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A la découverte d’un manuscrit ancien du moyen-âge central: la Bible de Maciejowski

manuscrit_ancien_enluminures_miniatures_medieval_moyen-age_central_XIIIe_siecleSujet : enluminures, miniatures, manuscrit ancien, ancien testament, bible, monde médiéval,
Période : moyen-âge central, XIIIe
Titre : Bible de Maciejowsky, Morgan Bible, la Bible des croisés
Référence manuscrit : Ms M. 638
Conservation :  Pierpont Morgan library (New York)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui nous mettons le nez dans les vieux livres en provenance du monde médiéval, pour vous parler d’un des plus prestigieux d’entre eux.  Ce manuscrit ancien, encore exceptionnellement bien conservé à ce jour, est connu sous la référence de  Ms M 638, mais aussi sous de nombreux autres noms:  Bible de Maciejowski ou Maciejowsky, Bible de Morgan, Bible de Shah Abbas ou encore bible des croisés.

Manuscrit ancien: bible Maciejowski, la genêse , feuillet 1R, enluminure,miniature, moyen-âge central
Manuscrit ancien: bible Maciejowski, la genêse , feuillet 1R, enluminure,miniature, moyen-âge central

Datant du XIIIe siècle, cette Bible de Maciejowski est considérée comme un des plus grand témoin de l’excellence artistique française du moyen-âge central, en terme d’enluminures et notamment en terme d’art gothique.  L’ouvrage a ceci de précieux qu’il contient, en effet, de nombreuses miniatures de qualité exceptionnelle.  Comme son nom l’indique, il puise ses origines dans la Bible et illustre l’histoire de l’ancien testament, depuis la genèse jusqu’au livre II de Samuel et l’histoire de David et Absalom.

Du point de vue de son contenu, il se compose de 46 feuillets. On y trouve des scènes de batailles et de guerre, des scènes de crimes et de meurtres, mais aussi des scènes de la vie de tous les jours. Et même si son sujet se rapporte à une période biblique supposée bien antérieure à l’époque dont il est contemporain, le soin apporté aux illustrations en font un allié précieux des « reconstituteurs » et historiens quand il s’agit de se représenter fidèlement le XIIIe siècle. Il était, en effet, habituel que face à des sujets anciens ou bibliques, les artisans du monde médiéval se servent pour les illustrer d’éléments qui leur étaient contemporains, faisant même souvent des allusions dans leurs planches à des événements ou faits concrets étant survenus à leur propre époque. Et si ce manuscrit de Maciejowski n’est pas la seule Bible illustrée qui nous soit parvenue du moyen-âge, cette règle ou ce parti-pris artistique semblent se confirmer le plus souvent dans les autres ouvrages de ce type.

Histoire et  périples de la bible de Maciejowski à travers les siècles

On a pensé longtemps que cette bible ancienne avait été commandée par le roi SAINT-LOUIS en personne, mais cette version a été remise en cause depuis par plusieurs historiens qui penchent pour lui attribuer plutôt des origines du côté d’ateliers de Flandres et peut-être même de Bruges (Alliston STONES et Francois AVRIL). Il reste donc difficile de faire le tri quand on sait encore que d’autres experts soutiennent que ces illustrations seraient le fruit de différents artistes d’ateliers parisiens. Quoiqu’il en soit, le manuscrit semble en tout cas contemporain de la première croisade de Louis IX. Après sa création, les périples qui l’ont conduit à son lieu actuel nous sont manuscrit_ancien_enluminures_miniatures_monde_medieval_moyen-age_central_bible_maciejowskiplus connus. Ils pourraient presque, à eux-seuls, fournir le prétexte d’un roman tant l’ouvrage a voyagé à travers les siècles.

Parti de France pour l’Italie et la cour de Naples, autour de 1300, il y demeurera quelques temps mais on le retrouvera bientôt en Pologne, où il demeurera, jusqu’à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. A la fin de cette période polonaises, on retrouve le manuscrit ancien  dans les mains du cardinal Bernard MACIEJOWSKI ou  Maciejowsky, (1548-1610) évêque de Cracovie (portrait ci-dessus) qui donnera au manuscrit le nom sous lequel on le connait le plus souvent, aujourd’hui. Il semble que c’est un peu avant sa mort, qu’il  fera présent de la Bible au chah Iranien Abbas Ier le Grand, (Shah Abbas the great), roi de perse en 1608. C’est d’ailleurs un des autres noms qu’on connait à l’ouvrage la Bible de Shah Abbas. Comme les italiens l’avaient faits, les perses annoteront alors le manuscrit de leurs interprétations, en marge des illustrations.

Deux cents ans plus tard, nous sommes en 1800, le manuscrit sera vendu à un collectionneur égyptien. Dans le siècle qui suivra, il passera encore dans les mains de quelques collectionneurs pour finalement  être racheté en 1916 par le fondateur de la bibliothèque dans lequel il se trouve encore aujourd’hui conservé: John manuscrit_ancien_enluminures_miniatures_medieval_moyen-age_central_bible_maciejowski_tour_babelPIERPONT MORGAN, qui, à son tour, donna à l’ouvrage un de ses autres noms connus: the Morgan Bible. A noter que si l’ensemble du manuscrit se trouve à New york et dans cette bibliothèque, trois autres de ces feuillets sont conservés en deux autres endroits:  deux se trouvent à la Bibliothèque nationale de France, et un autre au J. Paul Getty Museum de Los Angeles.

Old testament Miniatures:
une édition anglophone des années 70

En 1969, Cockerell, Sydney C, directeur du Musée Fitzwilliam à Cambridge. et John Plummer, décidaient de proposer au grand public, une édition  de la bible ancienne en grand format, réunissant une quantité importantes d’enluminures et de miniatures en provenance du manuscrit M 638. Y seront adjoints aussi des dessins et reproductions du designer Emery Walker et cet ouvrage portera le titre de « Old testament Miniatures ».

Ou trouver la bible de Maciejowski?

On trouve plusieurs versions du livre mentionné ci dessus à la vente mais pour qui ne peut ou ne veut se fendre d’une centaine d’euros, voir même de trois à quatre fois plus, en fonction de l’état de l’ouvrage, pour l’acquérir, il reste d’autres options. Côte version papier, il existe une autre version plus récente de l’ouvrage, datant de 1998 et réimprimée en Suisse, ayant pour titre : « The morgan crusader bible : The picture Bible of Saint-Louis ». Nous ne pouvons pas préjuger ici de la facilité à le débusquer mais nous le mentionnons tout de même.

Pour le reste et si vous savez vous en contenter, on peut en cherchant un peu accéder à plusieurs versions digitalisées sur le web. Après avoir fait un tour de la question, il semble qu’une des meilleures version se trouve ici : Version digitale de la bible de Maciejowski

C’est d’ailleurs dont nous nous sommes servis pour vous présenter les illustrations de cet article. Comme vous l’imaginez sûrement, nous les avons retouchées quelque peu pour mieux les mettre en valeur et leur donner plus de profondeur.  Au delà du fait qu’elles ont près de huit cent ans, leur grand niveau de détails et leur qualité sont véritablement remarquables et l’on comprend bien le plaisir véritable qu’il y a aurait à en posséder une version papier et grand format.

En vous souhaitant une merveilleuse journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau : le Noir

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_noir_blanc_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, , anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Livre : « Noir, histoire d’une Couleur »
Auteur : Michel Pastoureau
Média : émission radio, livre, « conférence »
Titre : « Des goûts et des couleurs : le noir et le blanc»
Radio : France Culture, « Hors Champs », Laure Adler

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons, ici, le troisième volet des interviews donnés par l’historien médiéviste Michel PASTOUREAU, à la journaliste Laure ADLER de France Culture, au sujet de l’histoire des couleurs à travers les âges.

couleur_histoire_moyen-age_michel_pastoureau_conference_monde_medieval_noirC’est, cette fois-ci, à la découverte du noir et du blanc et de leur symbolique changeante que le programme nous entraîne. On y apprend que le noir gagna peu à peu son statut de couleur, même si au fond il n’a jamais vraiment pu figurer seulement qu’une absence. Dans le courant du XXe siècle, sa mode venue du Japon, a perduré encore longtemps de notre côté du monde et l’esprit zen n’y est certainement pas étranger; les Kolomos des moines qui le pratiquent y sont encore de cette couleur qui porte, dans sa symbolique zen, la marque de la sobriété, de l’humilité et, finalement, d’une certaine volonté de non paraître. Couleur peut-être encore d’une mort symbolique déjà là, pour ceux qui ont fait le voeu de renoncement aux désirs et aux attachements, face à la marche de l’univers et du temps.

histoire_couleur_noir_moyen-age_michel_pastoureau_conference_livre_monde_medieval_anthropologieOn revisitera aussi, avec l’historien, les noirs de Pierre Soulages et de son Art pictural d’Outrenoir. Et suivant les méandres de ce noir et de ce blanc et leur dialogue en miroir,  on regrettera presque, en accord avec lui et  François Truffaut, que l’arrivée de la couleur au cinéma soit venue si souvent brouiller des codes que le noir et blanc rendaient presque transparents. Disant cela, il vous reviendra peut-être en mémoire, l’image de Peter Falk, en ange incarné, qui se frotte les mains après un café, dans le froid d’un matin d’hiver, face à un Bruno Gantz, encore entre deux mondes, dans les Ailes du Désir de Wim Wenders, ou, peut-être encore, une photo de Robert Doisneau saisissant  un instant de vie pour le figer, à jamais, dans une éternité de noir et blanc.

Pierre Soulages, Peinture 181 x 405 cm, Musée FABRE, Montpelliier
Pierre Soulages, Peinture 181 x 405 cm, Musée FABRE, Montpelliier

Et puis, sur les rivages de ce débat ancien, Noir pur d’une sobriété toute chrétienne ou Noir de l’obscurité, de la mort ou de la peur ancré à jamais dans les parties les plus grégaires de nos subconscients, et en miroir encore, Blanc de la pureté ou blanc de l’apparat et du paraître. Michel Pastoureau évoquera aussi les luttes médiévales entre moines blancs et moines noirs sur le territoire d’une symbolique et d’une pratique spirituelle, qui, au XIIIe siècle, finira par interroger au delà des couleurs de robes le statut tout entier de moines comme celui de l’Eglise: les blancs et riches cisterciens et les ordres mendiants aux couleurs de loups.

Les goûts et les couleurs; le noir et blanc


Lien direct vers le même podcast sur le site de France-Culture

En vous souhaitant une bonne journée.
Fred
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L’influence de l’air et des vents dans la médecine médiévale de l’Ecole de Salerne.

medecine_medievale_ecole_salerne_science_savant_Regimen_SanitatisSujet : médecine, citations médiévales, école de Salerne, Europe médiévale, moyen-âge, ouvrage, manuscrit ancien. humilité
Période: moyen-âge central (XIe, XIIe siècles)
Titre:  l’Ecole de Salerne (traduction de 1880)
Auteur :  collectif d’auteurs anonymes
Traducteur : Charles Meaux Saint-Marc

« Hygiène: influences physiques.
Air.
Respire un Air serein, brillant de pureté, Dont nulle exhalaison ne ternit la clarté ; Fuis toute odeur infecte ou vapeur délétère Qui, montant des égouts, empeste l’atmosphère.

Vents.
De l’Aurore nous vient le Vulturne, l’Eurus, Et le Subsolanus;Zéphir, Favonius Soufflent à l’Occident; sur les plages lointaines S’élèvent, nous portant leurs brises africaines, Le Notus et l’Auster, et du Septentrion S’élancent le Caurus, Borée et l’Aquilon. »

Extrait, citation médecine médiévale: hygiène, influences physiques
“Flos medicinae vel regimen sanitatis salernitanum” ou “L’Ecole de Salerne” Traduction par Charles Meaux Saint-Marc (1880)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous poursuivons, ici, notre étude de la médecine de l’Ecole de Salerne en suivant le fil de ce long poème appelé le Flos medicinae et qui fut populaire aux XIe XIIe siècles et même jusqu’à bien des siècles plus tard.

Nous sommes toujours dans le chapitre qui concerne l’hygiène et, cette fois-ci, les médecins médiévaux de Salerne nous parlent d’Air et de Vent.  Chose qui peut nous paraître bien curieuse pour autant qu’elle soit devenue anecdotique dans les prescriptions de la médecine moderne, la qualité de l’air respiré était considérée, au moyen-âge, comme une condition véritable de santé. Bien sûr, nous le savons encore: « L’air pur, comme l’eau pure fait du bien » et il nous reste cette idée que l’air de la montagne ou l’air de la mer sont bons pour la respiration, mais cela s’arrête à peu près,aux problèmes des voies respiratoires. On sait aussi, bien sûr, et pour les mêmes raisons que tout air vaut mieux que celle de nos villes, tant elle y est de plus en plus viciée et polluée; ce n’est un mystère pour personne.

Au moyen-âge et en terme de médecine préventive, on prend l’affaire très au sérieux et il ne s’agit pas alors de pollution atmosphérique. Vapeurs méphitiques, mauvaises odeurs peuvent être considérées comme dangereuses pour la santé, et on n’hésite d’ailleurs pas à établir des relations directes entre mauvaises odeurs, émanations insalubres, air vicié et maladie.

Dans le même registre, on prête aussi aux vents une grande importance et de grandes influences sur la santé et cela vous frise_vent_deco2explique le deuxième paragraphe de l’extrait que nous publions aujourd’hui. C’est une idée sans doute plus incongrue dans le contexte de la médecine occidentale moderne que la précédente. Même si les médecins actuels n’ignorent sans doute pas que certains endroits ou climats sont bons pour le rétablissement ou la convalescence (on pense notamment aux villes thermales et à la qualité de leurs eaux), il n’existe pas véritablement, à ma connaissance, de carte répertoriant des lieux géographiques et climatiques propices à soigner précisément telle ou telle maladie ou faiblesse et encore moins en fonction des vents qui y soufflent ou des saisons.

Si vous comptez parmi les sceptiques de l’incidence direct du vent sur les états de santé, ne croyez pas cependant cette idée relève de « l’hérésie » médiévale. Les vents nommés dans l’extrait du jour sont connus et identifiés chez les anciens grecs, chez Horace et plus tard chez Pline. Et comme ils sont en relation avec les saisons qu’ils annoncent ou qu’ils accompagnent, chacun d’entre eux est aussi associé des qualités: froid, chaud, sec, humidité, fort, impétuosité, propice à calmer, etc,… On les considère donc comme créant des conditions favorables pour éradiquer certains problèmes de santé.

En l’occurrence, comme nous sommes ici, avec cette médecine versifiée du moyen-âge central, à Salerne, les vents qui s’y trouvent mentionnés sont ceux de la péninsule italienne. Pourtant, plus près de nous, en fouillant un peu ces aspects, on trouve dans le courant du XIXe siècle la tentative d’un médecin, le docteur Edouard frise_vent_deco2Carrière pour établir une carte géo-médicale de l’Italie dans un ouvrage intitulé : « Le climat de l’Italie sous le rapport hygiénique et médical ».  Voici ce qu’il nous dit à propos de la péninsule italienne dans son introduction. Nous sommes en 1849:

« Si l’Italie attire pour ses souvenirs d’histoire et ses œuvres d’art , elle attire aussi pour les qualités de l’air qu’on y respire. Si elle est la terre des artistes, des curieux et des rêveurs, elle est aussi celle des malades. Si les uns vont y demander des satisfactions ou des amusements pour l’esprit, d’autres, et ils sont en grand nombre, accourent pour essayer de ranimer, sous ce ciel brillant, un flambeau qui s’éteint, le flambeau de la vie. »
Dr Edouard Carrière –  Le climat de l’Italie sous le rapport hygiénique et médical

Compas des vents XVIIIe siècle, Matthaus Seutter: "Tabula Anemographica seu Pyxis Nautica",
Compas des vents XVIIIe siècle, Matthaus Seutter: « Tabula Anemographica seu Pyxis Nautica »,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour l’auteur, il ne fait aucun doute que l‘Italie était alors considérée comme une terre d’élection pour les malades et, dit-il encore, les « souffreteux ». Il n’est pas impossible que l’influence de l’Ecole de Salerne que l’on visitait déjà depuis tous les coins d’Europe à partir du XIe siècle y soit pour quelque chose, mais les lieux que l’on visite dans le courant du XIXe siècle débordent de loin cette seule ville. Au fil des siècles, il semble donc bien que c’est frise_vent_deco2l’ensemble de la péninsule qui a acquis cette réputation.

Voila là table des vents mentionnés dans l’ouvrage du Dr Carrière avec leur origine. Elle nous permet d’éclairer ceux mentionnés dans la citation de l’Ecole de Salerne qui nous occupe aujourd’hui:

Septentrion (ou Aparctias de l’antiquité): nord
Le Coecia : nord-est
Le Subsolanus ou l’Apeliotes: est
L’Eurus ou le Vulturne: sud-est
L’Auster ou le Notus : sud
L’Africus ou Libs; sud-ouest
Favonius ou Zéphir: ouest
Corus, Argestes; nord-ouest

Même s’il dédie un chapitre complet à l’influence des vents, à leur nature et à leur qualité, l’auteur ne s’arrête pas là et les déborde largement, s’intéressant encore à l’atmosphère, aux eaux, aux forêts, à la géologie, la topographie et même aux météores. Si l’on en juge par la grand place faite à cet ouvrage original dans les Annales d’Hygiène publique et de médecine légale parues autour des mêmes années,  le travail du Docteur Carrière n’a alors rien de fantaisiste, ni de marginal. Et l’on se surprendra peut-être de voir à quel point la relation établie entre climat, vent et lieu peut être précise, une fois traduite en frise_vent_deco2prescription.  En voici un extrait tiré de ces annales qui reprennent donc les travaux de E. Carrière:

« A l’instar de Massa, de Sorrente, Castellamare est parcourue par les vents septentrionaux, qui sont seulement un peu moins tièdes et un peu plus secs, aussi a-t-on remarqué que le séjour d’été des hauteurs de Castellamare est favorable aux engorgements du foie, de la matrice, sans dégénérescence des tissus, aux épuisements nerveux dus à la fatigue des plaisirs, du travail intellectuel, des affaires. (…) Ces indications se rapportent à la saison d’été, pour éviter un trop long déplacement, les malades pourraient aller passer l’hiver à Salerne. »
Annales d’Hygiène publique et de médecine légale Vol 43 (1850)

Pour être très honnête, hormis peut-être des lieux de cure répertoriés, je ne sais pas à quel point, la médecine moderne prend encore ce genre de faits vraiment en considération, et surtout de manière aussi précise, pas d’avantage que je ne peux avancer si l’Italie est toujours perçue, de nos jours encore, comme une terre de rémission privilégiée comme elle l’était encore dans le courant du XIXe: « Allez pour votre foie, vous irez me passer trois jours à Rimini et pour votre problème de Stress, vous ferez suivre avec une semaine à Rome » Chouette!

Pour revenir à des choses plus sérieuses et à la vue de ces éléments, il nous faut sans doute encore avancer dans le temps l’influence des principes de l’école de Salerne dans la médecine occidentale au moins jusqu’au XIXe siècle.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau: rouge sang, rouge feu, rouge passion

conference_monde_medieval_couleurs_symbolique_moyen-age_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, catégorie cognitive et sociale, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Média : émission radio, livre, « conférence »
Auteur : Michel Pastoureau
Titre : « Des goûts et des couleurs : le rouge»
Radio : France Culture, Hors Champs, Laure Adler

« On ignore encore tout de l’usage que les hommes préhistoriques faisaient de l’ocre et autres colorants, mais on peut aller jusqu’à imaginer, sur la foi des documents ultérieurs, que, comme à partir de 35000 les Aurignaciens, ils créaient des formes, symbolisaient le sang et la vie avec le rouge, disposaient des différentes teintes pour leur décoration corporelle »
Emmanuel Leroi-Gourhan

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous publions aujourd’hui la deuxième vidéo du cycle de France Culture dédié à Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. L’entretien, mené par Laure Adler, traite cette fois-ci du rouge et fait suite à l’histoire du bleu.

histoire_couleur_rouge_moyen-age_conference_monde_medieval_michel_pastoureauLe rouge est parmi les premières des couleurs que l’homme a su fixer et teindre. On la retrouve  déjà  à la préhistoire avec les empreintes de main dans des centaines de cavernes et de grottes de par le monde et elle est alors obtenue à partir d’ocre mêlé d’oxydes de fer.

(ci-contre portrait de Michel Pastoureau, historien médiéviste)

La symbolique du rouge à travers les âges

« Contrairement à ce timoré de bleu, le rouge, lui, est une couleur orgueilleuse, pétrie d’ambition et assoiffée de pouvoir, une couleur qui veut se faire voir et qui est bien décidée à en imposer à toutes les autres. Méfiez-vous de lui : cette couleur-là cache sa duplicité. Elle est fascinante, et brûlante comme les flammes de Satan. »
Michel Pastoureau – Couleurs, le grand livre

D_lettrine_moyen_age_passionepuis la protohistoire et à l’image du bleu, le rouge en occident a connu une histoire changeante au niveau symbolique. Couleur politique du XXe où quand aimer le rouge était l’expression d’une conviction politique et plus seulement un goût personnel, on apprend encore que, pendant une longue période et jusqu’au XIIIe siècle, qui consacrera le mariage chrétien et l’importance d’afficher sa virginité, la mariée, n’était ni en blanc, ni en noir, mais en rouge. Rouge de tous les possibles, cette couleur fut encore à travers les âges le réceptacle de bien d’autres symboles: danger, guerre, fête, amour passion, sexualité transgressive, couleur du sang, du mal ou du bien, couleur du feu purificateur de l’esprit sain ou du feu destructeur des enfers, la beauté, la colère…rouge_danger_humour_histoire_pprehistoire_couleur_michel_pastoureau Combien de sens changeants pour ce rouge, dont la charge puissante ne se démentira pas et qui, à travers les époques, passera encore sans complexe de l’homme guerrier à la femme fatale?

(ci contre main préhistorique de la grotte du Pech Merle, Lot, -25000 ans légèrement détournée par nos soins, pardon pas pu résister. En même temps rouge danger donc bon…)

Avec cette couleur  à la grande élasticité symbolique et dont l’émotionnel semble parfois rester la seule constante (on en rougirait presque), se trouve posé bien clairement l’impossibilité de chercher des sens figés associés aux couleurs sans les mettre en perspective historique, (ça on l’avait déjà compris) mais encore les difficultés qui subsistent, au delà même de l’analyse historique, à les enfermer dans des définitions symboliques étriquées et simplistes. Et ce n’est peut-être pas par hasard si ce rouge qui coule jusque dans nos veines est aujourd’hui encore chargée de connotations complexes comme si elle contenait en elle un potentiel tout à la fois sacré et interdit, prêt à exploser à chaque instant.


Lien vers le même podcast sur le site de France Culture

Rubia tinctorum. La garance des teinturiers

Les lois font les bagnes, les moeurs font les lupanars. La lumière crée le peuple, la nuit enfante la plèbe. La veste rouge du forçat est taillée dans la robe rouge du juge.”                                                                      Victor Hugo

C_lettrine_moyen_age_passiononnu depuis l’antiquité, on utilisait déjà les racines et les rizhomes de la garance en Egypte, 1500 ans avant notre ère et elle était aussi connue des grecs et des romains. En France, elle fut cultivée de manière intensive jusqu’à l’extraction au rubia_tinctorum_garance_teinture_medievale_histoire_couleurs_michel_pastoureau_moyen-agedébut du XIXe siècle et en 1835 de son composé chimique: l’alizarine, qui en supplanta l’utilisation, progressivement.

Au moyen-âge, pour obtenir le rouge, on connaissait aussi l’usage en teinture de la cochenille et  du Kermes vermilio, insecte que l’on récoltait et que l’on faisait sécher avant de le réduire en poudre. Cette culture se faisait dans le sud de la France, en Languedoc et en Provence, et fit entre autre la célébrité de la ville de Montpellier pour ses rouges écarlates, dans le courant du XIVe siècle. Ces tons vifs ayant un coût de production toutefois bien supérieur à la garance, cette dernière était d’usage bien plus commun.

garance_teinture_medievale_histoire_couleurs_michel_pastoureau_moyen-age_rubia_tinctorum
Nuance de rouge obtenu avec l’utilisation de garance

Sur ce, je vous laisse, j’ai eu ma dose de rouge pour aujourd’hui et je vais me mettre un peu au vert.

En vous souhaitant une bonne écoute et une très belle journée.
Fred
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