Sujet : poésie médiévale, moyen-français, historiens médiévistes, littérature médiévale, biographie. Auteur : François Villon (1431-?1463) Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle. Titre : Les Lundis de l’Histoire, France Culture Ouvrage : François Villon, Jean Favier, Fayard (1982)
Bonjour à tous,
e 1966 à 2014, France Culture a présenté, chaque début de semaine, en milieu d’après-midi, un programme dédié à la passion de l’Histoire et à ses plus grands auteurs et chercheurs. Cette émission d’anthologie avait pour titre Les Lundis de l’Histoire. Las ! après une longue aventure de presque 50 ans, elle s’est finalement, arrêtée avec le décès de Jacques le Goff qui l’avait animée, de son brillant esprit, dès 1968.
Cinq experts pour éclairer la biographie et l’oeuvre de François Villon
Actuellement, on peut trouver, sur le site de France Culture, un nombre important de podcasts des Lundis de l’Histoire. Ils couvrent une période allant de 2005 à 2014. Pourtant, à ce jour, il ne semble pas qu’il y ait d’archives publiques sur les éditions précédentes de cette grande émission. Tout en étant heureux de retrouver déjà près de 400 opus sur le site de la radio, on peut le déplorer, en espérant que le futur verra naître un tel projet. En près d’un demi-siècle, ce programme radiophonique a, en effet, vu passer, sous la houlette du médiéviste Jacques Le Goff, les plus prestigieux historiens et esprits du temps ; elle a aussi traité tous les thèmes, finissant, par entrer, à son tour, dans l’Histoire, mais aussi dans l’Histoire de l’Histoire, soit l’Historiographie.
Dans l’attente de voir, peut-être un jour, des archives complètes, aujourd’hui, il nous faut rendre grâce à la très littéraire chaîne Youtube Eclair Brut de Arthur Yasmine (jeune auteur qui a, par ailleurs, déjà fait publier plusieurs ouvrages de poésies) pour être parvenue, une fois de plus, à débusquer une pièce rare. Issue d’une édition des Lundis de l’histoire diffusée à l’automne 1982, ce programme réunit quatre éminents experts du moyen âge, auxquels on ajoutera, bien sûr, l’animateur lui même : l’historien Jacques le Goff. Le thème de cette émission nous est cher puisqu’elle traite de François de Montcorbier, que nous connaissons tous mieux sous le nom de François Villon ; ce programme d’exception fut enregistré à l’occasion de la sortie, cette même année 1982, par Jean Favier (lui-même grand historien de la période médiévale) de son ouvrage : « François Villon » chez Fayard.
Un Villon plus réel que jamais
« Des écoles aux tavernes, du port en Grève au cimetière des Innocents, de la cour chevaleresque du roi René au bouge de la Grosse Margot, les véritables héros de ce livre sont la vie et la mort, Dieu et la Fortune, l’amour et la haine, la justice et la misère. Mais l’oeil du poète est malicieux, et il a cent facettes. »
François Villon, Jean Favier ( Fayard, 1982)
Plus qu’un tour complet de l’œuvre de Villon, on abordera, dans ce programme, des éléments au plus près de la vie de cet auteur du Moyen Âge tardif. C’est même d’ailleurs tout l’intérêt de cette émission même si, bien entendu, les deux ne peuvent être démêlées si facilement : comme pour bien des auteurs de cette période, l’œuvre alimente nécessairement une partie de ce que les historiens tentent de déduire de sa biographie, même en y mettant, bien sûr, tous les guillemets que cela suppose. Sur Villon, il existe heureusement quelques sources historiques et juridiques sur lesquels on peut s’appuyer pour effectuer quelques croisements supplémentaires.
Loin des caricatures faciles
On le doit sans nul doute aux esprits éclairés qui l’ont animé voilà près de 40 ans, mais un des atouts majeurs de ce programme est de soulever des questions tout à fait ouvertes sur la vie véritable de Villon. Pour peu, on y découvre presque un nouveau Villon, petit clerc, qui pourrait bien s’être démené pour tenter de devenir un auteur suffisamment reconnu pour en vivre. Aurait-il conçu son testament comme une sorte de book ? Angles nouveaux, hypothèses plus qu’affirmations, discussions et réflexions nourries en tout cas. On n’y tombe jamais dans la caricature facile et un peu romanesque d’un Villon repris à la sauce du XXe siècle : mauvais garçon, poète maudit, fornicateur et jouisseur patenté, voleur, criminel notoire, peut-être même coquillard, etc… Le tableau est impressionniste, il se découvre par petites touches entre ombre et lumière.
Au sortir, vous en apprendrez sur Villon dans cette émission qui remet un peu les pendules à l’heure, tout en se défendant de trancher aveuglément. On s’y posera des questions sur l’itinéraire professionnel comme sur les errances de Villon. On interrogera aussi, au passage, cette Ballade contre les ennemis de la France que nous avons déjà abondamment commentée. Était-elle une commande ou plutôt l’oeuvre spontanée d’un Villon naturellement attaché aux valeurs de la France ? Elle laissera nos intervenants un peu désaccordés aux portes du mystère. On y fera encore de belles incursions dans le Paris du milieu du XVe siècle et dans le cœur de ses tavernes.
De la vulgarisation en histoire
Au sortir de cette approche tout en nuances, qui ne craindra pas de laisser en chemin de belles interrogations et quelques espaces vides habités de mystère, on ne pourra s’empêcher de se dire que Jacques le Goff faisait encore, ici, la démonstration d’une chose : on pouvait (et on peut sans doute toujours) réunir autour d’une table d’excellents chercheurs universitaires et de brillants historiens tout en réussissant à faire une émission qui s’adresse à tout le monde, au public averti comme au grand public. Le tout sans tomber dans une histoire schématique, simplifiée, ni dans une sorte de « vulgate » narrative à un seul degré. Et s’il s’agit là d’une forme de « vulgarisation » (concept un peu fourre-tout dont il faut quelquefois se défier en ce qu’il commence à la sortie des laboratoires pour finir on ne sait où, et quelquefois jusque dans des productions à des lieues des vérités historiques sous prétexte de les mettre à portée), mais, soit, s’il s’agit là d’une forme de « vulgarisation », disais-je, alors elle devrait donner le La ou au moins de vraies lettres de noblesses à sa définition.
Jean Favier : grand historien-archiviste des XXeme-XXIeme siècle
Eléments de biographie
Jean Favier (1932-2014) est un historien archiviste chartiste des XXe et XXIe siècles. Egalement agrégé d’histoire, il suivit une brillante carrière universitaire débuté à Rennes puis Rouen et qui le conduisit finalement à être directeur d’Etudes à la prestigieuse Ecole Pratiques des Hautes Etudes. Il y officia de longues années, avant d’aller enseigner la Paléographie médiévale à la Sorbonne.
Au cours de son parcours, il a également été très actif dans le domaine de la culture ; il a notamment conduit, pendant plus de 20 ans, de grandes œuvres et travaux pour les archives nationales. Entre autres fonctions notables, on le retrouvera également président de l’Académie des Belles Lettres et, dans le domaine de la publication, directeur de la Revue Historique pendant 25 ans. Son action dans le domaine de la Culture, de l’Histoire et des Archives lui ont valu de nombreux titres honorifiques. Pour l’ensemble de son parcours et de ses contributions, Jean Favier est à juste titre, reconnu, à la fois comme un grand historien médiéviste et comme un grand serviteur de l’Etat.
L’ouvrage de Jean Favier sur François Villon
Ce livre est encore édité chez Fayard au format broché. Voici un lien utile pour plus d’informations : François Villon
Quelques autres publications
Si les contributions et publications de Jean Favier ne se sont pas cantonnées au Moyen Âge, il a tout de même produit un nombre considérable d’ouvrages dans ce domaine. Citons pour exemple : Philippe le Bel (1978, Fayard), La Guerre de Cent Ans (sorti chez Fayard en 1980 et qui lui vaudra plusieurs prix), La France féodale (1995, GLM ). Sur les circuits des affaires et le monde économique médiéval, on pourra également lire De l’Or et des épices : naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge (1987, Fayard), ou encore le Bourgeois de Paris au Moyen Âge (2012, Tallandier). Enfin, on pourra compléter cette esquisse de bibliographie par des ouvrages comme Louis XI (2001, Fayard) ou Les Plantagenêts : origines et destin d’un empire (2004, Fayard), et on mentionnera encore son impressionnant Dictionnaire de la France Médiévale, sorti en 1993, chez Fayard également.
Félix Lecoy (1903-1997): philologue, romaniste et universitaire, spécialisé en littérature médiévale. Enseignant au Collège de France (chaire de langue et littérature française du Moyen Âge).
Bernard Guénée (1927-2010) : enseignant-chercheur, académicien et historien français, normalien, professeur émérite d’Histoire médiévale à La Sorbonne, directeur d’études à l’EPHE.
Jacques le Goff (1924-2014) : historien-médiéviste, directeur de l’EPHE, co-directeur de la revue LesAnnales, co-producteur et présentateur de l’émission les Lundis de l’Histoire. A l’image des trois autres, il est difficile de résumer son parcours en 2 phrases, mais disons que dans la ligne de la Nouvelle histoire, il a fait de l’histoire des mentalités du Moyen Âge et de l’anthropologie historique de l’Occident médiéval ses grandes spécialités. (voir d’autres articles à son sujet sur le site)
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, fable médiévale, langue d’oïl, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poète médiéval, pauvreté, justice, poésie satirique Période : XIIe siècle, Moyen Âge central. Titre : Dou chien et d’une berbis Auteur : Marie de France (1160-1210) Ouvrage : Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820,
Bonjour à tous,
utour du premier siècle de l’ère chrétienne, Caius Iulius Phaedrus, plus connu sous le nom de Phèdre, lègue à la postérité un grand nombre de fables. Il crée ses propres récits, mais, pour une grande part d’entre eux, marche dans les pas du grec Esope qui l’avait précédé de cinq-cents ans.
Ce double-héritage traversera le temps jusqu’au Moyen Âge pour y être repris, en partie, sous le nom d’Ysopets ou Isopets. Ces petits récits où les personnages sont plantés par des animaux inspireront ainsi quelques auteurs médiévaux. A la fin du XIIe siècle, Marie de France est l’un des plus célèbres d’entre deux. Deux siècles plus tard, au Moyen Âge tardif, Eustache Deschamps s’y frottera aussi bien que dans une moindre mesure. Plus tard encore, au XVIIe siècle, par son talent stylistique hors du commun, Jean de Lafontaine, donnera, à son tour, à ses fables antiques de nouvelles lettres de noblesse. Aujourd’hui, nous étudions ensemble la fable médiévale de Marie de France intitulée : dou chien et d’une brebis.
Ou comment les puissants utilisent
la justice pour dépouiller les faibles
On trouve la trace de cette fable du Chien et de la Brebis chez Phèdre. Elle est , toutefois, reprise dans des formes un peu différentes chez Marie de France. Chez les deux auteurs, la justice est instrumentalisée de manière perfide par les puissants, au détriment des faibles. En effet, ces derniers n’hésiteront pas à produire de faux témoins pour dépouiller la brebis, éternel symbole de pauvreté, d’innocence et de faiblesse. Dans les complices de la malversation, la poètesse franco-normande a ajouté un rapace, qu’on ne trouve pas chez Phèdre et qui vient renforcer cette idée de collusion des prédateurs.
La fin de la fable de Phèdre est aussi plus heureuse puisque la Brebis paye ce qu’on lui réclame injustement mais ne périt pas. Egalement, le loup s’y trouve punit de son mensonge et la notion d’une justice transcendantale est mise en avant : les dieux le font tomber dans une fosse pour son mensonge. Chez Marie de France, la fin est sans appel. L es pauvres et les faibles sont sacrifiés par les puissants et on se partage leurs avoirs (et, même leur chair) entre prédateurs. Faut-il y voir le simple reflet du pessimisme de la poétesse ? On serait plutôt tenté d’y décrypter l’influence contextuelle de maux de son temps qu’elle entend dénoncer ainsi, ouvertement.
Le Brebis, le chien et le loup chez Phèdre
Les menteurs n’évitent guère la punition de leurs méfaits. Un Chien de mauvaise foi demandait à la Brebis un pain qu’il soutenait lui avoir laissé en dépôt. Le Loup, cité comme témoin, affirma qu’elle en devait non pas un, mais dix. La Brebis, condamnée sur ce faux témoignage, paya ce qu`elle ne devait pas. Peu de jours après elle vit le Loup pris dans une fosse : « Voilà, dit-elle, comme les dieux récompensent le mensonge! »
Les Fables de Phèdre, traduites par par M. E. Panckoucke (éd de 1864)
Dou Chien et d’une berbis
dans l’oïl franco-normand de Marie de France
Or cunte d’un Chien mentéour De meintes guises trichéour, Qui une Berbis emplèda Devant Justise l’amena. Se li ad un Pain démandei K’il li aveit, ce dist, prestei; La Berbiz tut le dénoia E dit que nus ne li presta. Li Juges au Kien demanda Se il de ce nus tesmoins a Il li respunt k’il en ad deus, C’est li Escufles è li Leus. Cist furent avant amenei, Par sèrement unt afermei Ke ce fu voirs que li Chiens dist: Savez pur-coi chascuns le fist, Que il en atendoient partie Se la Berbis perdeit la vie.
Li Jugièrres dunc demanda A la Berbis k’il apela, Pur coi out le Pain renoié Ke li Chienz li aveit baillié, Menti aveit pur poi de pris Or li rendist ainz qu’il fust pis. La Chative n’en pot dune rendre Se li convint sa leine vendre, Ivers esteit, de froit fu morte, Li Chiens vient, sa part enporte È li Escoffles d’autre par; E puis li Leus, cui trop fu tard Ke la char entre aus detreite Car de viande aveient sofreite. È la Berbiz plus ne vesqui E ses Sires le tout perdi.
Cest essample vus voil mustrer, De meins Humes le puis pruver Ki par mentir è par trichier, Funt les Povres suvent plédier. Faus tesmoignages avant traient, De l’avoir as Povres les paient; Ne leur chaut que li Las deviengne, Mais que chascuns sa part en tiengne.
Du chien et de la brebis
Adaptation en français moderne
NB : nous avons fait le choix d’une adaptation libre et versifiée plutôt qu’une traduction littérale.
On conte d’un chien menteur Aussi tricheur que trompeur, Qui, au tribunal, attaqua Une brebis pour qu’on la jugea. Un pain elle devrait rembourser Que, jadis, il lui a prêté. La brebis nia sans délai : « Jamais tel prêt ne lui fut fait ! Aussi, le juge requit du chien Qu’il puisse produire un témoin. Le chien rétorqua, sentencieux : « Milan et loup : ils seront deux » Ainsi, témoignèrent les compères Et, sous serment, ils affirmèrent Qu’ils confirmaient du chien, les dires. Savez-vous pourquoi ils le firent ? C’est qu’ils en tireraient partie Si la brebis perdait la vie.
Lors, le juge demanda, A la brebis qu’il convoqua Pourquoi avoir nié qu’un pain Lui fut bien prêté par le chien ? C’était là piètre menterie Qu’elle rende ce qu’elle avait pris ! La pauvrette qui n’avait rien Dut vendre sa laine à bas prix. C’était l’hiver elle en périt. Le chien vint prélever sa part, Puis le milan vint à son tour Et puis le loup, un peu plus tard, Ainsi la chair fut partagée Car de viande on avait manqué Et c’en fut fait de la brebis Que ces seigneurs avaient trahie.
Moralité
Cet exemple nous montre bien (et je pourrais en trouver maints) Comment par ruse et perfidie On traîne les pauvres en plaidoirie Leur opposant de faux témoins Qui se payent sur leurs maigres biens. Peu leur chaut de ce qu’il devienne, Pourvu que chacun, sa part, prenne.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, ballade médiévale, moyen-français, poésie réaliste, Honneur français. Auteur : François Villon (1431-?1463) Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle. Titre : Ballade contre les Mesdisans de la France Ouvrage : François Villon, nouvelle édition revue corrigée et mise en ordre, avec des notes historiques et littéraires par P.L Jacob (1854)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous avons le plaisir de revenir à la poésie de François Villon et ce plaisir est d’autant plus grand que nous le faisons à travers une pièce assez particulière de son oeuvre. On lui a donné des titres divers : Ballade contre les Mesdisans de la France, Ballade de l’honneur françois, ou encore Ballade contre les ennemis de France. Dans le refrain de sa ballade, son auteur l’adresse, quant à lui, à ceux ou celui « qui mal vouldroit au royaume de France ». On le voit,quelque soit le titre qu’on lui donne, le thème est assez explicite.
Une Ballade de l’honneur français
Quand nous disons que cette poésie est particulière, il est vrai qu’elle pourrait détoner avec des images plus anti-conformistes qu’on a quelquefois été tenté de former sur Villon et qui sont, finalement, plus proches d’une vision contemporaine que de la réalité historique et médiévale. Nous faisons notamment référence à une sorte d’archétype moderne du « poète maudit » : « Villon l’éternel brigand, le mauvais garçon, amoral à tous points de vue, contre et contre tous, un peu anarchiste, peut-être même nihiliste, et pourquoi pas, non-croyant, apatride, individualiste »… Bref un type qui aurait rejeté un peu tout en bloc. Or, pas tant que ça, on le verra encore ici.
Sources et attributions
La Ballade de l’honneur françois est acceptée assez communément dans le corpus du poète médiéval par ses premiers biographes et même comme étant de sa plume. Elle le demeure encore à ce jour, auprès de la majorité des spécialistes de littérature médiévale et de Villon.
Jason, la toison d’or et les Taureaux de Colchide (voir expo BnF)
Du point de vue des sources, un manuscrit en attribue explicitement la paternité à Villon : le MS Français 12490 de la BnF. D’autres codex d’époque font état de cette poésie sans lui attribuer. Dans un article de la revue Romania, daté de 1892, l’historien archiviste suisse Arthur Piaget, commentant une édition des œuvres de Villon par Auguste Longnon, monta au créneau pour contester la paternité de l’auteur médiéval sur un certain nombre de pièces présentes dans l’ouvrage. La Ballade contre les Mesdisans de la France en faisait partie. Piaget l’écartait sans étayer tellement son propos et finalement plus sur la foi d’un rejet de la légitimité du Manuscrit 12490 que sur des éléments de fond ou de style (rejet du manuscrit mis en avant par ailleurs par W. G. C. Bijvanck, spécimen d’un essai critique sur les oeuvres de François Villon ; 1882) .
« Deux-plumes n’est pas de cet avis », disait Edward Sapir en réfléchissant à la définition de « culture » et de champ culturel. Dans le monde des œuvres et des corpus médiévaux, c’est devenu presque une règle. Les deux-plumes y sont légions. Ce n’est d’ailleurs pas qu’une question « d’avis » mais de construction théorique et une hypothèse chasse l’autre. On ne peut donc qu’acter la présence de contradicteurs. Nous concernant, nous nous rangerons, pour l’instant, du côté de l’attribution possible à Villon. Nous y trouverons d’ailleurs quelques pistes du côté de ceux qui en sont d’accord.
Eléments de Contexte
Villon a-t-il écrit cette ballade, qui met clairement en exergue ses sentiments d’appartenance au royaume de France, après sa grâce royale ? Certains auteurs ont avancé qu’il avait pu le faire après ses tristes mésaventures de Meung sur Loire. Il aurait, ainsi, voulu remercier le roi français à qui il devait sa liberté nouvelle et inespérée. Au fond, pourquoi pas ? Du point de vue de la période, on aurait peu de mal à admettre que cette ballade se situe plus dans la
dernière partie de la vie connue de Villon que dans son jeune âge.
Egalement, on ne peut s’empêcher de penser, en lisant cette ballade « Villonesque », à certains accents poétiques de Charles d’Orléans dont Villon a côtoyé brièvement la cour : les « Combien certes que grand bien me faisoit de voir France que mon cœur aimer doit » du prince ou encoreson « très chrétien franc royaume de France » dont, longtemps prisonnier, il avait appelé la grandeur de ses vœux. Son éloignement du trône et du royaume avait ouvert la voie à une poésie qui chantait de manière inspirée, les honneurs de la France. Au delà de l’influence directe du prince sur sa cour et sur les cercles d’auteurs qui la côtoient, cette idée d’une grandeur française est, du reste, loin d’être incongrue chez les poètes du XVe siècle.
Alors, Villon a-t-il eu besoin, nécessairement, d’exprimer sa gratitude ou de chercher une gratification pour écrire cette ballade ? On ne voit pas très bien pourquoi il aurait eu à se forcer, sauf à projeter sur lui a posteriori une sorte de nature antagoniste de principe et vis à vis de tout, y compris de sa patrie. Outre le fait que cela ne semble pas tellement d’époque (hors de certains pactes avec l’Anglois que la guerre de cent ans avait favorisés) et ce même pour un esprit libre et marginal comme Villon, ce dernier a toujours désigné ses ennemis nominativement et la France n’en a jamais fait partie. D’autres textes montrent également qu’il se reconnait dans ses valeurs de défense du royaume (on pourra citer, en exemple, sa Ballade des Dames du temps jadis et sa « Jehanne, la bonne Lorraine qu’Anglais brûlèrent à Rouen« ).
Villon et sa défense des armes de France
chez François Rabelais
Pour abonder dans le sens d’un Villon, défenseur de l’honneur français, au siècle suivant, Rabelais avancera à son tour et non sans humour, dans cette direction (voir Œuvres de Maître François Rabelais publié sous le titre de Faits et Dits du géant Gargantua et de son fils Pantagruel, T4 , 1711). Il nous contera, en effet, un échange entre Villon et “Edouar le quin”, roi d’Angleterre (au vue des dates, il aurait plutôt dû s’agir Edouard IV). Selon Rabelais, après son bannissement, Villon se serait réfugié en Angleterre. Il aurait alors eu l’occasion d’y faire la rencontre du souverain.
Dans une scène fictionnelle haute en couleurs, Rabelais nous dépeint un Villon prenant vertement la défense des « armes de France » (au sens d’armoiries) devant le roi anglais. Le poète se moque même, largement de ce dernier et de la terreur que pourrait lui inspirer la vue de telles armes au point qu’il pourrait se faire dessus, sans retenue et de multiples fois, à leur seule vue : rabelaisien, humoristique et patriotique. Si la guerre de cent ans est finie sous Rabelais, le roi d’Angleterre peut encore y faire figure d’ennemi historique tout désigné du royaume de France et on ne peut s’empêcher de voir, peut-être là, une allusion à notre Ballade contre les Mesdisans. Rabelais abonde en tout cas dans ce sens : on peut être Villon, être mauvais garçon et pour autant, se reconnaître comme un enfant du royaume, au point d’en prendre la défense.
Des représailles vitriolées à l’encontre
des médisants et des ennemis du royaume
Pour revenir au contenu de notre ballade du jour, entre antiquité grecque, histoire romaine et références bibliques, Villon y adresse une série de bravades à l’attention de ceux qui pourraient être tenté de porter atteinte, en paroles ou en actes, au Royaume de France. Contre l’image du mauvais garçon, du polisson ou même du repenti, très auto-centré sur son expérience personnelle (à laquelle son Testament nous avait habitué), Villon s’abstrait ici du propos pour dresser une liste de représailles vitriolées auxquelles il voue tous ses détracteurs.
S’il ne laisse aucune équivoque sur le côté où il se range, il ne désigne pourtant pas ces ennemis nominativement ; au fond, l’impression générale qui ressort de la lecture est qu’il s’agit même d’ennemis intemporels : adversaires ou médisants de son temps, mais aussi ceux qui viendront, bien après lui, du dehors comme du dedans. Comme son épitaphe ( plus connu encore comme la Ballade des pendus ) c’est encore un texte qui s’inscrit dans une forme d’éternité des valeurs.
Bestiaire médiéval : le butor, échassier ambivalent, qui s’enfouit dans la vase durant l’hiver – Bibliothèque du Pays-bas
Précisons que pour rendre cette poésie,plutôt ardue, accessible à tous, nous avons suivi PL Jacob (op cité) dans son approche très annotée de l’oeuvre de Villon. Ici, les références sont denses et nombreuses et, sans le recours aux notes, leur grand nombre pourrait même rendre difficile la compréhension. En suivant le fil des supplices que le poète destine à tous les détracteurs du royaume, vous croiserez, tour à tour, des traîtres, des orgueilleux, d’autres que la convoitise ou la rapacité avaient aveuglés, d’autres encore pleins d’eux-même et jusqu’à ceux-là capables de vendre la chair de leurs enfants aux dieux pour qu’elle soit dévoré. Mais encore une fois, ne nous y trompons pas, cette ballade s’intéresse plus aux représailles à l’attention des ennemis potentiels de la France qu’à celles subies par les personnages mythiques ou historiques invoqués.
Pour finir, on notera encore que si François Villon leur réserve à tous les pires supplices, le procédé stylistique utilisé ici et sa redondance ne sont pas sans évoquer d’autres de ses poésies. Dans un autre registre, on pense, par exemple, à sa ballade des taverniers « brouilleurs de vin » qu’il vouait aux pires tortures, dans une longue litanie. Ici, l’univers est tout autre et l’humour est absent. Sous la force des références antiques, bibliques, et hautement symboliques, les ennemis du royaume seront tous condamnés par Villon à être punis pour l’éternité et même devant Dieu. Pour peu, cette ballade qu’on dirait, aujourd’hui, patriotique et qui vient d’un côté où on l’attendait moins, reléguerait la future Marseillaise de Rouget de Lisle (1792) au rang d’hymne plutôt gentillet.
La Ballade de l’Honneur François
de Villon commentée et annotée
Rencontré soit de bestes feu gectans , Que Jason vit, quérant la Toison d’or (1); Ou transmué d’homme en beste, sept ans. Ainsi que fut Nabugodonosor (2); Ou bien ait perte aussi griefve et villaine Que les Troyens pour la prinse d’Héleine ; Ou avallé soit avec Penthalus (3) ; Ou, plus que Job, soit en griefve souffrance, Tenant prison avecque Dédalus(4), Qui mal vouldroit au royaume de France !
Quatre mois soit en un vivier chantant, La teste au fons, ainsi que le butor (5); Ou, au Grant-Turc, vendu argent contant, Pour estre mis au harnois com’ bug for (comme un bœuf de trait); Ou trente ans soit, comme la Magdelaine (6), Sans vestir drap de linge, ne de laine ; Ou noyé soit, comme fut Narcisus ; Ou aux cheveux, comme Absalon (7), pendus Ou comme fut Judas, par despérance (se pendit par désespoir); Ou puist mourir, comme Simon Magus(8) : Qui mal vouldroit au royaume de France !
D’Octovien puisse venir le temps : C’est qu’on luy coule au ventre son trésor (9); Ou qu’il soit mis, entre meules flotans , En un moulin, comme fut saint Victor (10); Ou transgloutis en la mer, sans haleine, Pis que Jonas au corps de la baleine; Ou soit banny de la clarté Phoebus (Apollon, le radieux, le dieux Soleil), Des biens Juno, et du soûlas Vénus (11); Et du grant Dieu, soit mauldit à oultrance(sans espoir de pardon), Ainsi que fut roy Sardanapalus(12) Qui mal vouldroit au royaume de France !
Envoi.
Prince, porté soit ès désers Eolus(de Eole, dieu des vents), En la forest où domine Glaucus(Glaucos : dieu marin, fils de Poséidon) Ou privé soit de paix et d’espérance : Car digne n’est de possesser vertus, Qui mal vouldroit au royaume de France.
NOTES
(1) » Bestes feu gectans » : les Taureaux de Colchide sont des automates faits de bronze, crées par Héphaestos (dieu du feu, des volcans et de la forge). De la taille d’un éléphant, ils ont la propriété de cracher du feu tel un dragon. Dans la mythologie, Jason devra les affronter et réussir à les dompter pour pouvoir récupérer la toison d’or.
(2)Nabuchodonosor II roi de Babylone (605-562 av JC) également mentionné dont l’ancien testament dans lequel on nous conte qu’il fut condamné à être changé en bête durant 7 ans : Daniel 4:25 “22. On te chassera du milieu des humains et tu vivras parmi les bêtes des champs. On te nourrira d’herbe comme les bœufs et tu seras trempé de la rosée du ciel. Tu seras dans cet état durant sept temps, jusqu’à ce que tu reconnaisses que le Très-Haut est le maître de toute royauté humaine et qu’il accorde la royauté à qui il lui plaît. «
(3) Penthalus :en accord avec PL Jacob, il faut sans doute lire ici Tentalus ou Tentale, condamné par les dieux à passer l’éternité à souffrir les affres de la faim et la soif pour leur avoir présentés un banquet fait de chair humaine : celle de son propre fils Pélops. Quant à Job, il s’agit du supplicié biblique, mis à l’épreuve par le malin et condamné, en plus de subir la maladie, à perdre richesse, famille et amis.
(4) Dédalus : dans la mythologie grecque, Dédale, architecte et inventeur de génie, fut entre autre, le constructeur du labyrinthe du terrible Minotaure (qu’il a d’une certaine façon contribué à faire naître). Le roi Minos, fils de Zeus et d’Europe, finira par enfermer Dédale dans son propre piège, suite à de multiples trahisons. Ce dernier tentera de s’en échapper avec son fils Icare en fabricant des paires d’ailes. On connait les suites funestes de cette tentative d’évasion.
(5) Au Moyen Âge,le butor, petit oiseau échassier, est perçu comme un animal ambivalent, souvent associé au Malin. PL Jacob nous dit également de lui qu’à cette même époque, on pensait qu’il hibernait en s’enfouissant sous la vase.
(6) La Magdelaine. Il s’agit, bien sûr, de Marie-Madeleine ou Marie la Magdaléenne du nouveau testament (aujourd’hui objet de toutes les spéculations et controverses). Certaines écritures nous conte qu’elle se retira de longues années pour faire pénitence dans le désert, dans la misère et le dénuement le plus total.
(7) Narcisus et Absalom : On connait bien ce Narcisse de la mythologie grecque, fils du fleuve Céphise et d’une nymphe, Liriope. D’une grande beauté, il était aussi orgueilleux et plein de lui-même. Ce fut au point que, tombé amoureux de son propre reflet dans l’eau, il s’abîma dans sa propre contemplation jusqu’à se laisser surprendre par la mort. Absalomest, quant à lui, un personnage biblique de l’Ancien testament. Troisième fils du roi David, il avait vengé sa sœur d’un viol en tuant Amnon, son beau-frère, l’agresseur de cette dernière. Conspué, il s’enfuit du royaume pour fomenter une révolte quelques années plus tard. Ses troupes seront mises en déroute par celle du roi. A l’occasion d’une dernière bataille, dans la forêt d’Éphraïm, au moment de sa fuite, il se prendra la chevelure dans les branches d’un arbre. Incapable de se défendre, il sera alors exécuté par Joab, général du Roi David, contre les instructions de ce dernier qui avait formé le projet de l’épargner.
(8) Simon Magus ou Simon le mage. Ce personnage qu’on trouve aussi dans les écritures (Actes des apôtres) était connu pour ses prodiges dans la région de Samarie (ancienne capitale d’Israël en Cisjordanie). Il fut condamné à l’Hérésie pour avoir tenté de monnayer à Pierre ses pouvoirs miraculeux contre de l’argent. Une autre version explique qu’il avait requis l’aide de démons pour s’élever dans le ciel. Il entendait ainsi prouver aux romains qu’il possédait des pouvoirs divins, mais il finit par tomber et se rompre les jambes.
(9) Octavien Caius Octavius, fils adoptif de Jules Césarqui deviendra Auguste (14-63 av JC). La référence est-elle dans le second triumvirat ou y a-t-il une erreur de chronologie de Villon, comme le pense PL Jacob en suivant son prédécesseur Prompsault ? En tout état de cause, on retrouve à plusieurs reprises dans l’histoire de l’empire romain (et quelquefois contre lui), ce supplice de l’or fondu versé dans la bouche d’un condamné pour sa cupidité. Un peu avant le règne d’Octavien, (autour de 53 av JC) le général Marcus Licinius Crassus en fut victime pour sa cupidité.
(10) Saint-Victor(autour de 200-300 ap JC) : Victor de Marseille, dans les hagiographies et la vie des saints. Ce militaire romain et officier de l’empereur refusa de faire des offrandes aux Dieux Romains et fut condamné à être écrasé sous le meule d’un moulin pour avoir refusé de renier sa foi chrétienne et son dieu unique.
(11) “Des biens Juno et du soûlas Vénus “ : des biens de Junon ou des plaisirs de Venus. Autrement dit, qu’il soit exclus des bienfaits, des richesses et des honneurs de la déesse Junon mais aussi des plaisirs et des joies de l’amour prodigués par Vénus.
(12) Sardanapalus : Selon Prompsault, là encore suivi par PL Jacob, il y aurait une confusion de Villon entre Sardanapale ou Sardanapalos, connu encore sous le nom de Assurbanipal, roi assyrien (669 – 626 av JC) et Antiochus le Furieux, roi de Syrie, qui nous dit-il “périt misérablement sous l’anathème du Dieu d’Israël”. Ce n’est, il est vrai, pas le cas de Sardanapale. Il ne fut pas maudit et la bible, en tout cas, ne le mentionne pas de manière défavorable. Il ne semble pas non plus que les événements autour de la mort aient été particulièrement notables.
On notera, toutefois, que dans d’autres versions de la même ballade de Villon, on trouve en lieu du « grand dieu » le vers suivant : « Et du dieu Mars soit pugny a oultrance Ainsi que fut roy Sardanapalus ». (Voir The Drama of the Text : Proceedings of the Conference Held at St. Hilda’s College Oxford, Michael Freeman, Jane H. M. Taylor, 1996 ). Or, cela change un peu les choses, en ce cas, puisque, d’un point de vue historique, le règne de Sardanapale se fit sous le signe de nombreuses guerres (Dieu Mars) même s’il en sortit plutôt victorieux.
Plus intéressant encore, durant l’antiquité, certains chroniqueurs grecs présentèrent Sardanapale comme un roi oiseux, débauché, plongé constamment dans la luxure et ne quittant jamais son palais. Plus tard, sur cette lancée, d’autres historiens romains, dont Justin (IIIe-IVe s ap JC), avancèrent que ce goût pour la débauche, doublée d’une nature sexuelle assez atypique pour un souverain d’alors, aurait même valu à ce dernier de s’attirer la violence des siens et les foudres du Dieu Mars (symbole de la guerre, mais aussi d’une certaine virilité et fertilité). Dans cette version des faits, le règne de Sardanapale s’acheva même de manière tragique puisque, face à l’adversité, il aurait préféré se soustraire en incendiant ses gens, ses biens et ses richesses ainsi que sa propre personne (voir ci-dessus « la mort de Sardanapale », le chef d’œuvre de Eugène Delacroix ). Une fin qui, dès lors, pourrait peut-être mieux coller à la référence de la ballade de Villon ? Ce n’est, bien sûr, qu’une hypothèse qui demanderait à être creusée. Voici en tout cas un extrait des écrits de l’historien Justin sur cette « punition » de Sardanapale par le Dieu Mars :
« … Il (un de ses préfets) découvrit Sardanapale entouré d’une foule de concubines, et dans l’habillement d’une femme, enroulant de la laine pourpre avec une quenouille, et distribuant des tâches aux filles mais les surpassant toutes en féminité et en dévergondage. Après avoir vu cela, et indigné que tant d’hommes fussent soumis à une telle femme, et que des gens qui avaient des armes de fer obéissent à une fileuse de laine, il partit rejoindre ses compagnons, leur racontant ce qu’il a vu, et leur disant qu’il ne pouvait obéir à un cinède préférant être une femme plutôt qu’un homme. Une conspiration fût formée, et la guerre éclata contre Sardanapale, … Étant défait dans la bataille, il se retira dans son palais et ayant dressé une pile de combustible à laquelle il mit le feu, s’y jeta avec ses richesses, agissant pour la première fois comme un homme.. » Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée, Paris, Belles Lettres,
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, lectures audio, langue d’oïl, vieux français, moyen français, prononciation, textes anciens, littérature médiévale, fabliaux Période : du XIIe au Moyen Âge tardif Auteurs :divers auteurs médiévaux Jean Bodel, Rutebeuf, Eustache Deschamps, François Villon, etc…
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous sommes très heureux de constater que nos lectures audio en vieux français et en moyen-français continuent de susciter un intérêt véritable sur youtube, autant que des questions et des commentaires réguliers.
Qui aurait pu présager que des textes datés de plus de 700 ans pour certains et devenus, en grande partie, incompréhensibles à l’oreille, puissent rallier autant d’auditeurs ? C’est, en tout cas, toujours un grand plaisir de voir que ces pièces de littérature médiévale pique la curiosité des francophones d’ici et d’ailleurs, mais aussi de certains amateurs de langue française de par le monde.
Le français et la francophonie dans le monde
Gageons que cet intérêt pour l’histoire du français ne se tarira pas. A en juger à de récentes projections, la langue française se porte plutôt bien dans le monde. Son devenir semble même largement assuré au niveau de la francophonie et d’ici 2050, elle pourrait bien être la première langue parlée dans le monde.
Pour donner quelques chiffres supplémentaire, aujourd’hui, le français se classe encore dans le Top 3 des secondes langues les plus apprises dans le monde avec plus de 100 millions d’apprenants. Elle est aussi la 2ème langue la plus traduite sur le globe. Enfin, elle tire encore son épingle du jeu dans le monde des affaires en étant la 3ème langue la plus utilisée dans ce domaine, après l’anglais et le chinois. Présente dans un grand nombre de pays, il faut dire qu’elle partage avec l’anglais l’avantage d’être une des seules langues à être parlée sur cinq continents. Cette parenthèse faite, revenons à nos moutons, soit nos lectures audio en français ancien.
Lectures audio en langue d’oïl :
le Moyen Âge central en vedette
A date, nous avons mis en boite sur notre chaîne youtube, un peu plus d’une quinzaine de lectures audio en langue d’oïl et en français ancien. La chaîne cumule autour 330 000 vues mais sur ces seuls médias nous en sommes à plus 80000 visionnages. Perfectible ? Sans doute, mais plutôt pas mal pour un sujet aussi pointu et spécialisé.
A la vue des chiffres, c’est le vieux français du Moyen Âge central qui emporte la vedette. Pour l’instant, il attire bien plus la curiosité que le français du Moyen Âge tardif d’un François Villon ou d’un Eustache Deschamps .
Règles suivies pour la prononciation
du vieux français et de la langue d’oïl
Comme toutes ces lectures audio suscitent régulièrement des commentaires et des questions (dont une ce matin même d’une personne originaire de Russie que j’en profite pour saluer au passage), nous avons pensé qu’il pourrait être judicieux de mettre à plat certaines règles que nous y avons appliquées en matière de prononciation du vieux français.
Sur la prononciation des R
Depuis les premiers balbutiements de la langue d’oïl, en passant par le Moyen Âge central et tardif et même bien plus tard encore, le R est censé être roulé en français. Dans les lectures, je le roule « à l’italienne », en le modulant plus ou moins. Il s’agit donc du R latin, appelé R apical qui se roule avec le vibrato de la langue pour l’appuyer (voir explication audio sur la différence entre les différents type de R).
Après le XVIIe siècle, en français « standard » (Paris – île de France), le R deviendra graduellement uvulaire ou grasseyé. Il sera alors roulé plus sur la gorge et sur le haut du palais que sur la langue. Effet de coquetterie ? Peut-être. Quoiqu’il en soit, ce R grasseyé finira également par disparaître du français moderne standard et, en métropole, on ne le trouvera plus roulé que dans nos campagnes et dans certaines formes de français dialectal. Il sera encore longtemps roulé (R uvulaire) dans de nombreux pays de la Francophonie (Quebec, Afrique, Belgique).
Disparition tardive des R roulés
Certains se souviendront peut-être que le R non roulé n’a conquis que très tardivement certaines régions de France : jusqu’à la deuxième partie du XXe siècle, dans le sud notamment, on le roulait encore. Pour vous convaincre de cette disparition tardive, vous pouvez réécouter des chansons françaises de l’entre deux-guerre ou de l’après-guerre : Berthe Sylva, Alibert, Maurice Chevalier, Edith Piaf, etc… En tendant l’oreille chez les chanteurs de cette période, vous trouverez de nombreuses traces de R apical ou même uvulaire. Vous pouvez aussi revoir quelques films des années 30 et 50 avec Fernandel ou autour de l’œuvre de Marcel Pagnol. Vous y trouverez toujours quelques personnages hauts en couleur ou quelques gendarmes pour faire chanter les R.
Précisons que, à l’image du mouvement général d’évolution de la langue française amorcé depuis le Moyen Âge central, cette disparition du R roulé est certainement parti du berceau parisien du français standard pour s’étendre progressivement sur le reste du territoire (voir notes et réflexions en bas de page sur ces questions). Le siège du pouvoir donne souvent le La en matière de norme linguistique et l’influence culturelle de la capitale sur le français standard a été très tôt reconnue par de grands poètes médiévaux de langue d’oïl. Jean Clopinel nous en parlait déjà dans le Roman de la Rose :
« Si m’excuse de mon langage – Rude, malotru et sauvage, – Car né ne suis pas de Paris. » Jean Clopinel, dit Jean de Meung, (1250-1305)
Sur les diphtongues
Nous prononçons oi ou oie, oit de façon moderne soit « oa » ou « wa ». Nous avons fait ce choix principalement pour des raisons de compréhension mais pas uniquement. Au XIIe et XIIIe siècles, les diphtongues sont réputées plus appuyées que dans les siècles suivants. Autrement dit, les lettres qui les composent auraient été plus distinctement détachées à la prononciation et donc à l’écoute. Suivant ce précepte, les « oi » des premiers temps du Moyen Âge central devaient sans doute être plus prononcés ohi, voir uhi.
De oi à wa sans passer par le oé
D’après certaines de nos premières lectures, les oi, oie et autres oit ne seraient prononcés « oé » (« Vive le roé ») qu’à partir du Moyen Âge tardif (XIVe, XVe siècle). Peut-être l’étaient-ils localement avant cela (accents ou usages régionaux locaux ayant pu influencé, plus tard, le standard) ? L’hypothèse d’une évolution des usages allant à l’économie (loi du moindre effort) ne semble pas tellement applicable mais j’avoue n’avoir pas cherché d’éléments pour expliquer ce glissement progressif du « ohi » vers le « ohé » (adoucissement, régionalisme ou centralisme ayant influencé les usages, naissance d’un usage de classe ?). Dans le sens inverse de ces usages, ce « oui » qui se change quelquefois en « ouais » (qui n’est pas tout à fait un wé) dans certaines formes argotiques, est assez amusant à relever.
A noter que des lectures ultérieures sur ces sujets semblaient dater plus résolument l’amorce de cette diphtongue (de « oi » -> « ohi » vers « oé » « ohé ») du milieu du XIIe siècle. Selon cette hypothèse, elle devrait donc être établie au temps de Rutebeuf durant laquelle elle aurait même fini par prendre la forme d’un « wé ».
Pour des raisons de compréhension autant que d’esthétique, je dois pourtant avouer que je continue de trouver plus de grâce dans la version modernisée de ces oi en wa contre les oé ou wé de la deuxième hypothèse. Pour le dire de manière triviale, quand on suit ces derniers à la lettre, on finit par en avoir, à ce point, plein la bouche qu’ils donnent quelquefois l’impression de tout recouvrir d’une sorte de « folklorisme rural » (en référence à nos patois et nos accents régionaux du XXe s qui ne sont pas si loin). Or, il nous a semblé que ce tour un peu envahissant, qu’on peut trouver charmant ou, selon, mâtiné d’une certaine drôlerie, grève, quelquefois, en plus de la compréhension, l’intérêt qui peut se dégager, par ailleurs, du reste de ces textes.
Pour apporter de l’eau à notre moulin, ajoutons que pour la transition postérieure, celle du « oé » vers le « oa » [Wa] moderne, certaines hypothèses émettent que le « oi » [Wa] était utilisé par les classes populaires dès le XIIIe siècle et qu’il triomphera à la révolution française (voir article Cefan Université de Laval, Canada), ce qui tendrait à démontrer que, dans certains cas, le parler populaire emporte la partie et devient celui qui s’impose aux autres classes dans une sorte de conquête ascendante du pouvoir linguistique. Selon cette hypothèse, le [Wa] moderne de mes lectures pourrait être pris comme un Wa populaire du XIIIe siècle, ce qui, je l’avoue, n’est pas pour me déplaire. Quoiqu’il en soit, si quelques linguistes ou spécialistes avertis de littérature médiévale ont des éléments d’éclairage supplémentaires sur ces questions, je serais toujours très heureux de les lire.
Pour les autres diphtongues, même si je tends à les marquer plus, je traîne, peut-être, un peu moins sur certaines d’entre elles qu’on ne le faisait pendant les XIIe et XIIIe siècles. Par exemple, dans la lecture de l’extrait du fabliau la housse partie, sur le « Biaux très cher fils », j’aurais tendance à avaler le « i-a-u » pour en faire un io voir un iho. C’était, en réalité, une triphtongue comme en trouve quelques autres dans le français ancien et il est possible que la prononciation ait été alors plus traînante avec un marquage plus nette de toutes les lettres : « bihaho ». Ce sont, par contre, des choses subtiles qui se jouent sur des micro-fractions de temps… Il n’est pas non plus question de faire traîner une diphtongue sur des durées indécentes, simplement de mieux détacher les lettres. Au delà du style, et sauf recherche d’effets comiques ou particuliers ou de prononciation de classe très marquée, la notion d’efficacité semble tout de même et le plus souvent l’emporter en matière oral.
Sur les consonnes muettes, les liaisons et le fond
Pour le reste et pour combler les vides, avec la naissance de ce français vernaculaire et partant du principe que nous sommes encore relativement proches dans le temps du latin d’origine, je me suis, en partie, inspiré du catalan ou de l’italien. Ces deux langues, comme l’Espagnol du reste, prononcent la plupart de leurs lettres écrites et ne connaissent pas de muettes. Pour information, dans l’exercice, je n’ai pas conservé la musicalité de l’italien (langue paroxytonique avec accentuation importante, par défaut, sur l’avant-dernière syllabe). La musicalité et les rythmes choisis restent donc plus proches du français actuel.
Le catalan m’a interpellé parce qu’il a la particularité d’avoir une conformation assez similaire au français, par endroits. Il possède, notamment un nombre important de vocables qui se ne terminent pas, systématiquement, par des voyelles. Or, le français est, de son côté, bourré de consonnes muettes en fin de mots ou même au sein des mots. Concernant celles de fin de mots, dans les lectures, j’ai appliqué la règle des liaisons telles qu’elles se présentent en français moderne. Autrement dit, les consonnes (en principe déjà muettes en fin de mot au XIIIe siècle pour une partie d’entre elles au moins), peuvent se faire entendre, au sein d’un phrase, quand les mots qui les suivent commencent par une voyelle et qu’aucune ponctuation ne les sépare. Le catalan, comme le français moderne, appliquent, de leur côté, une règle similaire sur les liaisons et il m’a semblé logique de les suivre sur ce terrain.
Le S muet
Pour ce qui est du S (avant une consonne ou en fin de mots), il est également devenu muet en français. Devant une consonne, sa prononciation s’est amenuisée progressivement entre les XIe et XII siècles. En fin de vocable, c’est, semble-t-il, à la fin du XIIIe qu’il finira par devenir totalement muet. On imagine assez bien une période de transition où il s’éteint petit à petit et je le traite, quant à moi, de façon parfois totalement muette, parfois esquissé (demi-muet).
Interprétations
J’applique aussi quelques règles qui me semblent logiques sur certaines autres consonnes muettes. Par exemple, dans les mots où nous continuons de le prononcer, jusqu’à ce jour, je ne l’ai pas rendu muet, ce qui encore un fois paraît logique : biaux très cher « fils » et pas « fil ».
Autre exemple, dans « or me faut chascun de créance » de la Pauvreté Rutebeuf, je prononce le t à la fin de faut. Je le fais pour une raison de compréhension et parce qu’il me parait intéressant qu’on l’entende. Dans les faits, il semble être devenu muet progressivement pour s’éteindre dans la plupart des cas, jusqu’à la fin du XIIIe . Dans le cas présent, il me semble justifier de le marquer pour la raison suivante : en espagnol, le verbe « faltar » qui vient de la même racine latine a évolué pour prendre le sens de « faire défaut », « manquer ». En français « fauter » a plutôt pris le sens de faire une « faute », commettre une erreur, un manquement. Quant au verbe « falloir », il a conservé une idée de nécessité. Or, dans cette phrase de Rutebeuf, le sens de ce « faut » rejoint le sens de faire défaut : personne ne veut plus lui prêter. C’est encore le même sens qu’on retrouve dans l’adage populaire « Faute de grives, on mange sur merle« .
Rapprochements vs hermétisme
Voilà à peu près pour les seules règles suivies dans ces lectures. Je ne suis pas allé plus loin pour l’instant et on peut même dire que, la plupart du temps, je « lisse » souvent le reste (par exemple « mon cuer » devient ainsi souvent « mon cœur » et pas « cuèr », ou « cu-eur », ou encore consonnes affriquées j -> dj ch ->tch, etc…). Il y a aussi, comme dans l’exemple du dessus, un certain nombre de cas de figure où je m’inspire d’autres langues latines pour me guider.
Si notre chaîne youtube est, à ce jour et à ma connaissance, l’une des seules qui s’adonne à la lecture, dans le texte, d’extraits de littérature médiévale, je dois préciser qu’il n’y a dans tout cela aucune prétention d’absolu. Il s’agit plutôt d’une tentative de rapprochement. La partie interprétation est présente et il s’agit de trouver une équilibre entre compréhension et restitution : montrer plutôt les parentés et les similitudes, éveiller la curiosité. L’idée n’est pas non plus de se réfugier derrière des « trucs » pour arriver à des lectures incompréhensibles ou hermétiques. Nous sommes, au moins autant interpelé par la recherche de ce qui nous distingue que de ce qui nous unit : du français ancien au français moderne, du français aux autres langues romanes et latines). Cela dit, peut-être serait-il pertinent de complexifier l’exercice, au futur, pour présenter quelques lectures plus proches encore des sources, en opérant de sérieux recoupements entre toutes les hypothèses et les incertitudes ou en se servant de références différentes.
Pour aller plus loin
Nous n’avons pas abordé ici les formes du français du Moyen Âge tardif que nos proposons dans nos lectures. Elles se rapprochent de notre français et, en fonction des lectures, nous appliquons quelquefois ce fameux oi en oé que tout le monde semble avoir associé au français ancien quelque soit le siècle et semble tellement tenir à voir appliquer. Quant aux R, je les module, ils restent roulés mais peuvent parfois tendre vers l’uvulaire.
Une base audio académique et scientifique ?
Un autre visiteur de ces lectures audio se posait la question de savoir s’il existait des travaux académiques (audio) précis sur le sujet. Il faisait allusion à des lectures de textes anciens réalisés par des érudits, pour chaque siècle, avec les nuances exactes entre chaque période et entre chaque « français ». Pour l’instant, nous n’avons pas trouvé, de notre côté, une telle base de données audio académique.
Elle supposerait d’avoir opéré des recoupements en vue d’établir des règles précises et tracer des frontières, dans le temps et dans les espaces géographiques, entre les différentes formes de français ancien ou à défaut de se servir comme référence d’un auteur unique qui fasse autorité. Là encore, si des universitaires éclairés avaient connaissance de quelques travaux audios en ce ce sens, nous serions demandeurs. C’est peut-être, cela dit, beaucoup en demander. La langue est une affaire vivante, mouvante et complexe : localisée, sujette à des régionalismes, des accents, des influences exogènes, des habitus de classes. En matière de poésie ou de chansons, vient s’ajouter une certaine souplesse que s’autorisent les auteurs eux-mêmes dans la prononciation orale de leurs œuvres pour des effets de style ou de rimes, etc… Bien sûr, toute l’affaire est aussi largement compliquée par l’absence de traces sonores.
Autres sources utiles
Pour ceux que ces sujets intéressent, nous conseillerions assez la lecture et l’écoute de chansons du répertoire médiéval reprises par de véritables passionnées de Moyen Âge et de musiques anciennes. En ethnomusicologie, les plus sérieux d’entre eux ont fini par se pencher sur la prononciation du vieux français d’oïl et il est toujours intéressant de comparer leurs interprétation. Vous trouverez des centaines d’articles sur ce sujet dans notre rubrique Musiques, poésies et chansons médiévales.
Egalement, dans les incontournables, ne manquez pas sur France Inter, les podcasts d’une émission réalisée, il y a quelque temps, en compagnie de Michel Zink. Daté de 2014, ce programme avait pour titre « Bienvenue au Moyen Âge et le grand académicien nous y gratifiait, par endroits, de quelques lectures de textes anciens.
Tout cela étant dit, merci à tous de votre intérêt et de votre fidélité ici et sur notre chaîne youtube.
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
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Notes sur la propagation des formes linguistiques standards
Si les accents continuent de subsister en français, de même que les particularismes régionaux, l’urbanisation galopante et l’hyper médiatisation ( arrivée massive de la télévision, du cinéma) ont sans doute contribué à répandre ou imposer une version plus homogène de la prononciation du français standard, à partir du dernier tiers du XXe siècle.
Hors des moyens de diffusion d’une certaine culture centralisée (Paris) sur le reste du territoire, on notera aussi qu’en matière de prononciation orale et d’accent, pour qu’un standard s’impose, il a presque toujours tendance à être véhiculé par ceux qui en acquièrent la maîtrise avec une certaine charge « normative ». Autrement dit, sa maîtrise n’est pas seulement une affaire de sonorités. C’est, d’une certaine manière, un outil de pouvoir ou de destitution. Cette maîtrise se trouve ainsi associée à des promesses de socialisation (passe-partout, invisibilité voire même érudition, charisme, etc… ) mais, à l’inverse, l’incapacité de s’y soustraire peut finir par être présentée comme « ostracisante » ou chargée négativement : moquerie, stigmatisation sociale, parler paysan, campagnard, rustre, etc… Au fur et à mesure de son expansion, le standard linguistique semble donc avancer, armé d’une certaine charge morale : il est porteur de civilisation, de modernité, et celui qui veut entrer dans la marche de cette dernière, doit finir par s’y adapter.
Au delà de la médiatisation et de la promotion par un pouvoir centralisé d’une langue officielle normalisée, il semble pertinent d’avancer que ces phénomènes se jouent aussi dans les interactions. Il n’est de meilleur norme que celle intériorisée et que les individus s’imposent plus ou moins subtilement, les uns au autres. Une partie importante de mimétisme semble également intervenir dans tous ces processus, soit qu’ils surviennent naturellement et en situation, soit qu’ils dénotent d’une volonté d’adaptation et de se fondre dans une certaine norme. De ce point de vue, la formation de grandes métropoles et l’éducation de masse (école, universités, …) a forcément contribué à un certain nivellement.
Fred
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