Nous vous souhaitons à tous une excellente année 2020. Santé , bonheur et que tous vos vœux se réalisent !
Enluminure tirée du Manuscrit médiéval MS Bodley 264, Le Roman d’Alexandre ( 1338-1344), Bibliothèque Bodléienne, Oxford, Bodleian Library,
Sujet : manuscrit ancien, psautier, moyen-âge chrétien, enluminures, miniatures, ingeburge de Danemark, Philippe-Auguste
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Conservation : Musée de Condé, Chantilly
Manuscrit ancien : le Psautier d’Ingeburge
Bonjour à tous,
e week end pascal nous donne l’occasion de vous souhaiter de joyeuses pâques tout en vous parlant d’un célèbre manuscrit ancien du XIIIe siècle et du personnage historique qui s’y trouve attaché. Il s’agit d’un ouvrage religieux et même d’un livre de prières, connu sous le nom de Psautier d’Ingeburge, du nom de la reine de France Ingeburge de Danemark (Ingeborg), seconde et « éphémère » épouse du roi Philippe-Auguste, pour lequel le manuscrit aurait été réalisé et qui lui aurait appartenu.
Concernant le destin de cette jeune noble danoise, fille du roi Valdemar 1er, en tant que reine de France, on se souvient qu’il fut assez particulier puisque, dès le lendemain de la nuit de noces, le roi Philippe Auguste la rejeta et s’employa, dés lors, à faire annuler ce mariage. A ce jour, le mystère reste entier sur ce qui survint, cette nuit-là, dans la chambrée royale et les historiens s’y sont perdus en conjectures, sans que l’on puisse rien avérer.
Suite à son rejet par le roi, la jeune danoise qui n’a alors que 18 ans cherchera et obtiendra l’appui du pape et de Rome contre l’annulation du mariage. Le roi lui fera payer puisqu’il lui imposera une errance de plus de vingt ans, en la tenant recluse ou prisonnière dans divers monastères et forteresses royales. Il surseoira même à l’interdiction du pape en finissant par se remarier, même s’il n’eut jamais gain de cause face à l’Eglise. Quatre conciles se prononcèrent, en effet, en défaveur de l’annulation et rien ne fit jamais fléchir Rome, ni la détermination de Ingeburge à maintenir son honneur sauf et à défendre son statut de reine de France.
Vingt ans après, à la mort de sa troisième et illégitime épouse aux yeux de Rome, Agnès de Méran, Philippe-Auguste réhabilitera la noble danoise sur le trône, comme il l’avait répudié, sans aucune explication. Elle aura, entre temps, subi ses foudres pendant de longues années, de sévices psychologiques en humiliation, pour une raison encore, à ce jour, inconnue, comme nous le disions plus haut.
Concernant la réhabilitation tardive d’Ingeburge, elle fut à l’évidence plus le fruit de calculs et de manoeuvres politiques en vue d’alliance de la part de Philippe-Auguste que dénotant d’une quelconque volonté d’expiation face au sort qu’il avait réservé à la jeune femme. La stratégie fut vaine puisqu’il n’obtint rien des danois face aux anglais, mais la reine y gagna au moins sa liberté.
Une décennie plus tard, à la mort du roi, ce dernier tint, dans son testament, à que soit rendue à la reine, la dot de 10 000 marcs d’argent qu’il avait « injustement » perçue, à l’occasion de ce mariage; cette volonté inexpliquée d’effacer totalement cette union sera restée implacable jusqu’au bout. Après la mort de Philippe Auguste, Ingeburge fut reçu avec tous les égards de son rang par Blanche de Castille et le nouveau roi Louis VIII, elle put alors se consacrer à ses « oeuvres », jusqu’à 1238, date de sa mort.
omposé de 197 feuillets, ce manuscrit, riche en illustrations et enluminures, se trouve conservé au musée de Condé à Chantilly. A la faveur du week end de Pâques, nous en partageons ici quelques unes liées à cette fête religieuse. En plus du psautier et de ses enluminures, le manuscrit comprend aussi un calendrier décoré, ainsi que plus de cinquante peintures et encore d’autres prières et oraisons.
La reine Ingeburge y a fait écrire les dates de la mort de ses parents, ainsi que celle de la bataille de Bouvines qui consacrait la victoire de Philippe-Auguste, mais aussi la fin de sa période de souffrances et de réclusion.
Après la mort de cette dernière, le manuscrit resta attaché à la maison royale et il comporte une mention qui atteste qu’il aurait appartenu par la suite au roi Louis IX, Saint louis. Il fut d’ailleurs conservé dans le courant du XIVe siècle au château de Vincennes comme une relique de ce dernier roi.
Après le XIVe siècle, pour une raison inconnue, le manuscrit partit en périple jusqu’en Angleterre où il demeura jusqu’au milieu du XVIIe, date à laquelle il revint finalement en France. Une mention ajoutée par un faussaire sur le manuscrit tentait d’expliquer les raisons de ce passage en Angleterre mais ses affirmations ont été démontées depuis la fin du XIXe siècle, notamment par l’historien Léopold Delisle.
Après avoir été la possession de plusieurs familles ou collectionneurs, ce psautier fait partie désormais de la collection du Musée de Condé. Outre le fait qu’il est passé dans les mains de grands personnages historiques, il demeure un précieux témoin de l’art légué par les ateliers d’enluminures des débuts du XIIIe siècle.
En vous souhaitant une belle journée et de joyeuses pâques !
Fred
Pour moyeagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : enluminures, miniatures, manuscrit ancien, ancien testament, bible, monde médiéval,
Période : moyen-âge central, XIIIe
Titre : Bible de Maciejowsky, Morgan Bible, la Bible des croisés
Référence manuscrit : Ms M. 638
Conservation : Pierpont Morgan library (New York)
Bonjour à tous,
ujourd’hui nous mettons le nez dans les vieux livres en provenance du monde médiéval, pour vous parler d’un des plus prestigieux d’entre eux. Ce manuscrit ancien, encore exceptionnellement bien conservé à ce jour, est connu sous la référence de Ms M 638, mais aussi sous de nombreux autres noms: Bible de Maciejowski ou Maciejowsky, Bible de Morgan, Bible de Shah Abbas ou encore bible des croisés.
Datant du XIIIe siècle, cette Bible de Maciejowski est considérée comme un des plus grand témoin de l’excellence artistique française du moyen-âge central, en terme d’enluminures et notamment en terme d’art gothique. L’ouvrage a ceci de précieux qu’il contient, en effet, de nombreuses miniatures de qualité exceptionnelle. Comme son nom l’indique, il puise ses origines dans la Bible et illustre l’histoire de l’ancien testament, depuis la genèse jusqu’au livre II de Samuel et l’histoire de David et Absalom.
Du point de vue de son contenu, il se compose de 46 feuillets. On y trouve des scènes de batailles et de guerre, des scènes de crimes et de meurtres, mais aussi des scènes de la vie de tous les jours. Et même si son sujet se rapporte à une période biblique supposée bien antérieure à l’époque dont il est contemporain, le soin apporté aux illustrations en font un allié précieux des « reconstituteurs » et historiens quand il s’agit de se représenter fidèlement le XIIIe siècle. Il était, en effet, habituel que face à des sujets anciens ou bibliques, les artisans du monde médiéval se servent pour les illustrer d’éléments qui leur étaient contemporains, faisant même souvent des allusions dans leurs planches à des événements ou faits concrets étant survenus à leur propre époque. Et si ce manuscrit de Maciejowski n’est pas la seule Bible illustrée qui nous soit parvenue du moyen-âge, cette règle ou ce parti-pris artistique semblent se confirmer le plus souvent dans les autres ouvrages de ce type.
On a pensé longtemps que cette bible ancienne avait été commandée par le roi SAINT-LOUIS en personne, mais cette version a été remise en cause depuis par plusieurs historiens qui penchent pour lui attribuer plutôt des origines du côté d’ateliers de Flandres et peut-être même de Bruges (Alliston STONES et Francois AVRIL). Il reste donc difficile de faire le tri quand on sait encore que d’autres experts soutiennent que ces illustrations seraient le fruit de différents artistes d’ateliers parisiens. Quoiqu’il en soit, le manuscrit semble en tout cas contemporain de la première croisade de Louis IX. Après sa création, les périples qui l’ont conduit à son lieu actuel nous sont plus connus. Ils pourraient presque, à eux-seuls, fournir le prétexte d’un roman tant l’ouvrage a voyagé à travers les siècles.
Parti de France pour l’Italie et la cour de Naples, autour de 1300, il y demeurera quelques temps mais on le retrouvera bientôt en Pologne, où il demeurera, jusqu’à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. A la fin de cette période polonaises, on retrouve le manuscrit ancien dans les mains du cardinal Bernard MACIEJOWSKI ou Maciejowsky, (1548-1610) évêque de Cracovie (portrait ci-dessus) qui donnera au manuscrit le nom sous lequel on le connait le plus souvent, aujourd’hui. Il semble que c’est un peu avant sa mort, qu’il fera présent de la Bible au chah Iranien Abbas Ier le Grand, (Shah Abbas the great), roi de perse en 1608. C’est d’ailleurs un des autres noms qu’on connait à l’ouvrage la Bible de Shah Abbas. Comme les italiens l’avaient faits, les perses annoteront alors le manuscrit de leurs interprétations, en marge des illustrations.
Deux cents ans plus tard, nous sommes en 1800, le manuscrit sera vendu à un collectionneur égyptien. Dans le siècle qui suivra, il passera encore dans les mains de quelques collectionneurs pour finalement être racheté en 1916 par le fondateur de la bibliothèque dans lequel il se trouve encore aujourd’hui conservé: John PIERPONT MORGAN, qui, à son tour, donna à l’ouvrage un de ses autres noms connus: the Morgan Bible. A noter que si l’ensemble du manuscrit se trouve à New york et dans cette bibliothèque, trois autres de ces feuillets sont conservés en deux autres endroits: deux se trouvent à la Bibliothèque nationale de France, et un autre au J. Paul Getty Museum de Los Angeles.
En 1969, Cockerell, Sydney C, directeur du Musée Fitzwilliam à Cambridge. et John Plummer, décidaient de proposer au grand public, une édition de la bible ancienne en grand format, réunissant une quantité importantes d’enluminures et de miniatures en provenance du manuscrit M 638. Y seront adjoints aussi des dessins et reproductions du designer Emery Walker et cet ouvrage portera le titre de « Old testament Miniatures ».
On trouve plusieurs versions du livre mentionné ci dessus à la vente mais pour qui ne peut ou ne veut se fendre d’une centaine d’euros, voir même de trois à quatre fois plus, en fonction de l’état de l’ouvrage, pour l’acquérir, il reste d’autres options. Côte version papier, il existe une autre version plus récente de l’ouvrage, datant de 1998 et réimprimée en Suisse, ayant pour titre : « The morgan crusader bible : The picture Bible of Saint-Louis ». Nous ne pouvons pas préjuger ici de la facilité à le débusquer mais nous le mentionnons tout de même.
Pour le reste et si vous savez vous en contenter, on peut en cherchant un peu accéder à plusieurs versions digitalisées sur le web. Après avoir fait un tour de la question, il semble qu’une des meilleures version se trouve ici : Version digitale de la bible de Maciejowski
C’est d’ailleurs dont nous nous sommes servis pour vous présenter les illustrations de cet article. Comme vous l’imaginez sûrement, nous les avons retouchées quelque peu pour mieux les mettre en valeur et leur donner plus de profondeur. Au delà du fait qu’elles ont près de huit cent ans, leur grand niveau de détails et leur qualité sont véritablement remarquables et l’on comprend bien le plaisir véritable qu’il y a aurait à en posséder une version papier et grand format.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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