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Guerre mener n’est que Damnation, une Ballade d’Eustache Deschamps de guerre lasse

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet : poésie médiévale, poésie satirique, ballade, auteur médiéval.
Période : moyen-âge tardif
Titre : « Guerre mener n’est que damnation », ballade contre la guerre.
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans un monde médiéval qui connait de nombreuses guerres, jusqu’à quel point est-il subversif de se positionner contre elle en les désapprouvant? Cette ballade contre la guerre d’Eustache Deschamps, poète-guerrier, commentateur et poète satirique du moyen-âge tardif, dénote, en tout cas, sur l’époque et les textes de ses contemporains par son ton anti-militariste. Il reste difficile de juger comment ce son de cloche a miniature_guerre_de_cent_ans_poesie_satirique_medievale_eustache_deschampspu le mettre en position délicate, lui qui naviguait dans la cour des rois et les servait par les armes mais cela ne l’a pas empêché, semble-t’il, d’affirmer haut et fort ses idées sur la question.

Il faut bien comprendre, en remettant cette ballade dans son contexte qu’Eustache Deschamps a lui-même été soldat et a participé à des campagnes. C’est donc de l’intérieur, en homme avisé et visiblement lassé, autant qu’en témoin des conflits sur le terrain, qu’il fait ce plaidoyer contre la guerre. Dans d’autres poésies, on le retrouvera encore s’exprimant sur la misérable condition des soldats, autant que sur les ravages de la guerre sur les petites gens et sur le monde rural. Il s’élèvera notamment dans son Lay de Vérité contre les dégâts des pillages et leur nature immorale en jetant l’opprobre sur ceux qui s’en rendent coupable.

« Vous qui la guerre menez
Vous Dampnez
Quant contre raison prenez
Du peuple communement
Les biens et les rançonnez »
Eustache Deschamps. Extrait du Lay de Vérité

Guerre médiévale et pillage : le pïllage de la ville de Grammont, fin XIVe, chroniques de Jean Froissart, BnF Manuscrits 2644
Guerre médiévale et pillage : le pïllage de la ville de Grammont, fin XIVe, chroniques de Jean Froissart, BnF Manuscrits 2644

Guerre mener n’est que dampnacion
Les paroles en vieux français

J’ay les estas de ce monde advisser
Et poursuiz du petit jusqu’au grant
Tant que que je suis du poursuir lassez
Et reposer me vueil doresnavant
Mais en trestouz le pire et plus pesant
Pour aame et corps, selon m’entencion
Est guerroier qui va tout detruisant
Guerre mener n’est que dampnacion

Autres estas ont de la labour assez
En seuretë vont leurs corps reposant
Et se vivent de leurs biens amassez
Jusques a fin vont leur aage menant
Et l’un estat va l’autre confortant
Sanz riens ravir, loy et juridicion
Tiennent entr’eulx, dont bien puis dire tant
Guerre mener n’est que dampnacion

Car on y fait les septs pechiez mortelz
Tollir, murdir, l’un va l’autre tuant
Femmes ravir, les temples sont cassez
Loy n’a entr’eulx, le mendre est plus grant
Et l’un voisin va l’autre deffoulant
Corps et aame met a perdiction
Qui guerre suit, aux diables la comment
Guerre mener n’est que dampnacion.

L’ENVOY

Prince, je vueil mener d’or en avant
Estat moien, c’est mon oppinion,
Guerre laissier et vivre en labourant :
Guerre mener n’est que dampnaction.

Guerre mener n’est que damnation
Les paroles adaptées en français moderne

J’ai les états de ce monde avisé
Et poursuivi du petit jusqu’au grand,
Tant que je suis de poursuivre lassé,
Et reposer me veut dorénavant
Mais entre tout, le pire et le plus pesant;
Pour âme et corps, selon mes conclusions,
Est guerroyer, qui tout va détruisant;
Guerre mener n’est que damnation.

Les autres états ont bien assez à faire
En sûreté vont leurs corps reposant,
Et vivent sur tous leurs biens amassés,
Jusqu’à la fin, vont leurs âges menant:
Et l’un état va l’autre confortant,
Sans rien ravir, loi et juridiction
Tiennent entre eux, dont bien puis dire tant:
Guerre mener n’est que damnation.

Car on y fait les sept péchés mortels,
Voler, meurtrir, l’un va l’autre tuant,
Femmes ravir, les temples sont cassés,
Loi n’a entre eux, le moindre est le plus grand,
Et l’un voisin va l’autre défoulant.
Corps et âme met à perdition
Qui guerre suit; aux diables la comment
Guerre mener n’est que damnation.

Envoi

Prince, je veux mener dorénavant
Etat moyen, c’est mon opinion,
Guerre laisser et vivre en labourant:
Guerre mener n’est que damnation.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Lecture Audio : Eustache Deschamps, Mieux Vaut Honneur que Honteuse Richesse

Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, ballade
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur ; Eustache Deschamps, Eustache Morel
Titre : Mieux vaut honneur que honteuse Richesse
Média : vidéo, lecture audio en vieux français

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous publions, aujourd’hui, une lecture audio autour de Eustache Deschamps, poète médiéval du XIVe siècle et officier d’armes à la cour sous Charles V et Charles VI. Nous en profitons pour dresser un court portrait de l’auteur et aussi pour faire lecture de la poésie « Mieux Vaut honneur que Honteuse richesse », toute chose dont nous avions parlé dans l’article que nous lui avions déjà consacré mais  cette fois-ci en y ajoutant la dimension du son.

Pour plus de lectures audio, voici un petit récapitulatif de ce que nous avons déjà publié:

La pauvreté Rutebeuf en Vieux français

Le Testament de l’âne, Ruteubeuf : fabliau

La housse partie du Trouvère Bernier : fabliau

Une belle journée à tous!

Frederic EFFE
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Ballade du tournoi d’Eustache Deschamps, poésie médiévale du XIVe siècle

chevalier_tournoi_poesie_medievale_eustache_deschamps_codex_manesseSujet : poésie médiévale, auteur, poéte, chevalier, chevalerie, tournoi, poète satirique.
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps (1346 -1406)
Titre : Ballade. Au tournoi
Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, par Georges Adrien Crapelet, 1832

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avons déjà posté, il y a quelques temps ici, un premier article sur Eustache Deschamps, dit Morel (et non l’inverse), cet auteur très particulier du XIVe siècle que l’on met volontiers en droite ligne d’un Rutebeuf et en parenté d’un François Villon pour sa verve et ses productions satiriques mais aussi, en référence à Villon, pour ses ballades, genre qu’il affectionne particulièrement et dont on lui attribue de l’avoir fait évoluer.

Même s’il fréquente de près la cour et les rois, en étant à leurs services (voir article précédent sur cet auteur), Eustache Deschamps n’hésite jamais, en effet, à s’adonner à l’art de la critique morale, religieuse ou Les tournois de chevaliers au XIII, XIVe siècle (codex Manesse, Allemagne)politique, et pour tout dire à la poésie satirique ce qui lui vaudra, d’ailleurs et à plusieurs reprises, de se faire quelques ennemis et d’essuyer quelques déboires puisqu’on cherchera à l’éloigner des couloirs du pouvoir. On y parviendra d’ailleurs pour un temps au moins; nul doute que la satire ne paye pas et ne fait jamais bon ménage avec le pouvoir. Voici ce que nous dit G.A Crapelet dans son ouvrage du XIXe siècle sur le poète :

« La hardiesse des pensées est surtout remarquable chez Eustache Deschamps et lui a valu de longues inimitiés qui lui ont fermé le chemin de la fortune et les faveurs de la cour, qu’il ne cesse pourtant de réclamer dans ses ballades pour ses longs et loyaux services. »
Citation de  Georges   Adrien  Crapelet, Opus cité

Pour ses témoignages, pour son regard acerbe et sa langue déliée, autant que pour ses apports largement reconnus sur l’art poétique et en stylistique, Eustache Deschamps reste, sans conteste, un poète et un auteur médiéval à redécouvrir. A noter que sa longévité et le fait qu’il écrivit sans relâche, lui ont permis de nous léguer un oeuvre conséquente de plus de 80 000 vers et de nombreux textes précieux sur le monde médiéval.

Ballade du tournoi, d’Eustache Deschamps
Les paroles en moyen français

Aujourd’hui, cette poésie médiévale que nous présentons de lui nous replonge dans l’ambiance des tournoi_chevalerie_monde_medieval_eustache_deschamps_poesie_balladetournois de chevaliers, avec les espoirs d’y gagner honneur, gloire et avec tout cela, d’y  conquérir le coeur de belles demoiselles. Cette ballade a été écrite pour un tournoi ayant eu lieu près de Paris, à Saint-Denis pour être plus précis, au début du mois de mai 1389 (ci-contre les tournois au XIIIe et XIVe, enluminure Codex Manesse, Allemagne, 1310-1340).

Comme on se rapproche déjà considérablement de notre français moderne, je n’ai pas annoté ou adapté ce texte qui se comprend, il me semble en tout cas, très bien.

Armes, amours, déduit, joye et plaisance,
Espoir, desir, souvenir, hardement,
Jeunesce aussi , manière et contenance ,
Humble regart trait amoureusement ,
Genz corps , joliz , parez très richement ,
Avisez bien ceste saison nouvelle ,
Ce jour de may , ceste grant feste est belle
Qui par le Roy se fait à Saint-Denys ;
A bien jouster gardez vostre querelle
Et vous serez honnorez et chéris.

Car là sera la grant biauté de France ,
Vint chevaliers, vint dames ensement,
Qui les mettront armez par ordenance
Sur la place toutes d’un parement,
Le premier jour ; et puis secondement
Vint escuiers chascun sa damoiselle ,
D’uns paremens joye se renouvelle ;
Et là feront les héraulx pluseurs cris
Aux bien joustans; tenez fort vostre selle ,
Et vous serez honnorez et chéris.

Or y perra qui bien ferra de lance ,
Et qui sera de beau gouvernement
Pour acquérir d’Amour la bienvveillance ,
Et qui durra ou harnois longuement ;
Cilz ara los, doulz regart proprement
Le monsterra; Amour, qui ne chancelle,
L’enflambera d’amoureuse estincelle.
Honneur donrra aux mieulx faisans les pris ;
Avisez tous ceste doulce nouvelle,
Et vous serez honnorez et chéris.

Envoi

Servans d’amours , regardez doulcement
Aux eschaffaux anges de paradis,
Lors jousterés fort et joyeusement ,
Et vous serez honnorez et chéris.

Codex Manesse, Manuscrit, XIVe siècle.
Codex Manesse, Manuscrit, XIVe siècle.

En vous souhaitant une belle journée à tous, mes amis, Longue vie!

Fred
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Mieux vaut honneur que honteuse richesse, une ballade d’Eustache Deschamps

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet : poésie médiévale, poésie satirique
Auteur : Eustache Deschamps, dit Morel (1340-1405)
Période : Moyen Âge central, XIVe siècle
Titre : Mieux vault honeur que honteuse richesce.

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous avons le plaisir de vous présenter Eustache Morel dit Eustache Deschamps, un autre grand poète du Moyen Âge: Enfant du XIVe siècle, témoin de son temps, on l’inscrit volontiers dans la lignée de l’archipoète, de la poésie goliardique ou de Rutebeuf, et de la poésie sociale et satirique des XIIe, XIIIe siècle. On verra même, quelquefois, dans son œuvre et à travers ses réflexions ironiques ou morales sur les événements qu’il traverse, l’annonce de l’œuvre de François Villon et même encore de Charles d’Orléans.

Quand on se penche un peu sur la biographie de ce poète médiéval, on semble loin, pourtant, de la marginalité des clercs goliards,  de la misère sociale du jongleur Rutebeuf, ou même encore, des frasques et des déboires judiciaires de François Villon. Durant la majeure partie de sa vie, Eustache Deschamps sera un « petit officier de la cour royale », comme nous  le désigne Daniel POIRION (dans son article sur la eustache_deschamps_poete_medieval_huissier_armes_sous_charles_Vpoésie lyrique sur universalis), et restera proche du pouvoir qu’il représente ou qu’il défend.

Successivement écuyer, messager royal (chevaucheur) et huissier d’armes affecté à la garde du roi Charles V (portrait ci-contre),  il sera même, à l’automne de sa vie et sous le règne de Louis d’Orléans, nommé trésorier du fait de justice. Résolument attaché à la cour des rois, avec des positions variables en fonction des souverains au pouvoir, Eustache Deschamps côtoiera également Guillaume de Machaut, clerc, trouvère et poète qui aura une grande influence sur la codification des formes poétiques et musicales de son temps, voie dans laquelle, pour la poésie au moins, Eustache le suivra, se réclamant même de son influence.

L’art de la poésie chez Eustache Deschamps:
une musique naturelle et innée

Ce poète médiéval prolifique nous a laissé plus de mille cinq cent poèmes dont près de mille ballades, mais aussi des fables et 82 000 pieds de vers pour approcher le Moyen Âge central et le XIVe siècle finissant.

Il marquera sa différence avec les auteurs qui l’entourent de deux manières.  D’une part, il entend approcher résolument la poésie dans sa musicalité propre et l’affranchir ainsi du chant et de la musique: la poésie possède un musique naturelle propre, opposée à la musique qui a un musicalité écrite et artificielle. Cette dernière est apprise, l’autre est innée et on la possède ou non. Dans son approche rhétorique et dans son ouvrage « Art de Dictier » (1392-1393), Eustache Deschamps contribuera encore à eustache_deschamps_morel_poesie_medievale_satirique_moyen-age-centralcodifier  les règles de l’écriture poétique en langue vernaculaire. A la différence des Goliards qui prisaient le latin, il fera partie de ces clercs qui veulent mettre à la portée de tous la poésie et la langue française de son temps.

D’autre part, là où l’amour courtois et les petits malheurs (ou les grands drames) qu’il occasionne chez ses contemporains semble leur fournir d’inlassables prétextes à l’écriture autant que, hélas, en épuiser l’exercice, Eustache Deschamps s’y soustraira dans quelques-uns de ses poèmes, mais s’en affranchira aussi totalement dans la grande majorité des autres. Ainsi, il laissera en héritage, des textes plus volontiers tournées vers  l’observation de son temps où la critique et la satire l’emportent.

Mieux vaut honneur que honteuse richesse,
Eustache Deschamps, Ballade du XIVe

Nous vous présentons aujourd’hui un très beau texte de cet auteur du XIVe siècle qui, même s’il nous vient du monde médiéval, fait souffler un vent salutaire sur certaines valeurs dévoyées de notre monde moderne. « L’argent n’a pas d’odeur », dit-on ? Et bien, nous aurons ici,avec Eustache Deschamps,  l’outrecuidance de prétendre le contraire .

Qui puet vivre de son loial labour,
De l’art qu’il a, ou de sa revenue
Sans excéder, il vit a grand honour,
Car sa vie est de tous bonne tenue,
Puis qu’il ne toult (vole), qu’il ne ravit ou tue
Et que tousjours a loyaulté s’adresce,
N’acquierre jà chevance malostrue* :
Mieulx vault honeur que honteuse richesce.

(* ne gagne rien de façon malhonnête)

Car riches faulx n’a fors que deslionour,
En un moment est sa terre perdue,
Et ses péchiez fait muer sa coulour.
Que l’en perçoit (en voyant) sa grant desconvenue ;
Il n’ose aler teste levée et nue
Pour son meffait, ainz vers terre s’apresse,
Mas (Mat) et honteus comme une beste mue:
Mieulz vault honnour que honteuse richesce.

Car puis qu’uns homs ara  fait un faulx tour,
Monstrez sera au doit parmi la rue ;
Et lors ne fait que quérir un destour
Pour lui mucier, car son pechié l’argue**
Povres loyaulx lient son chief vers la nue
Homme ne craint, car honte ne le blesce.
Geste chose soit de tous retenue :
Mieulz vault honeur que honteuse richesse.

(** Pour se cacher, car son péché l’accuse)

Envoi

Princes, prodoms puet de nuit et de jour
Aler partout. Sa teste lieve et dresce.
Mais desloiaulx ne quiert que tenebrour :
Mieulx vault honour que [honteuse] richesce.

Une très belle journée à tous me amis, que la joie accompagne chacun de vos pas.

Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »