Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère d’Arras, chant polyphonique, rondeau, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre : Bonne amourete me tient gai Interprète : Ensemble Sequentia Album: Trouvères, chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil (1987)
Bonjour à tous,
ous repartons, aujourd’hui, au XIIIe siècle et dans le nord de France, pour y découvrir un nouveau rondeau courtois d’Adam de la Halle. Ce célèbre trouvère qu’on trouve aussi référencé dans les manuscrits comme le bossu d’Arras, est considéré comme un des derniers trouvères. Il préfigure, en effet, par son œuvre à la fois monodique et polyphonique, les premiers compositeurs du Moyen Âge central et nous a laissé des pièces variées qui sont encore jouées, de nos jours, par les meilleurs ensembles médiévaux.
Un rondeau courtois plein de légèreté
La chanson du jour est un nouveau rondeau polyphonique courtois. On y trouvera le poète tout en joie d’être en amour et d’avoir trouvé une compagne. La pièce est courte, rondeau oblige, et bien qu’elle soit dans la vieille langue d’Oïl d’Adam de la Halle quelquefois un peu ardue, sa compréhension ne pose guère de difficultés.
Pour ce qui est des sources manuscrites, nous avons choisi de vous présenter ce rondeau courtois tel qu’on le trouve dans le manuscrit médiéval Français 25566 de la BnF, connu également sous le nom de chansonnier français W. Sur plus de 280 feuillets, cet ouvrage originaire d’Arras et daté du XIVe siècle contient un grand nombre de pièces, entre chansons notées et pièces littéraires d’auteurs divers. Vous pouvez le consulter, à tout moment, sur le site Gallica.fr.
Les grands trouvères des XIIIe et XIVe siècles par l’ensemble Sequentia
Une fois de plus, nous avons choisi, pour l’interprétation musicale de ce rondeau, l’incontournable double-album « Trouvères,Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (Trouvères : chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) de l’Ensemble médiéval Sequentia, sous la houlette de Benjamin Bagby et de Barbara Thornton.
Enregistré en 1982 et sorti au format CD en 1987, ce double opus et ses 43 pièces continuent de faire référence en matière de musique médiévale des XIIIe et XIVe siècles. Comme nous lui avions déjà dédié un long article, nous vous invitons à vous y reporter pour en savoir plus sur cette anthologie musicale.
Bien qu’il ait été réédité chez Sony en 2009, ce double-album peut s’avérer un peu difficile à trouver. Pour le débusquer, quelques recherches seront donc à prévoir chez votre disquaire préféré. En ligne, il est disponible sur un certain nombre de plateformes, au format MP3. Voici un lien utile pour plus d’informations.
Musiciens & artistes ayant participé à cet album
Barbara Thornton (voix, chifonie), Benjamin Bagby (voix, harpe, organetto), Margriet Tindemans (violon, psaltérion), Jill Feldman (voix), Guillemette Laurens (voix), Candace Smith (voix), Josep Benet (voix), Wendy Gillespie (violon, luth).
Bonne amourete me tient gai dans le vieux français d’Adam de la Halle
Bonne amourete Me tient gai ; Ma compaignete* ; Bonne amourete, Ma cançonnete Vous dirai. Bonne amourete Me tient gai.
*compaignete : petite compagne
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, fable médiévale, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poésie morale, oïl. Période : XIIe siècle, Moyen Âge central. Titre : D’une Singesse et de son Enfant Auteur : Marie de France (1160-1210) Ouvrage : Poésies de Marie de France, T2, B de Roquefort (1820)
Bonjour à tous,
ntre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle, Marie de France nous a légué une œuvre fournie, connue notamment pour ses lais et ses ysopets. Pour rédiger ces derniers, la poétesse médiévale s’est inspirée de fables antiques qu’elle dit avoir traduites en anglo-normand depuis un manuscrit anglais ayant appartenu au roi Alfred (848-899). Hélas ! Pour l’instant, ce manuscrit du haut Moyen Âge n’a jamais été retrouvé et certains médiévistes en sont même venus à mettre en doute son authenticité ou, à tout le moins sa datation.
Quoi qu’il en soit, on peut toujours se consoler avec l’œuvre de Marie de France qui, elle, s’est conservée et, aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir une nouvelle fable de cette auteur(e) médiévale considérée, à ce jour, comme une des premières poétesses en langue d’oïl.
Défiance & discrétion dans un monde incertain
Dans la fable du jour, Marie de France mettra en scène une guenon et son enfant pour nous proposer une réflexion sur la discrétion et la vigilance à tenir au moment de vouloir rendre publique notre vie privée, comme nos pensées. D’une part, la guenon de sa fable passera pour « folle » à vouloir à tout prix gagner l’adhésion de tous sur des choses qui l’agréent et l’enthousiasment mais qui restent, finalement, très personnelles. D’autre part, selon la fabuliste médiévale, le monde est peu sûr et tant d’étalage pourrait bien finir par se retourner contre celle-là même qui s’y adonne.
Dans un premier temps, nous vous proposerons le fable et ses traductions. Nous étudierons ensuite ses sources anciennes et leurs variations.
Concernant les images utilisées pour illustrer cet article, celle d’en-tête comme l’enluminure dans l’illustration ci-dessous, sont des créations réalisées à partir de deux sources principales. Le paysage en arrière plan et le fond de l’enluminure proviennent du Livre de la Chasse de Gaston Febus. Ce manuscrit médiéval, daté du XIVe siècle, est conservé à la BnF sous la référence ms Français 616 ; il est consultable sur Gallica. Pour la guenon, l’ours et le lion, nous les avons extraits du Rochester Bestiary. Ce superbe manuscrit, daté des débuts du XIIIe siècle ( 1230), est actuellement conservé à la British Library sous la référence Royal MS 12 F XIII.
D’une Singesse et de son Enfant dans l’anglo-normand de Marie de France
Une Singesse aleit mustrant A tutes Bestes sun Enfant, Si l’en teneïent tuit pur fole E par sanlant é par parole ; Tant k’à un Liun le mustra. Au commencier li demanda Se il est biax : c’il li a dit Qu’ains plus leide beste ne vit ; Porter li reuve en sa meisun E si recort ceste rèsun. Chascun Houpix prise sa couwe Si s’esmerveille qu’el est souwe.
Cele s’en vait triste et dolente, Un Ors encuntre enmi lasente ; Li Ors s’estut, si l’esgarda Par cointise l’arèsonna. Voi-jeo,fet-il, illec l’Enfant Dunt les Bestes parolent tant, Qui tant parest pruz è gentilx ? Oïl, fet-ele, c’est mes filx. Baille le ça tant que jel’ bès, Qar gel’ wol véir de plus près Cele li baille et l’Ors le prent S’i l’a mengié hastiwement.
Moralité
Pur ce ne devriet nus mustrer Sa priveté ne sun penser ; Car tel cose puet-hum joïr Que ne fet mie à tus plaisir. Par descuvrance vient grand max N’est pas li siècles tuz loiax.
D’une guenon et son enfant adaptée en Français actuel
Une guenon allait montrant A toutes bêtes son enfant Celles-ci la prenaient pour folle Pour ses actes comme ses paroles. Elle le montra jusqu’à un lion A qui, d’emblée elle demanda, en exhibant son rejeton S’il était beau. Le lion lui dit Que jamais bête plus laide ne vit ; Qu’elle le ramène en sa maison, Et se souvienne de ce dicton : Tout renard admire sa queue Et la voyant se sent glorieux.
Celle-ci s’en fut triste et peinée, Puis, croise un ours sur le sentier ; L’ours s’arrête et la regarde Et lui dit d’un ton avisé (1) : « Ainsi voilà donc l’enfant Dont toutes et tous parlent tant Qui a l’air si preux et gentil. » « Oui, répond-elle, c’est mon fils. » Tends-le moi pour que je l’embrasse Car je veux le voir de plus près. Celle ci lui tend. L’ours le prend Et le dévore en un instant.
Moralité
Pour cela, on doit se garder D’étaler secrets & pensées (2); Car certaines choses peuvent réjouir Qui ne fassent à d’autres plaisir. En les exhibant, vient grand mal Ce siècle (les temps) n’est pas toujours loyal.
(1) Cointise : gentillesse, amabilité, affabilité, coquetterie mais aussi ruse, hardiesse. (2) « Sa priveté ne sun penser » : choses privées, intimité, pensées, opinions. Il semble que Marie de France ait voulu ici tout englober.
En remontant le fil de cette fable
On trouve diverses sources qui, une fois croisées, peuvent permettre de remonter le fil de cette fable de Marie de France. Ici, nous reviendrons à Esope, à Phèdre mais aussi à Avianus, pour ce qui est des sources les plus anciennes. Puis, nous verrons au passage quelques versions plus modernes de ces mêmes sources avec La Fontaine et Isaac de Benserade.
Les deux besaces, d’Esope à Phèdre
« Jadis Prométhée, ayant façonné les hommes, suspendit à leur cou deux sacs, l’un qui renferme les défauts d’autrui, l’autre, leurs propres défauts, et il plaça par devant le sac des défauts d’autrui, tandis qu’il suspendit l’autre par derrière. Il en est résulté que les hommes voient d’emblée les défauts d’autrui, mais n’aperçoivent pas les leurs. On peut appliquer cette fable au brouillon, qui, aveugle dans ses propres affaires, se mêle de celles qui ne le regardent aucunement.«
Les fables d’Esope, Emile Chambry, Ed Les belles Lettres (1927)
Longtemps après Esope (564 av. J-C), on retrouvera, à peu de chose près, la même fable chez Phèdre (14 av. J.-C-50 apr. J.-C) :
« Jupiter nous a fait porteurs de besaces ; il a rempli la poche de derrière de nos propres défauts, & a chargé celle de devant des défauts d’autrui. Delà vient que nous ne pouvons voir nos défauts, & que nous censurons les autres aussitôt qu’ils manquent (commettent une faute). »
Fables de Phèdre affranchi d’Auguste en Latin et en François, Ed Marc Michel Rey (1769)
La guenon et Jupiter, de Flavius Avianus
Les besaces des fables d’Esope et de Phèdre sont sans doute trop courtes et laconiques pour avoir inspiré Marie de France. En revanche, on trouvera d’évidente similitude entre la fable de cette dernière et celle de la Guenon et Jupiter du poète romain Flavius Avianus (IVe, Ve siècle avant notre ère). Lui-même s’est inspiré de ses prédécesseurs et on reconnaîtra, entre ses lignes, la paraboles des deux besaces du fabuliste grec ou de Phèdre même si elle est ici, largement remaniée et délayée.
« Jupiter voulut une fois connaître lequel de tous les êtres qui peuplent l’univers produisait les plus beaux rejetons. Toutes les espèces de bêtes sauvages accourent à l’envi aux pieds de sa grandeur, et celles des champs sont forcées de s’y rendre avec l’homme. Les poissons écailleux ne manquent point à ce grand débat, non plus que tous les oiseaux qui s’élèvent aux régions les plus pures de l’air. Au milieu de ce concours, les mères, tremblantes, conduisaient leurs petits, sur le mérite desquels devait prononcer un si grand dieu. Alors, à la vue d’une Guenon à la taille courte et massée qui tramait après elle son hideux enfant, Jupiter lui-même fut pris d’un fou rire. Cependant cette mère, la plus laide de toutes, essaya de dissiper les préventions dont sa progéniture était l’objet. Que Jupiter le sache bien, dit-elle : si la palme soit appartenir à quelqu’un, c’est à celui-ci qui l’emporte sur tous les autres, à mon avis. L’homme est ainsi fait : il se complaît dans ses œuvres, tout imparfaites qu’elles puissent être. Pour vous, ne louez rien de ce que vous avez fait avant d’être sûr déjà de l’approbation d’autrui. »
Les Fables d’Avianus par Jules Chenu Edition CLF Panckoucke (1843)
Les enfants de la guenon, d’Esope
Revenons chez Esope à nouveau pour mentionner une autre fable qui pourrait avoir fait partie des sources ayant inspiré Marie de France. Dans ce récit antique, il est encore question d’une Guenon. Cette fois-ci, ayant donné naissance à deux petits, cette dernière négligera totalement l’un deux et reportera tous ses soins sur l’autre, au risque de l’étouffer par amour et de le tuer involontairement. De son côté, celui qu’elle avait délaissé, deviendra grand et fort. Les guenons, dit-on, mettent au monde deux petits ; de ces deux enfants elles chérissent et nourrissent l’un avec sollicitude, quant à l’autre, elles le haïssent et le négligent. Or il arrive par une fatalité divine que le petit que sa mère soigne avec complaisance et serre avec force dans ses bras meurt étouffé par elle, et que celui qu’elle néglige arrive à une croissance parfaite. Cette fable montre que la fortune est plus puissante que toute notre prévoyance.
Fables d’Ésope, Émile Chambry, Les belles Lettres (1927)
Comme on le voit, dans cette fable, la morale d’Esope se dirige plus vers le sort contre lequel on ne peut rien. Elle n’a donc pas grand chose en commun avec la « Singesse » de Marie de France, si ce n’est l’amour que la primate porte à son rejeton et qui finira, dans les deux cas, par tuer ce dernier. Au passage, Avianus reprendra également cette fable à la suite d’Esope mais, chez lui, la négligence de la mère aura permis de fortifier celui qui a su grandir humblement et dans l’adversité : « Ainsi l’indifférence est parfois utile ; la chance tourne, et les plus humbles s’élèvent d’autant plus haut. » (op cité)
En faisant un grand bond dans le temps, par dessus le Moyen Âge, au XVIIe siècle, l’écrivain et dramaturge Isaac de Benserade tirera de cette même fable de la guenon et ses deux petits, un quatrain qui pourrait s’approcher, indirectement, des leçons que tire Marie de France dans sa fable :
« Embrassant ses petits le singe s’en défait Par une tendresse maudite. À force d’applaudir soi-même à ce qu’on fait L’on en étouffe le mérite.«
Fables d’Ésope en quatrains, Isaac de Benserade, Editions Sebastien Mabre-Cramoisy (1678).
Une fable « sociale » chez Marie de France
Près de 15 siècles après Esope et 5 siècles avant Benserade, on voit bien comment chez Marie de France, la leçon prend, au passage, une dimension plus sociale. Sa fable interpelle, en effet, le bavard ou le vantard autant que le monde autour de lui. Il ne s’agit plus seulement de la relation critique à autrui et du manque de recul. Chez la poétesse du XIIe siècle, « le siècle est devenu déloyal ». Autrement dit, les temps sont à la défiance : il y a danger à exposer ses secrets, ses pensées ou son intimité aux autres pour des raisons qui touchent au contexte social lui-même.
Certes, la guenon est marginalisée par la société des bêtes, pour son insistance à exhiber aux yeux de tous sa progéniture. Dans sa grande noblesse, le lion aura la bonté de ne pas tirer parti de la faiblesse de la primate. Il lui fera même ouvertement la leçon. Hélas pour elle, l’ours ne sera pas si clément, ni loyal. Pourtant, au sortir, Marie ne blâme pas tant la guenon pour son excès de confiance ou sa naïveté qu’elle ne nous alerte sur des temps devenus dangereux et un monde qui n’est plus bienveillant : mieux vaut voiler ses choses privées, ses pensées et user de méandres pour s’exprimer en public et c’est d’ailleurs ce qu’elle fait en utilisant le genre de la fable. L’usage de la métaphore animalière contient, en quelque sorte, un renforcement de son propos. En terme de moralité, nous nous sommes éloignés des fables des anciens.
La besace de Jean de La Fontaine
Longtemps après Marie de France, on retrouve chez La Fontaine, une fable du nom de La Besace qui reprend la même mise en scène que celle utilisée par Avianus.
Jupiter y convoque les animaux pour qu’ils s’expriment, chacun, sur leur propre forme et les défauts qu’ils se trouvent. Le singe passe en premier. Puis suivent l’ours, l’éléphant, la fourmi, la baleine, et tous se comparant aux autres se trouveront mieux formés. En terme de moralité, cette fable de La Fontaine renouera avec Esope en revenant à l’adage de « la poutre dans son propre œil contre la paille dans celui du voisin » :
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes On se voit d’un autre œil qu’on ne voit son prochain. Le Fabricateur souverain Nous créa Besaciers (porteurs de besace) tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d’aujourd’hui Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d’autrui.
Fables de La Fontaine illustrées par Grandville, Livre premier, Ed Furne et Cie Libraire (1842)
Sur les inspirations de Marie de France
Bonne nouvelle ! Si le manuscrit du roi Alfred sur lequel Marie de France dit s’être appuyée n’a jamais été retrouvé, en 2020, Baptiste Laïd, agrégé en lettres classiques et expert en littérature médiévale, s’est attaqué au sujet des sources ayant pu inspirer la poétesse du Moyen Âge central. Il leur même a consacré sa thèse avant de la faire publier, en 2020, chez Honoré Champion. Vous pourrez la trouver en librairie sous le titre, L’élaboration du recueil de fables de Marie de France. Trover des fables au XIIe siècle. C’est un ouvrage que nous vous recommandons si vous voulez approcher de peu plus près ces questions. Il est également disponible en ligne ici.
Une pensée sur notre modernité
Sur une note plus actuelle, cette fable nous semble résonner de manière plutôt édifiante, notamment à l’heure des réseaux sociaux. Depuis l’avènement de ces derniers, il semble, en effet, qu’on ait assisté à une exposition toujours plus avancée de choses qui, naguère, relevaient encore du privé. L’évolution a été foudroyante. Elle ne s’est étalée que sur quelques années, deux décennies tout au plus, mais elle a touché en profondeur les frontières du privé et du public, avec des conséquences dont les gens ne sont pas toujours conscients et dont ils ont, quelquefois, fait les frais à leur dépens.
A ce propos, on pourra citer, par exemple, ce faux magicien (hollandais, je crois) qui, il y a quelques années, avait fait le buzz avec une expérience assez intéressante. Cette dernière consistait à faire entrer des gens sous une tente aménagée pour l’occasion et à les filmer. Après quelques « rituels » divinatoires » (simulés donc), il leur faisait des révélations très privées et personnels sur eux-mêmes qui les laissaient tous, sous le choc, et littéralement subjugués par son grand pouvoir.
L’effet durait jusqu’au moment où il leur confessait avoir trouvé toutes ces informations à leur égard, simplement en épluchant leur compte Facebook et leur profil sur les réseaux sociaux. N’étant en rien magicien, il faisait justement cela pour faire prendre conscience au public de ce qu’une fois pris dans le jeu des réseaux sociaux et du partage d’informations sur sa vie privée, on peut finir par divulguer de soi-même et sans s’en rendre compte, bien plus de choses que l’on a conscience.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : chanson, médiévale, roi troubadour, roi poète, trouvère, vieux-français, langue d’oïl, amour courtois, chant de croisade. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Thibaut de Champagne (1201-1253) Titre : « Dame, einsi est qu’il m’en couvient aler » Interprète : Modo Antiquo, Bettina Hoffmann Album : Secular Songs & Dances From The Middle Ages (2006)
Bonjour à tous,
u Moyen Âge central, Thibaut IV, comte de Champagne et roi de Navarre s’adonne à la poésie et à l’art des trouvères. Le talentueux roi compositeur qu’on surnommera, bientôt, Thibaut le Chansonnier, léguera une œuvre abondante encore reconnue, de nos jours, parmi les fleurons de la lyrique courtoisie de la première moitié du XIIIe siècle. Aujourd’hui, nous vous entraînons à la découverte d’une nouvelle pièce tirée du legs du noble champenois avec, à l’appui, sources, commentaires, traduction et une interprétation par une formation de musiques médiévales contemporaine, l’ensemble Modo Antiquo dirigé par Bettina Hoffman.
La douleur du partir au moment des croisades
La pièce du jour est souvent classée dans les chants de croisade même si sa thématique est double et qu’elle traite aussi de la « dure départie », autrement dit la douleur de la séparation, en l’occurrence, au moment de prendre la croix pour se rendre en terre lointaine.
On se souvient de deux autres chansons de Thibaut sur le thème de la croisade. Il y eu d’abord Au tans plein de félonie écrit une dizaine d’années auparavant. On n’y sentait le noble assez tiède et critique vis à vis de l’expédition en terre sainte. et il s’y montrait déjà réticent de s’engager pour tout laisser, y compris sa belle. Nous avions eu également l’occasion d’étudier la célèbre chanson « Seigneurs sachiez qui or ne s’en ira » écrite plus près de celle du jour et dans laquelle Thibaut de Champagne exhortera, cette fois, de manière énergique et autoritaire, ses contemporains à prendre la croix.
Sur le fond, la pièce que nous vous proposons d’étudier, aujourd’hui, est un peu entre les deux. Nous nous situons autour de 1238-1239, Thibaut s’est, cette fois, résolu à partir en expédition mais la séparation reste dure. Il lui coûte toujours de laisser la dame de son cœur et, de ce point de vue, le texte se tient dans le registre courtois et amoureux. En revanche, il n’est plus question de reculer et s’il est triste, le roi de Navarre se dit aussi joyeux de servir Dieu. Il acceptera même de trouver refuge auprès du culte marial en troquant ses amours temporelles contre une dame plus spirituelle.
Sources manuscrites d’époque
On retrouve cette pièce dans un certain nombre de manuscrits anciens. Pour l’illustration d’aujourd’hui et pour la notation musicale, nous avons choisi de vous la présenter telle qu’elle apparaît dans le Chansonnier Cangé. Le roi de Navarre y côtoie de nombreux autres trouvères qui lui sont contemporains ou antérieurs : Blondel de Nesle, le Chastelain de Coucy, Gace Brûlé, et quelques autres.
Ce célèbre ouvrage médiéval, daté de la dernière partie du XIIIe siècle, est conservé sous la référence ms Français 846 au département des manuscrits de la BnF et également consultable en ligne sur Gallica. Pour la graphie moderne de ce texte, nous avons fait appel à l’ouvrage « Les Chansons de Croisade » de Joseph Bédier et Pierre Aubry, sorti en 1909 aux éditions Honoré Champion. Pour son interprétation, nous vous entraînons du côté de l’Italie et de Florence avec l’ensemble Modo Antiquo sous la direction de Bettina Hoffmann.
L’ensemble médiéval italien Modo Antiquo
Fondé en 1984, à Florence, par Federico Maria Sardelli, la formation Modo Antiquo exerça d’abord ses talents dans un répertoire qui s’étendait du Moyen Âge à la renaissance et au baroque. Quelques années plus tard, son directeur le fera évoluer vers un brillant orchestre de 25 musiciens qui se fera connaître et même récompensé pour ses interprétations dans le domaine de la musique classique et baroque.
C’est à cette période de transition que sera formé l’ensemble médiéval Modo Antiquo, formation plus réduite dirigée par la violoncelliste, joueuse de viole de gambe et musicologue allemande Bettina Hoffman, elle-même épouse du directeur et musicologue italien. En près de 25 ans de carrière, cette formation spécialisée dans les musiques du Moyen Âge, a déjà eu l’occasion d’explorer de nombreuses thématiques : de Carmina Burana et des chants de goliards jusqu’à des chants de croisades, des danses italiennes des XIIIe et XIVe siècles ou encore les plus belles pièces des maître de musique de l’école Florentine et de Francesco Landini.
Secular Songs & Dances from the Middle Ages, un coffret complet de musique médiévale
En 2006, la formation médiévale faisait paraître un coffret de pas moins de 6 CDs dédié aux chants et danses profanes du Moyen Âge. Avec plus de 6 heures d’écoute, il comprend 2 Cds sur les Carmina Burana, 2 sur les musiques et les chants de croisade et enfin deux autres sur les danses de la France, l’Italie et l’Angleterre médiévale : estampie royale, trotto, saltarello et « tutti quanti ». Autrement dit, une belle somme d’œuvre majeures du Moyen Âge.
Notre pièce du jour trouve sa place sur le premier CD dédié aux musiques et chants de croisade et sur la deuxième partie de celui- ci, dédié justement à « la dure départie ». La première partie de ce même CD porte sur « l’appel à la croisade ». Le deuxième CD aborde, quant à lui, la difficulté des expéditions et leur conséquences, dans une première partie, et les récompenses du chevalier à l’arrivée dans la Jérusalem céleste, dans une deuxième.
Avec 27 pièces dédiées aux musiques des croisades, ces deux opus nous gratifient d’un bon nombre de compositions familières (voir nos articles sur les chants de croisade). La plupart sont en vieux français et en oïl, mais on en trouve, également, un certain nombre en latin, et même une en allemand. Les deux chansons de croisade de Thibaut de Champagne susmentionnée s’y trouvent en compagnie de celle du jour et, du point de vue des autres signatures, le noble est bien entouré : le Chastellain de Couci, Huon d’Oisi, Richard Cœur de Lion, Guiot de Dijon, … et encore de nombreuses auteurs d’époque demeurés anonyme.
Cet impressionnant coffret de l’ensemble italien, est toujours disponible à la vente. Il est édité chez Brillant Classics et on le trouve même au format digitalisé. Voici un lien utile pour plus d’informations : Chants et danses profanes du Moyen Âge de Modo Antiquo.
« Dame, einsi est qu’il m’en couvient aler« en vieux-français et sa traduction
Dame, ensi est qu’il m’en couvient aler Et departir de la douce contree Ou tant ai maus apris a endurer; Quant je vous lais, droiz est que je m’en hee. Deus! pour quoi fu la terre d’Outremer, Qui tant amant avra fait dessevrer Dont puis ne fu l’amors reconfortee, Ne n’en porent leur joie remenbrer !
Dame, c’est ainsi qu’il me faut m’en aller Et me séparer de la douce contrée Où j’ai tant appris à endurer de maux ; Et comme je vous laisse, il est juste que je me haïsse. Dieu ! pourquoi avoir fait la terre d’outre-mer, Qui aura séparé tant d’amants, Qui, ensuite, n’eurent le réconfort d’amour Ni ne purent s’en remémorer leur joie ?
Ja sans amor ne porroie durer, Tant par i truis fermement ma pensee ! Ne mes fins cuers ne m’en lait retorner, Ainz sui a lui la ou il veut et bee. Trop ai apris durement a amer, Pour ce ne voi conment puisse durer Sanz joie avoir de la plus desirree C’onques nus hons osast plus desirrer.
Jamais sans amour, je ne pourrais tenir, Tant en lui, j’ai mis fermement ma pensée, Pas d’avantage que mon cœur loyal ne me laisse m’en détourner, Mais je suis avec lui là où il veut et aspire. J’ai trop pris coutume d’aimer ; Aussi je ne vois pas comment je pourrais continuer de vivre, Sans avoir joie de la plus désirée Qu’aucun homme n’osa jamais désirer.
Je ne voi pas, quant de li sui partiz, Que puisse avoir bien ne solas ne joie, Car onques riens ne fis si a envis Con vos laissier, se je ja mès vous voie; Trop par en sui dolens et esbahis. Par maintes foiz m’en serai repentiz, Quant j’onques voil aler en ceste voie Et je recort voz debonaires diz.
Je ne vois pas, une fois séparé d’elle Que je puisse avoir ni consolation, ni joie, Car jamais je n’ai rien fait de si mauvais gré Que vous quitter, si je ne devais jamais vous revoir (1) Par quoi j’en suis trop affligé et ému ; Par maintes fois je m’en serai repenti, Quand jamais je ne voulus emprunter cette voie (2) et que je me souviens de vos aimables paroles.
Biaus sire Dex, vers vous me sui ganchis; Tout lais pour vous ce que je tant amoie. Li guerredons en doit estre floris, Quant pour vos pert et mon cuer et ma joie. De vous servir sui touz prez et garnis; A vous me rent, biaus pere Jhesu Cris ! Si bon seigneur avoir je ne porroie: Cil qui vous sert ne puet estre traïz.
Beau seigneur Dieu, c’est vers vous que je me suis tourné ; Pour vous je laisse tout ce que j’aimais tant ; La récompense devra en être belle, Quand pour vous, je perds mon cœur et ma joie. Pour vous servir, je suis tout prêt et garni (de garnison, équipé) : Je m’en remets à vous, beau père Jésus-Christ ;(3) Si bon Seigneur, je ne pourrais avoir : Celui qui vous sert ne peut être trahi.
Bien doit mes cuers estre liez et dolanz: Dolanz de ce que je part de ma dame, Et liez de ce que je sui desirrans De servir Dieu cui est mes cors et m’ame. Iceste amors est trop fine et puissans, Par la covient venir les plus sachans; C’est li rubiz, l’esmeraude et la jame Qui touz guerist des vius pechiez puans.
Mon cœur doit bien être joyeux et affligé : Affligé de ce que je me sépare de ma dame, Et joyeux de ce que je suis désireux De servir Dieu, à qui appartient mon corps et mon âme. Cet amour là est chose trop fine et puissante ; Par là il convient que viennent les plus instruits (4) : C’est le rubis, l’émeraude et la gemme Qui guérit tous les hommes des vils péchés puants.
Dame des cieus, granz roïne puissanz, Au grant besoing me soiez secorranz ! De vous amer puisse avoir droite flame ! Quant dame pert, dame me soit aidanz !
Dame des cieux, grande reine puissante, En mon grand besoin soyez-moi secourable ! ¨Puissé-je vous aimer avec la juste flamme (5) Quand je perds une dame, qu’une dame vienne à mon aide !
Notes
(1)se je ja mès vous voie. J. Bédier traduit : j’en jure sur mes chances de vous revoir un jour. Il ajoute : « J’interprète ces mots comme une application à la dame de la formule de serment : se je ja mes Dieu voie« . (2) aler en ceste voie : entrer dans ce pèlerinage (J Bédier). (3) A vous me rent, biaus pere Jhesu Cris : je me rends à vous comme votre vassal, beau père Jésus-Christ (J Bédier). (4) Notes de Bédier sur ces plus sachants : sont-ils les plus savants (au sens spéculatif), ou plutôt ceux que l’expérience de la vie a rendus les plus sages ? (5) De vous amer puisse avoir droite flame ! Puisse m’éprendre la bonne flamme de l’amour de vous ! (J Bédier)
En vous souhaitant une fort belle journée. Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvères d’Arras, motet, chant polyphonique, ars nova, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre : De ma Dame vient Interprète : Early Music Consort Of London Album : Music of the Gothic Era (1975)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous embarquons pour le Moyen Âge central et la fin du XIIIe siècle pour y découvrir une composition du trouvère Adam de la Halle. Il s’agit d’un motet courtois qui met en scène deux amants différents, un homme et une femme.
A la découverte d’un motet courtois à 3 voix
Le premier protagoniste est un amoureux éconduit. Victime des médisants, il a, semble-t-il, perdu les faveurs de sa belle, mais il ne renonce pas pour autant à son amour pour elle. Quant à la jeune femme éprise, elle est dans l’attente de son amant, un peu à la façon d’une chanson de toile ou d’une cantiga de amigo. Pour tromper son attente, elle décide de renvoyer à ce dernier un objet qu’elle tenait de lui, espérant que le la sorte, il reviendra plus vite vers elle. Comme on le verra, elle aura du mal à se séparer de l’objet auquel elle s’est attachée en ce qu’il lui rappelle son doux ami et lui permet de combler son absence.
Sources manuscrites médiévales
Du point de vue des sources, on citera ici le manuscrit médiéval Français 25566. Ce chansonnier contient un nombre varié de pièces et chansons de poètes et trouvères d’Arras. Adam de la Halle y côtoie Jean Bodel, Jehan Petit d’Arras, Richard de Fournival, Huon de Méri et d’autres auteurs de la même période. Cet ouvrage de la fin du XIIIe siècle est conservé au département des manuscrits de la BnF et il peut être, également, consulté en ligne sur Gallica.
On trouve une version de cette chanson d’Adam de la halle dans le manuscrit ancien H196, dit codex ou chansonnier de Montpellier, actuellement conservé à la Bibliothèque Inter-Universitaire de Montpellier.
Le trouvère Adam de la Halle par le Early Music Consort Of London
Nous avons déjà eu l’occasion de partager sur le site, plusieurs pièces de musiques médiévales et anciennes interprétées par le Early Music Consort Of London. Fondé en 1967 par le talentueux et précoce David Munrow, la formation musicale produisit de nombreux albums jusqu’à son arrêt brutal, en 1976, suite au décès prématuré de son jeune directeur (vous pourrez retrouver un portrait de l’ensemble médiéval ici).
L’album Music of the Gothic Era
En 1975, le Early Music Consort of London revisitait de manière très large, la musique polyphonique des Moyen Âge central à tardif avec un double album généreux de près de 140 minutes de durée pour 59 pièces. Ces dernières vont de l’ars antiqua à l’ars nova, et l’ensemble londonien y gratifiait encore l’auditeur de six pièces de l’Ecole Notre dame, composées par les maîtres de musique Léonin et Perrotin.
Ce bel album a connu un deuxième souffle en 1997 avec une réédition complète au format CD. Aux dernières nouvelles, on peut toujours le trouver chez tout bon disquaire ou à la vente en ligne. Voici un lien utile pour plus d’informations.
Artistes ayant participé à cet album
Contre-ténors : James Bowman, Charles Brett, David James
Ténor : Rogers Covey-Crump, Paul Elliott, Martyn Hill, John Nixon, John Potter
Instrumentistes : Geoffrey Shaw (basse), Oliver Brookes (violon), Eleanor Sloan (rebec, violon), Nigel North (rebec), James Tyler (luth, mandole), Gillian Reid (cloches, psaltérion), Christopher Hogwood (harpe, orgue), David Corkhill (cloches, orgue, timbal ), Michael Laird (cornet), Iaan Wilson (cornet), Alan Lumsden (cornet à piston, trompette à coulisse), David Munrow (flûtes à bec, chalemie, cornemuse)
De ma Dame vient en langue d’oïl avec traduction en français actuel
Le vieux français d’Adam de la Halle n’est pas toujours simple à décrypter. Pour cette fois, nous l’avons donc abondement noté. Cela complique un peu la lecture de l’original mais le code couleur (oïl en vert et en gras) devrait venir à la rescousse pour vous la faciliter. Veuillez noter qu’il s’agit d’une version de travail qui nécessitera quelques ajustements ultérieurs. Une adaptation suivra.
De ma Dame vient Li dous maus que je trai (de traire, ici endurer souffrir) Dont je morrai S’esperanche (espérance) ne me retient. Et la grans joie que j’ai. Car j’aperchoi bien et sai Con m’a grevé (faire du tord) et mellé (de mesler, troubler, rendu confus) Si (si bien) qu’elle m’a tout ensi qu’entrouvllié (oublié) Qui en soloie (avait l’habitude) estre au deseure (au dessus). Diex, quant venra l’eure Qu’aie a li parlé, Et de chou (ce) qu’on m’a mis seure (dont on m’a accusé) Mi escusé ! Très douche amie, Ayés de moi pité , Pour Dieu merchi I Onques n’ama qui Pour si pau haïne déservi. (jamais nul n’aima qui pour si peu mérita la haine) Ne l’ai mie (je ne l’ai nullement mérité), Ains est par envie Con en a mesdist, Et en leur despit (mépris) Maintenant irai, Et pour euls crever (les faire périr, enrager), ferai Meilleur sanlant (figure) que je ne deveroie. Fui te, gaite, fais me voie ! (arrière, garde, laisse-moi passer) Par chi passe gent de joie ; Tart m’est que g’i soie ; (il est bien tant que j’y sois, il me tarde d’y être) Encore m’i avez vous musi (quoique vous m’ayez faire perdre du temps(1)). Si serai-je miex de li (car je serais mieux avec elle) C’onques ne fui, se seulete (car jamais je ne fus si seul) Ancui (encore aujourd’hui) en un destour (détour) Truis m’amiete, (je trouvais ma petite amie) La douchete, (la douce) La sadete, (la gracieuse) Blondete, (belle pleine de grâce, de bonne mine) Saverousete (délicate) , Que Diez doint bonjour.(que Dieu vous salue)
2. Diex coment porroie Trover voie D’aler a celi (celui) Cui amiete je sui, (dont je suis l’amie) Chainturele (petite ceinture), va i En lieu de mi (à ma place), Car tu fus sieve (sienne) aussi. Si m’en conquerra miex. (Ainsi il me conquerra mieux) Mais comment serai sans ti ? (comment me passerais-je de toi petite ceinture) Dieus, chainturele mar vous vi (le malheur est en vous) Au deschaindre m’ochiés (en te débouclant, je m’occis moi-même) De mes griétes (peines, difficultés) à vous me confortoie, Quant je vous sentoie Aimi ! (hélas, aie-mi, interjection de douleur) A le saveur de mon ami. Ne pour quant d’autres en ai (mais j’ai d’autres ceintures) A cleus (fermoirs) d’argent et de soie Pour m’en user; Moi, lasse! comment porroie Sans cheli durer (endurer sans celui) Qui me tient en joie ? Canchonete (chanson) chelui proie (de proier, prie) Qui le m’envoia (la ceinture) Puisque jou (je) ne puis aler là Qu’il enviengne à moi Chi droit, à jour failli (au jour tombé), Pour faire tous ses bons (pour accomplir tous ses désirs) Et il m’orra (de oïr, m’entendra) quant il ert poins (il sera proche) Canter à » haute vois : Par chi (ici) va la mignotise (douceur, coquetterie, gentillesse aimable), Par chi ou je vois (par ici où je vais).
3. Omnes
(1)Dans une autre version, on trouve, « encore que vous ne m’ayez pas nui«
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.