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Ballade « médiévale »: le moyen-âge de Victor Hugo, inspiré par Bürger et marié au folk de Malicorne

poesie_ballade_medievale_victor_hugo_XIXe_Sujet : chanson, poésie, musique, folk celtique, ballade romantique, ballade médiévale, médiévalisme, poésie d’inspiration médiévale.
Période : moyen-âge fantastique, gothique
XVIIIe, IXe, XXe siècle
Auteur  : Victor Hugo (1802-1885), odes et ballades (1828)
Titre : La fiancée du timbalier
Interprètes : Malicorne
Extrait de l’album : Malicorne 4 « Nous sommes chanteurs de sornettes », 1977 (Sony Music)

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaetit plaisir du jour, suite à notre article sur l’Histoire de la ballade médiévale et ses évolutions jusqu’au XIXe siècle, voici justement une poésie de Victor Hugo teintée de moyen-âge et mise en musique par le groupe folk-celtique Malicorne.

En réalité, du point de vue de sa datation, cette chanson n’a absolument rien de médiéval  puisque son texte remonte aux années 1828. Outre qu’elle demeure fort agréable à écouter – la belle voix de Gabriel Yacoub se coulant toujours parfaitement dans ce style de texte – elle permet aussi de mieux illustrer le procédé littéraire par lequel Victor Hugo crée une facture et une ambiance médiévale sur une toile de fond historique qui pourtant ne l’est pas. Loin des grandes guerres et échauffourées  du moyen-âge, cette ballade a, en effet, pour contexte la bataille de Prague de 1757 qui, pendant la guerre de sept ans, opposa violemment les prussiens aux autrichiens. Elle fut d’ailleurs l’une des plus meurtrières du XVIIIe siècle avec plusieurs dizaines des milliers d’hommes tués ou blessés de chaque bord.

Bataille de Prague 1757, mort du Maréchal Von Schwerin sur le champ de bataille, peinture de Johann Christoph Frisch (1738-1815)
Bataille de Prague 1757, mort du Maréchal Von Schwerin sur le champ de bataille, peinture de Johann Christoph Frisch (1738-1815)

Cette ballade dramatique et romantique de Victor Hugo se situe dans le contexte de cette bataille, au retour des troupes et il nous conte les déboires d’une jeune fille attendant son bien-aimé, parti au combat. En s’apercevant qu’il ne reviendra pas, elle mourra sur le coup. Il n’est donc pas question de récit historique et on s’inscrit ici clairement dans l’univers de la fiction et même du conte. Sur sa toile de fond autant que sur le récit, cette poésie a été directement inspirée à Hugo par le poète allemand Gottfried August  Bürger  (1748-1794), auteur romantique que l’on crédite d’avoir été, dans le courant du XVIIIe siècle, l’un des pionniers de ces nouvelles « ballades » d’inspiration médiévale.

Lénore, une ballade fantastique et gothique  du Gottfried August Bürger

E_lettrine_moyen_age_passionn 1774, cet auteur, célèbre par ailleurs pour son adaptation ou même, peut-on dire pour sa réécriture en  allemand des Fabuleuses Aventures du Légendaire Baron de Munchhausen (que Terry Gilliam porta à l’écran). publia, dans un magazine allemand, une ballade romantique ayant pour titre  Lénore et qui fit date.

Burger_lenore_poesie_balllade_medieval_fantastique_gothique_allemandeBien plus gothique et fantastique  que le traitement qu’a choisi d’en faire Victor Hugo dans son adaptation, il y était aussi question d’une jeune fille attendant le retour de son bien-aimé de la bataille de Prague. Dès le début du texte, ne le voyant pas revenir, elle invoquera la mort et son voeu se verra exaucé d’une étrange manière, tout au long de la ballade. Précisons que le « médiéval fantastique » dont il est question ici n’est pas encore teinté de fortes racines celtiques ou nordiques tel qu’on pourra le retrouver au XXe siècle après JJR Tolkien et la littérature Heroic fantasy. Nous sommes avec Lénore dans un fantastique qui mêle macabre, univers gothique et romantisme, et qui renvoie d’assez près justement à l’imagerie du macabre médiéval tel qu’il se constitue, en occident dans le courant du moyen-âge central (voir le thème de la mort dans la littérature française médiévale, Marie-thèrese Lorcin, À réveiller les morts : La Mort au quotidien dans l’Occident médiéval)


Voici quelques courts extraits de cette ballade de Bürgen, tirés d’une adaptation française versifiée de 1854.; elle ne peut certainement pas rendre totalement justice à l’original, mais elle nous permet au moins de l’approcher  :

D’un songe affreux Lénore poursuivie
Au point du jour se réveilla soudain.
« Mon cher Wilhelm, as-tu perdu la vie ?
Es-tu parjure ou te verrai-je enfin ? »
Sous Frédéric il partit pour l’armée,
Et combattit à Prague en bon hussard :
Mais depuis lors sa jeune bien-aimée
Ne reçut plus de lettres de sa part.

Les troupes sont de retour, l’amant de la jeune fille n’en fait pas partie et elle s’effondre, comprenant qu’elle l’a perdu.

… La mère accourt et vers elle s’élance :
« Que vois-je ? ô Dieu ! Qu’as-tu, ma chère enfant ?
Viens dans mes bras, parle avec confiance,
Dis-moi ton mal : je t’écoute en tremblant »
– Oh ! c’en est fait ; tout est perdu, ma mère !
Tout est perdu ! Hélas ! Wilhem est mort !
Il n’est plus rien qui m’attache à la terre:
Dieu, sans pitié, m’abandonne à mon sort !

… Oh ! C’en ait fait! Wilhem est mort, ma mère !
Il est perdu, oui, perdu sans retour :
Il n’est pour moi plus de bonheur sur terre !
Pourquoi faut-il qu’on m’est donné le jour ?
Mort ! Frappe-moi, brise mon existence,
Et qu’à jamais mon nom soit oublié !
Jouis, ô Dieu! Jouis de ma souffrance,
Puisque pour moi tu n’as pas de pitié.

Suite à ce « voeu », le fiancé viendra bientôt chercher la jeune fille à la nuit. Toute à sa joie, la belle tardera à comprendre que sous le visage de son amant, c’est en réalité la mort qui est venue la prendre pour la guider jusqu’à sa perte et réaliser son voeu. Sans se révéler, la Camarde fardé  et en armure de chevalier l’amènera sur sa monture, à travers la campagne et jusqu’au lit nuptial (le tombeau), dans un voyage gothique et fantastique qu’on imaginerait avoir tout à fait sa place dans l’univers d’un Tim Burton :

Vois-tu vois-tu l’étrange phénomène ?
Au clair de lune, on aperçoit là-bas
Sous le gibet la gent aérienne* (les noirs corbeaux),
Qui danse en rond et qui prend ses ébats.
« Ah ! ça, venez et suivez-nous, canailles !
Je vous voir décorer notre bal;
Vous ouvrirez la danse à nos fiançailles,
Et nous suivrez jusqu’au lit nuptial!

Bürger, Lénore – 1774 – Traduction française de 1854


lenore_burger_ballade_romantique_moyen-age_fantastique_gothique_Ary_Scheffer
Les morts vont vite, toile de Ary Scheffer (1830) sur le thème de Lénore de Bürger, Exposée au musée de la vie romantique à Paris.

T_lettrine_moyen_age_passionhème du blasphème qui prend un tour fantastique avec cette mort invoquée sans y penser vraiment et qui répond à l’invitation de la jeune fille, thème aussi de la mort et de l’érotisme avec ce lit nuptial devenu le tombeau des amants, thème romantique bien sûr des amants unis dans leur fin, le tout dans un univers gothique et une imagerie macabre qui renvoient à des origines clairement médiévales, cette ballade de Bürger fut traduite maintes fois dans d’autres langues et inspira de nombreux auteurs hors de l’Allemagne mais également d’autres artistes comme le peintre Ary Scheffer, considéré comme un des maîtres de la peinture romantique (voir tableau ci-dessus).

Dans son approche du récit, Victor Hugo a, quant à lui, plutôt choisi de se centrer sur le long défilé des troupes, en utilisant un grand renfort d’images et de vocables évocateurs pour nous immerger dans une ambiance médiévale prégnante. En modifiant le déroulement de l’histoire, il privilégie l’attente, l’espoir et met aussi le suspense en exergue. Le thème du blasphème, comme celui du macabre et de l’épopée nocturne et gothique sont, de fait, évacués de sa version (il aura l’occasion d’y revenir dans d’autres textes). L’idée romantique et peut-être aussi, finalement, fantastique, résidera ici dans le trépas soudain de la jeune fille, incapable de survivre à la disparition de son amant.

La chanson de Malicorne inspirée par Hugo

Chanson tirée de l’album Malicorne 4

Daté de 1977, le très réussi et salué album studio Malicorne 4 présentait des chansons traditionnelles françaises revisitées à la manière folk, celtique et « rock-progressif » du groupe. Dans ce corpus, la chanson La fiancée du timbalier (joueur de timbales) était d’ailleurs la seule qui soit album_malicorne_4_chanson_ballade_poetique_folk_medieval_fiancee_du_timbalier_victor_hugorattachée à un auteur connu et identifié. On trouve toujours l’album à la vente au format CD : Malicorne 4 format CD.

D’autres versions vinyle devenues collectors et plus onéreuses peuvent également être débusquées (en voici une disponible au moment de cet article: Malicorne Vol.4  format Vynile )

Concernant cette poésie de Victor Hugo, le compositeur et pianiste Camille Saint-Saëns l’avait lui-même mise en musique dans le courant du XIXe siècle, avec une version pour piano et également une version pour piano/chant nettement plus lyrique (voir partition sur archive.org).

La fiancée du timbalier de Victor Hugo
ballade du XIXe aux couleurs médiévales

 Monseigneur le duc de Bretagne 
A, pour les combats meurtriers, 
Convoqué de Nante à Mortagne, 
Dans la plaine et sur la montagne, 
L’arrière-ban de ses guerriers.

Ce sont des barons dont les armes 
Ornent des forts ceints d’un fossé ; 
Des preux vieillis dans les alarmes, 
Des écuyers, des hommes d’armes ; 
L’un d’entre eux est mon fiancé.

Il est parti pour l’Aquitaine 
Comme timbalier, et pourtant
On le prend pour un capitaine, 
Rien qu’à voir sa mine hautaine, 
Et son pourpoint, d’or éclatant !

Depuis ce jour, l’effroi m’agite. 
J’ai dit, joignant son sort au mien :
– Ma patronne, sainte Brigitte, 
Pour que jamais il ne le quitte, 
Surveillez son ange gardien ! –

J’ai dit à notre abbé : – Messire, 
Priez bien pour tous nos soldats ! –
Et, comme on sait qu’il le désire, 
J’ai brûlé trois cierges de cire 
Sur la châsse de saint Gildas.

À Notre-Dame de Lorette 
J’ai promis, dans mon noir chagrin, 
D’attacher sur ma gorgerette, 
Fermée à la vue indiscrète, 
Les coquilles du pèlerin.

Il n’a pu, par d’amoureux gages, 
Absent, consoler mes foyers ; 
Pour porter les tendres messages, 
La vassale n’a point de pages, 
Le vassal n’a pas d’écuyers.

Il doit aujourd’hui de la guerre 
Revenir avec monseigneur ; 
Ce n’est plus un amant vulgaire ;
Je lève un front baissé naguère, 
Et mon orgueil est du bonheur !

Le duc triomphant nous rapporte
Son drapeau dans les camps froissé ; 
Venez tous sous la vieille porte 
Voir passer la brillante escorte, 
Et le prince, et mon fiancé !

Venez voir pour ce jour de fête 
Son cheval caparaçonné, 
Qui sous son poids hennit, s’arrête, 
Et marche en secouant la tête, 
De plumes rouges couronné !

Mes soeurs, à vous parer si lentes, 
Venez voir près de mon vainqueur 
Ces timbales étincelantes 
Qui sous sa main toujours tremblantes, 
Sonnent, et font bondir le coeur !

Venez surtout le voir lui-même
Sous le manteau que j’ai brodé. 
Qu’il sera beau ! c’est lui que j’aime ! 
Il porte comme un diadème 
Son casque, de crins inondé !

L’Égyptienne sacrilège,
M’attirant derrière un pilier, 
M’a dit hier (Dieu nous protège !) 
Qu’à la fanfare du cortège 
Il manquerait un timbalier.

Mais j’ai tant prié, que j’espère ! 
Quoique, me montrant de la main 
Un sépulcre, son noir repaire, 
La vieille aux regards de vipère 
M’ait dit : – Je t’attends là demain !

Volons ! plus de noires pensées ! 
Ce sont les tambours que j’entends. 
Voici les dames entassées, 
Les tentes de pourpre dressées, 
Les fleurs, et les drapeaux flottants.

Sur deux rangs le cortège ondoie : 
D’abord, les piquiers aux pas lourds ;
Puis, sous l’étendard qu’on déploie, 
Les barons, en robe de soie, 
Avec leurs toques de velours.

Voici les chasubles des prêtres ; 
Les hérauts sur un blanc coursier. 
Tous, en souvenir des ancêtres, 
Portent l’écusson de leurs maîtres,
Peint sur leur corselet d’acier.

Admirez l’armure persane 
Des templiers, craints de l’enfer ; 
Et, sous la longue pertuisane, 
Les archers venus de Lausanne,
Vêtus de buffle, armés de fer.

Le duc n’est pas loin : ses bannières
Flottent parmi les chevaliers ;
Quelques enseignes prisonnières,
Honteuses, passent les dernières…
Mes soeurs ! voici les timbaliers !… « 

Elle dit, et sa vue errante 
Plonge, hélas ! dans les rangs pressés ; 
Puis, dans la foule indifférente,
Elle tomba, froide et mourante…
Les timbaliers étaient passés.

Une belle journée à tous et une bonne écoute !

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Annonce : Montcornelles recherche des artisans et compagnies pour ses Médiévales 2018

agenda_sortie_historique_festivals_fetes_ripailles_week_end_theme_medieval_moyen-ageSujet : agenda, fêtes médiévales, annonce, recherche compagnies, artisans médiévistes, reconstituteurs, animations médiévales, journée médiévales 2018
Lieu : Montcornelles, chantier expérimental, Aranc, plateau de Hauteville (Bugey) département de l’Ain, Auvergne-Rhône-alpes
Dates : Festivités médiévales du 2 juin 2018

Avis aux artisans médiévistes et compagnies médiévales d’Auvergne-Rhône-Alpes

E_lettrine_moyen_age_passionn vue de ses Médiévales de juin prochain, la toute jeune cité de Montcornelles en Bugey et son Association BCM Monts & Cornelles recherchent des artisans  et des compagnies médiévistes.

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L’événement est prévu sur une journée complète et aura lieu le 2 juin 2018.

Pour des raisons de commodité, les artisans recherchés seront préférablement  de la région Auvergne-Rhône-alpes.

Merci de vous mettre en contact directement avec l’Association Monts & Cornelles pour les détails et conditions.

Site de l’Association – Contacter Florence


voir article précédent. pour plus d’informations sur le chantier médiéval expérimental de la cité de Montcornelles,

Une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Montcornelles, une cité médiévale du XIVe sort de terre en plein XXIe siècle

heraldique_armoires_blason_ecu_bugeySujet : lieu d’intérêt, chantier, projet expérimental, parc médiéval, sortie historique,  cité médiévale.
Période :  Moyen-âge central, XIVe siècle
Lieu :  Montcornelles, chantier/cité médiévale Plateau de Hauteville, Aranc, Bugey, Ain, Auvergne Rhône Alpes

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionu début des années 2010, dans le département de l’Ain et au coeur du Bugey est né dans la tête d’un ingénieur en matériaux de formation, un rêve un peu fou qui, à force de persévérance, est devenu en quelques années, un véritable projet et finalement, une réalité.  Son idée ? Construire une « cité » médiévale  ex-nihilo.

regis_navarro_cite_medievale_montcornelles_lieu_interet_tourisme_moyen-ageAprès de bien longues démarches pour viabiliser le dossier, pour convaincre et mettre d’accord aussi l’ensemble des acteurs (étatiques, territoriaux et locaux) impliqués, et encore pour trouver des appuis, Regis Navarro, c’est son nom (portrait ci-contre), concepteur et porteur du projet, accompagné de Anne Siegfried Adamovicz, attachée au service du patrimoine culturel du département de l’Ain, ont réussi à rallier à leur cause les collectivités et obtenu le feu vert autant que les premiers financements. Une des dernières étapes clés a été franchie à la mi -décembre 2017 avec une vote largement majoritaire de la communauté de communes du Plateau d’Hauteville, en faveur du projet. Le rêve est donc devenu réalité.

Tout est donc en bonne marche et il devrait y avoir sur place, au coeur du plateau de Hauteville, à quelques lieues d’Ambérieu-en- Bugey (une vingtaine de kilomètres), un parc/chantier expérimental sur le thème médiéval, ouvert aux visites et au public. La cité aura pour nom Montcornelles.

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Un parc/chantier expérimental sur le thème du monde médiéval et de ses bâtisseurs

La construction de cet ambitieux projet s’étalera sur une quarantaine d’année et le site se présente à la fois comme un chantier à visées pédagogiques et comme un parc à thème fournissant un cadre et un support propice à la découverte, à la sensibilisation, mais aussi au divertissement autour du monde médiéval. La période visée est le XIVe siècle.

Même s’il n’est pas question ici de bâtir un château-fort,  du point de vue du concept et des ambitions, on ne peut s’empêcher d’évoquer ici  le chantier de château Guédelon et Michel Guyot, grand précurseur en la matière et dont la formule et le succès auront indéniablement inspiré un certain nombre de nouveaux sites sur les terres de France, ces dernières années. Le territoire étant vaste, le public friand de divertissements médiévaux  et les informations qu’on peut tirer de ce genre d’expériences toujours intéressantes en terme d’ingénierie, de sciences et techniques et d’architecture ancienne, il reste quoiqu’il en soit, largement du champ pour que Montcornelles trouve sa place et son public.

Reconstitution, restitution, ambitions, réalisme?

Du point de vue de son emplacement, la future cité médiévale ne se situe pas sur un site historique connu et daté, mais sur un site à nu, occupé précédemment par des terres agricoles. Il ne s’agit donc pas ici d’archéologie expérimentale ou d’archéosite, pas d’avantage que l’idée n’est de reconstituer  un lieu ayant existé.

batisseurs_enluminure_chantier_experimental_medieval_montcornelles_bible_Maciejowski Du côté du réalisme, l’intention reste tout de même de se situer résolument au carrefour des possibles, autrement dit d’approcher au plus près la réalité (plausibilité) historique du point de vue des bâtiments, des outils ainsi que des technologies et des matériaux en usage.

Le porteur de projet ne cache d’ailleurs pas les ambitions du chantier, eu égard à une meilleure appréhension des  techniques des bâtisseurs de l’époque : « Mieux comprendre en refaisant recréant », le modo restera de se tenir au plus près des normes du moyen-âge central, tout en se pliant aussi à celles applicables et incontournables, à l’heure actuelle, en matière de chantier.

Quoiqu’il en soit, une Société coopérative d’intérêt collectif a été créée afin de mener à bien l’entreprise, mais aussi pour recruter l’équipe de bâtisseurs, tailleurs de pierre, charpentiers, forgerons, etc, en charge de faire sortir de terre cette cité médiévale imaginaire, et encore les personnels destinés à l’accueil des visiteurs. Le nombre de permanents devrait au départ se situer autour d’une dizaine. La SCIC entend bien également s’entourer d’experts, chercheurs et universitaires qui viendront donner à Montcornelles leur appui documenté et avisé, autant qu’une caution « historique ». Certains d’entre eux se sont d’ailleurs déjà rapprochés, avec enthousiasme, du porteur de projet. Autant le dire, toutes les bonnes volontés sont aussi mises à contribution dans cette aventure qui se veut résolument « participative et coopérative ».

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Divertissement, animations « hors chantier » :
faire revivre le moyen-âge culturel et festif

Autour du chantier et de la découverte du quotidien des bâtisseurs/artisans tout autant que des techniques  de construction médiévale, on compte bien aussi recréer à Montcornelles, des animations et une ambiance permettant d’immerger les visiteurs dans le moyen-âge du XIVe siècle. Dans cette optique, une association a aussi été créée, l’Association BCM Monts et Cornelles. Déjà à l’oeuvre sur le terrain, elle a pour vocation de prendre en charge les parties les plus « culturelles » de la cité médiévale naissante : organisation d’événements, d’animations à thèmes, festivités et temps forts saisonniers agenda_soiree_sortie_2018_bugey_veillees_contes_fabliaux_monde_medieval_bugey_montcornelles_bugeyou annuels. A terme, elle constituera aussi la troupe permanente  d’animations du lieu.

Pour ceux qui sont dans les environs du Bugey, elle organise d’ailleurs, le samedi 27 janvier prochain, une soirée « veillée » autour de contes,  fabliaux médiévaux, chants et danses d’époque. (affiche ci-contre)

Active sur le web, elle joue également à plein son rôle en terme de communication sur le projet, mais aussi de recrutement de passionnés et  bénévoles voulant se joindre à l’aventure.

Du point de vue de la « scénarisation » de Montcornelles et de son « histoire » imaginaire, le travail de conception est en cours. Les barrières les plus difficiles ayant été franchies, les acteurs impliqués dans le projet vont pouvoir prendre désormais le temps de s’y concentrer.

Liens utiles, information, détails pratiques :
Site web – Facebook  – Association  BCM Monts et Cornelles

Pour conclure

Le chantier de Montcornelles devrait être ouvert à l’année, d’avril à octobre. En terme de fréquentation, les objectifs sont ambitieux puisque les estimations de montée en charge projettent d’atteindre, sur les cinq à six premières années, près de 80 000 visiteurs par an, pour un volume attendu d’une quinzaine de milliers sur la première année et un seuil équilibre budgétaire autour de 40 000.

batisseurs_enluminure_chantier_experimental_monde_medieval_bugey_montcornelles_bible_-MaciejowskiAjoutons que le lieu représente aussi pour le Bugey un bel enjeu touristique. Le chantier médiéval expérimentale et les animations de Montcornelles devrait en effet permettre de prouver, si c’était nécessaire, qu’en plus de ses montagnes et de sa belle nature, propices à de merveilleuses ballades, en plus encore des généreux produits de terroirs qui ont fait sa célébrité – ses volailles, son gamay, ses fromages, son ramequin et j’en passe –  cette belle région a encore bien des choses à nous raconter de son histoire mais aussi, de manière plus large, de la notre. De notre côté, nous leur souhaitons, en tout cas, tout le meilleur, ainsi qu’une grande réussite.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Rose des Roses, la Cantiga de Santa Maria 10 avec Marina Lys, artiste et trobairitz passionnée

cantigas_santa_maria_10_rose_des_roses_culte_mariale_vierge_marie_moyen-ageSujet :  musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, Sainte-Marie, rose, littérature courtoise, chant médiéval chrétien.
Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga 10 rosas das rosas
Interprète : Marina Lys  (2015) 
Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous poursuivons ici notre présentation, adaptation et traduction des Cantigas de Santa Maria, qui nous viennent de l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et du règne d’Alphonse X le Sage.

Aujourd’hui, c’est une des plus célèbres de ces cantigas que nous abordons : la dixième. Elle est, comme toutes les autres, en galaïco-cantigas_santa_maria_10_chant_culte_marial_medieval_litterature_galaico-portugaise_alphonse_X_moyen-age_cental_XIIIe  portugais, elle a pour titre « Rosa das Rosas » (rose d’entre les roses) et c’est une chant allégorique entre la rose, fleur des fleurs de l’occident médiéval et la Sainte vierge. Nous sommes donc à nouveau au coeur du culte marial si prégnant au moyen-âge central, et nous verrons en particulier ici comment cette place réservée à la sainte a pu hériter dans certains textes ou chants chrétiens d’alors, d’aspects  tout droit sortis de la littérature profane des XIIe, XIIIe siècles, et notamment de la lyrique courtoise des troubadours et de leur fin’amor (ou fine amor).

Pour parler de cette Cantiga, nous avons choisi une belle version de l’artiste, chanteuse et musicienne Marina Lys que cet article va aussi nous donner le grand plaisir de vous présenter.

La Cantiga Santa Maria 10 : Rosa das rosas par Marina Lys

Marina Lys, chanteuse, musicienne et belle égérie  sur la route des fêtes médiévales

F_lettrine_moyen_age_passion-copiaormée au conservatoire de musique d’Orly, Marina  Lys excelle autant dans le chant que dans les instruments à cordes ou à archet.

A ses premières passions pour la guitare, du registre Jazz manouche au classique,  son goût pour les musiques anciennes et médiévales l’a rapidement conduite à compléter sa formation pour y ajouter, sous la houlette d’artistes et professeurs reconnus dans ce domaine, le chant mais encore des instruments aussi variés que la vièle à archet, le luth, le luthare, le bouzouki irlandais, la flûte et même la harpe ou la harpe-lyre, à l’occasion.

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Le travail artistique de Marina évolue des chants chrétiens anciens aux envoûtantes mélopées séfarades du moyen-âge central, en passant par des registres plus variés et folkloriques (tziganes, celtiques ou nordiques) mais toujours inspirés par les musiques anciennes. Entre restitution historique, émotion et adaptations artistiques plus libres, elle déroule encore ses talents vocaux dans un répertoire qui couvre près de dix langues, de l’araméen, à l’hébreu, en passant par le latin, le serbe, le galaïco-portugais, le tzigane russe ou encore le suédois.

A la manière de bien des artistes, trouvères ou trobairitz des XIIe et XIIIe siècles, c’est, pour l’instant, de manière itinérante que Marina a décidé de faire partager sa passion pour les musiques anciennes, bien décidée à  les faire découvrir au plus large public. Aussi, c’est dans l’ambiance enjouée d’une belle fête médiévale, dans la fraîcheur  et l’atmosphère propice d’une église, ou encore dans un beau jardin,, au milieu d’un parterre jadys_marinas_lys_compagnies_animations_musiques_danses_inspirtations_medievalesde fleurs, que vous pourrez avoir le plaisir de la rencontrer et de découvrir son art.

Elle ne sera d’ailleurs pas toujours seule puisqu’elle a fondé en 2012 la troupe  musicale  « Jàdys » qui se dédie à un répertoire d’inspiration festif plus ouvert : musiques tzigano-médiévales et danses  et chants du monde, au programme. Trois ans après sa création, le travail artistique de la formation a d’ailleurs été salué par la Fédération Française des Fêtes et Spectacles Historiques et lui a valu d’être distinguée comme le meilleur groupe 2014-2015.

Voici de liens utiles pour plus d’informations sur son art et son actualité  : Facebook officiel Site web – FB de la compagnie Jàdys

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Rosa das rosas, les  paroles de la Cantiga 10  et leur traduction en français moderne

Questa è di lode a Santa Maria, come è bella e buona e ha gran potere.

Cette Cantiga est une louange à Sainte-Marie, à sa beauté et sa bonté et à son grand pouvoir.

Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines 

Rosa de beldad’ e de parecer
e Fror d’alegria e de prazer,
Dona en mui piadosa ser
Sennor en toller coitas e doores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Rose de beauté et belle apparence
Et fleur de joie et de plaisir.
Dame de grande piété (miséricorde)
Reine pour ôter peines et douleurs
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines 

Atal Sennor dev’ ome muit’ amar,
que de todo mal o pode guardar;
e pode-ll’ os peccados perdõar,
que faz no mundo per maos sabores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Telle seigneuresse* (reine) doit-on bien aimer
Qui de tout le mal nous peut préserver
Et peut pardonner pour tous les péchés
Qu’on fait dans le monde  par mauvais goût ( à mauvais escient)
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines

Devemo-la muit’ amar e servir,
ca punna de nos guardar de falir;
des i dos erros nos faz repentir,
que nos fazemos come pecadores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Nous devons l’aimer (beaucoup) et bien la servir
Car elle peut nous garder des fautes
Et  nous faire repentir des erreurs
Que nous commettons, nous, pécheurs,
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines

Esta dona que tenno por Sennore
de que quero seer trobador,
se eu per ren poss’ aver seu amor,
dou ao demo os outros amores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Cette dame là que je tiens pour reine
et dont je veux être le troubadour
Si je pouvais obtenir (gracieusement) son amour
Je laisserai au démon tous les autres amours
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines

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Culte Marial et lyrique courtoise
Littérature profane, littérature religieuse

A_lettrine_moyen_age_passionvec cette Cantiga 10 et ses louanges à la Sainte-Vierge, nous nous situons dans le registre du grand chant « adapté » de la lyrique courtoise profane, appliqué au culte marial. Ici, le croyant s’assimile en effet lui-même au troubadour et les sentiments voués à la Sainte viennent pratiquement se calquer sur la lyrique courtoise, ou y être transposés. C’en est même au point que le poète se dit prêt à « jeter au diable »  toutes ses autres amours s’il gagnait l’amour de la Vierge.

A partir de son émergence à la fin du XIIe et dans le courant du siècle suivant, c’est une tendance que l’on retrouvera souvent dans le culte marial. Certains médiévistes feront même l’hypothèse que l’entrée de la lyrique courtoise au sein des chants liturgiques et de la littérature religieuse mariale a été une forme de réponse cantiga_de_santa_maria_10_rosa_das_rosas_culte_mariale_partition_musique_chanson_medievale_XIIIe_siecle« politique » pour, en quelque sorte, reprendre à son compte les éléments de la littérature profane, tout en proposant une alternative pieuse et acceptable à la Fin’amor, qui, par ses transgressions et ses formes assez clairement adultérines n’était pas tout à fait du goût de l’église.  Quelques auteurs parlent de calquage littéral, ou même de « registre parasite » de la littérature courtoise profane, d’autres médiévistes restent un peu plus nuancés et mettent l’accent sur une forme adaptée et recomposée. Sans non plus verser dans la naïveté, peut-être n’y a-t-il pas eu là que des volontés d’instrumentalisation, mais aussi, par moments, quelques élans sensibles  de la part des auteurs religieux qui, inspirés par certains éléments de la lyrique courtoise et par certaines de ses valeurs chevaleresques aussi, se mettent au diapason d’une société qui à travers sa littérature et son art, est en train de repenser le sentiment amoureux au coeur même de ses valeurs  (1).

Retrouvez l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria traduites et commentées par nos soins, et présentées par les plus grands ensembles de musique médiévale.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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(1) Hors de l’Espagne médiévale et des Cantigas de Santa Maria, on trouvera un exemple saisissant de ces questions de transposition de la lyrique courtoise au culte marial, dans l’oeuvre du trouvère et moine bénédictin Gautier de Coinci et on pourra valablement se reporter, comme point de départ, à un article publié en 2010  par Jean-Louis Benoit  dans la revue Le Moyen : « La dame courtoise et la littérature dans Les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »