee d’acorrer sól por un vérvo a quen en ela ben cree; ca estando con séu Fillo, todo sab’ e todo vee, pero quena aquí chama sa mercee non lle fal. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
E daquest’ un séu miragre mui fremoso contarei que mostrou grand’ en Segóvi’ a, com’ éu en verdad’ achei, un fillo de Dïag’ Sánchez, un cavaleiro que sei que na cidade morava e éra ên natural. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Est’ avía un séu fillo que amava mais ca si; e un día trebellando andava, com’ aprendí, encima dũu sobrado muit’ alt’, e caeu dalí de cóstas, cabeça juso, e foi caer ena cal. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
A ama que o crïava foi corrend’ a aquel son do meninno que caera, e o padre lógu’ entôn; e outrossí fez a madre, que o mui de coraçôn amava mais d’ outra cousa como séu fillo carnal, Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Coidando que mórto éra, e foron polo fillar. E quando pararon mentes, vírono en pé estar trebellando e riíndo, e fôrono preguntar se éra ja que ferido ou se se sentía mal. Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Diss’ el: “Non, ca en saendo chamei a Madre de Déus, que me fillou atán tóste lógo enos braços séus; ca se aquesto non fosse, juro-vos, par San Matéus, que todo fora desfeito quando caí, come sal.” Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal…
Quand’ est’ oiü o padre e a madre, gran loor déron a Santa María, Madre de Nóstro Sennor; e lóg’ o moço levaron aa eigreja maior con muitas candeas outras e con un séu estadal.
Par Déus, muit’ á gran vertude na paravla comũal.
u dizen todos nas coitas: “ai, Santa María, val!”
Sujet : musique, chanson, poésie médiévale, scandinavie, Norvège médiévale, Charlemagne, Roland, Haakon V, littérature courtoise, ballade folklorique, chanson traditionnelle, folk médiéval. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Anonyme Titre : Rolandskvadet, la chanson de Roland Interprètes : Trio Mediaeval Album : Folk Songs (2007)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous voyageons vers le nord de l’Europe et les terres scandinaves à la découverte d’une version toute récente de la chanson de Roland qui nous provient de manière presque inattendue, tout au moins en apparence, de Norvège.
Par quel curieux mystère l’histoire et la fin tragique du plus fidèle et héroïque guerrier de Charlemagne peut-elle aujourd’hui se retrouver chantée par un trio originaire de Scandinavie dans un album qui met en exergue les chansons traditionnelles et folkloriques de Norvège ? C’est ce que nous allons nous proposer de vous expliquer dans cet article, en remontant le fil de l’Histoire jusqu’au moyen-âge central.
La Karlamagnùs Saga, la geste de Charlemagne en terres noiroises
la fin du XIIIe siècle et sous le règne de Haakon Vde Norvège (1270-1319) parut en vieux norrois (le norvégien ancien devenu aujourd’hui l’Islandais), la Karlamagnùs Saga. Le récit contait l’épopée du grand empereur Charlemagne et la chanson de Roland y avait, bien entendu, sa place. A la même époque et sans doute à l’initiative du souverain, de source sûre et documentée, une quarantaine d’autres récits, romans ou poésies français furent traduits au coté de cette saga. Il y a pu en avoir plus, mais si c’est le cas, ils se sont perdus en cours de route.
Selon la romaniste et médiéviste danoise Jonna Kjaer (1), les traductions sous Haakon V de cette littérature médiévale française participait d’une volonté du souverain « demettre la Norvège à la hauteur de la civilisation européenne contemporaine« . Pour être plus spécifique, il était notamment question pour lui d’introduire et de promouvoir à sa cour et « dans son entourage », les moeurs courtoises.
Les textes ont sans doute et en partie transités par l’Angleterre même si les échanges culturels entre la France et la Norvège, dans le courant des XIIe et XIIIe siècles, sont des faits établis, notamment à travers certaines abbayes (Saint Victor à Paris) mais encore par des clercs norvégiens venus se former à l’Université de Paris. Parmi les oeuvres concernées, outre la saga de Charlemagne, on retrouvait aussi des chansons de gestes, des pièces courtoises et encore trois romans arthuriens de Chrétien de Troyes.
Bien entendu, pour des raisons sans doute autant liées à la difficulté de transposer mot pour mot l’univers et le contexte historique français dans lesquels baignait la plupart de ces textes (et notamment les chansons de Geste), autant que pour des raisons idéologiques et politiques, les textes une fois traduits n’étaient pas tout à fait les mêmes que les originaux. On notera, par exemple, avec Jonna Kjaer (opus cité), que le peu de goût pour les croisades du souverain norrois l’ont sans doute conduit à en gommer quelque peu l’ardeur dans les versions traduites. (pour plus de détails, nous vous renvoyons à l’excellent article de la romaniste cité en sources)
Plus tard, au moyen-âge tardif et dans le courant du XVe siècle, un auteur danois vint encore recompiler la Karlamagnus saga pour en produire une version d’un usage plus populaire, en s’aidant aussi d’autres poésies médiévales françaises. Au XIXe siècle, des versions adaptées de cet ouvrage circulaient encore dans les campagnes islandaises ou danoises. Nous trouvons ces faits exposés très clairement dans l’introduction de La chanson de Roland, de l’historien et chartiste Léon Gauthier, datant de 1876(2).
Rolandskvadet, aux origines de la Chanson
et ballade Norvégienne sur Roland
out cela démontre donc, sans conteste, une réelle popularité de cette saga de Charlemagne en terres scandinaves et, avec elle, la partie qui concerne le chant de Roland de Roncevaux. Cette popularité a perduré au fil des siècles et, de fait, on comprend mieux pourquoi et comment on peut encore, de nos jours, retrouver une chanson norvégienne sur le sujet; l’intérêt que cette dernière démontre pour l’histoire franque et ses héros vient de très loin.
Si elle fut bien inspirée de la Karlamagnus Saga, cette ballade ayant originellement pour titre Roland og Magnus kongen (Roland et le Roi Magnus), a été recueillie au début du XIXe siècle par les folkloristes norvégiens. Il semble qu’elle ait été collectée directement auprès des chanteurs populaires issus de la longue tradition des bardes nordiques. Son auteur s’est perdu dans les méandres de la transmission et de la culture orales et nous ne savons pas non plus la dater précisément mais il ne fait aucun doute qu’indirectement au moins elle prend ses racines dans le lointain passé médiéval auquel nous faisions référence plus haut. Depuis, elle a connu de nombreuses variantes; les versions originelles qui comptaient entre 27 et 31 strophes (!) sont quelquefois tronquées, comme c’est le cas de l’adaptation que nous en propose aujourd’hui le Trio Mediaeval.
La Gloire de Roland et de Charlemagne dans l’Europe médiévale
« Roland est un des héros dont la gloire a été le plus oecuménique, et il n’est peut-être pas de popularité égale à sa popularité »
Léon Gauthier la Chanson de Roland
Pour élargir, il est indéniable que la popularité de Roland fut grande, en Scandinavie, comme en de nombreux autres endroits de l’Europe médiévale : Allemagne, Angleterre, Italie, Hollande, … Au moment où les romanciers et poètes du moyen-âge central avaient commencé à donner à la mythologie arthurienne ses premières lettres de noblesse, le roi celte et breton était pourtant loin de rallier tous les esprits à sa cause et à sa référence. Une bonne dose d’imaginaire entourait aussi les récits arthuriens et si on les considérait « plaisants » avec Jean Bodel : « Li conte de Bretaigne si sont vain et plaisant », on savait, par ailleurs, que leur nature était, en grande partie, fictionnelle. Et même si le roi Edouard 1er d’Angleterre dans le courant du XIIIe siècle, se piqua d’intérêt pour l’histoire du roi breton, il fallut compter tout de même sur de notables efforts de l’Abbaye de Glastonburypour tenter de donner à la légende des chevaliers de la table ronde un fond plus solide de véracité ou au moins de vraisemblance historique.
De son côté, pour romancée, magnifiée ou même encore instrumentalisée que pouvait être l’histoire de Charlemagne et de Roland, ces derniers demeuraient des personnages historiques bien réels et les faits de Charlemagne, grand empereur unificateur, restaient établis à l’échelle européenne. Dans les XIIe et XIIIe siècles et longtemps loin devant Arthur, l’empereur et son fidèle Roland comptaient indéniablement parmi les héros qui faisaient rêver les rois et chanter les bardes jusqu’aux confins des terres de l’Europe médiévale.
La chanson de Roland par le Trio Mediaeval
Le Trio Mediaeval
ondée à Oslo dans les années 1997 par l’artiste Linn Andrea Fuglseth, la formation vocale norvégienne Trio Mediaeval s’est donnée comme ambition de faire revivre les chants monodiques ou polyphoniques sacrés de l’Italie, l’Angleterre et la France médiévales, mais encore d’y adjoindre des ballades ou chansons plus traditionnelles (ou folk) en provenance des répertoires norvégiens, suédois ou islandais, et réarrangées par leurs soins.
Vingt ans après sa création, le trio féminin continue de se produire activement. Sa fondatrice et directrice est aujourd’hui entourée de Anna Maria Friman et Berit Opheim, cette dernière ayant remplacée Torunn Østrem Ossum qui faisait partie de la formation des origines et l’a quitté depuis. En scène ou sur leurs albums, on peut retrouver les trois chanteuses en trio simple ou accompagnées de divers artistes, ceci pouvant aller jusqu’à des formations et orchestrations plus conséquentes.
uatrième album du trio, Folk Songs entendait renouer avec les racines traditionnelles et anciennes de la musique norvégienne. Trio Mediaeval faisait appel ici à l’artiste Birger Mistereggen spécialiste des percussions dans la pure tradition norvégienne et signait un album résolument folk et 100% nordique.
Si l’album vous intéresse ou même simplement quelques unes de ses pièces, vous pourrez le trouver au lien suivant en format CD ou en format dématérialisé MP3 : Folk Songs du Trio Mediaeval
Les paroles de Rolandskvadet du Trio Medioeval & leur traduction française
NB : mon norrois étant aussi pauvre que la misère sur un jour sans pain, la version française des paroles est adaptée par mes soins à partir de leur traduction anglaise. Elle en a donc clairement des limites, mais elle a au moins le mérite de nous permettre d’approcher le texte original.
Seks mine sveinar heime vera Og gjøyme det gullet balde; Dei andre seks på heidningslando Gjøyme dei jarni kalde.
Six hommes restèrent à l’arrière Pour garder leur or; Les six autres au coeur de la lande Brandirent l’acier froid.
Ria dei ut or Franklandet Med dyre dros i sadel. Blæs i luren, Olifant, På Ronsarvollen.
Ils sont sortis des terres franques Avec des butins dans leurs selles. Souffle dans ta corne, Olifant, À Roncevaux.
Slogest dei ut på Ronsarvollen I dagane två og trio; Då fekk’kje soli skine bjart For røykjen av manneblodet.
Ils se battirent à Roncevaux Pour deux jours, sinon trois; Et le soleil était obscurci Par la puanteur du sang des hommes.
Ria dei ut or Franklandet… (refrain) Ils sont sortis des terres franques…
Roland sette luren for blodiga mundi Blæs han i med vreide. Då rivna jord og jardarstein I trio døger av leide.
Roland porta son cor à sa bouche ensanglantée Et souffla dedans de toute sa volonté La terre trembla et les montagnes résonèrent Durant trois jours et trois nuits.
Ria dei ut or Franklandet… (refrain) Ils sont sortis des terres franques…
‘est un fait, de nos jours, une certaine littérature, des mouvements musicaux ou même encore de nombreuses troupes médiévales de reconstituteurs sont fortement attirés par les légendes ou la mythologie nordiques ou par l’histoire de ces vikings qui, venant de leurs terres froides, s’installèrent dans le nord de la France entre la fin du haut moyen-âge et le début du moyen-âge central. Pour autant, on s’en souvient sans doute moins, mais il est amusant de constater qu’à une période médiévale un peu plus tardive, les légendes et l’histoire de Charlemagne en provenance des terres franques, autant que la poésie et les chansons de geste françaises qui les vantaient, influençaient grandement la littérature et les esprits du côté de la Norvège et de la Scandinavie.
Sous la pression même de leurs couronnes, on voyait alors dans ces oeuvres littéraires le moyen d’introduire des « éléments civilisationnels » en provenance de l’Europe, autrement dit (pour ne pas entrer dans le difficile débat qui consiste à définir ce qu’est exactement une civilisation) des « choses culturelles » auxquelles on prêtait suffisamment de reconnaissance et de crédit, pour vouloir les voir diffuser au sein de son propre territoire, Contre les conquêtes et les grandes expéditions du haut moyen-âge, la courtoisie et ses valeurs étaient, semble-t-il, devenues les signes d’une certaine modernité, une norme, en somme, qu’on cherchait même à importer, dusse-t-elle être au passage adaptée et quelque peu remaniée.
Pour parenthèse, on notera encore que cette popularité du thème de Roland est encore relativement présente en Norvège puisque cette chanson a connu plus de sept enregistrements par des groupes folk locaux différents, depuis le milieu du XXe siècle. Dans le même temps, en France, nos chansons sur Charlemagne se réduisent à peu près à une contine pour enfants sur l’invention de l’école, reprise par France Gall dans les années soixante et écrite par son père Robert, parolier et chanteur, un peu avant. Sauf tout le respect dû à la mémoire de l’auteur autant qu’à sa belle et talentueuse interprète, disparue récemment et puisqu’il ne s’agit pas de cela, on conviendra tout de même que du point de vue de notre Histoire, nous avons perdu quelques billes en cours de route… Il fallait bien, semble-t-il quelques norroises passionnées de musiques médiévales et anciennes pour venir nous rappeler les glorieux héros de notre moyen-âge.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet: agriculture médiévale, histoire médiévale , agriculture, techniques, paysans, vilains, serfs, outillage, jachère, fermage, métayage. monde féodal. Période : moyen-âge central, du XIe au XIIIe Média: conférence vidéo, chaîne youtube Lieu:Musée de Cluny, novembre 2017 Titre: Travailler la terre au Moyen Âge Conférencier:Didier Panfili
Bonjour à tous,
on content de proposer de merveilleuses collections et expositions autour du moyen-âge, le Musée de Cluny présente, depuis quelques mois, sur sa chaîne Youtube, de très bonnes conférences filmées. Il n’y en a, pour l’instant que deux, mais comme elles sont de grande qualité, nous ne pouvons qu’espérer que d’autres viendront s’y ajouter dans le futur.
Dans celle que nous partageons aujourd’hui, l’historien médiéviste et maître de conférences Didier Panfili nous invite à un voyage au coeur du moyen-âge central. « Travailler la terre au Moyen Âge », derrière ce titre générique, loin de l’échange détourné et à la vue un peu courte de nos deux pécores préférés de Kaamelott(ci-dessus), le chercheur dresse, à la lumière des dernières découvertes de l’Histoire et de l’archéologie, un vaste panorama qui couvre une période allant du XIe au XIIIe siècle et touche bien des aspects du monde paysan et de l’agriculture au moyen-âge central. Au passage, et c’est un autre intérêt de cette intervention, il dépasse le cadre de l’analyse franco-française pour aller puiser des exemples sur le terrain de l’Europe médiévale.
Didier Panfili est maître de conférences en Histoire, civilisation, archéologie et art des mondes anciens et médiévaux, à l’Université de Paris 1, Panthéon Sorbonne. Il est également attaché au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris.
Des pratiques contractuelles aux techniques en usage, une large approche de l’agriculture médiévale et des paysans du moyen-âge
‘une grande densité, cette conférence, au demeurant tout à fait accessible, demeure une véritable mine d’informations pour qui chercherait à actualiser ses connaissances sur l’évolution du statut des paysans dans le courant du moyen-âge central. Sur toile de fond féodal, les pratiques contractuelles liant ces derniers aux seigneurs ou aux ecclésiastiques (suivant le tenant terrien) y sont aussi abordées dans leur détail et dans leur évolution : durée et nature des concessions, variabilité des tailles, fermage, métayage, jardins, disposition dans l’espace médiéval, autour du village, etc…
A travers cette mise en perspective historique, on comprendra mieux les raisons de la disparition progressive des serfs et des corvées au profit des vilains, paysans « libres » ou nouvellement « affranchis ». Au passage, on aura encore évoqué les origines de ce « labor » agricole, et la nature péjorative ou discriminante qui semble décidément et si souvent coller à la peau du « vilain » médiéval.
Didier Panfili donnera encore ici des nombreux éléments sur l’outillage et les techniques médiévales en usage autour du travail de la terre : rotation, jachère, friche, défrichement, mais encore utilisation d’engrais organiques et naturels ou techniques permettant d’assurer la fertilité de ces sols qu’on ne cesse de travailler,même quand il sont au repos pour les aérer ou leur apporter l’azote nécessaire, etc…
Sur ces aspects (et ceci est à notre compte) on croirait presque entendre des éléments en provenance de l’agriculture biologique moderne. Au delà, pour peu que l’on comprenne bien la nuance entre rendement et productivité, on pourra aussi aisément reléguer aux oubliettes bien quelques idées reçues sur les savoir-faire des paysans du moyen-âge.
En vous souhaitant une belle écoute et une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.