Sujet : archéologie médiévale, Tintagel, château, statue roi Arthur, sites touristiques, légendes Arthuriennes, gestion de patrimoine. Période : haut moyen-âge, moyen-âge central. Lieu d’intérêt : Tintagel, site archéologique et historique d’exception
Bonjour à tous,
ntre presse à sensation, exigence du négoce touristique et archéologie sur site, les polémiques font rage, depuis 2016, du côté de Tintagel. Après avoir dédié, il y a quelque temps, un article sur les découvertes récentes sur site, en relation aux légendes arthuriennes, nous voulions, cette fois, aborder les questions qui touchent le difficile équilibre à trouver entre marché du tourisme et gestion du patrimoine sur les sites d’intérêts.
Comme nous l’avions dit, les archéologues qui s’affairent sur le lieu que Geoffrey de Monmouth avait consacré comme celui de la naissance d’Arthur depuis le moyen-âge central, sont loin de tous résumer leur travail quotidien à la poursuite d’un Graal que serait devenu lui-même le légendaire Roi de Bretagne, et pourtant l’organisme qui gère le site et y finance les fouilles n’a pas résisté, de son côté, à mettre un peu l’emphase sur le sujet. Il faut dire que l’attrait principal de Tintagel auprès des nombreux touristes qui le visitent chaque année, n’est bien sûr pas étranger aux légendes arthuriennes. Pour le dire autrement, on vient plus certainement y chercher un peu de la saveur de cette quête du Graal que pour s’entendre dire que rien, à ce jour, ne permet sur place d’en établir avec certitude la véracité historique.
Merlin l’enchanteur, une sculpture moderne dans la roche du site archéologique de Tintagel
English Heritage : gestion du patrimoine et maintien des sites historiques anglais
English Heritage est un organisme de bienfaisance très officiel et tout à fait sérieux qui gère la collection du patrimoine national anglais. A ce titre, l’organisation a en charge plus de 400 bâtiments, monuments et sites historiques, pour un patrimoine qui couvre plus de 5000 ans d’histoire. Sa mission consiste donc à faire vivre tous ces lieux, à prévenir leur détérioration et à assurer leur conservation. Tout cela suppose, entre autres missions, de les animer, les rentabiliser et d’y pratiquer
encore, quand les moyens le permettent, des campagnes de fouilles.
Dans le courant 2015/2016, English Heritage a donc décidé de faire appel à deux artistes pour effectuer sur le site de Tintagel deux créations : une sculpture de Merlin dans la roche, réalisée par Peter Graham et un chevalier de bronze, réalisé par Rubin Eynon. Cette dernière oeuvre n’a pas de nom, libres aux visiteurs du site d’imaginer s’il s’agit du Roi Arthur lui-même, de Uther Pendragon ou même encore d’une référence allégorique aux chevaliers de la table ronde.
Concilier gestion du patrimoine
et exigences du négoce touristique
Au delà de la dimension esthétique de ces créations, laissée au goût et à l’appréciation de chacun, sitôt mises en place elles ont suscité de vives polémiques, démontrant combien il est quelquefois difficile de tracer la ligne entre gestion du patrimoine et animation touristique sur les lieux d’intérêt historiques.
Un chevalier fantomatique de Rubin Eynon, sur le site historique de Tintagel
Là où bien sûr, personne n’en doute, il s’agit pour l’organisme anglais de dynamiser l’endroit et d’y attirer plus favorablement les touristes, les levers de boucliers ne se sont pas faits attendre et on a même parlé de « Dyneyïsation » du site. Les puristes et les plus conservateurs ont crié au scandale, jugeant que l’intérêt de l’endroit se suffisait largement à lui-même sans qu’on ait à y ajouter. Les autres y ont trouvé, sans doute, un aspect ludique à leur goût, se contentant d’apprécier les œuvres, en laissant voguer leur imagination. Est-ce ludique ? Est-ce esthétique ? Est-ce vulgaire et dévoyé ?
Au delà, les questions sont soulevées. Comment faire fonctionner, maintenir et financer les sites d’intérêts historiques sans un apport de touristes ? Si les fonds privés ne suffisent pas, l’Etat doit-il les prendre entièrement en charge ? Les réponses peuvent devenir rapidement politiques mais ne font, en tout état de cause, que déplacer le débat car quand bien même on déciderait de faire reposer l’ensemble des lieux historiques sur fond public, il ne viendrait sans doute plus à l’idée de personne de se priver de l’apport touristique pour participer aux frais de fonctionnement et de maintien des sites.
Alors, comment favoriser le développement du tourisme grand public sur les sites patrimoniaux ? Y-a t’il une manière correcte de le faire ? Comment concilier intérêt historique et exigence du marché touristique, sans tomber dans la tentation de « raconter » des histoires simples aux visiteurs, au risque de vulgariser les données en présence ? Qui peut tracer la ligne entre le racoleur et le « bon ton » ? Tout ceci n’est sans doute pas qu’une affaire de bon goût et le difficile débat de la gestion de patrimoine reste tout entier posé ici. Nous vous laissons le soin de le trancher. Le sujet prouve bien, en tout cas, à quel point, les anglais ne badinent pas quand il s’agit des légendes Arthuriennes et de leurs sites historiques.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : Kaamelott, légendes arthuriennes, roi Arthur, humour, comédie, série télévisée culte. Période : moyen-âge central, haut moyen-âge pour la légende. Auteur : Alexandre Astier Média : livres, ouvrages sur la série, colloques Distribution : M6, Calt Production
Bonjour à tous,
oncernant la série télévisée Kaamelott, nous lui réservons, vous le savez, une large place ici. En dehors du fait que nous l’apprécions, nous sommes bien loin d’être les seuls dans le domaine de l’Histoire médiévale à nous y pencher.
Le colloque de la Sorbonne sur Kaamelott:
c’est aujourd’hui & demain 24, 25 mars 2017
Le travail d’Alexandre Astier autour des légendes Arthuriennes, autant que l’immense succès qu’il a rencontré auprès du public, ont, en effet, fait de Kaamelott un objet d’étude de choix pour les Historiens mêmes les plus académiques. Pour légère que puisse paraître la série, il ne faut pas s’y tromper, humour ne rime pas toujours et forcément avec trivialité. Au centre de l’intérêt que suscite aujourd’hui le monde médiéval, l’oeuvre télévisuelle interpelle aussi les chercheurs et elle a donné naissance à bien des livres, articles ou conférences. L’une d’elle – c’est même d’ailleurs un colloque de deux jours – est au coeur de l’actualité puisqu’elle se tient, aujourd’hui même et demain, à la Sorbonne :
Nous vous en avions parlé à la fin du mois de février, mais comme l’événement est complet depuis déjà quelques temps, inutile de vous y précipiter. En revanche, du côté des réseaux sociaux, les plus passionnés d’entre vous peuvent en saisir dors et déjà quelques bribes en direct sur Twitter (#collKaamelott). Si vous n’avez pas la chance de vous trouver sur place ou que Twitter n’est pas votre tasse de thé, rassurez-vous, les minutes de ce colloque devraient, quoiqu’il en soit, être bientôt disponibles sous forme papier ou même, espérons-le, de vidéos youtube. Nous vous en tiendrons informés, bien entendu.
A titre d’anecdote, Alexandre Astier a retwitté l’info sur la conférence, il y a deux jours et l’afflux d’audience sur le site de l’université a, semble-t-il, créer quelques surchauffes du côté du serveur! 🙂 L’intérêt pour l’auteur mais aussi pour la série autant que pour le moyen-âge qu’elle évoque ne se démord donc pas.
Lectures Kaamelott
Pour tromper l’attente, en attendant le compte rendu de cet événement , on retrouve encore des ouvrages sur le sujet de Kaamelott et notamment certains qui valent d’être mentionnés ici :
Un écrivain & un historien sur la piste de Kaamelott
Accompagné de l’historien médiéviste Martin Aurell, grand spécialiste de l’histoire du roi Arthur, l’écrivain Eric Le Nabour suit ici les pas d’Alexandre Astier et ses facéties « kaamelottiennes », en les croisant avec ce qui nous est parvenu des légendes.
Les scripts de la série au format poche
Vous pouvez également retrouver l’ensemble des scripts de la série au format poche pour vous replonger au coeur des dialogues hilarants d’Alexandre Astier.
Les DVD’s au complet
Ajoutons que même si l’oeuvre doit se prolonger sur grand écran, ses premiers opus sont aujourd’hui bouclés. Cela signifie très concrètement que si vous êtes de ceux qui ne regardez pas la télévision de manière régulière, et qui n’appréciez pas forcément de dépendre d’une série à suivre, tous les jours et à heure fixe, sur le petit écran, vous avez pu passer à côté de Kaamelott lors de sa diffusion, pour cette raison même. La bonne nouvelle est que l’ensemble de l’oeuvre (écrite jusque là) est aujourd’hui disponible sous forme de coffrets et peut être visionnée de manière continue, sans plus dépendre de l’attente que suppose le format d’une série quotidienne télévisuelle.
Quand Perceval (Franck Pitiot) s’empêtre dans son incompréhension face à sa promise empressée (Vannessa Guedj)
Pour conclure
n résonance avec la littérature médiévale arthurienne, dans la distance ou la proximité entre les personnages de la série et ceux du corpus arthurien, entre les lignes encore de notre intérêt pour le moyen-âge d’Alexandre Astier et tout ce qu’il nous renvoie de notre propre modernité, Kaamelott se lit à plusieurs degrés et nous invite à la réflexion. Bien entendu, il est aussi question du plaisir de rire avec une comédie qui, pour être très française, tire aussi, par instants, l’humour du côté d’un non-sens et d’un sens de l’absurde aux accents anglais, qui n’est pas sans évoquer l’excellent Sacré Graaldes Monty Python.
En vous souhaitant une belle journée dans la joie!
Fred
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : Kaamelott, légendes arthuriennes, roi Arthur, humour, comédie, série télévisée culte, Brice Fournier, citations, Kadoc. Période : moyen-âge central, haut moyen-âge pour la légende. Auteur : Alexandre Astier Média : détournements graphiques Distribution : M6, Calt Production
Bonjour à tous,
oici une nouvelle parenthèse d’humour autour de la série Kaamelott. Nous en profitons pour vous présenter Kadoc, personnage mythique de la série, ainsi qu’un portrait de Brice Fournier qui le joue à l’écran.
Du côté des variations graphiques et humoristiques, nous laissons voguer notre imagination vers l’univers du médiéval fantaisie qui n’est pas absent des légendes arthuriennes à la façon d’Alexandre Astier, mais aussi vers le cinéma (avec des détournements d’affiches) et encore les « produits dérivés ».
Concernant ce dernier point, il s’agit d’un clin d’oeil puisque, jusqu’à présent, l’auteur de la série télévisée s’est montré plutôt réticent à laisser exploiter Kaamelott en terme de merchandising. Sur cette question, sa position a toujours été claire. Il ne souhaite pas voir transformer son oeuvre en sous-produit marketing et il entend bien en conserver la maîtrise.
Brice Fournier, Thomas Cousseau, Jean-Christophe Hembert et les légendes arthuriennes selon Alexandre Astier
Kadoc, frère du chevalier Karadoc et
personnage mythique de Kaamelott
On peut difficilement évoquer le personnage Kadoc de Kaamelott sans parler de celui qui l’incarne à l’écran et sans lui rendre, ici, un véritable tribut. Dans la série, c’est Brice Fournier, acteur senior, originaire de la région lyonnaise (Saint-Priest) qui campe avec brio ce frère improbable du chevalier Karadoc (Jean-Christophe Hembert), lui-même largement sous-doué et bien plus fort dans le domaine de la boustifaille que dans celui de la quête du Graal. Quant à son frère, Kadoc, n’en parlons pas, ou plutôt si parlons-en.
« Bah, Karadoc, c’est le gars brillant, quoi… Le frère à côté c’est sûr… C’est vraiment un gros con. » Perceval (Franck Pitiot)
Kaamelott, Alexandre Astier.
Dans Kaamelott, le personnage de Kadoc atteint des sommets et bat tous les records en terme de nullité. Il frise même, on peut le dire, la déficience mentale légère. Une de ses particularités est qu’il ne dort jamais, ce qui d’après les druides consultés, pourrait expliquer son retard certain sur d’autres points. En revanche, il faut le savoir, il s’évanouit quand on lui parle de « machins trop techniques » (dixit Karadoc) et, autre détail important, il faut aussi d’éviter de lui donner des couteaux; il n’y a pas droit, parce qu’il risque d’attaquer les gens avec.
« Dans trois jours, ma tata elle m’emmène à la mer pour me noyer. » Kadoc (Brice Fournier), Kaamelott, A. Astier.
Au titre de ses compétences principales, son vrai point fort reste le jeu du caillou dans lequel il excelle. En gros, il s’agit de lancer un caillou, on imagine dans un pot, ou peut-être simplement en s’approchant le plus près du mur (les avis des experts divergent sur la question) mais quoiqu’il en soit, attention ! sans mordre la ligne, sinon Kadoc fait un blocage. A part cela, ses interrogations les plus existentielles tournent autour d’une question qui le préoccupe excessivement: « Elle est où la poulette ?« , et qu’il pose, la plupart du temps, sans aucune relation au contexte, comme d’ailleurs à peu près tout ce qu’il dit.
Le jeu du Caillou de Kaamelott, façon World of Warcraft et médiéval fantaisie
En bref, Kadoc évolue dans un monde qu’il est à peu près le seul à comprendre et dont lui seul (et dans une certaine mesure son frère Karadoc) possède les clés. Il vit en principe chez sa « tatan » où il a vraisemblablement été élevé, mais comme visiblement tout le monde en a un peu marre de s’occuper de lui, son frère Karadoc hérite quelquefois de sa garde et essaye, comme il le peut, de le caser dans les pattes du roi Arthur. Jusque là, les tentatives de lui trouver une quelconque utilité au château ont toutes lamentablement échoué.
« J’ai le droit d’être quatre jours pas chez moi, et après chez moi. Mais y a du voyage qui se prépare, et pour soigner les bêtes, y a pas que ma tante, y a moi aussi. » Kadoc (Brice Fournier), Kaamelott, A. Astier.
Kadoc apparaît dans moins de vingt épisodes de la série télévisée. Il n’a, en tout qu’une vingtaine de lignes de dialogue, mais mis au service du génie comique d’Alexandre Astier, le talent de Brice Fournier et sa performance comique, en ont fait rien moins qu’un personnage mythique. Pour tous les amateurs de Kaamelott, ces quelques lignes sont désormais entrées dans la postérité et les apparitions de Kadoc sont toutes gravées dans les mémoires.
Brice Fournier,
de Kadoc à la passion du 7ème art
Actif au théâtre comme au cinéma et en télévision, Brice Fournier apparaît aussi comme jury ou parrain dans de nombreux festivals de cinéma (court et moyen métrages).
Avec plus de dix-sept films à son actif et un nombre équivalent de participations dans des productions télévisuelles, il a, entre autre, dans le courant de l’année 2014, reçu le prix du meilleur second rôle au Macabre Faire Film Festival de New York pour sa prestation dans le très déjanté Extrême Pinocchio de Pascal Chind. Il a aussi participé à plusieurs reprises à des longs métrages primés à Cannes, dont l’excellent film À l’origine de Xavier Giannoli (11 nominations aux Césars du cinéma 2010) dans lequel François Cluzet campe un escroc pris à son propre jeu. En voici un petit extrait, vous en trouverez plus sur la chaîne youtube de Brice.
A l’origine de Xavier Giannoli, avec Brice Fournier. extrait.
En dehors de ses nombreux rôles, Brice a mis en scène la pièce de théâtre humoristique « Pachyderme » de Jacques Chambon, dans laquelle il incarnait en 2015-2016, l’un des rôles principaux. Il est également passé derrière la caméra comme réalisateur à deux reprises. Son premier court métrage Salvic Angel (2008) est un film émouvant et profond sur la solitude, et les déchirures familiales. En 2014, il lance aussi « Des Quiches et des Hommes« , une émission culinaire légère et fun avec Guest. Dans le premier épisode, on retrouvait son complice J-C Hembert (le Karadoc de Kaamelott). A ce jour, deux épisodes sont réalisés et les canaux de distribution devraient se mettre en place, on l’espère, sous peu.
Loin de Kadoc, que nous retrouverons, nous l’espérons, dans la trilogie Kaamelott au grand écran, nous lui souhaitons tout le meilleur pour ses projets sur les planches ou au cinéma !
Pour moyenagepassion.com. « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus Ier s. av. J.-C.
Sujet : archéologie, histoire médiévale, Tintagel, château, fouilles archéologiques, roi Arthur, légendes Arthuriennes. château, royaume celte. Période : Haut Moyen Âge, Moyen Âge central. Lieu d’Intérêt : Tintagel, site archéologique d’exception, découvertes récentes Gestion du site : English Heritage
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous parlons un peu d’archéologie outre-manche et de Tintagel en Cornouailles, berceau des légendes Arthuriennes, mais surtout site d’exception archéologique. Nous en profitons pour aborder les les dernières découvertes en date, en examinant leurs possibles convergences avec les légendes arthuriennes.
Tintagel au Moyen Âge central
Entre presse à sensation et archéologie, le site de Tintagel est marqué du sceau indélébile de Geoffrey de Monmouth,religieux et historien anglo-normand du XIIe siècle, au service du roi Henri 1er d’Angleterrequi, dans son Historia Regum Britanniae, fit de l’endroitle lieu mythique de la naissance du Roi Arthur, enfanté par Uther Pandragon suite à un subterfuge rendu possible par l’enchanteur Merlin. Aujourd’hui, Tintagel est sans doute une des places historiques les plus visitées d’Angleterre, certainement d’ailleurs bien plus pour ses références au légendaire roi breton que pour sa réalité historique établie.
Dans les faits, le site de Tintagel héberge les ruines d’un château construit durant le Moyen Âge central et au XIIIe siècle. Sise sur un emplacement qui ne semble pas avoir « à première vue » de valeur stratégique particulière, cette forteresse n’est pourtant pas sans lien avec le Roi Arthur puisqu’on admet généralement qu’elle fut construite à cet endroit même par Richard 1er, comte de Cornouailles et frère du Roi Henri IIId’Angleterre pour mieux asseoir sa légitimité auprès des habitants de la province, en établissant l’idée d’une connexion entre sa lignée et celle du mythique souverain. C’est encore une preuve de la force des légendes arthuriennes dans l’Angleterre du Moyen Âge central.
Si la majorité des historiens contemporains conteste dans les grandes lignes, la réalité des faits du roi Arthur et de ses chevaliers, ou à tout le moins fait le constat qu’il est impossible d’en établir la véracité, au vue des documents en présence, pour les hommes de Moyen Âge, il ne faisait guère de doute que le fils de Uther Pendragon avait réellement existé et conduit nombre des exploits que les contes gallois ou les écrits de Geoffrey de Monmouth lui prêtaient.
Héritier des légendes arthuriennes
En 1225, Richard 1er de Cornouailles échangea donc avec Gervase de Tintagelses terres de Merthen contre celle de Tintagel pour y bâtir sa forteresse. Au titre des détails intéressants de l’histoire qui viennent encore renforcer ses intentions, il semble même qu’alors il fit bâtir le château dans un style architectural antérieur à celui dont il était contemporain, afin de le faire paraître plus ancien et donc finalement encore plus « Arthurien » et légitime aux yeux des populations de Cornouailles. En affichant la volonté de se situer dans l’héritage des légendes arthuriennes, le noble ne fit pas exception. Comme cité précédemment (voir article), il n’était, en effet, pas rare que les rois anglais des XIIIe et XIVe siècles se référent au légendaire héros, pour s’inscrire dans sa « lignée » ou son « esprit » comme d’autres le faisaient alors avec Charlemagne, en France. Pour que tout cela soit possible, il fallut tout de même attendre que les rois de l’île britannique « anglicisent » en quelque sorte Arthur et le « christianisent » même un peu plus, afin qu’il soit « récupérable » et « présentable ». Dans les siècles précédents le XIIIe, ce dernier incarnait, en effet, un idéal breton ou celte un peu « encombrant » pour l’élite noble anglaise. Cette dernière s’étant finalement réconciliée avec le légendaire roi de Bretagne, on se mit à revendiquer de plus en plus son héritage. De nos jours encore, l’aristocratie britannique continue quelquefois sur cette lancée, en utilisant le célèbre prénom dans le nom donné aux enfants : Prince William Arthur Philip Louis, Princes Charles Philip Arthur George.
Un château peut en cacher un autre
Pour en venir à l’archéologie sur site, la campagne de fouilles actuelle à Tintagel est conduite par l’association English Heritage depuis les années 90. Disons d’emblée que le but déclaré n’est pas – les archéologues sur place s’en défendent largement – de rechercher une quelconque corrélation entre les découvertes et les légendes arthuriennes, mais bien plutôt de mettre à jour les vestiges de bâtiments du haut Moyen Âge.
Dans les années 30, certaines fouilles avaient, en effet, permis de découvrir les traces d’édifices datant d’une période contemporaine des légendes : les Ve, VIᵉ siècles et le haut Moyen Âge. Suite à ces découvertes effectuées du début du XXe siècle, les fouilles s’étaient interrompues pour quelques décennies et, pire même, la demeure de l’archéologue qui les avait en charge ayant été détruite par des bombardements durant la deuxième guerre mondiale, les traces de ses conclusions avaient été en grande partie perdues. Quoiqu’il en soit, depuis les années 70-80, on admettait généralement que les vestiges mis à jour et les traces de bâtiments enfouis pouvaient être les restes d’une forteresse celte, et peut-être même le centre du Royaume de Dumnonia(Domnonée). A partir du IVe siècle et jusqu’au début du IXe siècle et l’invasion des saxons, cette province s’étendait de part et d’autre de la manche sur l’île britannique, mais aussi en Bretagne continentale.
« La pierre d’Arthur »
Débutée dans les années 90, la campagne de fouilles menée par l’organisme English Heritage a permis de mettre à jour une première découverte troublante dans le courant de l’année 98. Si elle ne créa pas de révolution majeure chez les archéologues, amateurs de faits avérés et peu enclins à s’échauffer rapidement, la nouvelle fit le « buzz » dans la presse anglaise. La découverte était un fragment d’ardoise plate gravée d’inscriptions. On émet l’hypothèse qu’elles furent écrites par une main gauloise et toutes ne sont pas entières mais la partie déchiffrable permet de lire : « Pater Coliavificit Artognov« . L’archéologue et historien Charles Thomas (1928-2016) de l’Université d’Exeter la traduisit ainsi : « Artognou, father of a descendant of Coll, has had this built » soit en français moderne : « Artognov (Arthnou, Arthur) père et descendant de Coll a possédé cette construction« .
La pierre a passé, avec succès, les tests de datation et on a pu ainsi la faire remonter au VIe siècle. Elle serait donc contemporaine de la période durant laquelle Arthur aurait vécu. Comme nous le disions plus haut, les historiens et archéologues ne sont jamais prompts à sauter trop rapidement sur les conclusions et se tiennent toujours dans une réserve scientifique prudente, mais certains sont tout de même plus enclins à s’enthousiasmer que d’autres. Ainsi, au moment de la découverte, quand les uns affirmaient que la seule chose que l’on puisse déduire, pour l’instant et avec certitude, de cette pierre était que le prénom « Arthur » était en usage à l’époque, mais aussi que ses inscriptions établissaient la présence d’une compétence de lecture et d’écriture en dehors du cadre religieux, le professeur et archéologue Geoffrey Wainwrightprésent sur le site se montrait, quant à lui, largement plus enthousiaste et déclarait :
« Tintagel nous a présenté la preuve de l’existence d’un prince de Cornouailles, au haut Moyen Âge (dark ages), d’un statut social élevé et qui vivait au temps où Arthur vivait. Le site nous a livré le nom d’une personne : « Arthnou ». Arthnou était ici, c’est son nom que nous retrouvons sur ce morceau de pierre. C’est tout de même assez énorme comme coïncidence, C’est là que le mythe rejoint l’histoire. C’est la découverte de toute une vie. » Geoffrey Wainwright, Arthur Stone Discovery at Tintagel
Les découvertes de 2016
En août 2016, en poursuivant les fouilles sur le site, l’équipe d’archéologues a mis à jour de nouvelles découvertes : les restes d’un mur enfoui d’un mètre d’épaisseur datée de ce même haut Moyen Âge et également de nombreux fragments de poterie et d’objets de verre qui, à l’analyse, proviennent de sites très distants : romains, anatoliens et méditerranéens notamment. L’ensemble tend à confirmer la présence sur place d’une installation de taille, peut-être même d’une forteresse « royale » qui aurait pu être, comme on le pensait depuis quelque temps déjà, le centre de la Domnonée.
De manière certaine, en tout cas, le site était le lieu de vie d’une élite, abritée derrière de hauts et solides murs de pierre dans un complexe élaboré, tant au niveau architectural que défensif. L’endroit était aussi, à l’évidence, le centre d’une forte activité commerciale. Les experts de cette période et de ce peuple celte brittonique de Domnonée avancent que ces derniers échangeaient très certainement de l’étain, et peut-être même encore des esclaves et des chiens de chasse contre ces produits élaborés d’origine lointaine et méditerranéenne (vin, huile d’olive, etc…). Plus d’informations sur la Domnonée ici ( en anglais).
Corrélations arthuriennes ?
Et Arthur dans tout ça, me direz-vous ? Et bien les bâtiments sont, encore une fois, contemporains du siècle où la légende situe le roi breton mais les archéologues restent, là encore, prudents. Si certains y cèdent volontiers, il semble tout de même que l’ensemble de la corporation voit la poursuite des légendes arthuriennes plus proche d’un film de Stephen Spielberg que d’un travail sérieux de recherche de terrain. Arthur n’est donc pas devenu leur Graal et ils se défendent, au moins officiellement, d’en poursuivre la chimère. Ils préfèrent donc se focaliser sur les informations cruciales que promettent, quoiqu’il en soit, d’apporter les fouilles de Tintagel dans les années à venir sur l’Angleterre du haut moyen âge, et sur cette période encore peu connue de son histoire qui fait suite à la chute de l’empire romain. Ajoutons que ces dernières trouvailles archéologiques ont fait de Tintagel, un site d’exception et sans doute même, l’un des plus importants d’Europe de l’ouest, sur la période du haut Moyen Âge.
Bien sûr, du côté des amateurs du mythe d’Arthur et ses preux chevaliers, chaque découverte allant dans le sens de la légende est toujours un enchantement et ces dernières trouvailles risquent de garantir encore pour longtemps la haute fréquentation du site de Tintagel.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.