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Au XVIe s, une belle élégie courtoise de Clément Marot et son sens de la chute

Gravure ancienne de Clément Marot

Sujet : poésie, élégie, courtoisie, sentiment amoureux, moyen-français, auteur, poète médiéval.
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Période : Moyen Âge tardif, Renaissance
Titre : « Le plus grand bien qui soit en amitié » Ouvrage : Œuvres complètes de Clément Marot, Tome 2, Pierre Jannet (1873)

Bonjour à tous,

ous revenons, aujourd’hui, à l’œuvre poétique de Clément Marot. Au début du XVIe siècle, ce poète de cour s’inscrivit à la charnière du monde de la renaissance et du Moyen Âge. S’il ne cacha pas son goût pour des poètes et des textes médiévaux, comme Le Testament de Villon ou même Le Roman de la rose qu’il édita, il puisa également largement dans les auteurs antiques et on pourra voir en lui, la marque d’une certain renouveau littéraire propre au XVIe siècle.

En dehors de cela, Marot se fit connaître pour son esprit, ses traits d’humour mais aussi pour son œuvre abondante et plus grave, par endroits, qui comprend la traduction des psaumes. Fils du rhétoriqueur Jehan Marot, il fut d’abord protégé de François 1er, mais il eut par la suite quelques déboires qui l’obligèrent à l’exil, hors de France, et en particulier, près des cours italiennes (voir sa biographie).

Une élégie de Clément Marot en image avec portrait de l'auteur

L’élégie, un genre antique

Nous vous avons présenté, jusque là, un certain nombre d’épigrammes, de dizains et de pièces courtes de Clément Marot. Aujourd’hui, nous le retrouvons pour une élégie, genre qu’il contribua à créer en français, en lui prêtant sa plume, son talent et son sens des chutes.

L’élégie est une forme de poésie lyrique, qui avait été connue des grecs avant de passer ensuite aux romains. Elle fut favorisé par certains poètes antiques pour exprimer des thèmes variés, dont notamment le sentiment amoureux, mais toujours sur une note assez triste et mélancolique.

De Marot à la Pléiade

A la fin du Moyen-âge et aux débuts de la renaissance, l’élégie ressurgira donc en langue française avec l’aide de Clément Marot qui œuvrera à la réhabiliter, en tant que genre poétique à part entière (1). La Pléiade acceptera cet héritage de Marot, mais Joachim du Bellay, soucieux de marquer la différence entre son école et l’œuvre de Marot, entrera bientôt dans le débat. A la suite du poète de Cahors, il reconnaîtra l’élégie comme un genre convenable, tout en y mettant la condition qu’on revienne à la tristesse ou la gravité antique d’un Ovide ou d’un Horace (2).

Autrement dit, la légèreté de Marot, ses traits d’esprit et son fréquent badinage lui seront, à nouveau, reprochés. Pour la Pléiade, la poésie est une affaire sérieuse et c’est un raison suffisante pour écarter Marot ou ses héritiers de leur horizon. En relisant les élégies de Marot pourtant (il nous en a laissé un peu plus d’une vingtaine), on notera que si le poète de cahors continue d’y manier la plume avec talent, légèreté et esprit, il renoue tout de même, par endroits, avec le ton un peu mélancolique du genre originel des élégies.

Notes

(1) L’élégie au XVIe siècle, Robert G Mahieu, Revue d’histoire littéraire de la France, numéro 3/4, 1939.
(2) Les élégies de Clément Marot, V.L Saulnier, éditions de la Sorbonne, 1968


Elégie, Clément Marot


Le plus grand bien qui soit en amitié,
Après le don d’amoureuse pitié ,
Est s’entr’escrire, ou se dire de bouche ,
Soit bien , soit dueil , tout ce qui au coeur touche :
Car si c’est dueil, on s’entrereconforte ;
Et si c’est bien, sa part chacun emporte.
Pourtant je veux, mamye, et mon desir,
Que vous ayez votre part d’un plaisir
Qui en dormant l’autre nuict me survint.

Advis me fut que vers moy tont seul vint
Le dieu d’amours , aussi cler qu’une estoille ,
Le corps tout nud, sans drap, linge, ne toille,
Et si avoit, afin que l’entendez,
Son arc alors, et ses yeux desbandez,
Et en sa main celuy traict bien heureux
Lequel nous feit l’un de l’autre amoureux.
En ordre tel, s’approche et me va dire :
Loyal amant, ce que ton coeur desire
Est asseuré : celle qui est tant tienne
Ne t’a rien dit (pour vrai) qu’elle ne tienne ;
Et, qui plus est, tu es en tel crédit,
Qu’elle a foy ferme en ce que luy as dit.

Ainsi amour parloit, et en parlant
M’asseura fort. Adonc en esbranlant
Ses aisles d’or, en l’air s’en est volé : ‘
Et au resveil je fus tant consolé ,
Qu’il me sembla que du plus haut des cieux
Dieu m’envoya ce propos gracieux.

Lors prins la plume, et par escrit fut mis
Ce songe mien, que je vous ay transmis ,
Vous suppliant, pour me mettre en grand heur,
Ne faire point le dieu d’amour menteur.


Une belle journée à tous.

Fred
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NB : sur les illustrations de cet article, vous retrouverez le portrait « supposé » de Clément Marot, en tout cas celui qu’on lui associe le plus souvent. Il est tiré d’un œuvre du peintre italien Giovanni Battista Moroni (1520-1587) et s’intitule laconiquement : « Ritratto di un uomo » autrement dit « Portrait d’un homme« .

Un rondeau caustique de Clément Marot à l’encontre d’un ignorant

Gravure ancienne de Clément Marot

Sujet : humour, poésie, rondeau, moyen-français, poésie satirique, auteur, poète médiéval
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Période : Moyen Âge tardif, début de la renaissance
Titre : A un poète ignorant
Ouvrage : Œuvres complètes de Clément Marot, Tome 2, Pierre Jannet (1873)

Bonjour à tous,

oilà longtemps que nous n’avons publié une pièce de Clément Marot. Ce poète du Moyen Âge tardif, lui-même fils de Jean Marot, autre plume de cour, finit par connaître quelques déboires politiques et même deux exils pour des faits religieux et encore pour ses écrits.

Poète de cour considéré comme un des plus importants de son temps, Marot a usé de sa poésie dans, à peu près, toutes les circonstances : amour, humour, politique, religion, négociation, séduction de ses bienfaiteurs ou des dames, épitaphes, mais aussi règlements de compte. Il a laissé, derrière lui, une œuvre prolifique qui alterne des pièces ambitieuses à d’autres plus courtes et légères dans lesquelles il laisse s’exprimer son esprit et son humour. La poésie du jour fait partie de ces dernières. C’est un rondeau dans lequel il malmène, avec causticité, un autre poète de son temps. (ce n’est pas la première fois on se souvient de son épigramme à Maistre Grenouille)

"A un poète ignorant", Rondeau illustré de Clément Marot

A un poète ignorant (1536)

Qu’on mene aux champs ce coquardeau*,
Lequel gaste
(1), quand il compose,
Raison, mesure, texte, et glose,
Soit en ballade ou en rondeau.


Il n’a cervelle ne cerveau,
C’est pourquoy si hault crier j’ose:

Qu’on mene aux champs ce coquardeau.

S’il veult rien faire de nouveau,
Qu’il
œuvre hardiment en prose
(J’entens s’il en sçait quelque chose),
Car en rithme ce n’est qu’un veau
Qu’on mene aux champs.

*Coquardeau : jeune galant ignorant, benêt. S’écrit aussi cocardeau
(1) gaster : ravager, dévaster, corrompre


Quelques autres poésies humoristiques du même auteur
Frère Thibault, Humour Grivois et amours interdites
D’un Curé, épigramme humoristique
D’un qu’on appelait Frère Lubin
Deux épigrammes caustiques sur l’Erémitisme

Une belle journée à tous.

Fred
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NB : au premier plan, sur l’image d’en-tête, le portrait de Clément Marot est tiré d’une toile anonyme datée du milieu du XVIe siècle. Cette dernière est actuellement conservée à la bibliothèque de Genève et peut être consultée en ligne ici. L’arrière plan de l’illustration est un détail tiré d’une superbe enluminure du peintre Jean Clouet. Actuellement conservée au Musée Condé de Chantilly, elle provient du Manuscrit Ms 721 daté de 1534 : Les Trois premiers livres de Diodore de Sicile, traduit par Antoine Macault et Etienne Le Blanc. On y voit la cour de François 1er. Le roi y est entouré de ses gens mais aussi du dauphin François, d’Henri d’Orléans et de Charles d’Angoulême. Face au souverain, l’auteur en train de faire une lecture n’est pas Clément Marot mais Antoine Macault. Ce dernier lui présente l’œuvre qu’il vient de traduire en français et qui est l’objet principal de ce manuscrit ancien. Cette miniature se tient même sur le premier folio de l’ouvrage.

Clément Marot, mots d’esprit et poésie satirique: à propos d’un curé dévoyé et vantard

poesie_medievaleSujet :  poésie médiévale, satirique, satire, humour, poète, épigramme, poésies courtes.
Période : fin du moyen-âge, début renaissance
Auteur :  Clément Marot (1496-1544)
Titre :   D’un curé, épigramme

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons, aujourd’hui, une nouvelle poésie courte, prise dans le répertoire des épigrammes  de Clément Marot. Le  poète et auteur du début de la renaissance nous entraîne, cette fois-ci,  et toujours avec beaucoup d’humour et d’esprit,  dans une moquerie au sujet d’un curé qui, à l’évidence ne cesse de se vanter d’apprécier la gente féminine.

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Nous sommes aux portes de la renaissance ou à l’hiver du moyen-âge comme on préférera, pourtant l’esprit satirique qui courait déjà dans les fabliaux au sujet des curés ou prêtres dévoyés, est toujours bien présent chez Marot qui ne perd pas une occasion d’en rire : cupidité, grivoiserie, sexualité débordante, écarts entre la prêche et les actes, tout y passe. Nous avions déjà publié sa  Ballade sur frère Lubin, voici  donc ici  une autre épigramme sur le même sujet.  Ce ne sont que deux exemples, on en trouvera encore d’autres chez le poète .

D’un curé, Epigramme.

« Au curé, ainsi comme il dit,
Plaisent toutes belles femelles,
Et ont envers luy grand credit,
Tant bourgeoyses que damoyselles;
Si luy plaisent les femmes belles
Autant qu’il dit, je n’en sçay rien;
Mais une chose je sçay bien,
Qu’il ne plait pas à une d’elles. »

Clément Marot, (1496-1544)
En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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Un songe de Clément Marot en forme de dizain.

poesie_medievale_clement_marotSujet : poésie médiévale, auteur, poète, dizain, amour, romantisme, passion amoureuse
Période : fin du moyen-âge, début renaissance
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Titre : « D’un songe »
Tiré de : Récréation et passe temps des tristes, (1595)

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passione talent de Clément Marot pour les pièces de poésies courtes n’est plus à démontrer tant il excelle dans ce genre, qu’il s’agisse d’épigrammes, de dizains ou même encore d’épitaphes. Le dizain que nous vous proposons aujourd’hui est dédié à sa belle dont les charmes irrésistibles ont, dans le verbe du poète, conquis  jusqu’à Apollon, Dieu de poète des Arts, de la musique et de la connaissance.

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Même s’il reste chaste, Marot ose ici la nudité et s’avance sur le terrain d’une sensualité qu’on retrouve peu dans les traits de l’amour courtois des siècles précédents; la plupart du temps, ce dernier ne s’approche, en effet, pas aussi près. Dans les formes poétiques de ce dizain et dans cet objet convoité que même un Dieu veut dérober à l’emprise de son auteur, on lit , sans doute plus, le désir intarissable de l’amant, que celui inassouvi du prétendant.

Et à travers cette pièce, Marot nous montre encore que son don pour les mots et leur musique ne s’arrête pas aux traits d’esprit, à la satire ou aux grivoiseries légères, mais a aussi le pouvoir de donner au sentiment amoureux ses plus belles lettres.

D’un songe

La nuict passée en mon lict je songeoye
Qu’entre mes bras vous tenoy nue à nu,
Mais au resveil, se rabaissa ma joye
De mon désir en dormant advenu,
Àdonc je suis vers Apollo venu, 
Luy demander qu’aviendroit de mon songe,
Lors luy jaloux de toy, longuement songe,
Puis me respond : tel bien ne peulx avoir.
Helas! m’amour fais luy dire mensonge,
Si confondras d’Apollo le scavoir.
Clément Marot (1496-1544)

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes