Castlewood, motte féodale et forteresse du Xe siècle
l y a quelques temps, nous avions présenté ici un premier article à propos des mottes castrales, ces fortifications qui marquent l’entrée du moyen-âge dans l’ère de la féodalité et des châteaux. Nous vous avions alors proposé une vidéo accélérée de la construction de Castlewood, forteresse fictionnelle et motte féodale du Xe siècle. Cette fois-ci, nous vous proposons une visite plus détaillée et plus explicite de cette carte; vous y trouverez une dimension tout à la fois historique et ludique puisque la motte castrale de Castlewood (réalisée à l’aide du moteur du jeu « Medieval Engineers »), se destine aussi à des joueurs potentiels.
Un peu d’Histoire : l’entrée dans l’ère des châteaux forts
Après la dislocation de l’empire de Charlemagne, les invasions de byzantins et de barbares viennent, en effet, en horde, piller les terres du grand royaume de France au pouvoir alors divisé, et la multiplication autant que la fréquence de ces attaques, trouvent l’armée carolingienne impuissante à leur faire face. On encourage alors les barons et autres seigneurs à assurer eux-même et autant que faire se peut, la protection de leur territoire et dans la mesure du possible, la protection de leur gens. Ce phénomène verra alors la mise en place d’une nouvelle forme d’organisation sociale, économique et politique des territoires autour de la personne du seigneur, et marquera aussi l’entrée dans une nouvelle ère de l’architecture médiévale défensive. (photo ci-contre, Statue équestre de Charlemagne, Bronze, IXe siècle, Louvre, PARIS)
Cette période durera plus de cinq siècles pour aller des forteresses et des mottes féodales principalement faites de bois jusqu’aux châteaux forts de pierre nantis des systèmes de défense les plus élaborés; au fil du temps, les bâtisseurs de châteaux et l’architecture militaire redoubleront, en effet, d’ingénuité pour contrecarrer les envahisseurs potentiels, fussent-ils des barbares venus de loin ou même simplement d’ambitieux seigneurs voisins.
Architecture et éléments des mottes castrales et féodales
On commencera donc autour du IXe, Xe siècle à établir des mottes castrales. Elles auront des visées prioritaires de défense du territoire et de survie sur des terres troublées régulièrement par envahisseurs ou pillards, mais où sévissent aussi les tensions entre seigneuries voisines, en l’absence d’un pouvoir centralisé fort et reconnu de tous.
Pour assurer des défenses efficaces, on creuse alors des fossés sur le périmètre de la motte. Ils peuvent être secs ou emplis d’eau, quand on à la chance d’avoir une rivière ou un fleuve non loin. On cherche aussi les hauteurs, quand on peut les trouver, pour en avoir les avantages défensifs et l’on borde le pourtour des fossés, surélevé par les remblais de terre venus de l’escavation, de hautes palissades de bois.
Dans ces mottes féodales, la division sociale de l’espace et sa codification préfigureront déjà celles que l’on retrouvera dans la plupart des forteresses et châteaux qui y succéderont, Il y a, en effet, derrière les premières grandes portes, ce premier grand espace auquel on accède, la « basse-cour », où se tient une partie du petit peuple de manière permanente et en fonction des places disponibles. Les autres qui n’ont pas la chance d’y être établis et qui vivent à l’extérieur des remparts pourront toujours s’y réfugier en cas d’attaque. On trouve aussi dans cette basse cour, à la mesure de sa taille, les métiers nécessaires à l’autonomie de la forteresse (forgerons, charpentier, serfs ou vilains, …), mais encore la religion avec chapelle ou église dans cette France devenue depuis longtemps chrétienne. Et comme c’est bien connu, l’eau c’est la vie et qu’il est nécessaire d’en avoir pour faire face à tout siège, il y a aura toujours un puits, à l’intérieur de l’enceinte de la motte castrale.
Dans cette motte castrale, sur une butte elle-même fréquemment surélevée, qui préfigurera ce qui deviendra, plus tard, la haute cour des châteaux forts, on trouvera le seigneur et ses proches, qu’ils se tiennent comme souvent au Xe siècle dans un donjon de bois ou, plus tard et à partir du XIe, dans un donjon de pierre qui évoluera encore vers un logis seigneurial plus élaboré dans les châteaux plus récents.
Défense des mottes castrales & pierre contre bois
Depuis les premières mottes castrales du neuvième siècle, jusqu’aux château-forts les plus élaborés des treizième, quatorzième ou même quinzième siècles, l’évolution de l’architecture médiévale défensive et des châteaux est indissociable de l’évolution des armes qui les assiègent.
Dans les premiers siècles des mottes féodales, on fait, certes, souvent face à des hordes de barbares à cheval ou à pied, mais les catapultes sont déjà là depuis plusieurs siècles puisqu’on date leur invention de -399 avant Jésus-Christ. Quand elles sont aux mains des assaillants, ces armes de siège font donc principalement face à des forteresses de bois; c’est le sujet que nous abordons dans cette vidéo, à travers la reconstitution de cette grande motte féodale fictionnelle.
Réalisme de Castlewood vs les mottes castrales « usuelles » retrouvées par l’archéologie
La forteresse de Castlewood est particulièrement grande et particulièrement nantie en terme de systèmes défensifs. Si une telle « motte » avait existé, elle préfigurerait ce que pourrait être le noyau d’une ville défensive, sans doute plus qu’un simple château-fort. Par ailleurs, pour ménager une grande visibilité et éviter les angles morts, les mottes castrales sont bien plus souvent installées sur des périmètres circulaires que sur des périmètres rectangulaires tel que l’est Castlewood. Il y a toujours des exceptions en Histoire et en architecture et c’est dans ce champ de possibles que se situe donc cette motte castrale. De la même façon, ses catapultes défensives frisent le luxe ostentatoire, autant que le nombre de ces tours qui égalent et même supèrent en nombre celles que l’on retrouvera dans l’architecture philippienne une fois que Philippe Auguste l’aura formalisée, au début du XIIe siècle (voir, à ce propos, notre vidéo sur le château de Guedelon).
Au fond, cette forteresse féodale de Castlewood s’inscrit dans une « modernité », doublé d’un « luxe » défensif qui ne reflète sans doute pas les caractéristiques que présente la plupart des mottes féodales de l’époque, en tout cas celles que l’archéologie et l’Histoire nous ont pour l’instant restitué. Il faut bien se rendre compte aussi que les moyens alloués à la défense, au moment de l’émergence de ce phénomène « d’enchâtellement » des territoires, dépendront alors grandement du nombre de gens disponibles pour les fabriquer et des ressources présentes sur site. N’oublions pas que le succès rencontré par les mottes castrales à travers toute l’Europe, dans cette partie du moyen-âge, s’explique aussi par le peu de moyens nécessaires pour les construire et la rapidité relative de leur construction. D’une manière générale, il ne semble pas que l’on s’engage alors dans des chantiers de longue haleine et il y a, semble-t’il, dans cette période du IXe Xe siècle comme une urgence à se protéger. Si les mottes castrales évoluent et s’étoffent certainement avec le temps, le noyau doit donc être, dans la plupart des cas, créé rapidement, sans compter le fait que les ressources présentes tant en moyen humain que matériel sur site, doivent permettre de renforcer ou réparer les fortifications entre les attaques.
Dans ce sens, la motte castrale fictionnelle de Castlewood n’a d’autres prétentions que de nous fournir un support au débat pour approcher cette période, plus que d’en être le témoin réaliste. Même si nous restons dans le champ de possibles, si une telle forteresse avait existé, elle serait sans doute plus l’exception que la règle et, encore une fois, se présenteraient sans doute plus comme l’ancêtre d’une ville fortifiée que d’un « simple » château-fort.
Mauguio ; la plus grande motte castrale artificielle découverte en Europe à ce jour.
A titre de comparaison, l’une des plus grandes mottes castrales d’Europe reconnue se situe dans le sud de la France, à Mauguio, et voici à droite une illustration de cette dernière. Erigée autour de l’an 960, elle trône encore au coeur de la ville dont elle semble être le coeur originel.
Bonus : Castlewood par Medieval Engineers et Keen Software
Je dois avouer que nous avons été assez content de voir que cette création de Castlewood a été saluée par la société productrice du jeu vidéo Medieval Engineers qui lui a même dédié quelques minutes au début d’une de leurs vidéos, il y a quelques temps de cela. Nous avons le plaisir de vous la présenter ici.
En vous souhaitant une très belle journée!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge et du monde médiéval sous toutes ses formes, jusque dans les plus imaginaires.