Archives par mot-clé : lyrique courtoise

Conon de Bethune, chevalier, trouvère et noble seigneur d’Artois

musique_danse_moyen-age_ductia_estampie_nota_artefactumSujet : musique, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, oil, biographie, portrait, chants de croisades, lyrique courtoise.
Période :  XIIe,  XIIIe, moyen-âge central
Auteur :  Conon de Béthune ( ?1170 – 1219/20)
Biographe :  Axel Wallenskôld
Livre : Les chansons de Conon de Béthune
Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous poursuivons aujourd’hui notre découverte des trouvères champenois et artésiens des débuts du XIIIe siècle. Après avoir parlé de Gace Brûlé et Blondel de Nesle, nous nous penchons ici sur un autre de leur contemporain :  Conon de Bethune.

Eléments de biographie

deco_medievale_enluminures_trouvere_Les origines de Conon de Bethune sont un plus claires ou certaines que celles des deux sus-nommés. Si sa date de naissance n’est pas connue avec précision – on la situe autour de 1150 -il fait partie du lignage des seigneurs de Bethune, puissante famille artésienne avouée d’Arras depuis les débuts du XIe siècle et qui s’illustra notamment à plusieurs reprises aux croisades.

Conon est ainsi le cinquième fils de Robert V de Bethune, lui-même sixième seigneur de ce lignage. Concernant l’exercice de son art, il se réclame lui-même disciple de Hue de Coicy (Huon III d’Oisi), châtelain de Cambrai, qu’il désigne comme son « maître à trouver ».

« Or vos ai dit des barons ma sanblance;
Si lor an poise de ceu que je di,
Si s’an praingnent a mon mastre d’Oissi,
Qui m’at apris a chanter très m’anfance. »

On rencontrera encore le nom de notre trouvère dans des poésies tierces (sous les formes de Quesnes, Quenes) et notamment sous la plume de Gace Brûlé. Il semble donc qu’il ait côtoyé au moins quelques temps ce dernier ainsi que Blondel de Nesle.

Des traits « d’artois » dans le « françois »

D’après une de ses chansons, Conon de Bethune séjourna à la cour de France au moins une fois. Il y eut même l’opportunité (cuisante) d’y pousser quelques chansons. A cette occasion, il se fit en effet « remballer » par la reine en personne  pour les traits d’Artois tintant son François, tout cela en présence de Philippe-Auguste et semble-t-il de Marie de Champagne (ce qui l’a, au passage, le plus affecté). Voici un large extrait de la chanson dans laquelle il  témoigne de cette déconvenue.

« Mout me semont Amors ke je m’envoise,
Quant je plus doi de chanter estre cois;
Mais j’ai plus grant talent ke je me coise,
Por çou s’ai mis mon chanter en defois;
Ke mon langaige ont blasmé li François
Et mes cançons, oiant les Champenois
Et la Contesse encoir, dont plus me poise.

La Roïne n’a pas fait ke cortoise,
Ki me reprist, ele et ses fieus, li Rois.
Encoir ne soit ma parole franchoise,
Si la puet on bien entendre en franchois;
Ne chil ne sont bien apris ne cortois,
S’il m’ont repris se j’ai dit mos d’Artois,
Car je ne fui pas norris a Pontoise. »

Maladresse diplomatique ou signe de temps, la langue d’oil de la cour de France de cette fin de XIIe siècle s’imposerait-elle déjà sous le ton qu’on devine narquois de la reine, comme le parler qu’il convient de maîtriser pour prétendre se produire devant la couronne et surtout la séduire ? Si Conon De Bethune, piqué dans son amour propre et laissé à son desarroi, relèvera ici la scène avec une pointe d’ironie, on se souvient qu’un peu plus tard dans le temps et dans le courant du XIIIe siècle, Jean de Meung (Clopinel) confirmera en quelque sorte cette tendance, en s’exprimant sur le même sujet en préambule du roman de la rose et en prenant les devants (peut-être même en forçant un peu le trait?): « Si m’excuse de mon langage – Rude, malotru et sauvage, – Car né ne suis pas de Paris. »

Les croisades

Pour le reste et dans les événements marquants de son parcours, Conon de Bethune se croisa, semble-t-il, deux fois. La première lui valut de se faire railler par ses contemporains poètes. A l’occasion des préparatifs de Philippe Auguste pour la 3ème croisade et devant la tiédeur manifeste de l’entreprise autant que la deco_medievale_enluminures_trouvere_lenteur des uns et des autres à engager le départ, le trouvère composa, avec grande conviction deux chants de croisades pour ajouter un brin d’allant à cette cause. Las!, une fois parti pour l’Orient, son ardeur fut de courte mèche puisqu’il finit par rentrer de manière anticipée. A son retour, celui que le poète avait reconnu comme son maître dans l’art de trouver, lui servira sur un plateau un  sirventes acerbe dans lequel il se gaussera de lui autant que de son  roi  « failli » (Philippe Auguste).

Pour la deuxième expédition, la quatrième croisade, le noble artésien aura l’occasion de mieux illustrer ses qualités et d’écarter tout doute sur ses motivations. Sur le terrain, il sera, en effet à plusieurs reprises le porte-parole des barons croisés à Constantinople et jouera par la suite un rôle politique et militaire important dans la tenue de l’empire latin d’Orient. On trouve notamment dans les Chroniques de la prise de Constantinople par les Francs, de Geoffroi de Ville-hardouin de nombreuses mentions de ses actions sur le terrain.  Avant sa mort que l’on situe autour de l’année 1219 ou 1220, Conon de Bethune fut encore nommé sénéchal sous l’impératrice Yolande de Flandre, puis régent de l’Empire.

Oeuvre, chansons et legs

Le trouvère nous a laissé un peu moins de quinze chansons. Une fois passée au filtre de l’analyse, dix d’entre elles demeurent certaines, les autres sont d’attribution plus contestable. L’ensemble de ce legs se trouve réparti dans dix-sept manuscrits.

A ce jour, un des plus sérieux biographes du trouvère demeure encore Axel Wallenskôld (1864-1933) romaniste, linguiste et philologue finlandais passionné de français médiéval et ancien.  Son ouvrage sur les chansons de Conon de Bethune qui, en 1921, faisait suite à la thèse qu’il avait publiée quelques années auparavant (1891), a d’ailleurs été réédité jusque dans les années 1981, chez Honoré Champion.

Voilà la liste courte que ce biographe a établi des chansons de Conon Bethune. D’autres médiévistes ou spécialistes de littérature médiévale seront peut-être encore tentés de l’élargir, en en ajoutant deco_medievale_enluminures_trouvere_quelques-unes supplémentaires, mais l’essentiel est là :

Chançon legiere a entendre – Si voiremant con celé don je chant – Moût me semont Amors que je m’envoise – Ahil Amors, com dure départie – Bien me deusse targier – Se raige et derverie – Belle doce Dame chiere – Tant ai amé c’or me convient haïr – L’autrier un jor après la Saint Denise. – L’autrier avint en cel autre pais.

Les thèmes abordés oscillent entre l’amour courtois et le contexte de la croisade (ralliement, dénonciation, pesance du chevalier tenu de quitter sa dame pour les terres lointaines). Nous aurons dans de futurs articles l’occasion de vous en présenter quelques unes, par le menu.

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.

Nouveauté : Thibaut de Champagne, son art poétique, ses chansons et leurs variantes mélodiques chez Honoré Champion

thibaut_le_chansonnier_troubadour_trouvere_roi_de_navarre_comte_de_champagneSujet : chansons, musique, poésie médiévale, amour courtois, poésie lyrique, trouvère, vieux français. livre,
Période : Moyen Âge central
Auteur : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), Thibaut 1er de Navarre
Ouvrage : « Thibaut de Champagne, textes et mélodies »
Auteurs : Christopher Callahan, Marie-Geneviève Grossel, Daniel E. O’Sullivan
Editeur : Honoré Champion (avril 2018)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionepuis près d’un siècle et demi, la prestigieuse maison d’édition Honoré Champion publie de diffuse les plus grands titres de la recherche universitaire de l’espace francophone. De fait et sur le sujet qui nous préoccupe, nous lui devons nombre des ouvrages sur la littérature, la poésie médiévale et ses auteurs que nous avons déjà cités ici. Depuis ses premières parutions, la maison a poursuivi son oeuvre sans relâche et avec plus de 10 000 titres déjà parus, elle s’est s’imposée comme une référence incontournable dans son honore_champion_edition_livres_litterature_poesie_medievaledomaine de prédilection.

Sur la partie médiévale, à la lumières des nouvelles découvertes et des avancées des romanistes ou médiévistes, elle revisite régulièrement des œuvres ou des auteurs déjà édités longtemps auparavant. C’est le cas de l’ouvrage que nous vous présentons aujourd’hui puisqu’elle nous fait le grand plaisir de publier un livre tout entier consacré à Thibaut de Champagne et à ses chansons. Un siècle s’étant écoulé depuis le dernier ouvrage en date dédié au grand roi poète du XIIIe siècle, il était grand temps de réexaminer son œuvre et c’est désormais chose faite.

Exhaustif & ambitieux : art poétique, chansons adaptées & variations mélodiques

Avec un ouvrage qui déborde les huit-cent pages, les auteurs ne se sont pas contentés ici de présenter et d’adapter en français moderne le legs poétique de Thibaut le Chansonnier, ce qui aurait déjà représenté, en soi, un travail conséquent. Au delà des traductions de ses œuvres, ils ont aussi compilé les nombreuses variantes mélodiques associées à ses chansons. De ce point de vue, en plus des férus d’histoire, de littérature et de moyen-âge, ce livre devrait encore ravir les amateurs de musique ancienne désireux de restituer, au plus près, l’art du roi de Navarre et seigneur-trouvère de thibaut_de_champagne_trouvere_chansonnier_livres_chansons_partitions_lyrique_courtoise_honore_championChampagne.

Comme nous l’indiquions plus haut, l’ouvrage bénéficie encore des éclairages les plus récents en matière de littérature médiévale. En plus des éléments biographiques rassemblés sur Thibaut de Champagne, mais aussi  de la revue des manuscrits anciens dans lequel on peut retrouver  ses chansons, une large partie du livre est ainsi consacrée à l’analyse de sa poétique; il s’agit ici de remettre en perspective son originalité et son art dans le contexte de la lyrique courtoise de son siècle.


Un mot des auteurs

Trois  grands experts de littérature, de vieux-français d’oil et de lyrique courtoise  se sont attelés à cet ambitieux projet. Il s’agit de Christopher Callahan, Marie-Geneviève Grossel, et Daniel E. O’Sullivan et il convient d’en dire quelques mots.

Christopher Callahan est professeur de français et de littérature médiévale et renaissante à l’Université Wesleyan de Bloogmington, dans l’Illinois, Passionné par cette période historique, cet universitaire américain s’est fait une véritable spécialité de la poésie lyrique du moyen-âge et on lui doit nombre de contributions, articles et parutions dans ce champ. Au sujet des trouvères des XIIe et XIIIe siècle, on retiendra notamment sa participation à deux ouvrages sur Les Chansons de Colin Muset, parus également chez Honoré Champion en 2005.

thibaut_de_champagne_oeuvres_chansons_musiques_poesies_medievales_vieux_français_oilMaître de conférence à l’Université de Valenciennes où elle enseigne le français médiéval et le latin, Marie-Geneviève Grossel, est, de son côté, une spécialiste reconnue de la Champagne du XIIIe siècle et de son bouillonnement littéraire et artistique d’alors. L’art et les chansons des trouvères de cette période, ainsi que les codes de l’amour, de la séduction et de la lyrique courtoise font donc partie de ses grands sujets de prédilection et on lui doit des ouvrages reconnus sur la question ou sur des sujets connexes: Le Milieu littéraire en Champagne sous les Thibaudiens: 1200-1270, (1994), Les chansons de langue d’oïl: l’art des trouvères (2008), pour ne citer que ces deux-là. On peut encore retrouver nombre de ses contributions ou articles dans des ouvrages collectifs ou actes de colloques portant sur le moyen-âge.

Enfin, « last not least« , professeur de français médiéval à l’Université du Mississippi, Daniel E. O’Sullivan s’est fait une spécialité de l’approche comparative et interdisciplinaire de la musique, la littérature et la culture de l’Europe médiévale. Il a lui aussi, à son actif, de nombreuses parutions sur la période, sur des thèmes aussi variés que le culte marial dans la lyrique française du XIIIe siècle (Marian Devotion in Thirteenth-century French Lyric, 2005), la formation et la naissance de la courtoisie dans la France médiévale (Shaping Courtliness in Medieval France, 2013) ou même encore sur le jeux d’échecs du moyen-âge à l’entrée de l’ère moderne. On doit également à cet universitaire des articles de référence sur la lyrique de Thibaut de Champagne.

Il fallait bien l’oeil aiguisé et la collaboration de ces trois érudits pour approcher de manière complète et avec toute la rigueur que l’on pouvait en attendre, l’oeuvre du seigneur trouvère croisé, élevé dans la grande effervescence culturelle et artistique de la cour de Champagne des débuts du XIIIe siècle (1).


Où se procurer l’ouvrage ?

Ce nouvel ouvrage autour de Thibaut de Champagne avec lequel il faudra désormais compter vient juste de paraître. Vous le trouverez donc dans  toutes les bonnes librairies et il est aussi disponible en ligne, sur le site de l’éditeur et à l’adresse suivante :   Thibaut de Champagne, Chansons, Textes et Mélodies

thibaut_champagne_chansonnier_trouvere_poesie_chanson_partition_medievale_traduite_moyen-age

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

(1) Sur le sujet de la cour de Champagne et des trouvères champenois de la fin du XIIe et des débuts du XIIIe siècle, on pourra valablement consulter nos articles sur Blondel de Nesle, sur Gace Brûlé et bien sûr sur Thibaut de Champagne.

« Onques maiz nus hom ne chanta », une chanson médiévale du trouvère Blondel de Nesle par l’ensemble Sequentia

musique_danse_moyen-age_ductia_estampie_nota_artefactumSujet : musique, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, vieux-français, langue d’oil, fine amor.
Période :  XIIe,  XIIIe, moyen-âge central
Titre: Onques maiz nus hom ne chanta
Auteur :  Blondel de Nesle
Interprète :  Ensemble Sequentia
AlbumTrouvères : Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) (1987)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionprès avoir étudié de près les éléments biographiques en notre possession sur le trouvère Blondel de Nesle, voici donc une de ses chansons. Elle est interprétée par le groupe Sequentia dans un album tout entier dédié au Chansons d’amour courtois des trouvères du nord de France. Nous profiterons de cet article pour faire un large crochet pour vous présenter cette belle formation médiévale, son directeur artistique et le double album dont ce titre deco_enluminures_rossignol_poesie_medievaleest issu.

Concernant la chanson de Blondel de Nesle présentée ici, le thème est clairement inspiré de la lyrique courtoise des troubadours d’oc. Comme nous le disions dans notre article précédent, avec Gace Brûlé et quelques autres trouvères de la même période (Conon de Bethune, le Châtelain de Couci), Blondel de Nesle fait partie de ce mouvement d’artistes du nord de la France qui transposèrent la poésie et le fine amor d’oc en langue d’oil. Comme un certain nombre d’entre eux fréquentèrent la cour de Marie de Champagne, nul doute qu’ils eurent de l’influence sur le petit fils de cette dernière, celui qui allait devenir Thibaut le Chansonnier ou Thibaut de Champagne et qui n’était encore qu’un enfant en ces débuts de XIIIe siècle.

La fine amor en langue d’oil de Blondel de Nesle par L’ensemble séquentia

L’Ensemble Sequentia

Voila encore un bel ensemble spécialisé dans le répertoire médiéval qui s’est formé au sein de la très renommée école suisse Schola Cantorum Basiliensis toute entière dédiée aux musiques anciennes.

Fondé en 1975  par Benjamin Bagby et Barbara Thornton  alors étudiants à l’école sus-nommée, Sequentia évolua dans ce cadre, pour se produire pour la première fois professionnellement en 1977. Comme de nombreux ensembles dans le domaine des musiques anciennes, la formation était à géométrie variable. Au fil de son parcours et en fonction des oeuvres abordées, elle a su s’entourer ou s’enrichir de collaborations artistiques externes.

ensemble_sequentia_musiques_anciennes_chansons_medievales_moyen-age

Depuis sa création, il y a plus de quarante ans, l’ensemble a gratifié le monde de la musique ancienne de près de 40 albums dont une dizaine en collaboration avec d’autres formations. Avec un nombre  important de récompenses et de prix, il s’est définitivement affirmé comme un des acteurs avec lequel il faut compter quand on s’intéresse de près au répertoire musical du moyen-âge.

Après la disparition prématurée de Barbara Thornton en 1998, Benjamin Bagby s’est retrouvé seul à porter la direction artistique de Sequentia. La formation a ainsi poursuivi son exploration du monde médiéval musical jusqu’à aujourd’hui. Aux dernières nouvelles et dans le courant 2016-2017, elle se produisait toujours sous la forme d’un trio, autour d’un programme dédié aux deco_enluminures_rossignol_poesie_medievalemoines du moyen-âge « chantant des chants profanes et même païens » (« monks singing pagans« , du IXe au XIIe siècle).  Du côté des albums et sauf erreur de notre part, le dernier en date est de 2013 mais au vue de l’activité de l’ensemble, il faut s’attendre à en voir sortir de nouveau.

Pour en savoir plus sur Sequentia, le site web très complet est ici. Il est pour l’instant en langue anglaise (sa version française est prévue mais n’est pas encore en ligne). Au delà des informations que vous pourrez y trouver sur l’ensemble médiéval, il est aussi la vitrine des concerts et contributions de son très actif fondateur et directeur artistique Benjamin Bagby dont nous voulons dire un mot de plus ici.

Portrait de Benjamin Bagby, co-fondateur et directeur artistique de Sequentia.

Musicien, harpiste, chanteur baryton et directeur artistique, Benjamin Bagby est un artiste accompli et largement reconnu sur la scène des musiques médiévales et anciennes. Son travail et ses nombreuses contributions dans le domaine ont d’ailleurs été salués par un Rema Early Music Award  en 2016.

Enseignement et transmission

benjamin_bagby_sequentia_musique_passion_medievale_ethnomusicologie_moyen-age

Au nombre de ses activités, la transmission par l’enseignement compte au moins autant pour lui que les arts de la scène et le travail de restitution. Il a notamment enseigné longtemps dans le cadre du prestigieux programme sur la pratique des musiques médiévales, proposé par l’Université de Paris Sorbonne. Toujours très actif dans le domaine pédagogique, en 2017 et 2018, il est intervenu et intervient encore dans le cadre de divers ateliers, universités ou institutions en Allemagne, Espagne, Italie, Suisse et aux Etats-Unis, et auprès d’artistes désireux de se spécialiser dans le domaine des musiques et des chants en provenance du moyen-âge.

Ethnomusicologie et passion de la restitution

Sur la partie ethnomusicologie et restitution, on saluera ici l’originalité et la ferveur aussi que peut mettre Benjamin Bagby à explorer des territoires musicaux laissés totalement vierges jusque là. Tout cela bien sûr au moyen d’une étude scrupuleuse et originale des manuscrits. Entre autres exemples, il a été notamment un des rares à avoir proposé, en 2015-2016 et dans le cadre de Sequentia, un programme sur la musique carolingienne des débuts du moyen-âge central et du VIIIe au Xe siècle (« Frankish Phantoms », « Fantômes francs »). Il est également occupé, depuis quelques années, sur un projet autour des « chants ou chansons perdus »  (« The Lost Songs benjamin_bagby_beowulf_legende_musique_passion_medievale_ethnomusicologie_moyen-ageProject ») et visant à restituer quelques traditions orales et musicales  perdues ou oubliées de l’Europe médiévale : Islande, Irlande, Allemagne, etc…

Dans ce cadre et du point de vue de son actualité personnelle, on notera que depuis quelques temps déjà, il propose sur scène, accompagné de sa seule harpe, un spectacle autour de la légendaire poésie antique Beowulf. Un site web complet a même été dédié à ce spectacle (bagbybeowulf.com) que l’artiste a déjà eu l’occasion de jouer devant les publics les plus variés sur la scène internationale (Etats-Unis, France, Hollande, Russie, …). A suivre de près l’itinéraire de ce grand passionné de musique et de moyen-âge, on comprend mieux la déclaration qu’il fit en 2016, après avoir reçu son Rema Award dans le domaine des musiques anciennes ;

« I want to make voices of the past come to life again. To be recognized for this work is a great honor. » (« Je veux faire revivre les voix du passé. Etre reconnu pour ce travail est un immense honneur »)
Benjamin Bagby – Rema Early Music Award 2016

Nul doute qu’il met toute son énergie et son talent à faire de cette volonté une réalité.

Une anthologie des trouvères : chants d’amour courtois des pays de langue d’oïl

L’album auquel nous empruntons la chanson de Blondel de Nesle est issu de la première période de l’Ensemble Sequentia. En réalité, il se présentait dans sa première édition de 1984 sous la forme de trois albums, mais lors de sa réédition en 1987, quelques coupes franches furent faites par rapport à l’édition originale et il fut finalement distribué sous la forme d’un double album.

trouveres_musiques_chants_chansons_medievales_moyen-age_XIIe_XIIIe_siecleComme de nombreuses productions de l’ensemble, il fut distribué par Deustche Harmonia Mundi ce qui explique son titre original allemand : « Trouvères,  Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich », retraduit « Trouvères, chansons d’amour courtois des pays de Langues d’Oil », depuis sa réédition française par Sony Music. Si le titre allemand pouvait de prime abord dérouter, il n’y a dans ce double album que des pièces provenant du répertoire médiéval français de la fin du XIIe à la fin du XIIIe  siècle (1175/1300) et toutes les chansons qu’on y trouve sont en langue d’oil, comme le titre « Trouvères » le suggérait clairement.

Il contient 43 titres et alterne pièces vocales – rondeau, ballades, motets, chansons de toile et de trouvères – avec des pièces instrumentales datant de la même période. On y retrouvera des pièces de Blondel de Nesle, mais aussi de Gace Brûlé, Conon de Bethune (une seule pour chacun d’entre eux) et en nombre plus conséquent des chansons de Jeannot de L’Escurel, Adam de la Halle, Petrus de Cruce, et encore de nombreuses pièces demeurées anonymes.

album_sequential_trouveres_musique_chanson_medievale_amour_courtois_moyen-age_central

Depuis sa première parution, le succès de cette excellente production de l’Ensemble Sequentia a favorisé plusieurs ré-édition et on le trouve toujours disponible en ligne sous forme CDs et même sous forme dématérialisée. Comme toujours, la mise a disposition du format MP3 offre la liberté de pouvoir acquérir des pièces choisies, mais aussi l’avantage de pouvoir en écouter des extraits. A toutes fins utiles, voici le lien vers les deux formats : Trouvères : Chants D’Amour Courtois Des Pays De Lanque D’Oïl

« Onques maiz nus hom ne chanta »
chanson médiévale de Blondel de Nesle

Nous sommes dans le registre de la Fine amor. Le poète se tient dans l’attente d’un signe de la dame que son coeur a élu. Dans le cas précis, il semble que cette dernière ne soit pas déjà prise mais le sentiment n’est pas pour autant réciproque et le trouvère se tient, languissant et plein d’appréhension, espérant deco_enluminures_rossignol_poesie_medievalequ’elle lui concède son amour.

Il n’y a de meilleur « fine amant » que lui. Il est plus irrité qu’il ne le montre, mais si elle se refuse à lui ou le rejette (occire), jamais elle ne pourra trouver homme qui l’aime autant que lui, aussi qu’elle ait une plus grande pitié de lui qui se tient là, languissant.  Elle n’a jamais aimé personne, il ne l’en aime que plus pour cela, mais il prie Dieu que, si c’est le cas, cet amour lui soit réservé.

Son doux visage rieur le plonge dans la confusion. Il n’ose la regarder tant il craint de ne pouvoir ensuite détacher ses yeux d’elle. Elle est si belle qu’on a d’autres choix que de la servir. Elle a encore tant de qualités qu’on ne pourrait les décrire sans en oublier et il ne peut lui que languir en espérant qu’elle lui prête attention et se souvienne de lui.


Onques maiz nus hom ne chanta
En la maniere que je chant,
Ne ja maiz nus ne chantera,
Pluz ait d’ire, a mains de samblant.
Et quant ma dame ocis m’avra,
Sachiez de voir  – a li m’en vant-
Que ja maiz nul n’en trouvera,
Qui tant l’aint en tout son vivant.
Merci deüst avoir pluz grant
De moi, qui ci vois languissant.

Biaus sire dex, s’ele aime ja,
Dounez que ce soit moi avant,
Quar je sai bien c’onques n’ama,
Pour c’en est mes cuers pluz en grant.
Mout a envis i aprendra,
Je m’en vois bien apercevant,
Quant ele encore sentu* (de sentir participe passé) n’a
Nus des mauz d’amer donc j’ai tant.
Ses clers vis* (doux, clair visage), qu’ele a si rïant,
Fait le mien mat, triste et pensant.

Li lons delais d’a li parler
Me fait souvent taindre(rougir) et palir.
Quant g’i sui, ne l’os esguarder,
Tant en dout mes ex* (yeux) a partir ;
Tant i aimment le sejorneir
Qu’il ne s’en sevent revenir,
Ne je ne les en puis tourner
Pour chastoier de mieuz couvrir,
Quar ce dont on a grant desir
Fait bien mesure tressaillir

Tant ait en li a recordeir* (me rappeler, me souvenir)
Biauteit por c’on la doit servir :
Se tuit cil ki seivent pairleir
Voloient ces taiches* (qualités) gehir* (décrire, rapporter),
Ne poroient il resconteir
Ke en li deüst riens faillir,
Fors tant k’il ne l’en veult membreir* (se rappeller)
De son home, ne sovenir ;
Ainçois me covandrait languir
Tant com li vandrait a plaixir.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

L’amour courtois d’Oc en Oil, Blondel de Nesle, trouvère, poète, adepte et fine amant devenu « légendaire »

musique_danse_moyen-age_ductia_estampie_nota_artefactumSujet :  musique, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, oil, biographie, portrait, historiographie, fine amor, fin’ amor, troubadours
Période :  XIIe,  XIIIe, moyen-âge central
Auteur :   Blondel de Nesle
Biographe  :  Yvan G Lepage
Livre : L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu point de vue littéraire et artistique, le XIIe et les débuts du XIIIe siècle sont des temps florissants pour l’art des troubadours, mais c’est aussi une période qui voit leur influence s’étendre au delà de leur berceau linguistique, méditerranéen, provençal et languedocien pour atteindre le Nord de la France. Plusieurs cours en Aquitaine et à Poitiers, en Champagne et même en Bretagne favorisent une deco_medievale_enluminures_trouvere_effervescence créatrice certaine par leur mécénat et leur goût de l’art poétique. Des rencontres entre chanteurs et artistes du sud et âmes poètes du nord s’y sont peut-être même tenues. Du point de vue des échanges culturels, la poésie de certains trouvères se trouve alors largement influencée par l’art, la musique autant que les thèmes et les manières des troubadours.

Une poésie « provincialisante » va ainsi naître dans les formes variées de la langue d’oil et au sein des cours seigneuriales du Nord.  Dans cette « école » ou peut-être pourrait-on parler plutôt de mouvement ou d’élan, on trouve le trouvère  Gace Brûlé  dont nous avons déjà parlé ici et sa grande popularité d’alors. Contemporain de ce dernier, on croise encore des noms comme Pierre de Molins, Conon de Bethune, le Châtelain de Couci et encore Biondel de Nesle qui fait l’objet de cet article. Trouvère loué et populaire en cette fin de XIIe siècle, il entrera même un peu plus tard dans la légende.

Blondel de Nesle, éléments de Biographie

Historiographie quand tu nous tiens

Au delà des poésies ou chansons attribuées par les manuscrits à certains des artistes d’Oc ou d’Oil du moyen-âge central, les débats demeurent bon train et ont été incessants chez les médiévistes, romanistes et historiens, autour du peu d’éléments que nous possédons sur nombre de poètes, troubadours ou trouvères médiévaux. Quand les informations ne sortent pas des sources officielles (archives, chartes et documents administratifs, juridiques ou « factuels ») et qu’elles nous proviennent des chroniqueurs – très souvent postérieurs à ceux dont ils « narrent » les faits ou les exploits – le sens critique et encore le fait qu’ils « arrangent » l’histoire à leurs vues ou à celles de leurs commanditaires quand ils en ont, obligent légitimement les historiens à les considérer avec recul. L’expérience et les recoupements ont, par ailleurs déjà largement prouvé que le genre de la « chronique » ou du « récit » médiéval doivent être plus valablement considérées comme des œuvres littéraires que comme des récits fiables; la vérité est donc souvent entre les deux quand elle n’est pas tout simplement ailleurs. Du reste, même pour ce qui est des manuscrits anciens ou « chansonniers », dans une période ou la notion « d’auteur » ne veut pas dire grand chose et corollaire en partie de cela, où la rigueur des copistes est également en cause, ces deco_medievale_enluminures_trouvere_dernières sources se retrouvent elles-aussi passées au crible par les chercheurs et demeurent quelquefois sujet à caution au moment d’attester de l’attribution d’une œuvre ou de démêler l’auteur du « corpus » qu’on lui prête.

Concernant le trouvère du jour,  la  connaissance   que nous en avons, n’échappe pas à la règle et reflète un mouvement qui a suivi les avancées méthodologiques de l’Histoire. Dans les siècles précédent le XIXe et même dans une certaine mesure, jusqu’à lui inclus, on voyait, en effet, souvent le moindre texte d’époque pris pratiquement au pied de la lettre, pour finalement, dans le courant de ce même XIXe et plus encore résolument au XXe, revenir à des constats plus mesurés. On peut en retirer quelquefois l’impression moins confortable que plus rien n’est certain mais elle a au  moins le mérite d’être largement plus objective et salutaire. Sur la question des poètes et artistes du moyen-âge central, on peut observer ce même phénomène à propos des troubadours et des vidas qui furent écrites près de cent ans après eux. On sait aujourd’hui qu’elles doivent être considérées sans doute plus comme des « paraboles » littéraires que comme des « faits » relatés, Michel Zink nous y a aidé. On pourra pourtant trouver encore de nombreux cas où ces récits sont pris pour argent comptant et même affirmés ou repris sans qu’aucun guillemet ne vienne les nuancer ou les sourcer.

Au XXe et XXIe siècle, l’Histoire sérieuse de son côté, a fait la place à sa grande soeur :  l’historiographie et a gagné ainsi largement en recul et en sagesse. Les détours qu’elle prend désormais sont toujours utiles parce qu’ils permettent de déjouer les « certitudes » (qui vont quelquefois jusqu’aux âneries) qui continuent quelquefois de courir alors que les historiens les ont depuis longtemps déconstruites.  Pour revenir au sujet de Blondel de Nesle, afin de démêler l’historique du spéculé, l’hypothétique du certain et finalement le vrai du faux, nous faisons appel ici à un grand connaisseur de littérature médiévale et plus précisément du trouvère : le médiéviste canadien Yvan G Lepage (1941-2005). Il avait notamment fait paraître en 1994, un ouvrage autour de « L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle » (Paris, Champion, 1994).

Des origines nobles et picardes  ?

Beau chevalier, blond ?, musicien, poète, amant d’entre les « fine » amants, « compagnon » ou poète proche de Richard Coeur de Lion s’étant croisé héroïquement à ses côtés et l’ayant peut-être même à demi secouru alors qu’il se tenait prisonnier  dans ses geôles autrichiennes, Blondel de Nesle est entré dans la légende sur la foi d’un récit considéré de nos jours comme tout de même plus littéraire qu’historique (Récits d’un ménestrel de Reims 1260).  Comme toute légende reprise au fil du temps, il est venu s’y ajouter encore d’autres « faits » qui, s’ils en sont, sont pour la plupart, plus littéraires qu’avérés.

Biondel de Nesle est contemporain de Gace Brûlé et de Conon de Bethune,  nous le savons d’après ses poésies puisqu’il les cite tous deux et les traite en « compaignon ». Se sont-ils rencontrés à la cour de Marie de Champagne ou de Geoffroy de Bretagne ? Nous ne le savons pas.  Etait-il chevalier, seigneur, noble à tout le moins ? Aucun document ne l’atteste. Certains historiens ont même longtemps deco_medievale_enluminures_trouvere_pensé qu’il ne devait pas l’être puisque les manuscrits ne lui donnaient pas du « Messire », contrairement à d’autres de ses contemporains.

Le fait qu’il nomme des homologues en poésie avec quelque familiarité semble pourtant suggérer  que le trouvère faisait partie d’une certaine noblesse. Pour des raisons d’étiquette et sauf à invoquer une exception à l’intérieur d’une sorte de « confrérie » de poètes, il aurait difficilement pu sans cela les nommer de la sorte. C’est en tout cas l’avis du Médiéviste Holger Petersen Dyggve (Trouvères et protecteurs de trouvères dans les cours seigneuriales de France, 1942). Sur la foi de cette assertion, ce dernier a même établi des rapprochements « possibles » entre « Blondel » qui serait alors un « surnom » et le lignage des seigneurs de Nesle. L’un deux pourrait peut-être se cacher derrière le nom du trouvère : Jehan II ou Jehan I de Nesle ? Le premier,  fidèle de Philippe-Auguste, participa à la bataille de Bouvines et se croisa pour la quatrième croisade. Le deuxième, Jehan 1er prit la croix lui aussi (troisième croisade) mais aux côtés de Richard de Lion auquel il était attaché. Pour des raisons de datation et en songeant aux légendes qui firent plus tard d’un certain Blondel un fidèle du roi d’Angleterre, il pourrait donc s’agir de notre poète, selon Yvan G Lepage,  même si rien n’est certain. Hors de cette hypothèse, le mystère demeure donc autour des origines du trouvère, mais en songeant à l’opposition farouche qui se noua entre Philippe-Auguste et Richard Coeur de Lion, il semble toutefois raisonnable d’écarter l’hypothèse qu’il ait pu s’agir de Jehan II de Nesle.

Naissance d’une légende

On mesure d’autant plus la différence entre notre approche moderne de la notion d’auteur et notre foisonnement documentaire actuel quand on sait que la notoriété de Blondel de Nesle ne faisait pas de doute en son temps. On lui prête en effet les plus belles qualités : artistiques, esthétiques. Adepte authentique de la fine amor (fin’amor), certains auteurs en feront même l’égal du légendaire Tristan dans cette matière. La dizaine de manuscrits dans lesquels on retrouve ses chansons est encore là pour témoigner de sa popularité et son art poétique passera même les frontières de la France pour être imité  jusqu’en Allemagne. Il en fallait peu pour que notre trouvère entre bientôt dans la légende. En 1260, l’ouvrage anonyme d’un ménestrel de Reims se chargea, sur cette question, de lui donner un sérieux coup de pouce.

De belle écriture, l’ouvrage,  écrit plus d’un demi-siècle après les faits, se situe entre la chronique et le récit inventé ou remanié, allant même, par endroits, jusqu’au fantasque. Les exploits respectifs de Richard Cœur de Lion et de Philippe-Auguste durant la croisade y sont notamment et largement revisités à l’avantage de la couronne deco_medievale_enluminures_trouvere_française. Quoiqu’il en soit, suite à l’emprisonnement de Richard en Autriche, un certain ménestrel, « né devers Artois » et dénommé « Blondiaus«  se serait mis à la recherche de l’infortuné. L’ayant retrouvé grâce à une chanson connue d’eux-seuls et qu’ils avaient tous deux composée, le trouvère se serait alors empressé d’aller alerter les gens d’Angleterre de la captivité de leur roi. La légende était née et allait perdurer et même connaître quelques ajouts dans les courants des siècles suivants.

Ce Blondiaus pouvait-il être le trouvère ? S’il était Jehan Ier il avait pu en effet participer à la croisade, être peut-être proche de Richard Coeur de Lion et si, en plus, on le désignait là comme ménestrel, il pouvait s’agir du même homme que Blondel de Nesle ? Au gré des auteurs, la légende fusionna pour en faire une seule et même personne ou s’en dissocia pour prendre son autonomie littéraire, laissant libre cours aux imaginations : beau chevalier, parfait fine amant, fidèle et loyal ménestrel et sujet du non moins légendaire Roi anglais, duc de Normandie et d’Aquitaine, et comte de Poitiers.

De Picardie où Holger Petersen Dyggve le fera naître quelques siècles plus tard sous la foi de ses conclusions, avant lui, on fera même naître le trouvère en Normandie et s’appeler Jehan Blondel (Chronique de Flandre, XIVe siècle). Origine différente donc sous l’influence lointaine des Récits de Reims et de la proximité de Richard Cœur de Lion ?, mais rapprochement troublant toutefois sur le prénom « Jehan » ( même s’il est commun à l’époque)  avec le Jehan Ier de Nesle mentionné plus haut.

Mais alors quoi ?

Pour conclure sur tous ces éléments, les médiévistes tendent à se ranger préférablement sur la théorie de Holger Petersen Dyggve  à propos des origines picardes du trouvère. C’est en tout cas ce que fait avec quelques réserves prudentes, Yvan G Lepage,  le dernier biographe en date de Blondel de Nesle, même s’il s’incline plutôt à penser que le poète médiéval et Jehan 1er de Nesle, croisé lui-même aux côtés de Richard coeur de Lion (plutôt que Jehan II), ont peut-être pu être un seul et même homme. Cela expliquerait en tout cas le fond des « légendes » attribuées au trouvère et pourrait à deco_medievale_enluminures_trouvere_peu près mettre ensemble les pièces du puzzle.

Au passage, du XVIIIe au XXe, entre légendes et créations littéraires, on continuera de trouver sur le compte de Blondel les assertions les plus fantaisistes, y compris dans des ouvrages de vulgarisation (au mauvais sens du terme puisque erronée…). Si vous voulez en avoir le détail, nous vous invitons à consulter directement l’excellent article et les contributions du médiéviste indiquées en pied d’article. Redisons-le, ce grand détour que nous lui devons entièrement, vaut sans doute  autant par sa déconstruction que pour ses affirmations, mais avoir une vision claire de ce que nous ne savons pas mérite quelquefois qu’on l’examine de près et peut s’avérer utile au moment de faire la différence entre une production littéraire et le moyen-âge factuel, ou même pire entre une information « vulgarisée » et une information erronée.

L’œuvre de Blondel de Nesle

Inspirée  des troubadours d’Oc,  l’œuvre de Blondel de Nesle est tout entière dédiée à la lyrique courtoise.  Les pièces vont de vingt-trois (certaines) à un peu plus d’une trentaine suivant les critères retenus par les auteurs.

On les trouve, nous le disions plus haut dans un nombre « important » de manuscrits. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans de futurs articles, ainsi que de publier et commenter pour vous des chansons et poésies de cet auteur.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.


Sources