Sujet : citation, Moyen Âge chrétien, fine amor, amour courtois, historien médiéviste, sociologie, histoire médiévale Auteur : Jacques le Goff Livre : L’Europe est-elle née au Moyen Âge ? (1964)
Bonjour à tous,
ur la question de la réalité de l’amour courtois dans les pratiques amoureuses, l’historien et médiéviste Jacques le Goff nous donnait, en 1964, sa vision des choses. Selon lui, si l’amour courtois est sans doute sorti des livres et de la littérature pour la plus haute noblesse, il ne s’est pas étendu à des classes sociales plus modestes.
« Il est remarquable que la fin’amor et, dans une moindre mesure, l’amour courtois ne peuvent naître et se développer qu’en dehors du mariage. Un exemple typique est l’amour qui unit Tristan et Iseut. Cet amour est donc en fait en contradiction avec l’action de l’Église sur le mariage. Il a même, parfois, revêtu un caractère quasi hérétique. Mais la grande question est, s’agissait-il d’amour platonique ou incluant des relations sexuelles, et, dans la continuité de cette interrogation, l’amour courtois a-t-il été un amour réel ou un amour imaginaire, s’est-il développé dans la réalité sociale vécue, ou seulement dans la littérature ? Il est indéniable que l’amour courtois a eu des incidences sur la pratique réelle de l’amour et l’expression réelle des sentiments amoureux. Mais je pense qu’il a été essentiellement un idéal qui n’a guère pénétré dans la pratique. Et surtout, c’est un amour aristocratique dont il est peu probable qu’il se soit diffusé dans les masses. »
Jacques le Goff – L’Europe est-elle née au Moyen Âge ?
Un amour de papier ?
Dans un article précédent, nous posions quelques réflexions sur la transgression et les possibles conséquences de certains passages à l’acte dans les classes concernées. L’amour courtois ne nous semble pas, à cet égard non plus, avoir révolutionné, en quelque manière que ce soit, la bonne marche de la société médiévale. L’organisation des lignages est demeuré inchangée. Les cloisons de la moyenne noblesse vers la haute noblesse sont demeurées étanches.
En ce sens, s’il a pu introduire certaines valeurs idéales dans les mœurs (élévation du rôle de la femme, respect du désir féminin, position haute et active contre amant au service, etc…), il n’est pas un vecteur de changement social majeur. Vous pouvez consulter cet article ici : monde littéraire, monde médiéval, réflexions sur l’amour courtois au Moyen Âge.
En vous souhaitant une bonne journée.
Frédéric EFFE
Moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, Gethsémani Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 29 « Nas mentes sempre teer » Ensemble : Micrologus Album : Madre de Deus (1998)
Bonjour à tous,
u cour de nos nombreuses pérégrinations autour du Moyen Âge, nous avons entrepris, il y a quelque temps, l’exploration et la traduction des Cantigas de Santa Maria. Rédigés en galaïco-portugais, ces chants dévots du XIIIe siècle furent compilés, et peut-être même écrits pour certains, de la main du roi Alphonse X de Castille. Un grand nombre d’entre eux ont trouvé leur inspiration dans les récits de miracles liés au culte marial qui circulaient alors en Espagne et même au delà. Certains provenaient d’ouvrages écrits par divers religieux, d’autres plus directement de récits de pèlerins.
La cantiga 29 ou l’apparition de l’image
de la vierge sur une pierre
Aujourd’hui, nous nous penchons sur la Cantiga de Santa Maria 29. Il s’agit donc d’un nouveau récit de miracle. Il conte l’apparition miraculeuse d’un image de la vierge à l’enfant sur une « pierre » et se réfère à un récit de pèlerins s’étant rendu à Gethsémani. Nous tenterons de jeter quelques lumières sur tout cela. Pour illustrer cette présentation, nous vous proposons également l’interprétation de ce chant marial par l’ensemble italien Micrologus dirigé par la talentueuse Patrizia Bovi.
La Cantiga de Santa Maria 29 par l’Ensemble Micrologus
Les cantigas d’Alphonse X par Micrologus
Si l’on peut trouver la pièce du jour sur la chaîne Youtube de Micrologus, elle provient d’une production de l’ensemble médiéval, datée de 1998 et dédiée aux Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X. Intitulé Madre de Deus, l’album présente quinze cantigas. On le trouve disponible à la vente en ligne sous forme CD et même sous forme de fichiers MP3. Lien utile : Madre de Deus, Cantigas de Santa Maria.
Pour en apprendre plus sur cette formation médiévale italienne, vous pouvez également consulter l’article suivant : portrait de Micrologus.
La vierge de Gethsémani : aux origines de la cantiga de Santa Maria 29
Dans les Évangiles, Gethsémani est désigné comme le lieu de la dernière cène. Avec le temps, on l’a associé à plusieurs endroits. Situé à l’est de Jérusalem, il peut désigner le mont des Oliviers ou, de manière plus spécifique, son jardin ou même encore la grotte de Gethsémani qui se situe non loin. En l’occurrence et dans la cantiga de Santa Maria 29, il est vraisemblablement fait référence à l’église du sépulcre de la Sainte Vierge. Suivant le récit ayant inspiré ce chant, c’est, en effet, à l’intérieur du tombeau supposé de Marie et sur une de ses colonnes, que se trouvaient les représentations dont l’auteur nous conte qu’elles n’étaient ni des peintures, ni des sculptures, mais des apparitions miraculeuses.
Le Liber Mariae de Juan Gil de Zamora
Ci-contre, miniature du
Manuscrit médiéval MS T.I 1
de la Biblioteca del Monasterio
de El Escorial, Madrid
D’après les sources, la datation de ce miracle est contemporaine de l’Espagne d’Alphonse X. Il est toujours possible qu’elle soit antérieure, mais, factuellement, on le retrouve dans le Liber Mariae du franciscain Juan Gil de Zamora (1241(?)-1318). Secrétaire du roi et tuteur de son fils Sancho, l’homme était lui-même un érudit. Il collabora aux différentes œuvres du monarque espagnol et, entre les nombreux ouvrages qu’il a légués, son Liber Mariae, compilation de divers récits de miracles mariaux, a, semble-t-il, compté pour la rédaction des Cantigas de Santa Maria.
Hypothèse de médiévistes sur la cantiga 29
Deux historiens américains, spécialisés dans la littérature médiévale espagnole et contemporains du XXe siècle, se sont penchés sur le miracle de la Cantiga 29 (Keller John Esten and Richard P. Kinkade, Myth and Reality in the Miracle of Cantiga 29, la Corónica, 1999). De leurs côtés, ils ont rattaché l’origine possible de ce récit à la Basilique de la Nativité de Bethléem, elle-même sur la route des pèlerinages. On aurait trouvé, en effet, sur les colonnes de cette dernière, des images peintes, dont notamment une de la vierge à l’enfant. Ces peintures ont été datées de 1130 et la technique utilisée pour les exécuter aurait été particulièrement novatrice pour l’époque ; elle permettait, en effet, de peindre sur le marbre préalablement poli. Selon ces deux auteurs, plus d’un siècle après l’exécution de cette oeuvre représentant la vierge et face à la particularité de la technique usitée et son effet d’incrustation, certains pèlerins auraient pu voir là la trace d’un miracle.
A plus de 700 ans de là et quelle que soit la validité de cette hypothèse, voici les paroles de cette Cantiga de Santa maria 29, accompagnées d’une traduction en français moderne, effectuée par nos soins.
La Cantiga de Santa Maria 29 : traduction
du galaïco-portugais au français moderne
Esta é como Santa Maria fez parecer nas pedras omages a ssa semellança.
Celle-ci (cette cantiga) conte comment Sainte-Marie fit apparaître sur des pierres des images à sa ressemblance (des images d’elles).
Nas mentes sempre tẽer devemo-las sas feituras da Virgen, pois receber as foron as pedras duras.
Dans nos esprits, toujours nous Devons garder les prouesses* (actions, œuvres ?) De la vierge car elles furent Gravées sur des pierres dures.
Per quant’ eu dizer oý a muitos que foron i, na santa Gessemani foron achadas figuras da Madre de Déus, assi que non foron de pinturas.
Nas mentes sempre tẽer …
Parce que j’ai entendu dire Par de nombreuses personnes qui allèrent là bas En la Sainte Gethsémani Qu’on y a trouvé des images De la mère de Dieu, telles Qu’elles n’étaient pas des peintures.
Refrain…
Nen ar entalladas non foron, se Déus me perdôn, e avia y fayçôn da Sennor das aposturas con séu Fill’, e per razôn feitas ben per sas mesuras.
Nas mentes sempre tẽer …
Elles n’avaient pas non plus été sculptées, Et, que Dieu me pardonne, On y voyait les traits Et l’élégance de la dame Avec son fils, et elles étaient bien faites,
Avec raison et de justes mesures (dimensions, proportions).
Refrain…
Porên as resprandecer fez tan muit’ e parecer, per que devemos creer que é Sennor das naturas, que nas cousas á poder de fazer craras d’ escuras.
Nas mentes sempre tẽer …
Par conséquent, il (Dieu) les fit resplendir Et apparaître de manière si parfaite Que nous devons croire Qu’elle est la dame de la nature Qui, sur les choses, a le pouvoir De changer l’obscurité en clarté.
Refrain…
Déus x’ as quise figurar en pédra por nos mostrar que a ssa Madre onrrar deven todas creaturas, pois deceu carne fillar en ela das sas alturas.
Nas mentes sempre tẽer …
Dieu voulut la figurer Sur la pierre pour nous montrer Que toutes les créatures
Doivent prier sa mère Car il est descendu pour s’incarner En elle, depuis les hauteurs (le ciel).
Sujet : citation, moyen-âge chrétien, Diable, représentations médiévales, historien médiéviste Auteur : Jacques le Goff Livre : L’Europe est-elle née au Moyen-âge ? (1964)
Bonjour à tous,
ans son ouvrage L’Europe est-elle née au Moyen-âge, l’historien médiéviste Jacques le Goff nous parlait de ce « Diable qui s’agite » à partir des XIe et XIIe siècles.
« A partir des XI, XIIe siècles, (…) plus que jamais, le salut des hommes et des femmes dépend du résultat d’un conflit constant. Celui du combat entre les vertus et les vices. On les représente, les vertus, comme des chevaliers fortement armés, et les vices comme des guerriers païens désordonnés. Le monde du péché est plus que jamais dominé par les agressions du diable, cet « ennemi du genre humain », qui se déchaîne pendant cette période où il atteint une grande popularité et soulève des peurs accrues. (…).
Le diable effraie et torture l’homme par des apparitions, des hallucinations, des métamorphoses, par exemple en animaux, des fantasmes, qui cherchent constamment à le faire tomber dans le péché et à en faire un gibier d’enfer. Certes, l’Église organise la lutte contre le diable et l’Enfer ; exorcisme, prières, purgatoire, font partie de cet arsenal de défense contre Satan. Mais, dans ce monde où le pouvoir a toujours des formes impériales, Satan est en train de devenir celui que Dante appellera « l’imperador del regno doloroso ». »
Jacques le Goff – L’Europe est-elle née au Moyen-âge ?
Au passage, pour mieux vous plonger dans l’esprit de ce que nous décrit ici Jacques le Goff, nous vous invitons à découvrir notre dernier roman sur fond de moyen-âge historique : Frères devant Dieu ou la Tentation de l’alchimiste. (trailer utube au lien suivant). Il vous entraînera dans un monde médiéval, entre ombre et lumière, avec son lot de superstitions, de méfiance et d’ignorance, dans lequel le malin et ses tours ne sont jamais très loin.
En vous souhaitant une bonne journée.
Frédéric EFFE
Moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : citations, moyen-âge, histoire médiévale, monde médiéval, voyage, historien médiéviste. Auteur : Jacques le Goff, Jean-Louis Schlegel Ouvrage : Le Moyen Âge expliqué aux enfants (2006)
« Il ne s’agit certes pas de refaire le Moyen Âge, mais de ne pas oublier que les hommes et les femmes de cette période sont nos ancêtres, qu’il est un moment essentiel de notre passé, et donc qu’un voyage au Moyen Age vous donnera le double plaisir de rencontrer à la fois l’autre et vous-même. »
Jacques Le Goff, historien médiéviste (1924-2014) Le Moyen Âge expliqué aux enfants, Edition Le Seuil (2006)