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Lecture audio : la paix de Rutebeuf, trouvère du XIIIe siècle

pauvre_rutebeuf_poesie_medievale_occitan_joan_pau_verdierSujet : poésie médiévale, réaliste, satirique, trouvère, vieux français, langue d’oil, adaptation, traduction.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Média ; lecture audio
Titre : La paix Rutebeuf, la paiz de Rutebuès

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion copial semble que nos pas  nous conduisent du côté du trouvère Rutebeuf depuis quelques jours. Nous allons donc en faire un de plus dans sa direction, aujourd’hui, en vous proposant la lecture audio de la poésie  « la paix de Rutebeuf ».

rutebeuf_lecture_audio_paix_poesie_litterature_medievaleNous avions publié, il  y a quelque temps, un article assez long sur le ce texte avec sa version en vieux-français, son adaptation en français moderne et encore  quelques réflexions  d’ordre plus général sur l’auteur médiéval, aussi nous vous invitons à vous y reporter. Tout est là :  La « paix » de Rutebeuf et quelques reflexions sur le « je » et le « jeu » du poète médiéval.

Comme dans la plupart des lectures audio que nous avons proposées jusque là, les deux versions du texte  ancienne et moderne sont mises en miroir pour vous permettre de mieux suivre et comprendre.

 Pour information et si cela vous intéresse, il existe aussi une  playlist youtube de toutes nos lectures de poésie médiévale ici.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

« Des vertus nécessaires au prince » et à l’exercice du pouvoir, par Eustache Deschamps

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet : poésie satirique, politique, moral, littérature médiévale, ballade, vieux français,  exercice du pouvoir, bonté, prince
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps 1346-1406)
Titre : « Des vertus nécessaires au prince»

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà  quelque temps que nous n’avons publié un peu de la poésie  d’Eustache Deschamps, dit Morel, et cette ballade d’aujourd’hui nous en donne l’heureuse l’occasion. Elle est tirée, à nouveau, de l’ouvrage que l’imprimeur Georges-Adrien Crapelet  édita, au début du XIXe siècle, pour nous présenter une sélection des « Poésies morales et historiques »   de l’auteur médiéval.

C’est une ballade sans envoi, comme ce grand formaliste  et amoureux du style en a tout de même fait quelques unes. Elle nous parle des qualités nécessaires à l’exercice juste du pouvoir. Il y est question de bonté, d’équanimité et bien d’autres choses encore.

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 Dans l’Europe chrétienne médiévale, un prince qui n’aurait pas soumis sa propre autorité à celle du créateur – et même ici, à l’église, dans une conception toute augustinienne du pouvoir politique dont Eustache Deschamps se fait écho  -, n’aurait pas été concevable. On y trouve donc aussi et bien évidemment cette dimension. La concernant, à   la réserve que chacun mettra ou non en fonction de ses propres croyances sur la nécessité d’aimer Dieu pour gouverner les hommes, le reste de cette poésie morale  en forme de ballade a-t-il résisté au temps ? Encore une fois, et  prenant les précautions d’usage, les vertus et valeurs morales qu’elle prône dans l’exercice du pouvoir semblent bien toujours véhiculer du sens et nous parler, à quelque  six siècles du moment où elles furent couchées sur le papier.

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Ballade des vertus nécessaires au prince

Comment pourroit princes bien gouverner,
Ne grant peuple tenir en union,
S’en soy meismes ne povoit rafrener
Les meurs mauvais de sa condicion.
Il ne pourroit nullement ;
Car seignourir se doit premièrement,
Et corrigier pour l’exemple d’autrui,
Qui veult avoir commun gouvernement,
Si qu’on voie toute bonté en lui.

Premier il doit Dieu et l’Eglise amer,
Humble cuer ait , pitié , compassion
Le bien commun doit sur touz préférer,
Son peuple avoir en grant dilection*,  (*affection, charité)
Estre saige et diligent ;
Vérité ait : tel doit estre régent,
Lent de pugnir, aux bons non faire ennuy,
Et aux mauvais rendre droit jugement,
Si qu’on voie toute bonté en lui.

D’entour lui doit touz menteurs rebouter,
Justice avoir, équité et raison,
Le poure oïr, le plaintif escouter,
À touz venans avoir large maison,
Requérir crueusement* (*cruellement)
Son ennemi , et mener doucement
Ses vraiz subgiez sanz asservir nulli;
Avarice doit haïr mortelement,
Si qu’on voie toute bonté en lui.

Eustache Deschamps

Pour conclure, finissons par une petite question ouverte au regard de l’actualité. Comment l’éviter ? Sous le fard, tout le cirque et les facéties de théâtre de nos politiques « markétisés » et « conseillés »  jusque dans leur couleur de cravate, y-a-t-il, en ces temps d’élections présidentielles, un « prince »  qui soit réellement de ces valeurs et qui en ait  les moyens ? Interrogés sur la question,  sans doute que peu les renierait, mais dans le concret ?

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« Puis qu’en oubli », un chant polyphonique et un rondeau de Guillaume de Machaut

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique, poésie médiévale, chanson,  chants polyphoniques, maître de  musique,  rondeau, loyal amour, amour courtois.
Titre : Puis qu’en oubli
Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprétes : Ensemble  Oxford Camerata

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous proposons la découverte d’un chant polyphonique composé par Guillaume de Machaut, et interprété par l’ensemble anglais  Oxford Camerata.

Nous sommes encore  ici dans le registre du loyal  et « fine » amour que Guillaume de Machaut a su si bien mettre en paroles et en musique. Dans ce rondeau, le maître de musique du Moyen Âge central nous conte ses déboires amoureux. Le voici  donc oublié de son amie, lui promettant pourtant de rester fidèle à l’amour dont il a été confisqué.  Le sujet de l’oubli qui l’aborde ici, comme celui de la crainte d’être oublié  dans l’éloignement sont des  thèmes qu’on recroise  à plusieurs  reprises dans ses poésies et chansons. Voici d’ailleurs l’extrait d’une autre ballade sur le même thème :

« Loing de vous souvent souspir,
Douce dame débonnaire,
Pour ce que trop fort désir
A veoir vo dous viaire.
Mais se vers vous ne puis traire
A mon voloir, je vous pri,
Ne me mettes en oubli. »

Malgré ses exhortations et ses appels du poète,  il semble que  ce  que l’on redoute le plus finisse quelquefois par survenir et  c’est le sujet du chant médiéval que nous vous proposons ici.

L’ensemble Oxford Camerata

Fondé en 1984, en Angleterre, par le chef d’orchestre  Jeremy Summerly, l’ensemble Oxford Camerata était à l’origine un groupe de douze choristes.  Au  fil  des concerts et en fonction des projets,  l’ensemble s’est produit dans des formations plus réduites ou même plus grandes  (jusqu’à  vingt choristes), a capela ou accompagné de formation orchestrale.

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Dans les six premières années suivant leur création, la formation  a proposé principalement un répertoire autour de la période médiévale et renaissance mais depuis les années 90  les artistes ont élargi leur champ  à des pièces qui vont  des chants grégoriens  et polyphoniques du Moyen Âge à un  répertoire  plus moderne.  Entre sa  naissance et l’année 2008, l’Oxford Camerata a légué à la postérité près de trente albums et s’est produit activement en concert au niveau européen, jusqu’à l’année 2015.

Puis qu’en oubli :
paroles et adaptation en français moderne

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Puis qu’en oubli sui de vous, dous amis,
Vie amoureuse et joie à Dieu commant.
Mar vi le jour que m’amour en vous mis,
Puis qu’en obli sui de vous, dous amis.
Mais ce tenray que je vous ay promis,
C’est que ja mais n’aray nul autre amant.
Puis qu’en oubli sui de vous, dous amis,
Vie amoureuse et joie à Dieu commant.

Puisque je suis oublié de vous, douce amie
Je remets à Dieu ma vie amoureuse et ma joie
Malheureux* fut le jour où je mis mon amour en vous,
Puisque je suis oublié de vous, douce amie
Mais je tiendrai ce que je vous ai promis
Jamais je n’aurai d’autre amante
Puisque je suis oublié de vous, douce amie
Je remets à Dieu ma vie amoureuse et ma joie

* Malencontreux, Mal à propos, vain.


En vous souhaitant  une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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La Paix de Rutebeuf ou l’amitié trahi par l’ivresse du pouvoir

pauvre_rutebeuf_poesie_medievale_occitan_joan_pau_verdierSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, vieux français, langue d’oil, adaptation, traduction
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Titre : La paix de Rutebeuf

Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passion‘il n’a pas inventé l’usage du « Je » dans la poésie médiévale, Rutebeuf s’est mis en scène de telle manière dans son oeuvre qu’il semble bien avoir avoir ouvert les portes d’un genre  à part entière dans cet exercice.

deco_frise_medevial_eustache_deschampsBien sûr, il ne s’agit pas avec lui  du « Je » de l’amant transis de l’amour courtois, condamné à convoiter un impossible objet de désir et prisonnier de sa « noble » passion. Non. Le « Je » de Rutebeuf, est bien plus proche de celui de la poésie des Goliards. et c’est aussi celui de l’homme en prise avec son temps, son quotidien, ses travers et ses misères. Il  évolue dans un espace tout à la fois, psychologique, ontologique, social et politique. Il ouvre sur la complainte, la moquerie, la satire sociale et l’auto-dérision, et comme toute satire, il contient encore,  dans le creux de ses lignes, une forme de poésie morale. Dans cet espace où il se tient à découvert, Rutebeuf fait de lui-même, tout à la fois son perpétuel sujet et objet, geignant autant qu’il se rit de ses propres déboires et de ses infortunes, dans une logorrhée qui pourrait, par instants, par ses redondances, donner le  vertige.

De l’auteur à la scène et du je au jeu

De fait, sans parler de ses jeux de langage et de mots qu’il nous coûte parfois de comprendre avec le recul du temps, la limite est si ténue chez lui du drame au rire qu’on a encore du mal, quelquefois, à remettre en perspective son humour. Il est jongleur et trouvère. Ces textes sont donc souvent, on le suppose, joués devant un public  de nobles et de gens de cour mais pas uniquement (voir article sur la place de Grève).

Dans ce passage de l’écrit à l’oral, ou dit autrement des textes qui deco_frise_medevial_eustache_deschampsnous sont parvenus de Rutebeuf au personnage scénique qu’il s’était composé, on peut se demander jusqu’à quel point il forçait le trait dans ses lectures publiques. Allait-il jusqu’à la caricature? Pardon d’avance pour cet anachronisme, mais par instants, il est plaisant d’imaginer que, peut-être, il mettait dans son jeu une touche de Comedia dell’arte, ou disons, pour être plus conforme à son époque, de « farce », que la lecture de ses textes ne peut seule refléter: des rires ajoutés, des regards silencieux et des sous-entendus, le jeu peut-être de ses mains, le mouvement de ses yeux qui roulent de manière comique, etc… Tout s’éclairerait alors différemment et c’est un autre Rutebeuf qui prendrait vie sous nos yeux. Dans sa dimension scénique et  la   distance de  la personne au personnage, dans celle encore du texte littéral à sa représentation, le poète et ses mots prendraient, tout à coup, une autre épaisseur faisant naître une infinité de nuances et de degrés que nous avons peut-être perdu en cours de route.

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Bien sûr, dans cette vision théâtralisée et hypothétique qui n’engage que notre imagination et, à travers la « farce » que deviendrait alors sa prestation, les lignes du drame demeureraient sous le vernis des facéties de l’acteur. Mais pour faire rire en public, avec certains de ses textes, ne fallait-il pas que son jeu rééquilibre ce « Je » en déséquilibre permanent et en perpétuel  disgrâce ? Ou n’est-ce qu’un effet du temps que de penser qu’il fallait nécessairement que Rutebeuf en rajoute pour couvrir d’un voile de pudeur et d’humour cette inflation de « Je » qui sombre, si souvent, dans l’auto-apitoiement ? Alors, un brin de caricature scénique pour ne pas que le tout demeure trop indigeste est-il plausible ? L’hypothèse reste séduisante, mais hélas invérifiable.

deco_frise_medevial_eustache_deschampsBien sûr, peut-être encore que certains de ses textes,  en forme de règlement de compte « moral », laissent  si peu de place à l’humour qu’ils n’étaient pas destinés à être lus publiquement ou peut-être seulement devant une audience choisie? Comment faire le tri? Nous en savons, au fond, si peu sur lui.  C’est un peu le cas de cette poésie du jour aux traits satiriques, amers et acides dans laquelle on n’a tout de même du mal  à  entrevoir l’humour, même en le cherchant bien.  De la même façon, si nous ne savons plus avec certitude à qui Rutebeuf destinait les vers de cette « paix », on s’imagine bien que certains de ses contemporains ne pouvaient l’ignorer. Le texte en question  pourrait prendre alors les contours d’un véritable affront pour celui auquel il se destinait et on a du mal à l’imaginer jouer devant un parterre de nobles visés directement ou indirectement par ses lignes. Et s’il l’a fait, on a du mal croire que la barrière du pseudonyme dont il s’est affublé comme une excuse préalable de sa rudesse ait pu suffire, seule, à lui servir de rempart.

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La « Paix » de Rutebeuf

Aujourd’hui, l’auteur médiéval nous parle encore de ses déboires en amitié comme il le faisait dans son « dit de l’Œil ». Il en profite pour dresser le portrait acide d’un « ascenseur social » qui élevant vers les sommets « l’homme de condition moyenne » (en réalité un noble de petite condition) au rang de seigneur lui fait laisser derrière lui ses amis, et notamment l’auteur lui-même. En un mot Rutebeuf règle  ici ses comptes. Jeux de cour, flatterie, voilà l’ami transfiguré, manipulé et entouré de parasites. Et lui deco_frise_medevial_eustache_deschamps encore, pauvre Rutebeuf, victime laissée à la porte d’une réussite et d’une amitié qui  se sont refermées devant lui, trace de sa plume vitriolée l’ingratitude de l’ami, tout en nommant sa poésie d’un titre qui vient, tout entier, en contredire le propos.  Il est en paix, dit-il et pourtant, il tire à boulets rouges tout du long, sur celui qui, à la merci de ses flatteurs et plein de son nouveau statut, l’a trahi.

Pour le reste, « Benoit est qui tient le moyen » dira quelques deux siècles plus tard Eustache DESCHAMPS paraphrasant Horace et Rutebeuf  encense ici, d’une certaine façon, cette même médiocrité dorée ou la « voie moyenne » qui préfère la fraicheur de l’ombre aux lumières du pouvoir et de la trop grande richesse affichée. Assiste-t’on ici à la naissance d’une poésie « bourgeoise »? Plus que de bourgeoisie, en terme de classe, nous sommes bien plutôt face  à la  petite noblesse et à la poésie de clercs qui en sont issus. La référence à  cet « homme de condition moyenne » ou ce  « moyen » là se situe déjà au dessus des classes populaires ou bourgeoises d’alors.

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Les paroles en vieux français
& leur adaptation en français moderne.

C’est la paiz de Rutebués

Mon boen ami, Dieus le mainteingne!
Mais raisons me montre et enseingne
Qu’a Dieu fasse une teil priere:
C’il est moiens, que Dieus l’i tiengne!
Que, puis qu’en seignorie veingne,
G’i per honeur et biele chiere.
Moiens est de bele meniere
Et s’amors est ferme et entiere,
Et ceit bon grei qui le compeingne;
Car com plus basse est la lumiere,
Mieus voit hon avant et arriere,
Et com plus hauce, plus esloigne.

Mon bon ami, Dieu le protège!
Mais la raison m’invite  et m’enseigne
A  faire à Dieu une prière:
S’il est de condition moyenne, Dieu l’y maintienne!
Car quand il s’élève en seigneur.
J’y perds  bon accueil et honneurs,
L’homme moyen a  de belles manières
Son amitié est droit et sincère.
Et  traite bien ses compagnons (sait gré à qui le fréquente)
Car plus basse est la lumière,
Plus elle éclaire de tous côtés,
Et plus elle  s’élève, plus elle s’éloigne.

Quant li moiens devient granz sires,
Lors vient flaters et nait mesdires:
Qui plus en seit, plus a sa grace.
Lors est perduz joers et rires,
Ces roiaumes devient empires
Et tuient ensuient une trace.
Li povre ami est en espace;
C’il vient a cort, chacuns l’en chace
Par groz moz ou par vitupires.
Li flateres de pute estrace
Fait cui il vuet vuidier la place:
C’il vuet, li mieudres est li pires.

Quand le moyen devient grand Sire,
Lors vient  flatterie et médisance:
Qui mieux les pratique, plus reçoit ses grâces.
Lors sont perdus les jeux, les rires,
Son royaume devient empire
Et tous prennent ce même chemin.
L’ami pauvre  en est écarté;
S’il vient  à  la cour, on   l’en chasse
Par l’injure ou  les grossièretés.
Le flatteur de vil extraction
Vide l’endroit de  qui  il veut:
Et s’il veut, fait passer le meilleur pour le pire.

Riches hom qui flateour croit
Fait de legier plus tort que droit,
Et de legier faut a droiture
Quant de legier croit et mescroit:
Fos est qui sor s’amour acroit,
Et sages qui entour li dure.
Jamais jor ne metrai ma cure
En faire raison ne mesure,
Ce n’est por Celui qui tot voit,
Car s’amours est ferme et seüre;
Sages est qu’en li s’aseüre:
Tui li autre sunt d’un endroit.

L’homme puissant qui croit le flatteur
Fait souvent  plus de tord que de bien,
Et facilement manque de droiture
Puisque aisément il donne ou reprend  sa confiance:
Fou est celui qui se fie à  son amitié* (*bons sentiments)
et sage, qui reste auprès de lui sans cesse.
Jamais plus je ne mettrai mes attentions
sans compter et sans mesurer,
Si ce n’est pour celui qui voit tout,
Car son amitié est  ferme et solide;
Sage est  qui se fie à lui:
Les autres  sont tous les mêmes.

J’avoie un boen ami en France,
Or l’ai perdu par mescheance.
De totes pars Dieus me guerroie,
De totes pars pers je chevance:
Dieus le m’atort a penitance
Que par tanz cuit que pou i voie!
De sa veüe rait il joie
Ausi grant com je de la moie
Qui m’a meü teil mesestance!
Mais bien le sache et si le croie:
J’avrai asseiz ou que je soie,
Qui qu’en ait anui et pezance.

J’avais un bon ami en France,
La  malchance* me l’a fait perdre. (malheur)
De toute part Dieu me guerroie,
De toute part, je perds mes moyens de subsister:
Dieu me compte pour pénitence
Que d’ici peu,  je ne verrais plus!
Qu’avec sa vue, il ait tant de joie
Qu’il m’en reste avec la mienne
Celui qui  m’a mis dans un tel pas!
Mais qu’il sache bien et qu’il le croit:
J’aurais assez ou que je sois,
Qui  que cela gène ou ennuie.

Explicit.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour Moyenagepassion.com
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