Sujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, satirique, ballade, auteur médiéval, , chanson
Période : moyen-âge tardif
Titre : « Le Grand Testament » Extrait
Auteur : François Villon (1431- ?1463)
Interprétes ; Alain Souchon
Chanson : je plains le temps de ma jeunesse
Bonjour à tous,
ous faisons, aujourd’hui, un nouveau détour du côté de la poésie réaliste de François Villon avec un bel extrait de son célèbre Grand Testament. C’est un passage bien connu dont on ne cite souvent que les derniers vers et nous voulions ici les mettre un peu mieux en perspective dans leur contexte, en les accompagnant de quelques éclairages sur les parties pouvant demeurer obscures.
Voici donc notre Villon regardant en arrière vers le temps de sa jeunesse folle, si lointaine et déjà envolée. Joyeuse insouciance de l’adolescence, changée bientôt en regrets. Misère et galères, de déboires en déboires, la faim au ventre et la panse vide. Mais le temps s’est enfui ne laissant derrière lui que le goût de nostalgie et le constat des erreurs et l’heure est au bilan, dans cette prison froide. Souvenir d’une vie d’inconfort, d’amours laissées en chemin, et pourtant leur survit tout de même la dignité d’avoir su ne pas abuser de ses amitiés ou si peu.
Ironie de l’histoire ou exemplarité de la rédemption?, celui dont on n’a tant voulu faire le premier « poète maudit » ou le « mauvais garçon » du moyen-âge tardif s’est fait pour des générations d’écoliers quelque peu « moraliste », puisque ses vers ont longtemps été repris par l’école républicaine pour rappeler aux têtes blondes qui auraient pu le perdre de vue, l’intérêt d’y user leurs fonds de culottes.
Le grand testament de Villon – extrait
XXIII
Je plaings le temps de ma jeunesse,
Auquel j’ay, plus qu’autre, gallé * (mené joyeuse vie)
Jusque à rentrée de vieillesse,
Car son partement m’a celé*. (ce temps est parti en cachette)
Il ne s’en est à pied allé,
N’a cheval; las! et comment donc?
Soudainement s’en est voilé,
Et ne m’a laissé quelque don.
XXIII.
Allé s’en est, et je demeure
Pauvre de sens et de sçavoir,
Triste, failly* (abattu), plus noir que meure*(mûre)
Je n’ay ne cens, rente , n’avoir ;
Des miens le moindre, je dy voir* (vrai)
De me desadvouer s’avance,
Oublyans naturel devoir,
Par faulte d’ung peu de chevance*. (provisions,possession)
XXIV.
Si ne crains-je avoir despendu* (dépensé),
Par friander, ne par lescher*, (friandise et gourmandise)
Ne par trop aymer riens vendu,
Qu’amys me sceussent reprocher.
Au moins qui leur couste trop cher.
Je le dys, et ne crains mesdire.
De ce ne me puis revencher*: (m’excuser)
Qui n’a meffait, ne le doit dire.
XXV
Bien est-il vray que j’ay aymé
Et que aymeroye voulentiers ;
Mais triste cueur, ventre affamé
Qui n’est rassasié au tiers,
Me oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu’un s’en recompense,
Qui est remply sur les chantiers*, (qui est bien rassasié)
Car de la panse* vient la danse. (du ventre plein)
XXVI
Hé Dieu ! se j’eusse estudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dédié,
J’eusse maison et couche molle .
Mais quoy ? je fuyoye l’escolle ,
Comme faict le mauvays enfant…
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend.
Les oeuvres complètes de François Villon annotées et commentées par P.L. JACOB
ne fois n’est pas coutume, nous avons quelque peu levé le nez de nos dictionnaires anciens et autres recherches comparatives cette fois-ci. De fait, les notes que nous vous fournissons avec cet extrait sont, pour la plupart, tirées de la version des Oeuvres Complètes De Villon de Paul Lacroix, alias P.L. JACOB, grand érudit, écrivain et historien français du XIXe siècle. L’ouvrage date de 1854 mais est encore édité de nos jours. Il faut dire que cette version présente l’avantage d’être extrêmement bien annotée et documentée, ce qui permet d’avancer rapidement sur les points d’achoppement que peut tout de même présenter, par endroits, le beau français moyen du XVe de Maître François Villon.
Pour le cas où l’acquisition de cet ouvrage vous intéresse, en voici les liens : Oeuvres Completes de Francois Villon
Alain Souchon chante Villon
et le temps de sa jeunesse folle
n 2011, le chanteur Alain Souchon nous gratifiait d’un album intitulé « A cause d’Elles » dans lequel il reprenait dans une chanson la dernière strophe de Villon que nous citons ici.
Treizième album studio de l’artiste poète, Souchon y reprenait des titres, poésies ou comptines ayant bercé son enfance et ces vers de Villon s’y trouvaient.
Quelques cinquante ans avant lui, en 1959, le poète chanteur et troubadour québécois Felix Leclerc avait lui aussi repris cette même strophe en la mêlant à d’autres vers de François Villon dans une chanson ayant pour titre le testament, et dédiée à l’auteur médiéval.
Un excellente journée à tous !
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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