Sujet : fabliau médiéval, conte satirique, humour, proverbe, larron, fourche patibulaire, littérature, vieux français Période : moyen-âge central (XIIIe) Auteur : Inconnu Titre : du prudhomme qui sauva son compère de la noyade Media : lecture audio vieux français
Ouvrage : Fabliaux et contes (T 1), Etienne Barbazan (XVIIIe siècle) Manuscrit ancien : MS 1830 St Germain des prés. MS 2774.
Bonjour à tous,
ous vous avions présenté il y a quelques jours déjà, le fabliau Du Preudome qui rescolt son compere de noier, nous vous en proposons aujourd’hui une lecture audio dans sa langue originale.
Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, Vieux français, langue d’oil, ribauds, misère, hiver. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Titre : le diz des ribaux de grève. Média : lecture audio, par André Brunot.
Bonjour à tous,
our commencer cette semaine sous le signe médiéval, nous vous proposons une lecture audio celle de la célèbre poésie de Rutebeuf: le Diz des Ribauds de Grève. Il y est encore question de misère et d’hiver, mais cette fois-ci, ce n’est pas de sa propre infortune dont Rutebeuf nous parle mais de celle des miséreux qui se tiennent alors sur la place de Grève, à Paris.
Comme nous le soulignions dans la lecture audio du « Dit de l’oeil », même si l’on est pas certain de l’origine de Rutebeuf que l’on a peut-être un peu vite désigné comme champenois, ce dont on reste sûr c’est qu’il a passé la majeure partie de sa vie à Paris, en tout cas au moins celle durant laquelle il a rédigé ses oeuvres connues de nous. Et puisqu’elle est le théâtre de cette poésie qu’il nous a léguée, nous en profiterons aussi ici pour dire un mot de la place de Grève de Paris à l’époque médiévale.
Avant d’entrer un peu plus dans ce détail et de vous proposer cette lecture pleine de force qui fait honneur à la poésie de Rutebeuf, nous voulons également dire un mot du comédien auquel nous la devons.
Tribut à André Brunot
Sociétaire de la comédie française, André Brunot (1879-1973) fut un comédien célèbre en son temps, même s’il n’a pas eu le succès d’un Jouvet. Premier prix de comédie au conservatoire de Paris en 1903, il mena une longue carrière sur les planches et au théâtre et sa carrière cinématographique lui permit de tourner près de trente films.
La lecture audio qu’il nous fait de la poésie de Rutebeuf sur les Ribauds de Grève est tirée d’une excellente anthologie poétique audio en 3 volumes, que nous proposait la bibliothèque Nationale de France en 1958, et ayant pour titre : « Trésor de la poésie lyrique française ». Le premier volume était dédié au moyen-âge et c’est de là que provient la pièce du jour.
Le dit des ribauds de Grève de Rutebeuf,
lecture poétique audio
La place de Grève du temps de Rutebeuf
A l’époque médiévale, sur cette place des bords de Seine, rebaptisée depuis place de l’Hotel de Ville, se réunissaient les travailleurs, autant que les oisifs et les miséreux en quête de pitance ou de travail (le terme de « faire la Grève » viendrait de là).
Il est difficile de savoir si Rutebeuf s’adresse publiquement et directement aux gueux et aux miséreux dans cette poésie, mais plus qu’une des pirouettes caustiques auquel il nous a habitué, elle dénote d’une véritable empathie de sa part, à l’égard de ces malheureux sans le sou à l’approche des rigueurs de l’Hiver. Il y rapproche, sans aucun doute, toute proportion gardée, ses propres misères.
« C’était (la place de Grève au XIIIe siècle) un lieu de déchargement des lourdes marchandises venues par eau. Des débardeurs, des « ribauds » s’y affairaient. Notre soif de couleur locale et même, nos idées toutes faites sur la ville médiévale ont de quoi se satisfaire. Tout le folklore « troubadour et mâchicoulis » est là, depuis ces « escoliers » toujours prêts à se quereller mais bons garçons au demeurant, jusqu’à ces foules de religieux dont les divers ordres, profitant de la piété du Saint roi Louis IX, avaient proliféré, sans oublier les hordes de pauvre – tels les « Trois-cents Aveugles », tels les lépreux du « Champ-pourri » qui mendiaient dans les rues, ou les « musardes » (les prostitués) que guettaient fort les regards naïfs de jeunes paysans débarqués depuis peu, avec leur porte-
monnaie fraîchement rempli. »
A la recherche d’une « voie de Paradis » dans le Paris de RUTEBEUF, Françoise Barteau. Historienne médiéviste. « Tiré de Errances et parcours parisiens de Rutebeuf à Crevel », Univerisité de la Sorbonne, 1986
Les exécutions en place de Grève
On admet, généralement, que la première exécution qui eut lieu sur la place Place de Grève date de 1310. On la doit à deux évêques, celui de Paris, assisté de celui de Cambrai alors « Docteur et inquisiteur de la Foi en France »*. Elle prit la forme d’un bûcher et on y brûla pour hérésie, la mystique chrétienne et poétesse flamande Marguerite Porete (ou Perrette). Pour faire bonne mesure, on en profita pour livrer également ses écrits aux flammes, soit son ouvrage: « Le Miroer (miroir) des âmes simples et anéanties ». Tout fut conduit avec l’aval du bon roéPhilippe le Bel, mais il faut dire qu’il était bien lancé (pour ne pas dire bien chaud), puisque c’est cette même semaine qu’il fit aussi brûler les premiers templiers.
Quoiqu’il en soit, ce fut là, la première d’une longue série d’exécutions publiques en place de Grève, qui ne s’acheva que plus de cinq siècles plus tard, en 1822. Aux vues des dates, Rutebeuf n’a pas connu cette vocation de la place dont il nous décrit les Ribauds puisqu’il a disparu autour de 1285.
Le Diz des Ribauds de grève dans le vieux français d’oil original et parisien de Rutebeuf
Ribaut, or estes vos a point : Li aubre despoillent lor branches, Et vos n’aveiz de robe point, Si en avrez froit a vos hanches. Queil vos fussent or li porpoint Et li seurquot forrei a manches. Vos aleiz en estai si joint, Et en yver aleiz si cranche, Vostre soleir n’ont mestier d’oint, Vos faites de vos talons planches. Les noires mouches vos ont point; Or vos repoinderont les blanches.
La traduction en français moderne
de Michel Zink de l’Académie française:
« Ribauds, vous voilà bien en point! Les arbres dépouillent leurs branches et d’habit vous n’en avez point, aussi aurez-vous froid aux hanches. Qu’il vous faudrait maintenant pourpoints, surcots fourrés avec des manches! L’été vous gambadez si bien, l’hiver vous traînez tant la jambe! Cirer vos souliers? Pas besoin: vos talons vous servent de planches. Les mouches noires vous ont piqués, A présent c’est le tour des blanches »
En vous souhaitant un excellent début de semaine et une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
* Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris par Mr. Henri Sauval, Avocat du Parlement (1724)
Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste, trouvère, Léo Ferré, Vieux français, langue d’oil, Pauvre rutebeuf, complainte. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Titre : le dit de l’oeil, la complainte de l’oeil.
Bonjour à tous,
ans la série les exercices « peau de banane » du début de semaine, nous nous proposons, aujourd’hui, de nous attaquer à la lecture audio d’une poésie relativement longue et compliquée de Rutebeuf , et bien sûr pour faire simple, dans la langue originale de ce dernier, le vieux parler d’Oil du XIIIe siècle, de Paris.
Voici donc le Dit de l’Oeil ou Ci encoumence la complainte de Rutebeuf sur son Oeil, texte auquel nous avions déjà consacré un article précédent. Nous y faisions, au passage, un hommage à Léo Ferré en saluant l’alchimie poétique qui, à travers les siècles, était venu connecter les deux poètes pour donner naissance à la chanson « Pauvre Rutebeuf » de ce dernier.
Pour revenir sur cette lecture audio, l’exercice est d’autant plus difficile que la langue de Rutebeuf est aussi subtile que pleine de particularismes. Elle est, de fait souvent ardue à prononcer comme à décrypter, si on la compare à certains autres auteurs contemporains du XIIIe siècle comme Jean de Meung par exemple, qui s’excusait de son côté de ne pas parler cette forme particulière de la langue d’Oil que l’on parlait alors à Paris. Nous devons remercier encore au passage Michel Zink pour le grand travail de traduction qu’il a fait de l’auteur médiéval et la BnF pour mettre à disposition une partie de ces adaptations sur le site Gallica.fr.
Ou placer le curseur de l’Humour?
e dois ajouter concernant ce texte de Rutebeuf, qu’il est extrêmement difficile de situer le curseur de l’Humour chez cet auteur et dans ce texte en particulier. Si l’on imagine en effet cette poésie lue à voix haute devant un public, et il le faut bien puisque que Rutebeuf nous le dit « Or, écoutez, vous qui rimes me demandez », on peut supposer tout de même que l’auteur doit aussi divertir et pas seulement se plaindre. Les vers suffisent-ils à atteindre le but au delà du contenu ou le texte est-il intercalé après plusieurs autres sur d’autres sujets que ses propres misères?
Peut-être est-ce une déformation moderne de ce que l’on peut considérer comme un « divertissement », mais je trouve difficile tout de même que Rutebeuf vienne à ce point se plaindre de tout ainsi, sans y mettre quelques notes d’humour. Il nous a habitué il est vrai à sa causticité mais ici rien ne l’arrête et tout est sujet à complainte au point que l’accumulation si l’on n’imagine qu’elle contient une pointe d’humour pourrait devenir accablante pour l’oreille même d’un auditoire: sa femme est moche et n’a pas de charme, elle lui fait un enfant qu’il faut nourrir et dont il faut payer la nourrice sans quoi il reviendra braire dans la maison, son cheval se casse la patte, etc, etc. Où placer le curseur de l’humour et de la caricature dans cette complainte dont on serait tenté de penser sinon qu’elle confine à l’exagération? Pour autant on ne peut pas non plus imaginer que Rutebeuf quand il la « joue » le fasse de façon exagérément geignante un peu façon commedia dell’Arte (tout anachronisme mis à part), mais j’avoue avoir presque hésité à un moment donné à aller dans ce sens, ne serait-ce que pour la curiosité. Pourtant dans le même temps, la dimension dramatique forte que l’on retrouve aussi dans le texte semble rendre l’exercice délicat tout de même.
Les misères ou les mystères d’un
trouvère de petite noblesse désargenté
e dois ajouter encore quelque chose qui me trouble dans cette complainte et sans doute mon raisonnement est-il un peu faussé par la présentation de Rutebeuf que fait Achille Jubinal dans sa publication des oeuvres de Rutebeuf datant de 1844.
En mettant bout à bout les choses que le poète médiéval nous conte se dessine en effet un trouvère de bonne éducation qui, bien que désargenté, reste tout de même issu d’un milieu bourgeois et même plus certainement de petite noblesse. Ce texte nous apprend encore qu’il a un cheval, une nourrice et l’on sait, à travers ses textes et celui-ci inclus, que des nobles ou seigneurs d’importance ont été plutôt généreux envers lui.
Bien sûr, nul doute qu’il a ses ennemis et que ses satires et ses diatribes lui ont aussi fermées quelques portes, mais tout de même, si on le prend au pied de la lettre, pour être si souvent et si littéralement sur la paille, Rutebeuf ne fait pas non plus figure d’un miséreux issu de classe populaire basse de son époque. Alors en rajoute-t-il dans ses textes pour être sûr de soutirer quelques pièces? A quel point tout cela fait-il partie du personnage qu’il s’est composé et qui se cache derrière ce nom un peu lourdeaud de boeuf rustre et sans manière? Ou faut-il penser plutôt comme l’avance Achille Jubinal, en recoupant le texte de la poésie « la Griesche D’hiver » (un jeu d’argent et de dés), que le poète souffre d’un mal personnel tout autre qui explique la misère qui semble lui coller à la peau en permanence.
« Je savais faire monter la mise: mes mises ont englouti tout ce que j’avais, elles m’ont fourvoyé hors du chemin, elles m’ont dévoyé. J’ai risqué des mises insensées, je m’en souviens. Je le vois maintenant: tout va, tout vient, c’est forcé que tout aille et vienne, sauf les bienfaits. Les dés que l’artisan a faits m’ont dépouillé de mes habits, les dés me tuent, les dés me guettent, les dés m’épient, les dés m’attaquent et me défient, j’en souffre. » Rutebeuf. Extrait: la Griesche d’Hiver
Alors, souffre-t-il de cet excès de jeu d’argent au point d’en être prisonnier? Il fait encore allusion dans ce dit de l’oeil à ses « excès » (outrages)?
« Ne sai ce s’a fait mes outrages. Or devanrrai sobres et sages Aprés le fait Et me garderai de forfait. » Rutebeuf – Extrait : le dit de l’Oeil
« Je ne sais si je dois cela à mes excès, Mais, dorénavant, je serais sobre et sage Après tout cela, Et me garderai de mal me conduire »
l reste difficile de le savoir bien sûr, et il ne s’agit pas de tomber dans la psychologie à trois sous ici, mais tout de même cela semble une hypothèse intéressante qui pourrait lever un coin du voile sur les difficultés permanentes dont il ne cesse de se plaindre, autant qu’elle pourrait expliquer aussi les formes que prennent ces complaintes où tout semble l’accabler et où il se livre sans frein à un étalage où chaque chose qui lui survienne semble fournir une occasion de plus de l’accabler. Pour autant qu’on en est fait quelquefois un des premiers poètes maudits à l’image de Villon, je ne me parviens pas tout à fait à me convaincre que les deux hommes sont de la même veine et pas d’avantage que la comparaison entre les deux ne me semblent justifier.
Quoiqu’il en soit entre humour et détresse, Rutebeuf, même à nu, ne se laisse pas percer si facilement et, passez-moi la formule un peu creuse et surfaite, mais pour le coup, cela me semble justifier, il a emporté avec lui sa part de mystère. Puissions-nous, en tout cas, parvenir à le faire revivre un peu dans ces lectures audio dans sa langue originale.
Sujet : poésie médiévale, morale, satirique, politique et réaliste, ballade, vieux français Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Ne dire sien, fors que le sens de l’omme. »
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons de continuer de suivre le fil poétique d’Eustache Deschamps avec un peu de sa plume critique et morale.
Cette fois-ci, au delà des richesses et des possessions matérielles (temporelles) qui vont et viennent et peuvent d’un jour à l’autre changer de main ou disparaître, il conseille à tous – mais tout de même surtout aux gens de cour et de pouvoir que sa carrière l’a longtemps amené à côtoyer avant qu’il ne décide de déserter la cour ou de ne s’y présenter que rarement – de ne rien revendiquer comme sien: biens, titres ou terres et de ne s’accrocher qu’à la seule chose que nul ne peut ôter à l’homme: son bon sens et sa « science profonde ».
« vanitas vanitatum, omnia vanitas»
ans le corpus de ses ballades politiques ou « ballades de moralité », le poète médiéval vient encore opposer ici à l’orgueil, l’avidité et finalement la vanité, la vacuité et l’impermanence des choses pour ne laisser au final à l’homme que son bon sens, en espérant qu’il en possède suffisamment pour comprendre la profonde sagesse de ce texte.
Ajoutons encore que dans un système monarchique où la personne du roi est un représentant du divin ici-bas, dénigrer au personnage le plus haut de l’état et même à l’Empereur du Saint Empire Germanique et de Rome, quelques légitimes revendications à posséder, ça n’en a peut-être pas l’air comme ça, mais c’est tout de même une prise de position relativement courageuse, même s’il faut ajouter que le contexte de l’époque et des guerres médiévales entre couronnes ou provinces, donne raison à Eustache Deschamps. En en tirant les leçons, il ne fait, au fond et comme toujours, que relayer les vérités de son monde. A quelques siècles de son écriture, le fond de cette ballade reste pourtant vrai et riche d’enseignements, ce qui est toujours le signe d’une bonne morale.
« Ne dire sien fors que le sens de l’homme »
dans le vieux français d’E. Morel Deschamps
De tous les biens temporelz de ce monde Ne s’i doit nulz Roys ne sires clamer, Puisque telz sont que Fortune suronde Qui par force les puet touldre ou embler; Le plus puissant puet l’autre déserter, Si qu’il n’est Roy, duc, n’empereur de Romme Qui en terre puist vray tiltre occupper, Ne dire sien, fors que le sens de l’omme.
Veoir le puet chascun a la reonde En pluseurs cas. Soit en terre ou en mer, Tant par guerre, ou convoiteux se fonde. Comme autrement, voit l’en estât muer, Riche apovrir, et le povre eslever, Le fort ravir qui le plus foible assomme; Si ne doit nulz telz biens atribuer Ne dire sien, fors que le sens de l’omme
Mais par bon sens ou science profonde, Que l’en ne puet a creature oster, Se puet chascun maintenir net et monde Et en touz lieux saigement gouverner. Si puis par ce conclure et vueil prouver Qu’es biens mondains n’a vaillant une pomme; Homs, quel qu’il soit, (dont) ne se doit vanter, Ne dire sien fors que le sens de l’omme.
En vous souhaitant une journée pleine de joie et de sagesse.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes