Sujet : reconstitution historique, histoire vivante, François 1er, guerres d’Italie, expédition transalpine, Col de Larche Période : Moyen-âge tardif, renaissance Evénement : la traversée des Alpes en armure des débuts du XVIe siècle « Instigateur » : Stéphane Gal, historien et chercheur universitaire grenoblois
Bonjour à tous,
a presse française et suisse vient de s’en faire écho. Au début du mois de juillet, du côté du Col de Mary (2641m), les habitants des Alpes assisteront à une curieuse expédition qui pourrait bien les ramener, comme par magie, au début du XVIe siècle, au temps de François 1er des guerres d’Italie et aux portes de la bataille de Marignan.
Sur les traces d’une expédition historique
du temps des guerres d’Italie
En 1515, le rêve de reconquête italienne est déjà dans la tête d’un François 1er, nouvellement couronné. Il faut dire que le roi de France n’est pas le premier que la reconquête de terres transalpines, inspire. Depuis la fin du XVe siècle, sous Charles VIII, quatre premières guerres d’Italie ont déjà éclaté qui ont vu s’affronter la couronne française à l’Espagne, la Suisse, et les Etats pontificaux qui refusent de lui céder le Royaume de Naples ; ancienne possession d’Anjou, le vaste territoire du Sud de l’Italie est tombé aux mains de l’Aragonais en 1422 et depuis, les souverains français qui se sont succédé ont, sans relâche, fait valoir leur succession.
(François 1er et les guerres d’Italie, cliquez sur la carte pour l’agrandir)
En 1515, au moment où Francois 1er devient roi de France, l’affaire s’est compliquée d’autant qu’entre temps, la France, en la personne de Louis XII, a revendiqué également des droits sur le Duché de Milan. C’est ce dernier que le souverain fraîchement couronné convoite en priorité et il décide même de faire lever une expédition, dès après son sacre.
Une nouvelle route transalpine
Le Roi de France a mandé des espions et il connait les positions ennemis aussi pour tromper la vigilance suisse et les troupes stationnées massivement au Col de Montgenèvre et au Col de Mont-Cenis, il décide de faire passer son Ost par une nouvelle route : la traversée des Alpes s’effectuera par le Col de Larche et plusieurs dizaines de milliers d’hommes seront engagés dans l’expédition, 40 000 en tout. De crainte de tomber dans quelque embuscade, le souverain insiste pour que les chevaliers portent leurs armures et c’est ainsi harnachées que les armées royales franchiront les montagnes. Après cette longue traversée, l’expédition trouvera bientôt sa récompense, en remportant une victoire légendaire à Marignan.
L’historien et l’Histoire vivante
Comment l’armée du roi a-t-elle pu franchir les Alpes ainsi harnachée et équipée ? Dans quelles conditions et avec quelles difficultés ? La question a tant interpellé l’attention de l’historien et universitaire grenoblois, Stephane Gall qu’il a décidé d’y répondre de la manière la plus concrète qui soit, par l’expérimentation. C’est ainsi qu’ayant levé les fonds pour monter rien moins qu’une expédition réelle, il a réuni quelques chercheurs de métiers, pour marcher, littéralement, dans les pas de l’Histoire. Les vaillants volontaires s’attaqueront donc, le 5 et 6 juillet, au franchissement d’un Col de plus de 2600 mètres d’altitude. S’il ne s’agit pas exactement de la même route que celle empruntée, il y a à peine plus de cinq siècles, par le gros des troupes de François 1er, le Col choisi a probablement été emprunté, dans le même contexte historique, par une escorte d’éclaireurs ayant à leur tête le Chevalier Bayard.
Histoire vivante oblige, des armures d’époque ont été précisément reconstituées et forgées pour l’occasion et les conditions, ainsi que l’équipement des hommes et des chevaux seront également fidèles à l’époque ciblée.
(reconstitution de l’armure
équestre de François 1er. Musée des armées)
Tous les passionnés d’histoire, de chevalerie et de reconstitution historique attendent déjà, avec impatience, des nouvelles de l’expérience et il faut saluer l’initiative de cet universitaire qui a décidé de démontrer, à sa manière, que l’Histoire peut être aussi une science vivante, conduite dans des laboratoires à ciel ouvert. De notre côté, nous souhaitons à ces passionnés d’histoire une grande réussite, la vaillance de Bayard, et beaucoup de courage sous le soleil de juillet, et à plus de 2500 mètres d’altitude !
Une très belle journée à tous.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : histoire médiévale, historien, médiéviste, moyen-âge, définition, vidéo-conférence, nouvelle Histoire Période : moyen-âge Auteur : Jacques le Goff entouré de Jean-Claude Schmitt, Robert Philippe, Emmanuel Le Roy Ladurie, Pierre Nora. Titre :« Pour un autre moyen-âge : un entretien avec Jacques le Goff », conférence produite par Marc Ferro en 1992 (EHESS) (canal-U.tv)
Bonjour à tous,
ous avons souvent eu l’occasion de parler, ici, de l’historien médiéviste Jacques le Goff, en partageant notamment quelques extraits de ses entretiens ou même quelques-unes de ses citations. Avec son « autre moyen-âge », il a proposé de déplacer, et même d’étirer, les lignes chronologiques de cette période mais, dans la veine de l’Ecole des Annales et avec l’apport de sciences humaines connexes à l’Histoire, il s’est aussi évertué à restituer les formes vivantes du monde médiéval et ses mentalités.
« (…) Ce que je veux appeler notre moyen-âge c’est un moyen-âge très concret. Et ça je tiens à le dire par rapport au moyen-âge insipide que l’on présentait à ce moment là, j’ai vraiment eu l’envie de proposer un moyen-âge qui était fait de sang, de chair, autant que d’esprit, et en plus si possible, un moyen-âge qui ne serait pas ennuyeux. Le moyen-âge qu’on nous proposait était mortellement ennuyeux. L’Histoire est une chose passionnante et on doit passionner les gens à l’Histoire en leur montrant que ce n’est pas du tout un discours embêtant. Et j’ai éprouvé très vite le besoin d’aller chercher, en dehors de ce que l’on appelait les sciences auxiliaires de l’Histoire traditionnelle. » Jacques Le Goff– Citations – Extrait entretien EHESS – 1992
Dans cette conférence de 1992, il revenait sur son parcours intellectuel, ses influences, ses maîtres en Histoire, tout en donnant quelques clés sur sa vision si particulière du Moyen-âge et sur son approche méthodologique de la « Nouvelle Histoire ». Au passage, avec la présence autour de la table de Emmanuel Leroy Ladurie, il revenait également sur leur collaboration mutuelle autour de Mélusine dont nous avions déjà touché un mot ici (voir article à ce sujet).
Sujets abordés
– Le long Moyen-Âge (04:37) – De l’histoire à l’anthropologie historique (34:44) – Histoire nouvelle et nouvelle histoire (50:24) – De l’imaginaire au politique (1:11:12)
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En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : citations, moyen-âge, histoire médiévale, monde médiéval, voyage, historien médiéviste. Auteur : Jacques le Goff, Jean-Louis Schlegel Ouvrage : Le Moyen Âge expliqué aux enfants (2006)
« Il ne s’agit certes pas de refaire le Moyen Âge, mais de ne pas oublier que les hommes et les femmes de cette période sont nos ancêtres, qu’il est un moment essentiel de notre passé, et donc qu’un voyage au Moyen Age vous donnera le double plaisir de rencontrer à la fois l’autre et vous-même. »
Jacques Le Goff, historien médiéviste (1924-2014) Le Moyen Âge expliqué aux enfants, Edition Le Seuil (2006)
Sujet : chanson médiévale, musique médiévale, chant de Croisade, 2e croisade, vieux français. rotruenge, Louis VII, chevaliers Période : moyen-âge central, XIIe siècle Auteur : anonyme Titre : « Chevalier, mult estes guariz» Interprète : Early Music Consort of London Album :Music of the Crusades(1971)
Bonjour à tous,
ous partons aujourd’hui, à la découverte d’une nouvelle chanson de croisades du moyen-âge central. Demeurée anonyme, elle compte parmi les plus anciennes qui nous soit parvenue. Sur les traces de Joseph Bédier et son ouvrage conjoint avec Pierre Aubry ( Les chansons de croisade, 1909), sans toutefois le suivre totalement, nous vous en proposerons une traduction en français moderne et vous dirons aussi un mot des sources dans lesquelles la trouver et du contexte historique qui la vit naître.
Pour le reste, cette poésie très chrétienne et guerrière du XIIe siècle a été interprétée par un grand nombre de formations médiévales et nous avons choisi ici la version qu’en proposait le Early Music Consort of London en 1971, dans un album tout entier dédié aux musiques du temps de croisades.
La prise d’Edesse et l’appel à la 2e Croisade
Vers le milieu du XIIe siècle, et plus exactement en 1144, la forteresse d’Edesse (Rohais, l’actuelle cité de Şanlıurfa ou Urfa dans le sud de la Turquie) tombaient aux mains d’Imad ed-Din Zengi, atabeg de Mossoul et d’Alep. Connu encore comme Zengui, l’homme fut aussi surnommé « le sanglant » par les chroniqueurs chrétiens d’alors (tout un programme). Très avancé sur les terres islamiques, le comté d’Edesse qui compte parmi les premiers états latin d’Orient était alors sous la régence de la reine Mélisende de Jérusalem. Son héritier Baudouin III n’a, en effet que 13 ans et est encore trop jeune pour gouverner.
Le siège fut de courte durée et la cité céda en moins d’un mois : de la fin novembre 1144 à la fin décembre de la même année. Informé de sa chute de la main même de la régente, le souverain pontife Eugène III appellera bientôt à une seconde croisade en terre sainte, par l’intermédiaire de la bulle Quantum praedecessores. Alors âgé de 25 ans, Louis VII ne tarda pas à y répondre, mais, autour de lui, les seigneurs chrétiens d’Occident se montrèrent plutôt tièdes. Il faudra toute la ferveur, les prédications et les promesses de rédemption d’un Bernard de Clairvaux pour que le mouvement prenne véritablement de l’ampleur. Près de deux ans après l’appel, ce seront ainsi près de 35000 hommes d’armes qui répondront présents. En suivant les conclusions de Joseph Bédier et sans trop prendre de risques, la chanson du jour a nécessairement été écrite entre l’annonce par Louis VII de son intention de se croiser, le 25 décembre 1145 à l’assemblée de Bourges et son départ effectif pour la croisade, le 12 juin 1147.
Sources historiques
Du point de vue des sources, on ne trouve cette chanson et sa notation musicale (sommaire) que dans un seul manuscrit datant de la deuxième moitié du XIIe siècle : le Codex Amplonianus 8° 32, également référencé RS 1548a, conservéàErfurt en Allemagne (Foreschungsbibilothek), Au vue de la langue usitée pour la retranscription de cette poésie, la copie est à l’évidence l’oeuvre d’un anglo-normand.
Pour le moment, il semble que ce manuscrit médiéval ne soit toujours pas disponible à la consultation en ligne. On ne peut donc qu’espérer qu’il le soit bientôt pour découvrir cette pièce dans son écrin d’époque. Dans l’attente et pour vous en faire une idée, nous reproduisons ci-dessus la version d’assez piètre résolution qu’on pouvait trouver dans un autre ouvrage de Pierre Aubry datant de 1905 : Les plus anciens monuments de la chanson française.
« Chevalier, moult estes guariz » par le Early Music Consort of London
Musique des croisades, par David Munrow et le Early Music Consort de Londres
« Chevalier, Mult estes guariz »
en vieux-français & sa traduction moderne
I Chevalier, mult estes guariz, Quant Deu a vus fait sa clamur Des Turs e des Amoraviz, Ki li unt fait tels deshenors. Cher a tort unt ses fîeuz saiziz ; Bien en devums aveir dolur, Cher la fud Deu primes servi E reconnu pur segnuur. Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor.
Chevaliers, vous êtes sous très bonne protection, Quand c’est vers vous que Dieu s’est plaint Des turques et des Amoravides, Qui lui ont fait une si grand honte En saisissant à tort ses fiefs. Il est juste que nous en souffrions Car c’est là que Dieu fut d’abord servi Et reconnu pour seigneur. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
II Pris est Rohais, ben le savez, Dunt crestiens sunt esmaiez, Les mustiers ars e désertez : Deus ni est mais sacrifiez. Chivalers, cher vus purpensez, Vus ki d’armes estes preisez ; A celui voz cors présentez Ki pur vus fut en cruiz drecez. Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor.
Rohais est pris, bien le savez, Dont les chrétiens sont en émoi Les monastères brûlent et sont désertés, Dieu n’y est plus célébré* (sacrificare : célébrer une messe) Chevaliers, songez-y bien, Vous qui êtes prisés pour vos faits d’armes, Offrez vos corps à celui Qui pour vous fut dressé en croix. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
III. Pernez essample a Lodevis, Ki plus ad que vus nen avez : Riches est e poesteïz, Sur tuz altres reis curunez : Déguerpit ad e vair e gris, Chastels e viles e citez : Il est turnez a icelui Ki pur nus fut en croiz penez. Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor.
Prenez exemple sur Louis, Qui possède bien plus que vous, Il est riche et puissant, Sur tout autre roi couronné : Il a abandonné et vair et gris* (fourrures) Châteaux et villes et cités, Et il est revenu vers celui Qui pour nous fut torturé en croix. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
IV. Deus livrât sun cors a Judeus Pur mètre nus fors de prisun ; Plaies li firent en cinc lieus, Que mort suffrit e passiun. Or vus mande que Chaneleus E la gent Sanguin le felun Mult li unt fait des vilains jeus : Or lur rendez lur guerredun ! Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor.
Dieu livra son corps à ceux de Judée Pour nous mettre hors de sa prison Ils lui firent des plaies en cinq endroits, Tant qu’il souffrit mort et passion. Maintenant, il vous commande que les païens Et les gens de Sanguin le félon Qui lui ont fait tant de vilainies (mauvais tours): En soient récompensés en retour. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
V. Deus ad un turnei enpris Entre Enfern e Pareïs, Si mande trestuz ses amis Ki lui volent guarantir Qu’il ne li seient failliz…. Ki ore irat od Loovis. Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor.
Dieu a engagé un tournoi Entre Enfer et Paradis, Et, oui, il mande tout ses amis, Qui veulent le défendre; Qu’ils ne lui fassent pas défaut. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
VI. Char le fiz Deu al Creatur Ad Rohais estre ad un jorn mis : La serunt salf li pecceùr ………………………………… Ki bien ferrunt e pur s’amur Irunt en cel besoin servir ………………………………… Pur la vengance Deu furnir. Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Car s’aime en iert en pareïs Od les angles nostre Segnor.
Car le fils de Dieu le créateur A fixé le jour pour être à Rohais Là seront sauvés les pêcheurs. ……………………………………………. Qui, pour l’amour de lui, frapperont bien et iront le servir en ce besoin ………………………………… Pour accomplir la vengeance de Dieu Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
VII. Alum conquere Moïses, Ki gist el munt de Sinaï ; A Saragins nel laisum mais, Ne la verge dunt il partid La Roge mer tut ad un fais, Quant le grant pople le seguit ; E Pharaon revint après : Il e li suon furent périt. Ki ore irat od Loovis Ja mar d’enfern avrat pouur, Char s’aime en iert en parais Od les angles nostre Segnor.
Allons conquérir Moïse, Qui gît au Mont Sinaï Ne le laissons plus aux Sarrasins, Ni la verge qu’il utilisa pour séparer La mer rouge d’un seul coup Quand le grand peuple le suivit ; Et Pharaon qui le poursuivait vit périr lui et les siens. Celui qui désormais ira avec Louis Ne redoutera plus jamais l’enfer Car son âme sera (mise) en Paradis Avec les anges de notre seigneur.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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