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Thibaut le Chansonnier, l’amour courtois d’un comte et roi-poète à la cour de Champagne, avec Jean Dufournet

thibaut_le_chansonnier_troubadour_trouvere_roi_de_navarre_comte_de_champagneSujet : chansons, poésie médiévale, amour courtois, poésie lyrique, trouvère, vieux français, fine amor, lyrique courtoise.
Période : moyen-âge central
Auteur : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), Thibaut 1er de Navarre
Programme : »Une vie, une Oeuvre, la chanson du Mal aimé » 
Intervenants : Jean Dufournet, Claude Mettra, France Culture (1989)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn 1989, Claude Mettra recevait sur France Culture, le médiéviste et romaniste Jean Dufournet dans le cadre de l’émission « Une vie, une oeuvre » dédiée tout entière à Thibaut IV de Champagne, roi de Navarre et grand poète courtois du XIIIe siècle.

thibaut_champagne_roi_de_navarre_poete_trouvere_amour_courtois_moyen-age_central« De touz maus n’est nus plesanz
Fors seulement cil d’amer,
Mès cil est douz et poignanz
Et deliteus a penser
Et tant set biau conforter,
Et de granz biens i a tanz
Que nus ne s’en doit oster. »
Thibaut de Champagne, Chanson

Nous avons déjà souligné, à plusieurs reprises, l’importance de la cour de Champagne, de son rayonnement culturel dans le courant du Moyen-âge central, en particulier des XIIe, XIIIe siècles. Son influence s’étendra au nord jusqu’à la Flandre et même l’Allemagne. Dans les pérégrinations des intervenants du jour, on croisera, au nombre des personnages ayant compté dans ces échanges culturels entre différentes provinces de la France médiévale, Aliénor d’Aquitaine, mais aussi plus près de la Champagne, l’incontournable  Gace Brûlé, aîné de Thibaut d’une génération et qui l’aura, à coup sûr, influencé, même s’il est difficile d’établir qu’ils se soient physiquement croisés.

Dans la lignée de ses pairs, le comte et roi-poète poursuivra ainsi, à son tour, la promotion et l’élévation de la fine amor et de ses codes  courtois en langue d’Oïl, pour la situer dans une quête d’absolu, qualifiée même de « religion » par Jean Dufournet.

Une invitation au décryptage de la fine amor
en compagnie d’un grand médiéviste

On fera ici, un large et salutaire détour pour  aborder, avec l’historien, les arcanes de l’amour courtois, ses principes, ses ressorts mais aussi  le  positionnement social  presque « subversif » de ses valeurs au sein du moyen-âge chrétien féodal.

jean_dufournet_medieviste_hitorien_romaniste_moyen-age_chanson_roland« Ce qui est paradoxal c’est que d’une part, la courtoisie développe la sociabilité, les rapports entre les gens, mais d’autre part, l’amour courtois tend à s’opposer, et au christianisme puisqu’il ne s’agit pas d’amour conjugal et au système féodal puisque, souvent, le poète ou le vassal est amoureux, ou prétend être amoureux, de la dame de son seigneur. Dans la mesure où la femme tend à vivre dans un univers particulier, éloignée de l’humanité quotidienne, les choses s’atténuent, mais il reste que les gens du moyen-âge ont bien senti cette difficulté et qu’en 1277, parmi les condamnations de l’évêque de Paris, Tempier, (Etienne Tempier 1210 -1279) il y avait la condamnation de la courtoisie et de l’art d’aimer d’André le Chapelain qui avait mis en forme tous les principes de cette courtoisie. »
Jean Dufournet. Extrait d’un entretien avec Claude Mettra.
Une vie, une oeuvre, Thibaut de Champagne. France Culture (1989).

A la lumière de la poésie et des chansons de Thibaut, on reviendra encore sur cette union des contraires, cette tension auquel nous invite constamment la lyrique courtoise, dont nous avons déjà parlé à diverses occasions (voir notamment A l’entrant d’esté de Blondel de Nesle, ou encore amour courtois et fine amor, le point avec trois experts)

deco_medievale_enluminures_trouvere_« La joie et la douleur, la folie et la sagesse, la crainte et l’espérance sont étroitement liées. Il n’est pas de douleur, sans joie, ni de joie sans douleur. c’est à dire qu’il faut passer par la douleur de la séparation, de l’absence, des épreuves pour atteindre à cette joie supérieure. Il y a tout un long apprentissage, une sorte d’ascèse à la fois poétique et religieuse pour parvenir à cet état et il faut abandonner les chemins réguliers de la raison, de la connaissance rationnelle, tomber dans une sorte de folie.  La pire folie pour les gens du moyen-âge c’est de ne pas aimer, et l’attitude la plus raisonnable c’est d’aimer à la folie. »
Jean Dufournet. (op cité, France Culture, 1989).

Un peu plus loin, le médiéviste rapprochera la quête du fine amant, de celles des aventures chevaleresques et des croisades ou même encore des pèlerinages pour en faire une quête qui garde en commun avec toutes les autres, la recherche constante d’une perfection, d’un dépouillement, d’une purification, vouée peut-être à ne jamais véritablement aboutir. Ainsi et selon lui, le Roman de la Rose ou  le Perceval et l’oeuvre de Chrétien de Troyes, entre autres exemples, ne seraient peut-être pas demeurées inachevés par hasard.

Enfin, dans ce tour d’horizon de la lyrique courtoise et de son influence, on évoquera, au passage,  le culte marial venu se greffer sur ses codes pour faire de la Vierge Marie, à la fois la dame idéale et la médiatrice privilégiée et miséricordieuse, passeuse d’âmes vers le monde d’après.

Claude Mettra, Jean Dufournet, France Culture (1989)

Pour conclure, on trouvera  dans cette rediffusion un lot de beaux extraits et d’heureuses lectures dans le vieux-français original du Comte de Champagne et Roi poète de Navarre et il faut rendre hommage à la grande qualité des questions de Claude Mettra, autant qu’aux comédiens qui l’entourent pour avoir su faire de ce programme un véritable moment d’exception.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

« Retrowange Novelle » une chanson imprégnée de dévotion mariale et de lyrique courtoise par Jacques de Cambrai

moyen-age_culte_marial_lyrique_courtoise_trouveres_jacques_de_cambrai_rotrouenge_nouvelle_XIIIe_siecleSujet : trouvère, chanson médiévale, poésie médiévale, retrouange, culte marial, rotrouenge, lyrique courtoise, amour courtois, vieux français, langue d’oil
Période : Moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur : Jacques de Cambrai (1260-1290)
Titre : Retrowange Novelle
Interprètes : Ensemble Oliphant
Album :    Chansons pieusesJoie Fine  Medieval Pious Trouvère Songs (2006)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn continuant d’explorer la poésie et les chansons médiévales du côté du nord de la France, notre route croise aujourd’hui celle d’un trouvère du moyen-âge central du nom de Jacques de Cambrai  (orthographié encore Jaque, Jaikes ou Jacquemes). Il a laissé derrière lui douze pièces en tout et pour tout : sept chansons religieuses, vouées au culte marial, dont celle du jour, une pastourelle et encore quatre autres chansons d’amour courtois.

Eléments de biographie

Ils demeurent à peu près inexistants. D’après ses œuvres, on a pu déduire que le trouvère avait vécu vers la fin du XIIIe siècle et qu’il était en activité quelque part entre les années 1260 et 1290.

Etait-il jongleur ? Avait-il fait de l’art de trouver son métier ou n’était-ce qu’un clerc qui s’adonnait à cet exercice en dehors d’autres activités ? On ne le sait pas. Les plus pieuses de ses chansons font en tout cas état d’une véritable dévotion et de certaines connaissances théologiques sur ces sujets, même si la religion était loin de demeurer à cette période, l’apanage unique des clercs ou du personnel ecclésiastique ou épiscopal.

Manuscrit principal et mélodies

Du côté des manuscrits, on trouve la majeure partie de son oeuvre dans le Manuscrit de Berne MS 389, connu encore sous le nom de Chansonnier français C que nous avons déjà cité par le passé. Vous trouverez ci-dessous  la reproduction du feuillet sur lequel on peut trouver la chanson du jour (l’ouvrage est également consultable en ligne ici).

Jaque_de_cambrai_trouvere_chanson_poesie_medieval_lyrique_courtoise_trouvere_culte_marial_moyen-age_centralDu point de vue musical, Jacques de Cambrai a fait de nombreux  emprunts mélodiques à des trouvères l’ayant précédé ou qui lui étaient contemporains pour y greffer ses propres textes. C’est entre autre une des manières qui a permis de le situer un peu plus précisément dans le temps.

La chanson du jour fait partie de celles dont l’emprunt mélodique n’est pas sourcé ni certain, même il est difficile de se fier à l’absence de mentions explicites des manuscrits pour en déduire que notre trouvère en fut l’auteur. Six autres de ses chansons mariales ont, en effet, pris des mélodies existantes et identifiées pour modèle (entre autres chez Thibaut de Champagne, Gauthier d’Espinal, Raoul de Soissons, Gace Brûlé, etc…). De fait concernant cette « rotrouenge », certaines hypothèses penchent favorablement sur un emprunt de la part de Jacques de Cambrai à une autre chanson dont l’auteur est demeuré également anonyme et qui a pour titre « quand voi la flour novele » (Voir Songs of the Troubadours and Trouveres : An Anthology of Poems and Melodies, publié par Samuel N. Rosenberg, Margaret Switten, Gerard le Vot, Garland Publishing, 1998).

La « Rotrowange Novelle » de Jacques de Cambrai par l’Ensemble Oliphant


L’Ensemble Oliphant et les chansons pieuses des trouvères du moyen-âge central

En 2006, les artistes d’origine finlandaise de l’Ensemble Oliphant sortaient un album sur le thème de la « joie fine » et des chansons pieuses des trouvères du moyen-âge central.

On pouvait y retrouver 15 pièces :  Guillaume de Bethune, Adam de la Halle, Thibaut de Champagne et Aubertin d’Araines, s’y trouvaient aux côtés de cette rotrouenge « nouvelle » signée de Jacques de Cambrai. Le reste des compositions et chansons se partageaient entre neuf pièces musique_chanson_medievale_ensemble_oliphant_joie_fine_chanson_pieuse_jacques_de_cambrai_trouvere_Moyen-ageanonymes de cette même période.

Cet album d’intérêt est encore distribué. Il a entre autre mérite de proposer une sélection originale de chansons médiévales dont certaines sont assez peu connues et, en tout cas, peu fréquemment reprises. A toutes fins utiles, voici un lien sur lequel vous pourrez le découvrir ou l’acquérir au format MP3 ou au format CD : Ensemble Oliphant – Joie Fine – Chanson pieuses – Trouvère songs

La Retrowange novelle  de Jacques de Cambrai

Comme nous l’avons déjà mentionné ici,  à propos du culte marial au moyen-âge central, à un certain point, les thèmes de la lyrique courtoise, ses codes et les formes du sentiment amoureux que cette dernière mettait en exergue, ont été en quelque sorte repris et calqués par des clercs ou mêmes des ecclésiastiques pour les appliquer à la dévotion pour la Sainte (voir aussi article suivant). On retrouve à nouveau ce procédé chez Jacques de Cambrai et on lui reconnait même semble-t-il, d’avoir été l’un des derniers à l’utiliser sous cette forme chantée. (voir ici reprise de sources wikipédia par la Bnf sur cette question).

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Retrowange novelle
Dirai et bone et belle
De la virge pucelle,
Ke meire est et ancelle *(servante)
Celui ki de sa chair belle
Nos ait raicheteit.
Et ki trestous* (tous) nos apelle
A sa grant clairteit.

Je chanterai une chanson nouvelle
Bonne et belle
Sur la vierge pucelle
Qui est mère et servante
Celle qui avec sa belle chair
Nous a racheté
Et qui tous nous appelle
A sa grande clarté.

Ce nos dist Isaïe
En une profesie:
D’une verge delgie* (tige délicate),
De Jessé espanie,* (épanouie, ouverte) (1)
Istroit* (de issir, eissir : sortir, jaillir) flors per signorie
De tres grant biauteit.
Or est bien la profesie
Torneie a verteit.

C’est ce  que nous dit Esaïe
Dans sa prophétie :
D’une tige délicate
De Jessé épanouie,
Jaillirait une fleur noble 
D’une très grande beauté
Et cette prophétie 
s’est bien réalisée.

Celle verge delgie
Est la Virge Marie
La flor nos senefie
De ceu ne douteis mie,
Jhesucrist, ki la haichie* (2)
En la croix souffri;
Fut por rendre ceaus en vie
Ki ierent peri.

Cette tige délicate 
C’est la vierge Marie
Quant à la fleur, il s’agit,
De cela ne doutez pas,
De Jésus-Christ, qui les pires tourments (la  mort?) 
endura sur la croix,
Afin de faire revenir à la vie
ceux qui avaient péri.


(1) Livre d’Isaïe, chap XI, Is 11.1 « Il sortira un rejeton de la tige de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine »

(2)  On ne trouve le mot « Haichie » dans le Dictionnaire Saint-Hilaire Vandaele où il est défini comme suit : « haichie (?), Sf, mort ». C’est une piste. En réalité, orthographié tel quel, de nombreux autres dictionnaires ne mentionnent pas ce mot. En revanche, on trouve à « Hachier » ou à « Haschier » beaucoup plus de définitions : tourments, tortures, supplices etc, qui pourraient parfaitement correspondre au contexte de la chanson de Jacques de Cambrai. Le Godefroy long pourrait même soutenir cette hypothèse puisqu’il nous indique (vol 4. page 441) que  « Haschies » au pluriel fait référence à la Passion du Christ. Le manuscrit référencé plus haut semble pourtant bien mentionner en toutes lettres gothiques : « Haichie ». Il peut s’agir d’une variante linguistique ou d’une erreur de copiste mais dans le contexte, cette définition pourrait faire autant sens, sinon plus que celle que le Saint-Hilaire est un des seuls à nous donner. 

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En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« Mia irmana fremosa », la cantiga de amigo III du troubadour Martin Codax, par Evo et Efrén López

trompette_marine_musique_medievale_anciennes_troubadoursSujet : amour courtois, musique, chanson, poésie médiévale, Cantigas de amigo, galaïco-portugais, troubadour, lyrique courtoise, Espagne, Portugal médiéval, parchemin Vindel
Période :  XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur    : Martín Codax
Titre : « Mia irmana fremosa », cantiga de amigo III
Compositeur/Interprète  :     Efrén López, (EVO)
Media    : concert, IVe cycle des arts scéniques et des musiques historiques de la cité de León, Mai 2011.

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui à l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et au poète Martín Codax, à sa lyrique courtoise, à son amour de la mer de Vigo dont il était originaire et à ses Cantigas de Amigo.

Le poète s’y  met dans la peau d’une jeune fille qui attend son promis et chante son amour pour lui à ses amies ou à ses proches. Imprégné de lyrique courtoise, ces chansons souvent courtes, et presque si minimalistes et épurées qu’elles pourraient nous paraître parchemin_vindel_martin_codax_troubadour_musique_chanson_espagne_medievale_cantigas_amigo_moyen-agenaïves sont, en réalité, des fleurons de la littérature médiévale galaïco-portugaise et de l’art profane de ses troubadours.

La Cantiga de Amigo III
de Martín Codax
sur le Parchemin Vindel

Martin Codax chante l’attente du bien-aimé, sans doute parti guerroyer au loin, l’espérance de son retour, et un vague à l’âme qui s’abîme dans la contemplation de la mer et bat au rythme de ses ondes. Si l’océan en est le décorum, l’église de Vigo y revient également.

Sur la route des pèlerinages de Saint-Jean de Compostelle, la cité est alors en pleine effervescence. On y entonne certainement les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X et encore bien d’autres chants de pèlerins. Si Martin Codax n’est alors, sans doute pas, le seul troubadour à y chanter des compositions plus profanes, inspirées de la lyrique et de l’amour courtois, il est, en tout cas, un des rares, avec quelques autres, dont les compositions nous soient parvenues avec leur notation musicale, notamment, par l’intermédiaire du Parchemin Vindel, le MS M979 de la Morgan Library de New-York (sur ce document voir article suivant)

La Cantiga de Amigo III de Martín Codax, par Evo et Efrén Lopez

Efrén López et EVO, au coeur de la méditerranée traditionnelle et médiévale

Le plaisir est d’autant plus grand de vous présenter cette pièce qu’elle nous donne l’occasion de mentionner à nouveau ici le musicien, vielliste et multi-instrumentiste Efrén López et sa formation EVO. On peut, en effet, retrouver cette interprétation sur sa chaîne officielle Youtube et elle est extraite d’un concert donné en 2011, à l’auditorium de la cité de León, dans le cadre d’un festival sur les arts scéniques et les musiques historiques.

efren_lopez_chansons_musiques_medievales_anciennes_traditionnelles_méditerranéennes_passion_moyen-ageTrès actif dans le champ des musiques médiévales et anciennes, mais aussi, plus largement, dans celui des musiques traditionnelles de la méditerranée, cet artiste catalan est ouvert à toutes les rencontres et nous ne pouvons que vous conseiller, une fois de plus, de vous pencher sur ses travaux.

Nous lui avions consacré un article, il y a quelque temps déjà, aussi nous vous y renvoyons pour plus d’informations,  Efrén LÓPEZ, portrait d’un troubadour passionné de musiques médiévales et anciennes. Si vous êtes polyglotte, vous pouvez aussi consulter valablement son site web  officiel. Très fourni. il est disponible en quatre langues (espagnol, catalan, anglais et même grec) et l’artiste y partage généreusement nombre de ses productions, (musiques, vidéos, partitions, etc…).


« Mia irmana fremosa », les paroles
en gallaïco-portugais et leur adaptation

Mia irmana fremosa, treides comigo
a la ygreia de Vigo, u e o mar salido.
E miraremos las ondas.

Ma  belle*  sœur, viens avec moi
A l’église de Vigo, où la mer est agitée,
Et nous contemplerons les vagues.

Mia irmana fremosa, treides de grado
a la ygreia de Vigo, u e o mar levado.
E miraremos las ondas.

Ma  belle sœur, viens de bonne grâce
A l’église de Vigo, où la mer est en furie,
Et nous contemplerons les vagues.

A la ygreia de Vigo, u e o mar salido,
e verra i mia madre e o meu amigo.
E miraremos las ondas

A l’église de Vigo où la mer est en furie
Il viendra, mère, mon doux ami,
Et nous contemplerons les vagues.

A la ygreia de Vigo, u e o mar levado,
e verra i mia madre o meu amado
E miraremos las ondas.

A l’église de Vigo, où la mer est agitée
Il viendra, mère, mon bien-aimé,
Et nous contemplerons les vagues.

* Fremosa : belle, jolie, charmante.


En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« De gracieuse dame amer » la courtoisie de Jehannot de Lescurel à l’aube de l’Ars Nova

musique_poesie_medievale_media_book_livre_disque_jehan_de_lescurel_moyen-age_XIIIe_XIVeSujet : musique médiévale, poésie médiévale, amour courtois, fine amor, langue d’Oil, vieux-français, rondeau, Ars Nova, compositeur médiéval, MS 146
Période : Moyen Âge central, XIIIe, XIVe siècle
Auteur : 
 Jehannot (ou Jehan) de Lescurel(ou L’escurel)
Interprète : Ensemble Syntagma, direction d’Alexandre Danilevsky
Album : 
livre-disque & media book sur Jehan de Lescurel

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui, en musique et en chanson, au Moyen Âge du XIVe siècle avec Jehannot de Lescurel. Annonciateur de l’Ars nova, pour ses innovations autant que pour sa rigueur dans l’approche des formes, cet auteur et artiste médiéval, n’est déjà plus considéré comme un trouvère mais bien chanson_musique_poesie_medievale_jehannot_de_lescurel_manuscrit_ancien_bnf_francais_146comme un compositeur.

Comme  les autres pièces de l’auteur, la chanson du jour est tirée du MS Français 146. Manuscrit ancien daté du XIVe siècle, conservé à la Bnf, l’ouvrage contient, en plus du célèbre Roman de Fauvel, les dits du clerc Geoffroi de Paris, ainsi que les chansons et compositions de Jehannot de Lescurel. Voici d’ailleurs, ci-contre, le feuillet de ce manuscrit correspondant à la pièce du jour.

« Fine amor » d’Oc en Oil

Du point de vue thématique, le legs de Jehannot de Lescurel gravite principalement autour de la « fine amor ». La chanson du jour, qui est un rondeau, se situe donc en plein dans cette tradition lyrique courtoise héritée des troubadours du sud de la France et largement retranscrite en langue d’Oil, par les trouvères du nord, dans le courant du XIIIe siècle.

jehannot_de_lescurel_de_gracieuse_dame_amer_musique_chanson_rondeau_medieval_MS_146_moyen-age_XVIe_siecleEn dehors du MS français 146 on peut encore retrouver cette pièce dans l’ouvrage « Chansons, poésies et rondeaux de Jehannot de Lescurel, poète du XIVe siècle » d’Anatole de Montaiglon (1855). Si vous préférez la version papier à la numérique, l’ouvrage a été également réédité en version brochée chez Forgotten books.

Concernant son interprétation, nous la devons à l’Ensemble Syntagma sous la direction de son talentueux directeur Alexandre Danilesky. (voir leur chaîne youtube officielle ici)

« De gracieuse dame amer », Jehannot de Lescurel – Ensemble Syntagma

Comme nous avons déjà consacré un article sur le travail de l’Ensemble Syntagma autour de Jehannot de Lescurel (notamment au sujet du livre disque et média book que la formation a dédié à ce compositeur), nous vous invitons à le consulter pour plus de détails. Vous y trouverez un portrait de la formation et de son directeur, ainsi que des éléments supplémentaires sur le compositeur médiéval.

« De gracieuse dame amer »,
de Jehannot de Lescurel (en français ancien)

De gracieuse dame amer
Ne me quier ( de querre, querir : désirer, vouloir) jamès departir (séparer).
Touz bienz en viennent, sanz douter,
De gracieuse dame amer,
Et tous deduiz* (plaisir, divertissement).N’en veil cesser :
Car c’est ma joie, sans mentir ;
De gracieuse dame amer
Ne me quier jamès departir.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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